Harry Potter RPG
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Les Frontières

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Charlie Carter

14 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Boutique OCQ, Samedi 10 Février 2125

Suspendue aux paroles de Sasha, la jeune Serdaigle passe par plusieurs émotions, déformant ses sourcils en courbes extérieures ou intérieures en fonction du morceau d'histoire. Pas trop, tous les combien de temps ? questionne-t-elle, réactives aux approximations du Gryffondor. Dehors, une nuit noire enveloppe Pré-Au-Lard, et le vent hivernal siffle entre les volets toujours ouverts. Silencieuse, MicMac observe la discussion. L'odeur du pain à l'ail envahit progressivement le foyer, et Freya ravive le feu dans l'âtre avant de servir du thé chaud à sa petite sœur et ses invités. 

 

Le récit de la vache arrache quelques ricanements aux filles, bien vite éteints quand le réfugié aborde le sujet des frontières. Tandis qu'elle coupe le pain en larges tranches, Freya s'inquiète. À part tes parents, tu as des frères ou des sœurs là-bas ? Elle poursuit en faisant venir la casserole de potage au milieu de la table. 

 

— Vous avez été touchés directement par la guerre dans ta famille ? demande Fenella, les mains autour de sa tasse, la tête penchée en signe de compassion. Servez-vous, invite brièvement l'aînée Carter, comme si elle ne voulait pas interrompre Sasha. Il faut peu de temps pour que le potage et les tranches de garlic bread soient réparties d'un côté et de l'autre, Freya ayant incité l'adolescent à se servir généreusement sous prétexte qu'il avait travaillé l'après-midi entière sans collation. Ça lui avait aussi permis de retarder sa réponse à la question du garçon. 

 

La chouette s'est finalement détendue, maintenant semblable à une grosse boule de plumes assoupie. Je raconte ? interroge Charlie, les yeux en direction de sa grande sœur, une boule de mie de pain entre les doigts.

 

— Oui, mais Sasha, il faut que tu restes discret là-dessus, on s'étale pas trop à l'école et c'est volontaire. Enfin, je pense qu'on peut te faire confiance. Freya fixe avec insistance l'étudiant, puis donne l'autorisation silencieuse à Charlie tandis qu'elle commence à manger. La benjamine termine sa bouchée, essuie ses lèvres, et donne ses explications. En fait mon père est parti chercher ma mère. Parce que ma mère était reporter-exploratrice, et elle a disparu dans une expédition depuis 2113, quand j'avais deux ans. Si Sasha connaît Owen Carter à  travers son palmarès d'ancienne star du Quidditch, capitaine d'équipe nationale d'Écosse, peu sont ceux qui l'envisagent en tant que père de famille dépassé, ou encore mari désœuvré. Y'a eu des recherches menées par des agents de plusieurs ministères, mais ils ont fermé le dossier à l'été 14, en disant juste qu'elle était déclarée disparue, sauf qu'on a jamais retrouvé de corps, ni rien. Donc mon père veut pas y croire, et là il est parti depuis le mois de juillet, complète Charlie.

 

— Si tu préfères, avant qu'Alison et Charlie naissent, quand moi j'étais petite, mes parents se sont séparés plusieurs fois, et ma mère partait longtemps, alors mon père pense qu'elle vit ailleurs, et qu'il peut la trouver. Freya reprend une cuillère de potage.

 

Le calme avec lequel les faits sont prononcés est teinté de fatalisme. La jeune Serdaigle finit par manger sa boulette de mie de pain et déchire d'autres morceaux qu'elle disperse dans la soupe de légumes encore fumante. Si tu regardes sur le toit de la maison, y'a souvent MacDuff qui surveille mon père, c'est son hibou. Il fait que de repartir et de revenir, donc en gros, il cherche mon père, qui cherche ma mère. Un grand-duc européen à l’allure presque royale, au plumage brun-noir parsemé de reflets roux et aux yeux d'ambre, veille sur le ciel de Pré-Au-Lard, sûrement déjà bien au fait des visites de Sasha au magasin. On peut pas le dire à l'école parce que ça revient à dire qu'Alison et Charlie n'ont plus de tuteur légal, tu comprends ? Même si moi je m'occupe d'elles, le Ministère voudra en savoir plus, et personne ici a besoin de ça maintenant.

 

— Après tu gères, ils peuvent rien dire, affirme Fen'. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
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Sasha eut une grimace qui fronça ses tâches de rousseur - le point commun qu'il partageait avec la famille Carter, même si les siennes se mélangeaient, moins visibles, au teint plus tanné de sa peau.

 

- J'ai pas eu de nouvelles depuis novembre, admit-il, un peu embarrassé.

 

Il ne savait pas si sa famille avait essayé de le joindre depuis. Il préférait se dire que c'était comme lui : il évitait d'écrire pour ne pas donner à l'ennemi des informations qui auraient pu mettre sa famille en danger. Et puis, c'était décourageant de ne pas savoir si les lettres arrivaient à bon port. Et puis d'autres choses en son for intérieur l'avaient poussé à ne plus envoyer des nouvelles ; des choses qu'il n'identifiait pas bien lui-même, et auxquelles il évitait de penser. Sasha sortit un instant le Vif d'Or de sa poche, il voleta au-dessus de sa paume.

 

- Oui, j'ai une p'tite soeur. C'est pour elle, il dit à voix basse, et ses doigts se refermèrent sur l'objet pour le faire disparaître, avant de poser son regard vers Charlie. Mais elle est p'tite. Plus jeune que toi encore.

 

Elle avait dû changer. Parfois, il se demandait si elle le reconnaîtrait, si un jour ils se revoyaient. Cette pensée le peina et il reporta son regard vers Fenella. Il haussa les épaules.

 

- Je sais pas ce qu'on peut appeler être touchés directement par la guerre. Quand j'suis parti, la ligne de front était encore loin du village. Mais elle se rapprochait, et on n'avait plus accès à un certain nombre de choses. Certains produits. Puis les gens n'osaient plus vraiment se déplacer dans le pays. Et les prix sont devenus dingues. Et des gens sont partis en disant qu'ils reviendraient, et ils ne sont pas revenus. Et d'autres sont partis la nuit sans dire qu'ils s'en allaient en emportant des choses qui n'étaient pas à eux. Alors de cette manière-là, on était directement touchés.

