Ça fait chier qu'ils disent tous. C'est pas faux hein, ça fait chier, m'enfin. Ça fait du temps libre, on va pas s'mentir. Quoi que le capitaine a visiblement décidé que les entrainements seraient pas facultatifs, coupe ou pas coupe. Jimmy s'en plaint pas, les entrainements c'est encore ce qu'il préfère. Il a jamais été très porté compétition en revanche. L'un dans l'autre, on peut dire ça l'arrange un peu que y ait plus que ça dans le planning. Voler avec les copains sans la pression d'un match sur les épaules ça change un peu tout. Alors depuis la rentrée, il est pas bien malheureux. C'est ce que Jimmy contemple du haut de la tour, ses jambes en pendant passées entre les barreaux, alors que ses yeux trainent paresseusement sur le terrain de Quidditch tout en bas.
- Jimmy Boi !
- C'est là qu'tu t'planquais ?!
- T'fous quoi ?
Jimmy se retourne, son crâne couvert d'un bonnet à visière tissé dans une laine verte un peu sordide. Il a des yeux comme deux têtes d'épingles, et un sourire qui se dessine déjà sur la gueule à la vue des équipiers qui viennent s'entasser autour de lui dans un brouhaha bien à eux. La tour est accessible un peu tout le temps, pour un peu qu'on y fasse pas de connerie. L'immense terrasse enchantée pour prémunir les élèves de risquer tomber dans le vide. La barrière magique leur accorde de se pencher suffisamment pour voir le pied du château, mais si un élève venait à perdre l'équilibre, il serait immédiatement rétracté vers l'arrière avec une force monstre. Un passe-temps comme un autre quand on était en quête d'adrénaline. Chose que Jimmy ne recherchait pas, par ailleurs.
La conversation se noue et se dénoue avec le naturel qui convient aux groupes qui ont l'habitude de trainer ensemble depuis longtemps. Leur salle commune à beau se trouver dans le cœur du château, il n'est vraiment pas rare de les trouver tous perchés dans les hauteurs ou trainant quelque part dans le parc dès qu'un pauvre rayon de soleil à fait son apparition. Un symptôme persistant au sein de l'équipe de Quidditch, mais aussi chez quelques autres blaireaux peu désireux de resté blottis dans leur terrier. Les rires agitent leurs silhouettes frêles d'adolescents, et bientôt c'est le ventre de Balt qui gronde et qui les emporte tous vers les escaliers. Les mains dans les poches, sa cravate nonchalamment passé d'un côté et d'un autre de son cou sans qu'il ait même fait mine de vouloir la nouer, Jimmy suit le mouvement en continuant d'écouter les anecdotes qui continuent de fuser.
- Z'avez entendu pour Ryder ? L'a r'joint les Catapultes et tout ?
- Naaaaan, c'est pas des conneries ?
- Vrai d'vrai, c'est dans la gazette et tout hein.
- P'tain dinguerie. Il est même pas si bon qu'ça.
- Raconte pas d'connerie Bilbo.
- Jim ?
- Huh ?
- T'viendras réviser avec nous pour l'exam de Brooks après l'dèj ?
- Nah.
- Lâcheur.
- T'seras à l'entrainement après hein ? Mac a réservé l'terrain et tout.
- Ouais ouais t'inquiète !
La troupe s'installe parmi le reste d'une foule de plus en plus opaque. Des poings sont tapés l'un contre l'autre, des sourires échangés, les dernières rumeurs balancés par-dessus la table alors que la nourriture apparait dans les assiettes avec une ponctualité pratiquement religieuse. Pis c'est l'heure du courrier, et Jim est assez surpris de voir débouler un grand duc de l'école juste devant lui. Devant sa gueule ahurie, Glenn lui fout un coup de coude et chope l'enveloppe pour lui donner. C'est de William, ou en tous cas c'est ce qui est inscrit sur la face du bordel. Le sourire qu'il a sur la gueule en début de lecture tarde pourtant pas à s'effacer complètement, et il reste comme un con à juste mater les lignes qu'il a sous les yeux sans plus réagir. Personne remarque, d'abord, jusqu'à ce que Glenn le zieute de nouveau et n'attire l'attention sur lui en l'appelant plusieurs fois.
- Huh ? Nah c'mon frère.
- Mais ça va mec ?
- Ouais ouais. Fin nan. Fin chais pas. Faut j'y aille ok ?
- Quoi genre grave ? Jim !
Il répond pas, la lettre en main, quitte la Grande Salle d'un pas un peu étrange avant d'aller s'assoir dans les marches du hall, la lettre entre les mains. Il part, qu'il dit. À l'étranger, pour quelques mois Jimmy. Il sera pas là pour noël, tout ça. C'est pas si grave en soit, c'est pas jamais arrivé que Jimmy passe noël à Poudlard. Mais c'est jamais arrivé que son frère parte quelques mois. Les sourcils froncés, il relit encore et encore le bout de papier en se disant que doit y avoir une vraie explication qu'il a raté, mais y a rien. Juste l'information qu'il part, et c'est tout. Il est pas bien sûr d'aimer ça. Faut qu'il réponde. Qu'il demande. Mais il a pas l'courage, parce que ça se trouve il va pas aimer la réponse. Alors il reste planté là dans les marches comme un crétin, finit par ranger la lettre à sa poche pour se mettre en route. Vers le parc.
Ses doigts tardent pas à se mettre à rouler le tabac dans un papier à cigarette, agrémenté de quelques miettes de la tête planquée là depuis déjà plusieurs jours, et il se dirige presque par réflexe vers les serres.