La prestation de Felipe faisait son petit effet. Déjà, des gens – pas très nombreux, certes – s’arrêtaient pour l’admirer. Eh, c’est qu’il avait des choses à offrir ! Son orchestre n’était pas très impressionnant, mais il jouait bien. La guitare volait à quelques centimètres et dodelinait avec nonchalance. Elle accompagnait parfaitement le chant délicat de la flûte de Pan. Et les mouvements de l’espagnol suivaient le rythme, peut-être d’une façon un peu trop lascive mais pas désagréable...
Il avait souvent pratiqué la danse, dans le temps. À Poudlard le plus souvent. Mais pas pour de l’argent, bien entendu. En ce temps-là, il ne manquait de rien ; sa famille subvenait encore à ses besoins. C’était le bon temps. Désormais, s’il devait retourner au château, ce serait pour mendier un peu de nourriture, de l’argent, une chambre aussi, peut-être. Mais pour tout ça, il lui faudrait travailler à plein temps, et il ne se voyait pas faire quoi que ce soit d’utile là-bas.
Enfin, il n’était plus temps de penser à ça. Felipe travaillait en ce moment même. D’ailleurs, il lui semblait que quelques personnes envisageaient déjà de lui donner un peu d’argent. C’était sûrement le début de la richesse – oh, si seulement ça l’était ! Il ne savait pas encore quoi faire pour vivre, mais l’idée de danser et de jouer de la musique tous les jours avait de quoi le séduire.
Tout enivré à l’idée de s’enrichir grâce à l’une de ses passions, Felipe se mit à bondir en tous sens. Le chant de la flûte s’intensifia, accompagnant chacun de ses sauts d’une note plus aigüe. Oh, il voulait danser, chanter, rire... Et ses spectateurs aussi ! Plusieurs personnes tapaient dans leurs mains, et commençaient même à se mouvoir en rythme. Pour un artiste, cela représentait déjà une victoire.
Et puis, il remarqua la jeune femme. Elle faisait partie de ceux qui avaient dansé sur sa musique – elle avait donc vraisemblablement de très bons goûts musicaux. Bref, cette jeune femme, donc, Felipe la remarqua. Après s’être penchée sur son accordéon inerte – quel dommage que le sortilège n’ait pas bien fonctionné, tout de même... – elle s’approcha de quelques pas et déposa deux pièces aux pieds de l’espagnol. Il ne savait pas bien ce qu’elle pouvait bien vouloir à son instrument, mais cela ne lui importait pas vraiment. Il venait de gagner de l’argent, après tout !
- Muchas gracias ! lui dit-il entre deux sons de flûte.
Cette petite était charmante, et jeune en plus de cela ! C’était une bonne chose. En règle générale, les jeunes avaient davantage d’énergie à revendre que les moins jeunes. Peut-être l’espagnol pouvait-il tenter sa chance pour offrir un spectacle encore plus vivant ?
Il balança sa flûte de Pan jusqu’à son accordéon (peut-être n’était-ce qu’une impression mais, pour une obscure raison, son instrument lui semblait différent...). D’un coup de baguette, il demanda à sa guitare un air encore plus entraînant, puis il se retourna vers la jeune femme.
- Vous êtes bien aimable, señorita. Voudriez-vous m’accorder cette danse ?
Il lui tendit ensuite la main, non sans lui avoir fait une courbette des plus originales. Allait-elle accepter son incroyable proposition ?