 

La guerre, c'était compliqué à expliquer à quelqu'un qui ne l'avait pas vécue : on n'avait pas besoin d'être devant un front pour savoir qu'il y avait la guerre : il suffisait de recevoir un courrier qui disait que votre fils allait atteindre l'âge de rejoindre l'armée d'office pour défendre son pays, et que vous étiez cordialement prié de l'y envoyer.

Sasha contempla un instant son assiette vide, avant de reprendre.

 

- Moi, mon père pouvait pas y aller, il a un handicap, alors il a été... Comme dispensé, je connais pas le mot en anglais. Mais tout le village a envoyé du monde, c'était gênant que ma famille et moi on fasse rien. Alors je m'suis engagé chez les Veilleurs.

 

Cette déclaration l'emplit d'oxygène et il se redressa. Mais les regards que lui renvoyaient les filles lui firent réaliser qu'elles n'avaient probablement pas vraiment idée de ce dont il s'agissait.

 

- Les Veilleurs de l'Aube, c'est les sorciers ukrainiens qui vont se battre, dut-il donc préciser, avant de regarder de nouveau Charlie. Puis Freya. Puis Charlie. Et la suite, c'est pas pour les enfants, désolé.

 

Incité à se servir copieusement, Sasha n'avait finalement pu résister. Tout en parlant, il s'était mis à remplir son assiette et bientôt, il s'absorba dans la dégustation de son potage. Il essayait de ne pas manger trop vite, mais le garlic bread était délicieux, surtout trempé dans le potage, et Sasha avait du mal à ralentir. Il relevait le nez de temps à autre, vaguement conscient de manquer de manières, mais attentif au récit à deux voix que lui offraient Charlie et Freya.

 

C'était une sacrée histoire. Il ne s'y était pas attendu. C'était peut-être ça, qu'il partageait sans le savoir avec les Carter, et qui le rapprochaient naturellement d'elles : le secret, les séparations, l'absurdité du destin.

C'était donc ça, le en voyage et en déplacement. Rien à voir avec les rendez-vous professionnels internationaux que Sasha s'était imaginé pour Owen Carter. Il haussa les sourcils, suspendit devant lui sa cuillère à soupe de laquelle gouttait tranquillement la sauce encore fumante.

 

- Woah. Fen' a raison, tu gères tout, du coup.

 

Il acquiesça d'un mouvement de tête vigoureux, pour signifier qu'il comprenait tout à fait la question du tuteur légal, avant de se remettre à manger. Bientôt, l'assiette fut vide, parfaitement nettoyée grâce aux derniers morceaux de pain. Le potage réchauffait son ventre, mais pas que ; c'était plutôt doux de partager un repas autour des histoires de chacun. Ca lui rappelait la table de la cuisine de sa propre maison, autour de laquelle ils écoutaient avec avidité toutes les nouvelles que son père ramenait de sa journée de travail - les anecdotes croustillantes, les accomplissements du jour, les petits potins. Et les nouvelles du front.

 

- Je comprends, il finit par ajouter après un silence. Je dirai rien.

 

C'était donc comme ça que vivait une famille qui attendait que quelqu'un revînt après de longues années d'absence. La vie continuait sans la personne, mais avec son ombre. Il se demanda comment c'était chez lui, à cette heure-ci. Si sa mère avait préparé à manger pour quatre, au cas où. Si quelqu'un était parti à sa recherche. Si leur hibou guettait son retour - sûrement pas, le vieux rapace de la famille passait son temps à dormir, et il n'était pas sûr que ce n'était pas lui le problème du peu de nouvelles qu'il recevait de son côté.

Sasha s'efforça de sourire à Charlie parce que leurs regards se croisèrent, et cela creusa des fossettes tristes dans ses joues.

 

- C'est quand même la classe, une mère exploratrice.

 

Silence. 

Sasha regarda Freya de nouveau.

 

- Alison le prend comment ?

 

Il s'était pourtant juré d'essayer de ne pas trop penser à elle. Mais maintenant qu'il connaissait davantage de son histoire, il pouvait s'autoriser à y penser un tout petit peu. Juste ce soir, parce que l'occasion était trop belle de la comprendre peut-être un peu. Ensuite il la laisserait vivre, se promit-il. Il aurait envie de lui en parler, mais il ne faudrait pas. Il pinça les lèvres, comme si cela pouvait l'aider à les garder sceller, à éviter d'aller là où il ne devait pas.

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Freya Carter

Owen Carter Quidditch 24 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Poufsouffle
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— Elle s'appelle comment ? questionne Charlie, les yeux posés sur le vif d'or, puis vers le visage triste de Sasha dont les paroles semblent la toucher. La suite du récit force les trois filles à imaginer une situation qu'elles ne connaissent pas, mais dont le Gryffondor parle avec tant de franchise qu'il arrive à en dessiner les contours au fond de leurs esprits. Exempté, se contente de rectifier Fenella alors que le silence ponctue chaque phrase du garçon, jusqu'à ce que Charlie comprenne le sens de ses derniers mots. Tu t'es battu à la guerre ?!

 

— Charlie, il veut pas en parler, intervient immédiatement Freya, à la fois consciente que l'image peut heurter la Serdaigle, et que le souvenir risque d'affecter Sasha. "Les Veilleurs de l'Aube" ? Ils ont rendu ça presque poétique pour c'que c'est, commente l'ancienne étudiante, une lueur amère dans le regard tandis que Charlie cogite de manière palpable, ses doigts entortillés entre les dizaines de bracelets de perles qu'elle porte au poignet. T'as été très courageux de t'engager. L'aînée Carter appuie ses propos d'un hochement de tête, ignorant la curiosité dévorante de sa petite sœur qui retient visiblement un millier et demi de questions derrière une moue contrariée. J'suis pas un enfant, j'suis une adolescente. Allez, à ton tour, sers-toi Charlie, répond Freya en désignant le potage.

 

L'insistance de la Poufsouffle avait suffit à contenir les interrogations de la benjamine, mais pas à les anéantir.

