Poudlard Le Château Les Cachots [Terminé] A l'Est rien de nouveau
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Sasha Shevchen , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Sasha bouscula un élève, puis un autre, tenant la pochette serré contre sa poitrine. Le souffle court, il détalait à toute allure. Ses jambes avalèrent, quatre à quatre, les escaliers qui conduisaient au rez-de-chaussée, puis ses baskets crissèrent au sol tandis qu'il dérapait vers la sortie.

Un grand saut pour passer les dernières marches qui amenaient au parc, et il atterrit dans les gravillons en faisant peur à une nuée de pigeons ainsi qu'un autre groupe d'élèves. Dehors, un vent désagréable cingla son visage, mais Sasha ne ralentit pas pour autant. Il changeait irrégulièrement de direction, pour éviter un sort qui aurait pu le mettre à terre - car cette garce l'avait poursuivi jusqu'ici.

 

Sur le moment, il avait cru qu'elle abandonnerait, mais les insultes pleuvant dans son dos lui avaient indiqué le contraire, à sa grande surprise. Après tout, ce n'étaient que de simples numéros d'un journal dont les autres Russes avaient certainement la copie, qu'il avait volé. Pourquoi s'acharnait-elle autant, sinon pour le plaisir de se faire la peau d'un Ukrainien ? Il ne pouvait pas lui en vouloir ; si un Russe lui en avait fait autant, il se serait peut-être battu avec la même hargne.

 

Sasha emprunta un sentier entre deux bosquets - il se rapprochait dangereusement de la Forêt Interdite, mais il en avait bien moins peur que les autres élèves. Anya Nikitovna oserait-elle le suivre dans un environnement si imprévisible ? Ils en étaient encore à une cinquantaine de mètres toutefois, au moins.

Sur un tronc à sa gauche éclata soudain un morceau d'écorce percuté par un sortilège, et Sasha eut un hoquet de stupeur. Par réflexe, il fit un détour dans la direction opposée. Ses jambes le portaient par cette espèce de réflexe automatique de la fuite, l'adrénaline faisant battre à ses tempes un flot de sang ravageur - et étrangement, c'était à la fois terrassant et bon.

 

Mais il ne pouvait pas se permettre de perdre les documents qu'il gardait désormais jalousement contre lui. Il ne voulait pas faire de mal à Anya, au fond : elle n'avait pas elle-même participé à la guerre, elle en était bien trop loin, comme une bonne petite fille Russe tenue loin du combat. Elle l'avait dit elle-même. En revanche, ce qu'elle détenait était beaucoup trop important pour lui - et si son pays lui envoyait de l'argent, elle n'aurait qu'à se payer une deuxième édition du dernier numéro si elle y tenait tant.

Alors, dès qu'il passa devant le gros tas de bûches de bois que conservait près du bosquet le garde-chasse, Sasha osa un instant ralentir et se retourner.

 

- Padasno ! s'écria Sasha - la version slave du sortilège de Descente.

 

De sa baguette jaillit un rapide trait bleu qui vint percuter la montagne de bois. Celle-ci s'écroula à moitié, les bûches roulant subitement entre Sasha et Anya pour entraver la course de cette dernière. Ce n'était certes pas suffisant pour blesser la Russe, mais cela faisait gagner quelques précieuses secondes à Sasha maintenant qu'elle devait ralentir et contourner cet obstacle.


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Sasha Shevchen a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Descendo (Sortilège de Descente)

Difficulté du sortilège : 6

Modificateur de baguette : + 1

Résultat du dé : 6 (4+2)

Réussite :

- Padasno ! s'écria Sasha - la version slave du sortilège de Descente.

 

De sa baguette jaillit un rapide trait bleu qui vint percuter la montagne de bois. Celle-ci s'écroula à moitié, les bûches roulant subitement entre Sasha et Anya pour entraver la course de cette dernière. Ce n'était certes pas suffisant pour blesser la Russe, mais cela faisait gagner quelques précieuses secondes à Sasha maintenant qu'elle devait ralentir et contourner cet obstacle.

