Il existe bien des raisons pour lesquelles Freya peut mettre Elliot en état d'arrestation à son tour, et sans attendre. Par exemple, sa façon d'être trop à l'aise, partout, tout de le temps, même alors qu'il incendie son hôte d'un simple chuchotement. Délit de charme, c'est dit. Elle l'accuserait volontiers d'avoir volé ses pensées dernièrement aussi, avec sa façon obsessionnelle de revenir dans sa tête, encore et encore, depuis leurs retrouvailles à Cardiff. Bien sûr, la sorcière s'est refait la partie de fléchettes improvisée mille fois, analysant le moindre geste et les paroles du sportif à son attention. Bien sûr, elle a détesté se rendre compte qu'elle est toujours amoureuse d'Elliot Blackburn, et qu'il faudrait enterrer ce sentiment au plus profond de ses entrailles, pour la survie d'Owen Carter Quidditch et sa propre santé mentale.
— Agent Brutcell, devine-t-elle immédiatement, rouge tomate, avant de couper son visiteur dans ses élans comiques en l'immobilisant. Attends, j'ai des pierres de runes anti-intrusion, bouge pas, prévient Freya qui commence à informuler des sortilèges en tournant autour d'Elliot afin de le rendre imperméable aux enchantements des artefacts. Elle porte son pantalon cargo habituel, kaki, et un pull beige difforme. Ça lui a pris 2 minutes ce matin de décider que puisqu'elle était bien décidée à résister au magnétisme de son ancien petit-ami, elle ne ferait aucun effort particulier pour "être fraîche" - dirait Alison. Allez viens.
L'excitation frappe ses artères et fige le sang derrière ses pommettes alors qu'Elliot Blackburn en personne se trouve dans l'arrière-boutique de son magasin ; un endroit qu'elle chérit particulièrement. Une douce odeur de bois ancien, de cuir et de cire magique flotte sous leurs narines, que la sorcière ne sent plus. Comme beaucoup de bâtiments à Pré-Au-Lard, le local qui sert aussi d'habitation comporte de nombreux sortilèges d’agrandissement pour donner de l'espace aux clients, à l'équipe, mais aussi à la famille. Les Carter résident sur deux étages et un grenier étriqué, vendent au rez-de-chaussé, et travaillent à moitié derrière le magasin et à moitié en sous-sol.
— Ici le stock et le salon de repos, désigne la jeune femme devant l'étalage de balais et matériel magique qui surplombe un canapé confortable. Plusieurs affiches placardées au plafond retracent la carrière d'Owen Carter au fil de ses équipes, même si le sorcier manque sur la plupart d'entre elles aujourd'hui. Le portait du poursuiveur des années 2110 sourit à Elliot, puis pointe du doigt la table basse décorée d'une centaine d'anciennes cartes de Quidditch à collectionner, avant de disparaître vers le ciel sur son balai. Cette porte, c'est l'accès au magasin. Freya jette un œil à l'horloge enchantée qui fredonne soudain "N’oubliez pas de tester le sortilège anti-dérapage des repose-pieds du OCQ500 ! Personne ne veut glisser en pleine finale !". Elle sourit.
— Comme tu peux le voir, on est tous concernés par le nouveau modèle, y compris le mobilier. De l'autre côté, un petit escalier mène à une modeste poste dont le grincement ne tarde pas à retentir quand une fille de treize ans l'ouvre pour faire son apparition. Bonjour Elliot ! s'exclame joyeusement Charlie Carter, tout droit échappée du quartier familial où elle passe le week-end en compagnie de sa grande sœur Freya. Vêtue d'une cape de pyjama en matière duveteuse et les pieds nus, elle avance vers le brun qu'elle n'a pas revu depuis ses 7 ans. Tu viens prendre les photos ?
— Pas aujourd'hui Chacha. Elliot, tu t'souviens de ma dernière sœur Charlie ? L'aînée passe un bras autour de l'épaule de sa benjamine qui semble démêler des bijoux pris à son poignet. J't'ai fait un bracelet aux couleurs des Catapultes, annonce-t-elle en extirpant une breloque de perles verte et rouge des autres pour la tendre à Elliot. La ressemblance entre Charlie et Freya au même âge n'échappera pas au Gryffondor, pas moins que leurs proches restent souvent cois face à la version miniature de la jeune femme.
— J'en ai fait un pour Spike Rider aussi. Il est dans la classe de ma sœur Alison, elle lui donnera.
— T'as pas des prunes dirigeables à cueillir toi ?
— Si. Mais tu peux réchauffer ma cape s'te plaît ?
— Attends. Et mets des chaussures aussi, ça pourra aider à pas avoir froid.
— Mais j'adore marcher pieds-nus au jardin ! Bye bye Elliot ! s'écrie la pré-adolescente qui disparaît joyeusement derrière la porte après que sa grande sœur ait ensorcelé le tissu de sa tenue pour la réchauffer. Freya se tourne vers Elliot, un sourire doux aux lèvres, qu'elle censure en montrant un dernier accès, barricadé d'une pancarte. En bas, le labo, et ici, derrière toi, l'espace de réparation ou de préparation. Dans le dos du sorcier, un établi s'étale, équipé d'outils et de fioles de vernis magiques soigneusement rangés sur les étagères du mur. Certaines brosses patientent en nettoyant leurs propres manches tandis que d'autres semblent profondément endormies. Une pince s'ajuste elle-même en silence, et plusieurs lanternes flottent au-dessus de la table, lui donnant une atmosphère studieuse.
— Bon, c'qui t’intéresse est en bas. T'as signé le contrat de confidentialité ? Elle sourit.