 

L'appétit de Sasha contraste avec celui d'Alison cette année - sauf lorsqu'elle se donne comme excuse d'être stressée afin d'engloutir les gâteaux laissés intentionnellement sur la table par Freya pour la faire manger.

 

— Moi j'me rappelle pas d'ma mère, souffle Charlie, une bonne moitié de potage encore dans son bol, ses épaules levées en signe d'embarras. Mais on a des photos et des livres qu'elle a écrit, et Papa m'a raconté toutes ses explorations. Elle accompagne sa déclaration d'un léger sourire, puis continue de repêcher les morceaux de pain imbibés de soupe pour les manger, un à un. Alison ? Mh-

 

Hésitante, Freya prend le temps de terminer sa bouchée en silence. Oulala.

 

— Pas trop bien. C'est un euphémisme, confirmé d'un geste du menton par Fenella qui a grandi auprès des trois sœurs Carter, elle-même originaire de Pré-Au-Lard. Charlie, tu peux aller prendre l'album photo de Maman au bureau ? On va les montrer à Sasha. Et pendant que cette dernière s'exécute promptement, Freya poursuit à l'intention du sixième année, sur un ton plus bas, imposant la discrétion. Alison, elle se rappelle parfaitement du départ de notre mère. Même si elle avait que cinq ans, elle est capable de ressortir des détails hyper précis, comme c'qu'elle avait mis dans sa valise, ou ce qu'on avait mangé la veille ensemble. Et en fait, le problème, c'est que Charlie avait deux ans tu vois, donc moi quand je rentrais le weekend de l'école, je m'occupais en priorité de Charlie parce que notre père il était là, mais dans sa tête, il était ailleurs quoi.

 

— Il partait même des fois, Ali et Cha venaient à la ferme, Ali dormait dans ma chambre, complète Fenella, attentive à la conversation et au sentiment de culpabilité qui se dégage du visage de Freya.

 

— Ouais. Fin en gros, à partir de ses six ans, elle est beaucoup restée dans son coin. Elle nous rejetait, elle faisait l'effort pour Charlie, mais vite-fait. Après la rentrée à Poudlard ça allait un peu mieux, mais maintenant qu'mon Père aussi est reparti longtemps- elle a encore l'impression d'se faire abandonner. Ouais voilà, moi j'pense qu'elle se protège en devenant agressive, juste parce que c'est trop dur. C'est trop dur pour elle de- l'aînée s'interrompt lorsque Charlie revient avec un gros classeur à la couverture en cuir, qu'elle pose juste devant Sasha. TADAA !

 

— Faut surveiller l'heure aussi hein, y'a le couvre-feu. Tu rentres en combien de temps Sasha ? Sur cette remarque, les deux jeunes femmes se lèvent et débarrassent la table. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
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- Ils ont rendu ça poétique parce que les gens là-bas ont besoin d'espoir, rétorqua Sasha, sur la défensive, à l'attention de Fenella.

 

Dans le fond, lui aussi avait de l'amertume envers les Veilleurs. La guerre n'était pas ce qu'ils lui avaient fait croire. Mais même avec cette expérience pénible, cela n'enlevait rien au fait qu'il pensait que les Veilleurs se battaient pour la bonne cause. La fin justifiait seulement les moyens.

Mais Fenella eut un air compréhensif, et il s'en voulut d'avoir répliqué si brusquement. Il préféra détourner le regard, et Fenella adressa un regard magnanime à Freya. Sasha haussa les épaules au compliment de cette dernière, puis il glissa un regard vers Charlie.

 

- Et ma soeur s'appelle Kalina.

 

Il fut soulagé que la conversation évolue davantage vers les Carter. La cadette lui faisait de la peine, mais il ne trouva rien de bien réconfortant à lui dire. Lui se souvenait parfaitement de sa mère et bizarrement, parfois, il souhaitait ne plus avoir aucun souvenir de sa famille. Tout serait plus simple alors. Mais Charlie parut tout à fait enthousiaste d'aller chercher l'album une fois son repas terminé. Sasha en profita pour chiper un dernier morceau de pain et saucer le fond de l'assiette de Charlie avec. MicMac rouvrit un oeil en le regardant faire, tandis que Freya profitait de l'éloignement de la plus jeune de toutes pour en dire un peu plus à propos d'Alison. Sasha était tout ouïe, captivé par le récit de cette famille plus déchirée que la sienne, alors même qu'ils vivaient dans un pays en paix. Qui l'eût cru ? Les gens dans les démocraties libres n'étaient pas beaucoup plus heureux que ceux qui craignaient de voir une bombe tomber sur leur toit.

 

- Ah ouais.

 

Sasha essaya de se représenter une Alison de cinq ans, boudeuse dans son coin, à ruminer que le monde entier l'avait abandonnée. Une petite fille qui avait dû penser qu'on ne pouvait donc finalement faire confiance à personne. Ca expliquait peut-être son tempérament d'aujourd'hui. Qu'en savait-il ? Il n'était pas sûr de savoir faire le lien entre l'attitude de l'Alison qu'il connaissait avec le récit de Freya. Mais il acquiesça quand même.

 

- Des fois c'est plus simple de rejeter les gens avant qu'ils vous jettent à leur tour, dit Sasha subitement, parce que soudain, il comprenait que lui aussi, à Poudlard, il préférait être constamment sur la défensive.

 

Même s'il essayait de se convaincre que c'était pour de bonnes raisons, une part de lui ne maîtrisait tout simplement pas cette colère profonde qui le poussait à être menaçant avec les autres élèves, même quand ils ne l'avaient pas mérité, et encore plus quand ils essayaient d'être sympathiques avec lui. Alison vivait-elle la même chose à sa manière ? Tout cela était bien compliqué pour lui. D'autant plus qu'il y avait des élèves avec qui il ne ressentait pas cela, et qu'ici, entouré des trois filles, il n'avait plus non plus envie d'être agressif.