Autres résultats possibles
Réussite critique :

- Padasno ! s'écria Sasha - la version slave du sortilège de Descente.

 

De sa baguette jaillit un rapide trait bleu qui vint percuter la montagne de bois. Celle-ci s'éboula de façon spectaculaire, avec un bruit tapageur tandis que les bûches se mirent toutes à rouler et débouler... entravant directement les pas d'Anya qui arrivait précisément à cet endroit-là, la déséquilibrant catastrophiquement. Cette distraction était bien suffisante pour offrir toute latitude à Sasha de poursuivre sa course pour enfin disparaître dans la Forêt...




Échec :

- Padasno ! s'écria Sasha - la version slave du sortilège de Descente.

 

De sa baguette jaillit un rapide trait bleu qui passa de près du tas de bois sans malheureusement le toucher. Le sortilège alla frapper un arbre non loin qui ne perdit que quelques morceaux d'écorce, pitoyablement.

Sasha n'attendit pas et se remit à courir. 




Échec critique :

- Padas... avait commencé à s'écrier Sasha, esquissant deux pas en arrière. 

 

Mais il ne put terminer. Sa chaussure s'était accrochée à la racine mouvante d'un tronc facétieux aux abords de la Forêt, et au lieu de lancer un sortilège, le garçon s'écroula sur le dos avec un hoquet de douleur... Un contre-temps qui permettait bien sûr à Anya de le rattraper.





Anya Nikitovna , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Un nouveau juron lui déborda des lèvres alors que la réserve du garde-chasse lui coupait brutalement la route. Le temps qu'elle mit à contourner le problème, Sasha Shevchen avait disparu.

 

Maksim Nikitovitch avait enseigné à ses deux enfants l'art de la chasse. Il les emmené de nombreuses fois dans les profondeurs de forêts épaisses, loin de la ferveur urbaine de Moscou, et ils avaient occasionnellement campés plusieurs jours de rang, à se raconter des histoires au coin du feu. Jamais Mara ne manquait de rappeler à son époux comme Anya n'avait guère sa place dans ce genre d'activité, mais c'était bien la seule chose que Maksim ne concédait pas à sa femme. Traditionnaliste dans l'âme, il estimait que sa fille devait malgré tout être tout aussi capable de se défendre que de survivre en pleine nature.

 

Alors la jeune russe était armée d'autant de patience et de ruse lorsqu'il s'agissait de débusquer un gibier.


Les minutes s'écoulèrent. De sa furie ne persistèrent que quelques pointes orangées dont elle ne se formalisait plus depuis longtemps. Ses iris avaient repris leur teinte sombre originelle. Baguette en main, elle avait ralenti le pas jusque se faire complètement silencieuse, épiant chaque mouvement de branche, tournant la tête au moindre craquement. La furtivité dont elle faisait preuve restreignait l'ukrainien à faire de même, où qu'il soit. Ils s'étaient enfoncés assez loin entre des troncs de plus en plus épais. Elle estimait avoir dépassé les frontières du domaine de Poudlard depuis un petit moment, et il n'y avait plus autour d'eux la moindre barrière pour leur donner même la vague impression d'être encore sur le territoire de l'école.

 

Ils ne devaient sans doute leur immunité ponctuelle qu'à l'absence du garde-chasse, en mission à l'extérieur de Poudlard depuis déjà plusieurs jours.

Anya ne lâcherait rien sans avoir trouvé Sasha. Il détenait les seuls souvenirs qu'elle avait pu emmener de sa maison. Les derniers vestiges de sa famille. Il avait sans le savoir dévalisé les seuls objets de valeur qu'elle possédait, et pour ça elle ne lui pardonnerait jamais. Ne se pardonnait pas, déjà, de n'avoir pas pensé à les séparer des journaux dès qu'ils avaient commencé à se voir régulièrement pour les lire ensemble. Idiote. Son pas mesuré arpentait une mousse humide dont sortait parfois quelques insectes énormes qui courraient se réfugier dans le creux de souches dévorées par le temps, ou de roches affaissées à leurs pieds.

