Femme
14 ans
Sang-mêlé
Française

Administration






Identité
-
- Troisième année
- Surnoms : Bee, Bebulle
- Nationalité : Française
Capacités & Statuts
Groupes

Message publié le 06/08/2025 à 01:30
L’air est froid. Il mord, il pique, il rentre dans les poumons et me donne l’impression d’être une cheminée vivante. J’inspire fort, je souffle et regarde si j’arrive à faire autant de vapeur qu’un dragon.
Déception. Monde cruel.
Juste une pauvre brume insignifiante. Rien qui puisse impressionner qui que ce soit.
Je recommence. Plus fort. J’essaye d’imaginer qu’il y a du feu dedans. Un incendie minuscule qui crépite sous ma langue, prêt à s’échapper à la moindre inspiration un peu trop grande. Si je m’applique, peut-être que… Non. Toujours pas. Juste de la buée. Un pauvre souffle glacé, perdu dans l’immensité de ce matin d’hiver.
Le destin est injuste !
Dylan, à côté de moi, a l’air morte à l’intérieur. Elle a toujours l’air morte à l’intérieur.
Son écharpe est enroulée trop serré autour de son cou, comme si elle voulait se cacher du monde. Bref. Moi, j’ai laissé la mienne flotter, libre, parce que je suis une aventurière et que les aventuriers ne craignent pas la pneumonie !
Je saute sur un pavé légèrement surélevé, glisse sur la neige tassée et me rattrape de justesse à la manche de ma sœur.
Un équilibre parfait.
J’aurais été une funambule extraordinaire. Tu vas tomber. Je l’imite d’une voix plus grave, plus morne. Tu vas tomber. Elle ne réagit pas. Toujours pas drôle. On s’ennuie avec elle.
Je veux que quelque chose se passe. Non, il faut que quelque chose se passe. Maintenant !
Alors j’accélère, bondit devant elle et me mets à marcher à reculons, les bras ouverts. Si quelqu’un me rentre dedans, ce sera un accident artistique.
Je jette un coup d’œil vers le ciel. Pas d’oiseau dramatique pour compléter l’esthétique de la scène. Encore une déception.
J’aurais adoré vivre à Pré-au-Lard, plutôt que Londres ! Dylan lève un sourcil, on dirait qu’il va se détacher de son front. T’aimerais vivre n’importe où du moment que t’as pas à suivre des règles. Je lui lance un regard accusat…eur ? Faux ! J’aimerais vivre dans un manoir hanté, avec des chandelles flottantes et une tapisserie qui murmure des secrets la nuit. Elle inspire si fort, comme si elle voulait exploser. Un peu comme Poudlard, donc. Je lui rigole au nez. Exactement, mais sans les cours. Elle ne répond rien.
Je suis persuadée qu’elle rêve d’une vie où on n’aurait pas à se parler.
Malgré tout, Londres, c’est vrai que ça reste bien vivant à cette heure-ci quand même. Les gens marchent en petits groupes, emmitouflés dans leurs manteaux trop épais, leurs bonnets trop serrés. Ils ressemblent à des pelotes de laine animées.
Moi, je ne porte pas de bonnet. Je refuse d’emprisonner mes pensées !
C’est comme pour les gants.
Les gants sont une hérésie !
Une camisole qui empêche chaque phalange de respirer, d’exister, de bouger librement.
Mes doigts doivent être libres. Ils parlent quand je parle, s’agitent avec moi, dessinent des formes dans l’air, tordent mes écharpes, attrapent des bouts de tissu au passage.
Mes doigts sont vivants ! V.I.V.A.N.T.S !
Comment est-ce que les autres supportent de les enfermer dans des moufles ridicules, rendant leurs mains inutilisables, comme des pattes de pingouin ?
Une main prisonnière est une main inutile.
Je croise une bande de jeunes, agglutinés comme une portée de chiots dans une cour de ferme. Ils ont l’air heureux. Les moldus sont étranges. Qui peut être heureux par ce froid, avec des bottes pleines de gadoue, de neige et une vie sans magie. Ils sont si étranges eux.