Sasha baissa les yeux sur l'album que Charlie venait de déposer sur la table et d'ouvrir. Les clichés étaient presque tous animés. Les couleurs s'étaient ternies avec le temps, mais il y avait beaucoup de photos aux paysages très différents : là, Kate sur la banquise, ici, à la manoeuvre sur une petite embarcation qui traversait la jungle, portée par des eaux tranquilles. Il avait du mal à saisir quel genre de mère aurait pu être Kate : elle était tant différente de la sienne. Sa mère à lui, d'autant qu'il s'en souvenait, n'était jamais partie bien loin du village. Était-elle tant moins une héroïne ? Il fronça les sourcils, perplexe devant cette vie tumultueuse que les parents Carter avaient l'air d'avoir vécu. Et de ce qu'il en restait : trois filles aux caractères si différents.

Dans l'album, Sasha s'attarda sur les photos où on voyait Freya et Alison enfants. Il y avait très peu de clichés avec Charlie. Cette dernière commentait parfois un cliché ou deux, et Sasha acquiesçait, visiblement à l'écoute, mais en réalité tout à ses pensées.

 

Comme Freya lui rappelait le couvre-feu, il releva le nez.

Dix minutes, songea-t-il.

 

- Une demi-heure, dit-il cependant.

 

Trois quart d'heures, c'était plutôt le temps que mettaient les élèves pour s'y rendre, mais Sasha voulait grappiller quelques derniers instants, s'il le pouvait. Il était bien ici : les effluves de nourriture, les petits recoins de la pièce, les sons claudiquant des objets magiques, les attentions de toutes ces filles autour de lui. 

Sasha referma l'album, avant de se lever.

 

- Tu peux m'dire où sont les toilettes ? il demanda à Charlie, qui lui indiqua.

 

Sasha suivit les instructions, puis se perdit volontiers dès lors qu'il ne fut plus à la vue des trois filles. Il passa une tête dans quelques pièces, curieux de pouvoir apercevoir la chambre d'Alison. C'était comme s'il voulait voir où est-ce que la petite Alison avait boudé dans son coin pendant tant d'années. Comme si les lieux, les affaires et leurs odeurs, pouvaient lui raconter des choses que ses soeurs ne pourraient lui dire.

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Charlie Carter

14 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

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Charlie connaît chaque photo de l'album par coeur, et les anecdotes derrière l'image aussi. Elle pointe parfois du doigt un détail caché dans la scène, ou tourne les pages pour s'arrêter sur le cliché le plus intéressant. Elle raconte des morceaux d'histoires, entremêlés les uns aux autres, et à son empressement d'arriver aux deux dernières années où elle apparaît entre les bras de sa mère. T'as vu, ils m'avaient mis le chapeau de Maman là ! Ses yeux pétillent d'une tendresse pure, innocente, en parcourant des souvenirs créés grâce à l'album et aux nombreux récits d'Owen ou Freya. Tandis que Sasha quitte la table, Charlie continue de feuilleter le recueil sous l’œil distrait des jeunes filles en plein bavardage à propos d'une rumeur de nouvelle boutique à Pré-Au-Lard. L'odeur de savon remplace peu à peu celui du potage au-dessus de l'évier et quelques bulles s'envolent à travers le salon. 

 

- - -

 

Entre l'escalier rejoignant l'arrière-boutique et celui qui monte aux mezzanines, Sasha peut apercevoir une pièce étriquée, coincée-là sans même une porte. Les murs sentent la cire et le papier. Ils sont couverts d’étagères bancales ployant sous le poids d’ouvrages en tous genres : grimoires de Quidditch, traités de sortilèges commerciaux, manuels de comptabilité sorcière et vieux almanachs cornés annotés par Owen. Dans les coins, des piles branlantes de papiers, de carnets et de catalogues OCQ attendent d’être triées depuis des années. Un cadre de bois fendu trône au-dessus du petit bureau en chêne râpé, montrant Owen et Kate enlacés devant la boutique flambant neuve. Plus haut, hors de portée, les objets parlent : une batte brisée lors d'un premier match officiel, un badge de reporter jauni appartenant à Kate, un médaillon cabossé impossible à ouvrir, quelques lettres nouées d’un ruban dont la couleur a viré. C’est un capharnaüm figé dans le temps, à la fois sanctuaire et salle d’archives, témoin du passé glorieux et du présent chaotique des Carter.

 

À côté, la porte d'une chambre mansardée est entrouverte. Des teintes chaudes écaillées par le temps recouvrent les murs. Le lit, en bois brut aux montants solides, a les draps tirés pour laisser respirer le matelas. Tout ici est simple, fonctionnel, mais empreint d’une sensibilité discrète. Sur le chevet, une tasse vide, un livre à propos des propriétés du bois de sorbier, et une photo animée où Owen fait tournoyer une enfant rieuse accrochée à un balai minuscule. Plus loin, des trophées de Quidditch aux couleurs de Poudlard, un vieux bandana jaune et noir et un petit pot de basilic enchanté, taillé avec une minutie presque maternelle. Quelques vêtements suspendus à des patères évoquent le style sobre de la personne a qui appartient cette chambre : chemises en lin, pantalons de vol usés, pulls douillets. C’est le lieu de repos d'une jeune femme ayant renoncé trop tôt à l’adolescence, mais cultivant malgré tout dans le silence, l’amour des choses simples et solides - comme la terre, les plantes et le vol. Punaisée derrière la porte, une vieille photo de groupe prise à la fin de leur quatrième année montre un adolescent aux cheveux décoiffés tenant sa batte d’un air insolent ; le seul du groupe vers lequel Freya jette un regard, avec un demi-sourire qu’elle ne s’accorde plus depuis longtemps.

 

Après un détour angulaire étrange, trois marches apparaissent, menant à une porte massive et large. L'escalier semble bouché, encombré d'objets inutiles entreposés là pour gagner de la place.

 

Au bout du couloir, deux photographies observent Sasha, collées à une autre porte fermée. La première image montre une petite fille souriante à côté d'une fleur de tournesol, et la deuxième est un cliché plus récent d'Alison maquillée de manière différente. Au-dessus, d'anciennes lettres en bois formant son prénom ont été peintes à l'encre noire. On devine un clown qui tient un ballon à la place du "i". Soudain, la main de Charlie attrape l'avant-bras de Sasha.