 

Des heures passèrent, et Anya maudissait presque que l'on soit un dimanche, et que rien ne force l'ukrainien à s'extirper de sa cachette. Quoi qu'elle était à peu près sûre que même la perspective d'une retenue avec un professeur ne suffirait pas Sasha à se montrer. Il était on-ne-peut-plus déterminé à décortiquer son dernier numéro de l'Unificateur. N'avait-il pas de foutu journal dans son foutu pays ? Devait-il dépendre de nouvelles d'un papier imprimé de l'autre côté de la frontière pour en apprendre plus sur les avancées de ses propres alliés ? Absurde. Il ne voulait que la priver de la seule chose qui la rattachait encore à sa patrie.

 

Ce n'est que tard, très tard dans la journée, qu'Anya consentit à abandonner. Le déjeuner était passé depuis longtemps, et la forêt s'assombrissait tant qu'elle en devenait plus dangereuse à chaque seconde. Il était évident que l'endroit n'était pas interdit pour rien, et elle n'était pas stupide au point de risquer sa vie pour des photographies. Que l'ukrainien crève pour ses précieux articles si ça lui chantait. Depuis un moment déjà, sa chevelure avait recouvré sa noirceur originelle. Elle leva sa baguette dans une direction aléatoire et ne lança qu'un sortilège, espérant que Sasha était là pour la voir, ou au moins l'entendre. Espérant qu'il resterait planqué des heures encore, jusque se faire dévorer par ce qui se terrait dans les alentours, quoi que ce fut.

- Abstergeo.
 

Un arbre prend le sortilège de plein fouet, et se trouve entaillé avec force, comme s'il avait été pourfendu d'une griffe monstrueuse. Une nuée d'oiseaux s'élèvent vers le ciel en pépiant bruyamment, et Anya les observe sombrement.

- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.

 


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Anya Nikitovna a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Abstergeo (Sortilège du Balayage Tranchant)

Difficulté du sortilège : 8

Modificateur de baguette : 0

Résultat du dé : 19 (19+0)

Réussite :

Un arbre prend le sortilège de plein fouet, et se trouve entaillé avec force, comme s'il avait été pourfendu d'une griffe monstrueuse. Une nuée d'oiseaux s'élèvent vers le ciel en pépiant bruyamment, et Anya les observe sombrement.

- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.

Autres résultats possibles
Réussite critique :

Un arbre est scindé en deux, la masse supérieure tombant lourdement sur le sol. Une nuée d'oiseaux s'élèvent vers le ciel en pépiant bruyamment, et Anya les observe sombrement.

- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.




Échec :

Le sortilège s'échoue sur un tronc épais, qui ne frisonne pas même un peu. Anya jure et crache au sol.

- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.




Échec critique :

Le silence pour seul accueil, et les yeux noirs d'Anya se pose sur sa baguette. Elle aurait du prononcer le sort dans sa langue maternelle, sans doute aurait-il eu plus d'effet. Elle jure et crache au sol.

- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.





Sasha Shevchen , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Si une seule chose était sûre, c'était qu'à Poudlard, il n'avait encore jamais rencontré de traqueuse aussi déterminée qu'elle.

 

Sasha n'avait pas eu de mal à la semer au début, persuadé qu'une fois hors de sa vue, il pourrait tranquillement attendre qu'elle s'en allât, mais c'était sans compter sur le refus d'Anya d'abandonner sa proie. Posté dans l'entrelacement des branches d'un énorme chêne sessile, plusieurs fois centenaire, Sasha était longuement resté immobile, la respiration tranquille, comme si ses soupirs s'accordaient avec le vent maintenant qu'il avait pu trouver une position confortable : étendu sur le ventre, la branche soutenant l'ensemble de son corps, la pochette bien coincée entre l'écorce et son buste - quitte à la déformer. Il se fondait si bien dans l'arbre qu'il n'était plus visible, en tout cas pas aux yeux de quelqu'un qui ne s'attendait pas à le trouver là.