Je passe devant une boutique. L’odeur m’attrape. Cannelle, miel, beurre fondu. Parfait. J’arrête net, tourne sur moi-même. Quelqu’un me rentre dedans. Oh. Je ne réagis pas tout de suite. Mon cerveau est déjà parti ailleurs. La vitrine de la boulangerie me fixe. Elle veut me dire quelque chose. C’est marrant. On dit vitrine, mais on ne dit pas vitron pour une porte en verre. Dylan soupire, si fort que je jurerais qu’elle essaye de m’éteindre avec sa lassitude. Pourquoi personne n’a jamais tenté de manger une vitrine pour voir si elle a le goût de ce qu’elle expose ? Elle me regarde comme si je ressemblais à un lama. Parce qu’ils ont un cerveau en état de marche ? Je fronce le nez. T’es pas obligé de me casser mes théories, tu sais. Dylan a déjà recommencé à marcher. Je la rattrape en trois bonds. La boulangerie, ce sera pour plus tard. J’ai d’autres projets.
Un magasin de farces et attrapes moldue. Son nom est ridicule : Chez Archie – Spécialiste en bêtises depuis 1984. Ça sonne faux. Comme si Archie n’existait même pas et que quelqu’un l’avait inventé pour donner un nom à cette boutique.
La vitrine est une explosion visuelle. Des masques de monstres, des fausses merdes, des bonbons au goût douteux nommé Borborygme, des fausses cigarettes qui dégagent une fumée blanche artificielle. Des trucs basiques, mais fascinants. Je pousse la porte. Un carillon sonne un ding faiblard, fatigué d’exister. À l’intérieur, ça sent le plastique et le caoutchouc. Les rayons sont serrés, un peu trop, comme si le propriétaire avait voulu entasser tout le chaos du monde dans un espace trop petit. Ça me plaît !
Je me jette sur le premier rayon. Des coussins péteurs. Un classique. Mais les Moldus sont nuls. Ils en font des roses, des violets, des brillants, comme si un coussin péteur devait être mignon. C’est une insulte au concept. Dylan regarde autour d’elle comme si elle voulait être n’importe où sauf ici. Si je mets un bonbon au goût de savon dans le thé de Monsieur Poop, est-ce que ça compte comme une attaque sournoise ou comme une expérience sociale ? Elle ne me répond pas. Lâche. J’attrape une boîte avec une araignée mécanique qui saute quand on l’ouvre. Imagine une boîte comme ça, mais avec un Boursouflet dressé pour bondir sur le visage des gens. Elle grogne déjà. Imagine moi qui pars et qui te laisse seule avec tes idées. Je la fixe. Elle me fixe. Duel de regard. Et bah ça me ferait une mauvaise rémanence de la dernière fois. Elle lève un sourcil. Le mot que tu voulais utiliser c’est réminiscence non ? Enfin bref, c’est pas comme si tu savais ce que ça voulait dire, ni comment vraiment l'utiliser. M’en fous. Elle a bougé.
C’est moi qui gagne.
Je repose l’araignée et tombe sur une pile de faux billets. L’étiquette dit Gagnez au Monopoly comme un tricheur ! C’est pathétique. Pourquoi tricher alors qu’on peut le brûler et refuser de jouer ? J’attrape un faux paquet de chewing-gum électrique. Je vais le tester sur Adam. Sûr. Dylan regarde sa montre. Elle en a marre. Je prends un masque de vieillard ridé et l’enfile en une seconde. Appelle-moi Monsieur Brooks ! Elle ne réagit même plus. Son âme a quitté son corps.
Je vais acheter tout ce que mes poches peuvent contenir. La boutique moldue est une blague, mais les bêtises restent des bêtises. J’attrape un dernier article, le plus inutile que je puisse trouver. Regarde, je vais acheter ça. Dylan ferme les yeux une seconde, comme si elle implorait la patience des cieux. Tu sais au moins ce que c’est ? Je secoue la boîte. Aucune idée. Mais c’est pas ça qui compte. Je le balance dans mes bras déjà pleins d’objets inutiles. Si je rentre et que j’ai pas au moins une heure de retenue avec tout ça, c’est que j’ai raté ma journée.
Dylan se frotte les yeux comme une femme usée par le destin.
Je souris. Elle adore ça.
Je dépose tout mon trésor sur le comptoir, bien décidée à faire de cette sortie un chef-d’œuvre.
Parce que c’est forcément un chef-d’œuvre.