 

— T'es perdu ? demande-t-elle en penchant la tête de côté. Son regard va du Gryffondor vers la porte fermée, et revient à l'adolescent qu'elle relâche. Elle a mis un sortilège, on peut pas rentrer. Papa s'est retrouvé avec la tête pleine d'encre pendant une semaine l'année dernière, assure la rouquine.

 

— Tu veux voir ma chambre ? Elle n'attend pas la réponse du Slave pour l'entraîner dans un recoin un peu tordu dissimulant un rideau épais décoré d'étoiles phosphorescentes. Charlie se fraye un passage et invite Sasha à le suivre. Sa chambre est un demi-cercle situé contre la véranda et agrémenté de plusieurs lucarnes. Les murs bleu nuit sont remplis de dessins représentant tantôt des créatures farfelues, tantôt des schémas d’objets magiques improbables. Sur le lit, une couverture patchwork mélange les motifs de l’équipe nationale de Quidditch d’Écosse et des hiboux fluo. Le matelas est envahi de peluches animées qui bâillent en voyant les deux sorciers entrer. Partout, des livres et des carnets codés côtoient d’anciens objets familiaux, et beaucoup de photos. Au sol, une malle en bois déborde de maillots, de prototypes de lunettes enchantées et d'affaires de vol rafistolées. Au plafond, un mobile suspendu représente une mini Coupe du Monde de Quidditch où de minuscules joueurs tournent lentement. Ça-et-là, des traces de bricolages inachevés : un balai raccourci pour "manœuvres de précision", une cabane à rapaces jamais terminée, une carte du monde annotée de "portoloins rêvés". Et sur le bureau, un mot griffonné à l'intention de Freya : “Ne range pas ! C’est un système organisé.

 

Heureuse de faire découvrir sa bulle à son ami, Charlie sourit. Enfin, elle saisit une plume et gratte quelques mots sur un morceau de parchemin avant de retirer l'un de ses bracelets, et de donner les deux à Sasha. Tiens, pour envoyer à ta petite sœur, explique la Serdaigle au regard pétillant. Dans la paume du sixième année, à côté d'un bracelet de perles aux dizaines de couleurs, le papier dit "Pour Kalina, de la part de Charlie, l'amie de Sasha."

 

À cet instant, la silhouette de Freya passe le rideau à son tour. Sasha, tu vas rater l'heure du couvre-feu.

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Sasha avait immédiatement reconnu la chambre de Freya. Par les vêtements simples qui étaient suspendus, mais aussi par les odeurs qui rappelaient celles du magasin. Le bandana jaune et noir lui rappela que la jeune femme était Poufsouffle : sans surprise, il avait pu jusqu'ici compter sur sa gentillesse, depuis son premier jour où il avait demandé à pouvoir travailler chez OCQ. Il songea qu'Owen avait eu de la chance de faire une Poufsouffle dès sa première fille : il avait tant pu compter sur elle depuis les deux ans de Charlie parce qu'elle était bien serviable pour mettre de côté sa vie pour sauver celle de sa famille.

Sasha observa un bref instant le groupe d'adolescents sur la photo - plissa les yeux en croyant reconnaître le fameux joueur de Quidditch star de la saison actuelle (et de la précédente, d'ailleurs). Ils se connaissaient donc vraiment ? Sasha n'avait jamais songé qu'ils avaient le même âge - et donc, la même scolarité. Puis il passa au couloir, tomba sur les photos d'Alison sur une porte fermée. La photo de la jeune fille maquillée lui fit l'effet d'une autre fille. Différente. Aguicheuse, mais d'une autre façon. Comme une enfant qui découvrait le maquillage et qui jouait aux grandes filles.

 

- T'es perdu ?

 

L'arrivée de Charlie le fit sursauter. Il s'humecta les lèvres.

 

- Oh je... J'ai juste vu les photos, c'est pour ça. Merci pour l'info.

 

Se retrouver avec le visage plein d'encre, très peu pour lui. Heureusement qu'il n'avait pas eu l'audace de l'ouvrir. Charlie tombait à pic, et il se retrouva emmené subitement dans un autre univers, faits de dessins et de peluches, de livres et d'objets en tous genre : ce qui sautait aux yeux, c'était bien sûr le thème récurrent du Quidditch et du ciel. L'endroit allait parfaitement bien à Charlie : la tête dans les nuages et le nez dans tout ce qui pouvait susciter sa curiosité. Sasha sourit en accueillant le cadeau.

 

- C'est vraiment gentil, elle sera super contente.

 

Si ça arrivait à bon port. Mais il avait espoir. Le bracelet porterait chance, se disait-il, même s'il savait cette idée absurde.

Freya arriva, et Sasha acquiesça, empochant le cadeau.

 

- Bonne chance pour cette nuit, il dit à Charlie avec un clin d'oeil, avant de suivre Freya vers la sortie, quittant à regret l'antre dans lequel il s'était enfoncé.

 

Il aurait de quoi penser pour la nuit, songea-t-il en descendant les escaliers. L'aînée des Carter le suivait - probablement pour refermer la porte de la boutique derrière lui. Sasha avait salué Fenella au passage, qui lui avait répondu qu'ils se reverraient samedi prochain, et il eut un petit soulagement en entendant le ton enjoué de sa voix - elle ne lui en voulait donc pas d'avoir été un peu brutal un peu plus tôt.

 

En bas, la boutique était silencieuse comme au petit matin, mais la pénombre avait envahi les affiches et les portants de vêtements. Les porte-clés magiques vrombissaient dans un coin, émettant comme un chuchotement tranquille. Elliot Blackburn faisait des pompes devant un crépuscule lumineux, Elliot Blackburn s'était assoupi les bras croisés contre le bord d'une affiche, Elliot Blackburn les regardait passer avec un intérêt limité tout en appliquant soigneusement de la cire sur son balai - le polish Plume-de-Foudre, précisément, vendu juste en-dessous.

L'instant d'après la porte s'ouvrit, et un froid mordant les enveloppa. Sasha avait hâte de se transformer - sa fourrure était une barrière contre la fraîcheur que nul vêtement ne pouvait imiter - mais il avait fourré ses mains dans ses poches avant de se retourner vers Freya.