 

Le temps s'était écoulé, et il avait fermé les paupières, sans pour autant s'endormir. Il écoutait. Quand les pas d'Anya se rapprochaient, il rouvrait les yeux. De loin, il voyait la silhouette, élégante et déterminée, sertie d'une chevelure brûlante qui ne décolérait pas, déambuler entre les troncs. Il retenait parfois son souffle, quand elle s'approchait un peu. Mais elle perdait systématiquement sa trace - si trace elle avait, ce dont il doutait.

 

Au bout d'un long moment, elle avait disparu de son champ de vision. Elle avait dû s'aventurer plus loin, ou bien était simplement rentrée au château. Alors seulement, il s'était autorisé à se redresser. Ses membres étaient endoloris, et c'était avec un grognement qu'il avait changé de position. Il était revenu vers le tronc, là où la branche à sa base était plus large, pour pouvoir s'asseoir en tailleur et déposer sur ses jambes la pochette. Il l'avait pas mal abîmée : elle était tordue en son centre, comme perforée par endroits de petites entailles rondes, et l'humidité de l'écorce avait laissé quelques traces marrons. Avec précaution, Sasha l'ouvrit, pour mieux découvrir, le coeur battant, le dernier numéro de l'Unificateur.

 

Il l'ausculta longuement. Se résigna à admettre qu'Anya avait raison : il n'y avait rien là-dedans qui indiquât que les Veilleurs eussent réussi une opération spéciale quelconque. Pourtant, presque à la toute fin du numéro, après un reportage sur un groupe de sorcière qui tricotaient des écharpes incrustés de slogans de leur parti politique - les fonds étaient reversés aux blessés de guerre, indiquait le reporter - un petit encart indiquait, avec un titre tapageur : Le Front Magique Unifié a encore frappé ! Un complot déjoué à la frontière !

Sasha se pencha sur l'article, ses yeux dévorant les quelques lignes.

 

 

"Dans une opération spectaculaire menée à l'aube par la Division Obscura, un groupe de sorciers ennemis a été neutralisé alors qu’il préparait un attentat d’une ampleur effroyable près de notre frontière sud. Les suspects, au nombre de cinq, ont été interceptés dans une clairière ensorcelée, dissimulés par un sortilège de Repousse-Moldu, et portaient sur eux une cargaison inquiétante : des potions explosives, des artefacts interdits, et des cartes marquées d’emplacements stratégiques. "Il est clair qu’ils projetaient une attaque visant à semer la terreur chez nous", a déclaré le Ministre de la Magie, Dmitri Volkov, ajoutant que l'opération "a probablement sauvé des centaines de vies". Cet acte de trahison abjecte montre, une fois encore, que nos ennemis n'hésitent pas à franchir des limites innommables. "Nous devons rester unis et vigilants", a insisté le ministre, qui appelle à redoubler de patriotisme face à ces menaces. Les sorciers terroristes ont bien entendu été exécutés.

 

L'Unificateur félicite nos héros et rappelle que tout comportement suspect doit être signalé immédiatement. N’oubliez pas : la sécurité de notre monde dépend de votre vigilance."

 

 

 

Sasha avait senti un enclume tomber au fond de ses entrailles. Ses yeux ne pouvaient plus se détacher du petit encart, minuscule, à côté de la grande photo animée de ce groupe de vieilles femmes occupées à tricoter avec les sourires odieux de ceux qui sont persuadés de bien faire. IL se mit à relire l'article, une fois encore, puis une fois encore, comme s'il avait pu manquer une information supplémentaire de ces quelques mots sordides. Mais au bout d'un moment, il comprit qu'il n'aurait rien de plus que cette information sèche.

