Flora n'a pu profiter de cette incroyable sensation de respirer sous l'eau qu'un court instant seulement, car au bout de quelques mouvements de bras et de jambes, les branchies se sont volatilisées, l'obligeant à bloquer sa respiration. Flora ne peut plus continuer si le sort n'est plus actif, aussi, elle remonte à la surface rapidement pour reprendre son souffle et atteint le bord du bassin. Elle voit des grosses chaussures, une longue robe étirée vers le ciel, et tout au bout, la tête du professeur la regardant d'en haut, l'autorisant à sortir. Il continue de parler mais ne s'adresse plus à elle. Elle prend appui sur ses bras pour hisser la moitié supérieure du corps hors de l'eau, se plie pour sortir une jambe, puis l'autre et se retrouve bel et bien trempée jusqu'au os de bon matin en plein milieu du terrain de Quidditch.
Et dire qu'on est censé voler ici, pas nager...
Le professeur s'adresse de nouveau à Flora, qui tique sur le mot "échec". Oui, c'est le mot.
Soulagée d'entendre qu'ils ont droit à une pause, Flora cherche après sa cape lorsqu'elle remarque son binôme... torse nu ? En fait, elle remarque surtout ses étranges symboles recouvrant l'intégralité de son torse. Qu'est-ce que c'est que ça ? Elle remarque sa cape et le reste de ses affaires en boule par terre, quasiment aux pieds de Polyanski. En s'avançant pour récupérer ses affaires, elle le contourne et remarque que le schéma concentrique continue jusque dans son dos. Flora ne parvient pas à détacher son regard, captivée, tentant de déchiffrer ces lignes entrelacées. C'est elle ou bien la lumière fait rebondir les reflets de l'eau sur sa peau ? Une fois enveloppée dans son long manteau, elle prend le temps qu'il lui faut pour retrouver son souffle et son calme. Elle le sait, ça va être à son tour de lancer le sort à son coéquipier, qui a déjà l'air prêt à faire le grand "sceau".
***
Après une courte pause, Flora se décide à prendre la relève. Polyanski lui fait face. Elle sort sa baguette de la poche de sa cape et s'approche de son camarade. Oui, elle se dit sans doute que plus elle est près, plus le sort fonctionnera. Or, il ne s'agit pas seulement de viser juste, il faut aussi beaucoup de concentration. Ayant tout juste fait l'expérience des branchies, Flora sait donc ce qu'on ressent et voit à peu près à quoi ça doit ressembler. Fixer ainsi le cou de son camarade paraissait carrément bizarre, mais on n'allait pas y passer la nuit. Flora pointe doucement sa baguette vers le cou mais son regard dérive vers les symboles tatoués. Elle fait ce qu'elle peut mais ne parvient pas à détourner le regard, happée dans le cercle hypnotique de son tatouage. Alors, elle attrape un pan de sa cape et le plaque sur le haut de son corps, laissant dévoilée uniquement la partie qui l'intéresse. Ainsi, elle n'est plus distraite.
– Faut que je me concentre.
Concentration.
– Branchia Ventosa... Flora était parvenue à reproduire le même résultat que son camarade avant elle. De petites branchies s'étiraient de chaque côté de son cou. Cette nouvelle singularité sur son corps n'égalait en rien les magnifiques symboles déployés sur son torse et son dos, mais Flora n'était pas peu fière d'elle.
Le sort des branchies a fonctionné et Polyanski s'est mis à l'eau sans tarder. Si Flora restait concentrée, son jeune camarade aurait la capacité de parcourir une plus longue distance qu'elle. Elle le voit progresser comme un poisson dans l'eau et espère que le sort tienne jusqu'à ce qu'il atteigne l'autre rive. Elle se dit tout de même que ça serait un miracle qu'elle maintienne sa concentration plus longtemps que n'importe qui d'autre, étant novice dans ce domaine. Elle ne quitte pas des yeux cette masse floue et informe qu'est devenu le tatouage sous la surface. Elle se surprend à penser que, grâce à ça, il est beaucoup plus visible que les autres, avec sa cible dans le dos.