 

- Heu, merci pour le dîner. C'était vraiment gentil. Et très bon. 'Faut pas faire ça souvent parce que je mange pour deux, je l'sais bien, dit-il en tâchant de prendre le ton de la plaisanterie.

 

Il guettait sa réaction, son bref sourire contrit trahissant son embarras soudain. Il rentra sa tête dans ses épaules en enfonçant ses mains un peu plus profondément dans ses poches, dans un geste inconscient, qui lui donnait l'air d'un garçon pris en faute. Ce devait être le froid. Ou autre chose.

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Freya Carter

Owen Carter Quidditch 24 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Poufsouffle
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Boutique OCQ, Samedi 10 Février 2125

Pourquoi a-t-il souhaité bonne chance à Charlie pour cette nuit ? s'interroge l'aînée Carter en suivant Sasha vers la grande porte en bois du magasin. Elle remonte autour de son cou le châle écossais attrapé au vol dans les escaliers alors qu'ils sortent, leurs visages éclairés par les lanternes de la Grand Rue et quelques insectes luisants. C'est rien ça, répond très sincèrement Freya aux remerciements mêlés d’inquiétudes du Gryffondor.

 

S'il y a bien une chose qu'elle a remarqué sur Sasha depuis le mois de janvier, c'est qu'il est un garçon poli, soucieux de se rendre utile, et embarrassé par sa propre présence quelque-part, comme s'il avait peur de gêner. Elle croise les bras au-dessus du châle en souriant. Mon père fait deux mètres cinquante, j't'assure qu'il mange plus que toi ! Le potage entier aurait pu passer dans l'estomac d'Owen, la miche de garlic bread aussi, et encore une omelette géante. La rouquine observe l'adolescent et se décide à lui ouvrir un peu son coeur. Au contraire, tout le monde était content de t'avoir à table, d'habitude on laisse des restes quand j'suis toute seule avec Charlie, dit-elle en espérant le rassurer. En vérité, ça avait été bon de sentir l'agitation remplir à nouveau l'appartement durant ce repas. Freya hausse ses épaules pour se donner un air de rien. Même au magasin, je trouve que t'as fait ta place, faut pas douter de ça hein. Grattant un morceau de mousse accroché aux pavés du bout de sa chaussure, elle cherche ses mots avant d'aborder le prochain sujet - celui qui la tracasse.

 

— Par contre Sasha, commence la Poufsouffle en reprenant une posture droite, les deux pieds stables sur le sol. Elle observe minutieusement les réactions de l'étudiant. On n'avait jamais vraiment parlé de ton histoire, c'est sûrement d'ma faute, j'aurais dû poser des questions. Elle avait choisi d'accueillir Sasha comme n'importe quel autre élève de Poudlard, ignorant la méfiance de certains villageois envers les réfugiés slaves. Aujourd'hui, Freya regrette de ne pas s'être intéressée davantage à son employé. J'suis désolée, j'ai du mal à toucher terre depuis la fin de l'été, j'ai manqué de lucidité, j'aurais dû prendre des nouvelles de ta famille, ou même juste te demander comment tu vis la situation. Fenella y avait pensé directement, elle. Le regard de l'aînée Carter voyage d'une blessure à l'autre sur le visage de son interlocuteur. Elle voit encore la façon dont il a bombé le torse tout à l'heure pour annoncer qu'il s'était engagé parmi les sorciers combatants d'Ukraine. Chez les Veilleurs, ça a duré longtemps ? s'enquiert-elle soudainement.

 

L'ambiance change quand Freya pèse chacun de ses mots, consciente de la délicatesse du sujet. Elle reste toutefois déterminée à obtenir ce qu'il faut d'informations pour défendre son foyer, et d'abord ses sœurs. J'veux dire, sans vouloir juger... C'que t'as vécu là-bas, ou c'que t'as dû faire, ça laisse des traces j'imagine. De plus en plus de journaux décrivent les groupes de combattants slaves comme des monstres prêts aux pires horreurs, y compris entre eux. 

 

Depuis le toit, un hibou grand-duc écoute vaguement l'échange, surveillant le ciel sombre de Pré-Au-Lard.

 

— J'ai rien à te reprocher, mais- la rouquine s'interrompt, mal à l'aise avec la conversation. Son père aurait dû être là et gérer ça, ainsi que beaucoup de choses. J'dois veiller sur Alison et Charlie, j'peux pas fermer les yeux, tu comprends ? Elle prend une respiration d'encouragement.

 

— Est-ce que des fois tu sens que tu pourrais être dangereux à cause de tes souvenirs ? Est-ce que j'dois m'inquiéter Sasha ?

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
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Sasha avait d'abord senti son coeur s'alléger. Se savoir le bienvenu quelque part n'était plus une sensation familière, et la pénombre de la nuit dissimula à peine le sourire qui étira le coin de ses lèvres.

Mais peu à peu, la conversation prit un autre tour - complètement inattendu pour lui, cette fois-ci. Son sourire s'effaça peu à peu. Son coeur s'était mis à tambouriner subitement dans sa poitrine, faisant battre le sang à ses tempes - comme un rappel brutal d'un danger qu'il courait à chaque instant, qui le guettait au coin d'une rue, au détour d'une conversation, mais qu'il n'arrivait pas à identifier clairement.

 

Il ouvrit la bouche et la referma. S'humecta les lèvres, préféra regarder ailleurs. Il sentait sa peau chauffer de son cou jusque ses oreilles, et malheureusement la rougeur qui en résultait n'était probablement pas invisible. Sasha aurait voulu fuir, mais il resta planté là. Les lumières scintillantes des devantures des commerces lui paraissaient subitement absurdes, déplacées par leur optimisme dans une nuit si sombre et froide.

Il dut faire un effort pour parler, après avoir secoué négativement la tête.

 

A quoi pensait-il, quand il avait fièrement annoncé à Freya et Fenella qu'il s'était enrolé dans l'armée ? Qu'elles l'applaudiraient ? Imbécile.

 

- J'suis pas un monstre, j'ai jamais fait de mal à aucune de tes soeurs et ça arrivera pas, il dit fermement, mais sa voix tressauta et il s'en voulut.