Au bout d'un moment, il porta ses mains sur son visage, pour empêcher ses yeux de vouloir relire encore ces lignes odieuses, qui ne lui apporteraient rien de plus.

 

Au loin, le craquement sinistre d'un sortilège écorchait le tronc d'un arbre, et d'entre les doigts de Sasha débordaient des larmes silencieuses.

 

 

 

 

 

 

 

A l'heure du dîner, la Grande Salle débordait de bonne humeur. Après un week end au temps plutôt agréable malgré un vent d'automne, un bon nombre d'étudiants se partageaient leurs anecdotes suite à leur visite à Pré-au-Lard. Du courrier pour la semaine arrivait aussi au-dessus des tables, apporté par des hiboux aux hululements joyeux.

Le brouhaha et les mouvements des élèves firent que Sasha passa presque inaperçu quand il entra à son tour, après tous les autres.

 

Presque, parce qu'il avait tourné immédiatement la tête vers la table des Serpentards et y avait croisé immédiatement le regard d'Anya Nikitovna. Elle avait le visage fermé, signe qu'elle n'avait pas digéré ce qui s'était produit ce jour, quand bien même ses cheveux avaient perdu de leur couleur carmine qu'il avait vu un peu plus tôt.

 

Il avait décidé qu'il ne fuirait pas. Au contraire, il avança droit vers la table des Serpentards, à l'endroit même où Anya était assise. Par chance, près du bord, et loin d'Alison dont il ne vit même pas si elle était assise ici. Les lèvres pincées, il se contenta de laisser tomber sur la table, à côté de l'assiette d'Anya et d'un geste sec qui fit claquer le papier sur le bois, la pochette.

 

Elle était pleine de ce qu'Anya y avait mis, malgré son aspect pitoyablement abîmé. Le dernier numéro du journal était humide et des doigts avaient gauchement effacé les tâches mouillées en emportant l'encre par endroit en traces inélégantes, mais en dessous, s'y trouvaient les photos et coupures.

Il les avait observé, longuement. Il n'était pas compliqué de comprendre que l'histoire d'Anya tenait là-dedans, et pendant qu'il était dans son arbre, il avait senti une brûlure atroce au fond de son ventre, à les observer. Evidemment, il savait bien que l'ennemi aussi, formait des familles et des patriotes. Ils étaient du même sang, d'une certaine manière, et cette même fureur de se défendre courait dans leurs veines.

Il avait songé à déchirer ces artefacts d'une vie sentimentale, à les jeter peut-être dans la Forêt Interdite pour qu'ils y fussent piétinés par la sauvagerie de l'endroit.

 

Mais au bout d'un long moment, il avait juste tout remis dans la pochette, pour venir ici, les cheveux en bataille et une part de ses vêtements encore mouillés par endroit de l'humidité conférée par l'arbre.

 

Sans un mot, Sasha s'apprêta à faire demi-tour. Des regards pesaient sur lui, sans qu'il ne sût exactement si elle avait partagé son aventure avec d'autres. Des Russes lui tomberaient peut-être dessus, ce soir, dans son propre dortoir. Il les affronterait s'il le fallait.

 

Il était prêt.


Anya Nikitovna , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

La culpabilité. C'est ce qui avait été le plus dur à avaler. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, n'est-ce pas ? Eut-elle réfléchi en amont, elle n'aurait amené qu'une pochette vide avant de confronter Sasha. Sombre idiote. Anya avait beau n'avoir rien mangé de la journée, elle avait vomi tripes et boyaux dans le fond des toilettes à plusieurs reprises à son retour de la forêt interdite. Aucune âme ne s'était avancé à lui poser la moindre question quant à ce qui s'était passé le matin même. Un regard noir avait suffit à disperser les envies de quelques valeureux qui avaient semblé vouloir lui adresser la parole sur le chemin de la Grande Salle. Anya n'avait aucune envie de se montrer au dîner, mais elle estimait qu'une troisième absence à la table des serpentards commenceraient à éveiller des soupçons.