Salut !
Flora, Poufsouffle en 1e année est dispo, si jamais tu as envie que l'on se croise quelque part !
Comme il n'y a pas de cours ouvert pour les premières années en ce moment, elle s'ennuie un peu.
À bientôt !
Flora, trop concentrée sur sa tâche, ne comprit pas tout de suite que l’on s’adressait à elle. Elle finit de raturer ce qu’elle ne voulait pas faire apparaître dans sa lettre, puis tourna ensuite la tête vers sa camarade, prenant conscience qu’elle attendait sa réponse.
– Hein ? Ah ! Euh, non mais c’est pas grave. C’est juste une lettre pour ma mère et ma sœur.
Surprise par la question, elle ne savait pas trop quoi répondre à part la vérité.
Elle posa sa plume, soulagée qu’on la sorte de ses réflexions qui ne menaient à rien. Il y avait des jours avec et des jours sans. Ce n’était pas seulement une question d’inspiration. Elle avait toujours quelque chose à écrire, que ce soit le menu du festin auquel elle avait droit à chaque repas, le grand escalier qui lui avait encore une fois fait perdre son orientation, ou les remarques bizarres ou rigolotes des gens dans les tableaux qui parcourent les murs du château.
Non, c’était plus la crainte de ne plus être lue par sa propre sœur qui l’inquiétait. Pourquoi ne lui parlait-elle plus ?
Elle remarqua un papier dans les mains de sa camarade et lui demanda :
– T’as une lettre à envoyer, toi aussi ?
Cette fois-ci, Flora est parvenue à aller plus loin que lors de son premier plongeon. Mais elle n'y est pas parvenue seule, elle le sait. Durant ce laps de temps passé à nager, lui, devait rester concentré. Vu le calme et la force d'esprit que son camarade dégage, il a sûrement des facilités que Flora n'a pas. On dirait que c'est inné chez lui, de rester serein et de se focaliser uniquement sur ses priorités. En attendant, il n'est pas non plus la perfection incarnée, puisqu'elle n'est pas ressortie de l'autre côté du bassin, et ça la rassure de savoir qu'il a l'air aussi faillible que les autres. Face à un monsieur je-sais-tout, elle se serait sentie inutile, une moins que rien, et aurait rapidement abandonné.
***
Enveloppée dans sa cape, elle songe à une serviette, à son pyjama, à sa couette, à des vêtements que l'on enfile juste après les avoir chauffés sur le radiateur. Elle va attraper froid, c'est sûr et certain. Elle ne ferait certainement que se reposer tout le reste du week-end. Tout ça pour la maîtrise de sortilèges en condition réelle. Si seulement ses parents l'avaient préparé à ça. Apprendre la magie n'avait pas l'air si éprouvant dans les livres ou les dessins animé.
Cette fois, c'est au tour de Polyanski d'aller brasser l'eau. Elle s'assura qu'ils pouvaient reprendre l'exercice avant de lui lancer le sortilège, et se mit en condition. Elle faisait en sorte de ne pas trop le regarder pour éviter de se perdre dans son tatouage hypnotique, aussi, elle fait son maximum pour visualiser le sort demandé.
– Branchia Ventosa.
Flora n'avait jamais vu de scène dérangeante sur les écrans. Ses parents avaient toujours fait attention à ce qu'elle ne regarde pas de film d'horreur ou changeaient de programme lors de scène de guerre ou d'adultes dénudés. L'amour et la mort, deux sujets extrêmement sensibles. Aussi, Flora se décompose en voyant une lame de rasoir invisible trancher la peau fraîche du jeune garçon. Un filet de sang ruissèle jusqu'au creux situé à la base du cou, entre les deux clavicules. Le visage de Flora se décompose en un rictus horrible de peur et sa baguette se met à trembler très fort avant qu'elle ne se décide à la rabattre vers le sol pour éviter plus d'effusion de sang. Un petit cri s'échappe de sa gorge. Elle fait un pas en arrière, impuissante, sans savoir quoi faire ni quoi dire.