 

Il y eut un silence, et Sasha ne voulait plus regarder Freya en face. Le vent balayait la rue, déplaçant sèchement des feuilles mortes le long de la chaussée. Il les suivait des yeux sans les voir.

 

- C'est pas ta faute, que tu connaissais pas mon histoire. J'évite d'en parler parce que je sais c'que ça fait aux gens.

 

C'était aussi bien quand elle ne posait pas de questions, finalement. Il comprit soudain que jusqu'ici, Freya lui avait donné sa chance parce qu'elle avait cru qu'il était un genre d'enfant perdu, juste déplacé par la guerre. Il s'était bien gardé, de son côté, de lui raconter quoique ce fût, parce que c'était confortable : il y avait eu une espèce d'accord tacite et inconscient, qui consistait à ne pas trop poser de questions pour éviter d'avoir à répondre à d'autres questions en retour. Mais ce statu quo ne pouvait pas durer pour toujours. Il se dit qu'il aurait peut-être dû rester vague, plutôt que d'être emporté par sa fierté d'avoir été se porter volontaire pour aller au combat. Et pourquoi, en plus ? Pour finir dans une école de magie à l'autre bout du continent.

Etrangement, il se souvint du visage d'Alison lorsqu'elle l'avait entendu, dégoûtée, évoquer toute la violence qu'il souhaitait aux russes. Il refaisait toujours les mêmes erreurs, se morigéna-t-il. Sasha serra les dents. Freya aurait peut-être la même réaction. Au moins il en disait, au mieux c'était.

 

- J'y suis resté trois ans. Mais y'a vraiment rien là-dedans qui vaille la peine d'être raconté. J'ai jamais rien dit ni à Alison ni à Charlie là-dessus.

 

Sasha déglutit. Il dut faire un gros effort pour la regarder de nouveau et prononcer quelque chose de plus. Freya avait l'air très sérieuse. Très courageuse aussi. On sous-estimait les Poufsouffles - mais c'était moins agréable de les avoir en face de soi qu'à ses côtés. Il contempla son visage déterminé. Elle aussi défendait sa famille. Il aurait peut-être fait pareil à sa place. Alors il baissa les yeux.

 

- Mais si tu préfères que je reste loin d'elles, je comprendrai.

 

Il lui sembla que les mots lui avaient découpé les lèvres. Il tourna son visage vers la route, en direction de Poudlard. Une manière avantageuse d'éviter d'affronter le regard de Freya de nouveau.

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Freya Carter

Owen Carter Quidditch 24 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

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Freya écoute attentivement l'étudiant en essayant de jauger sa sincérité. À travers l'embarra de Sasha, elle reconnaît l'honnêteté qu'elle aimerait y voir, et décide de le croire. J'te fais confiance, répond-elle sans quitter le regard fuyant de l'adolescent. Son père n'aurait pas eu la même clémence. Owen Carter aurait demandé au Gryffondor de prendre ses distances avec la famille, et Freya le sait. Mais les samedis passés en compagnie de l'Ukrainien et le repas ce soir lui font penser qu'il a laissé là-bas les stigmates de guerre, et qu'il profite de l'Écosse pour changer d'air, et oublier la violence.

 

— Sasha, c'que j'ai dit avant est toujours d'actualité, j'apprécie ton engagement dans le job, j'aime bien ta façon d'être, donc ça change rien là-dessus, ok ? insiste-t-elle, endossant à la fois le rôle de responsable d'OCQ et de cheffe temporaire du 76 Grand-Rue. C'est sa casquette de grande sœur qui sera plus difficile à convaincre. Freya dévisage Sasha dont elle connaît la relation avec Alison à travers les récits de Charlie depuis le mois d'octobre. Je parlerai à Alison et Charlie, parce qu'Alison abordera jamais le sujet avec moi, quoiqu'elle en pense, et Charlie cogite trop, elle a déjà plein de questions en tête. Je trouverai les mots pour expliquer ta situation, et qu'elles restent indulgentes, et discrètes. Mais elles doivent savoir si elles te fréquentent. Pour leur sécurité. Le ton ne laisse aucun doute sur les intentions de la Poufsouffle, déterminée à prendre les choses en main. Ses sœurs sont intelligentes, elles sauront écouter, se persuade-t-elle. 

 

Un rapide calcul permet de comprendre que Sasha s'est engagé entre douze et treize ans ; un âge où personne ne devrait avoir à rejoindre des unités de combat et les horreurs du terrain. Freya choisit de transformer cette perspective effrayante en compassion. Moi aussi j'ai dû grandir vite, j'ai pas eu le choix, même si c'était dans un contexte moins violent, se confie-t-elle alors que le froid traverse son châle.

 

La conversation importe davantage, et l'aînée Carter humecte ses lèvres, traversée par le souvenir de son adolescence catastrophique. C'est difficile de se construire une personnalité quand on nous impose un chemin si brutalement, et toi encore plus. J'veux continuer à te soutenir, mais tu dois m'dire s'il y a des choses pas claires qui t'ont suivies ici en Écosse ok ? Comment savoir ce qu'il a entendu, ce qu'il a vu, ce qu'il a enduré, et ce qu'il a fait avec les Veilleurs de l'Aube ? Au-dessus du toit, le rapace rappelle sa présence et sa surveillance du foyer  en poussant un unique cri strident. Freya se tourne et aperçoit Charlie derrière la fenêtre du salon. Celle-ci disparaît aussitôt. Soudain, la Poufsouffle se souvient du couvre-feu et couvre son front. Tu vas être en retard, t'auras qu'à dire que j't'ai retenu au magasin d'accord ? J'écrirai un courrier s'il faut. On en reparlera la semaine prochaine.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
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Sasha avait acquiescé d'un mouvement de tête, silencieusement. Se savoir apprécié pour son travail était de toute façon la seule chose à laquelle il pourrait se raccrocher, puisqu'en Angleterre tout le monde voulait le voir laisser sa guerre loin d'ici, comme si cela aurait pu être une maladie contagieuse ; comme si demain, des moldus dotés d'armes à feu allaient tirer sur tout ce qui bougeait, juste parce qu'il avait sous-entendu que ça existait ailleurs sur le globe, et qu'il l'avait vu de ses propres yeux.