 

D'humeur massacrante, elle n'avait bien sûr touché aucun des aliments qu'elle avait empilé pêle-mêle dans son assiette. Elle se contentait de faire rouler certaines boulettes de viande du bout de sa fourchette, et de déplacer les aliments sans logique aucune. Vide. Elle se sentait vide. Vide et stupide. Profondément stupide de son propre manque de jugeotte. Profondément en colère aussi après Shevchen et sa foutue obsession pour l'Unificateur. Alors lorsque sa tête se dressa pour croiser le regard de l'ukrainien qui venait de pénétrer à l'intérieur de la large pièce, ce fut comme si un silence s'installait tout autour d'eux. Le brouhaha des élèves brusquement éteint, Anya ne décolla guère ses pupilles de la silhouette trapue du garçon, qui s'avança directement dans sa direction.

 

Un réflexe maladif voulu qu'elle porte la main à la poche de sa robe, comme pour chercher à se défendre d'une attaque. Là. Au milieu de tous les autres. Au nez et à la barbe de tous les professeurs. Mais malgré un cœur battant, elle se retint, tant l'idée était absurde. La pochette claqua vivement contre le bois, à quelques centimètres à peine de son assiette pleine, et elle ne la regarda même pas. Non son regard était relié à celui de l'ukrainien pour ne plus s'en décrocher. Elle ne s'en décrocha que lorsqu'il lui tourna le dos, mais resta longuement ciblé sur lui, comme incapable de même ciller. Puis, enfin, le bruit des élèves autour d'elle fut de nouveau présent, avec une puissance remarquable, et elle affaissa son attention sur ce qu'il avait apporté. Sa main attrapa la pochette avec vivacité.

 

Autour d'elle, quelques chuchotements glissés d'une oreille à l'autre. Là des regards qui trainaient sur ce qu'elle agrippait avec des jointures blanches. Le visage fermé, elle se leva brutalement et se décida à quitter la table. À quitter la pièce. Sans un regard vers Sasha Shevchen, ou quelqu'autre membre du clan rouge et or. Ses pas la menèrent au bas des escaliers, l'enfoncèrent dans les cachots, la laissèrent rejoindre la salle commune, puis le confinement de son dortoir entièrement désert. Là, elle jeta la pochette sur son bureau, l'ouvrit avec une précipitation terrible avant de feuilleter l'intégralité du contenu dans des gestes erratiques. Lorsqu'enfin elle trouva ce qu'elle cherchait, elle avait le visage inondé de larmes, et des couteaux qui lui transperçaient le cœur à répétition. Idiote. Idiote. Idiote.

- прощение, прощение, прощение. Pardon, pardon, pardon.

Elle n'adressait ses paroles à personne en particulier. Ses mèches avaient pris une teinte d'un bleu sombre abominable, et elle rassembla l'intégralité des photos pour les serrer contre sa poitrine, répétant son mantra avec une voix qui se brisait un peu plus à chaque instant. Bien avant qu'aucune des autres filles du dortoir n'ait reparu, Anya avait rangé l'intégralité de ses affaires, les avait scellé dans le fond de sa malle à l'aide d'un puissant sortilège. Les rideaux tirés autour de son lit, elle était demeuré assise, les yeux dans le vide, et les lèvres étirées en une ligne fine, chargée d'une haine viscéral. Sasha lui avait rendu ses possessions, et pourtant elle ne parvenait pas à ressentir autre chose que de la haine à son encontre.

 

De la haine pour s'être fait passer pour ce qu'il n'était pas.

De la haine pour avoir abusé d'une confiance qu'elle ne donnait à personne. De la haine pour avoir souillé les photographies de ses doigts sales
De la haine pour avoir posé les yeux sur une chose qu'elle tenait secrète, et qu'elle avait eu la stupidité d'étaler au grand jour.

De la haine pour elle-même, finalement, qu'elle enfonçait de ses ongles sous la chair d'une peau molle, pâle et absurdement fragile.

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