Donc, comme tous les bons anglais, les filles resteraient discrètes.

 

Il savait que Freya lui rendait service en réagissant ainsi ; pourtant, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une colère profonde, comme si un injustice était faite à son peuple alors que les anglais voulaient juste protéger leur monde - n'en aurait-il pas fait autant, à leur place ? Certainement. Il aurait peut-être même réagi bien plus brutalement que Freya si un individu tel que lui s'était approché de sa propre famille.

 

Sasha releva le nez, pour voir Freya réajuster son châle. Il faisait certes froid, mais il y échapperait bientôt. Il fronça un bref instant les sourcils.

 

Des choses pas claires ?

 

Il pensait qu'aucun soldat ne revenait de la guerre avec les idées parfaitement claires. Même si on n'avait pas, comme lui, ramené des aptitudes spéciales, on rentrait forcément avec un bagage invisible au regard des autres. Un bagage qui s'alourdissait à certaines heures, de façon imprévisible. Un bagage qui s'éveillait la nuit pour tenter de vous étouffer dans votre sommeil. Un bagage que pourtant Sasha se démenait pour emporter avec lui partout où il allait.

Il secoua la tête en un signe négatif, cette fois.

 

- Non, tout va bien ici pour moi. Je laisse ça là-bas.

 

Rien ne m'a suivi. C'était un mensonge et il en avait parfaitement conscience. Des enfants réfugiés à Poudlard, il faisait probablement partie de ceux qui suivaient le plus l'actualité du front de l'est ; même les russes avaient l'air d'avoir envie d'oublier le conflit, pour la plupart, désireux de se fondre dans un univers plein de promesses pour des adolescents qui rêvaient d'aventures amoureuses, de matchs de Quidditch ou d'avenir professionnel prestigieux.

Il avait voulu être honnête avec Freya : il était sincère avec les gens qu'il estimait, parce que c'était ce que sa mère lui avait appris. Quand on respectait quelqu'un, on lui disait la vérité. Sauf qu'il ne pouvait pas se permettre d'apparaître comme un danger trop grand pour les Carter. Cela aurait signifié perdre son travail, perdre une amie, et perdre de vue, aussi, la fille qui avait voulu faire semblant avec lui.

 

- Oui, c'est mieux que je rentre vite. A samedi prochain.

 

Sasha eut un dernier mouvement de tête entendu avant de tourner les talons. Il s'enfonça dans la nuit d'un pas vif, suivi par le regard tranchant du rapace perché sur la maison des Carter. Bientôt, il entendit la porte se refermer derrière lui, et l'obscurité l'engloutit à mesure que les lumières de la Grande Rue de Pré-au-Lard s'éloignaient. Les ombres ne lui faisaient pas peur. Ses pas réguliers le laissaient simplement seul avec lui-même, en proie à un silence rempli du brouhaha de ses pensées.

 

Elles doivent savoir si elles te fréquentent, pour leur sécurité. La phrase de Freya dansait dans son esprit, insidieuse. On aurait dit un propos que l'on tiendrait à quelqu'un qui avait fait de la prison. Ou qui avait un passé de pulsions incontrôlables. Dans tous les cas, ça voulait dire qu'il valait mieux garder ses distances avec lui.

Il voulait en vouloir à Freya, mais c'était impossible. Il voulait en vouloir à Alison aussi, pour l'avoir fait venir à elle et rejeté ensuite, mais c'était tout autant impossible. Ce soir, c'était devenu limpide : elles avaient tout simplement raison. Il s'en voulait à lui-même, de s'être bercé d'illusions. Sa guerre n'intéressait personne. Personne ne voulait voir ce bagage qu'il se trimballait partout. Il n'était pas beau. Pourquoi ne pouvait-il pas l'enterrer quelque part et faire comme s'il n'existait pas, comme tous les autres réfugiés de Poudlard ?

 

Lorsqu'il fut suffisamment loin des regards, Sasha se transforma en panthère et coupa à travers champs.

Il arriverait à l'heure.

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Freya Carter

Owen Carter Quidditch 24 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Poufsouffle
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À quinze ans, Freya a géré par intermittence le foyer à la place de son père qui plongeait dans une dépression sévère. À seize ans, elle a décidé de la meilleure façon d'accompagner l'anorexie mentale de sa sœur, Alison, sans que les services magico-sociaux ne puissent être alertés. À dix-sept, elle éconduisait les journalistes trop curieux, pressés aux portes de la boutique. L'année de ses dix-huit ans, elle a redressé le commerce OCQ, et maîtrisé les catastrophes causés par l'éveil du don magique de Charlie, et ses multiples idées fantasques. Le reste n'a été qu'une succession de défis, de choix impossibles mais essentiels, de beaucoup de résilience.

 

Alors face à la réaction confuse de Sasha, elle acquiesce, ravalant ses doutes comme la centaine de fois où elle a été obligée de prendre une décision hâtive. À samedi, rentre bien, se contente-t-elle de répondre en le suivant des yeux, persuadée qu'il gardera un souvenir amer de cette conversation. La silhouette de Sasha s'éloigne et la Poufsouffle espère avoir su trouver les mots quand même, et qu'il comprendra. Un soupir d'épuisement traverse ses lèvres. 

 

C'est seulement lorsqu'elle rentre dans la boutique que Freya remarque une lettre au sol, probablement glissée sous la porte. Elle referme derrière elle et ouvre le courrier, observée par différents posters d'Elliot Blackburn, quelques uns de Spike, et un étendard représentant son père. Le parchemin porte l'écriture raffinée de Jun.

 

Il l'invite à sortir avec lui pour la St Valentin, après leurs journées de travail respectives. La rouquine relit deux fois la formulation parfaite du Japonais et sourit. Elle ne le pensait pas capable d'un tel bond en avant. Les phrases sont sobres, pudiques, sans débordement de quoique ce soit, comme l'est son collègue au quotidien. Freya lève la tête et croise le regard d'Elliot Blackburn qui s'arrête de cirer son balai pour lui envoyer un clin d’œil. 

 

Elle se remémore leur seule St Valentin, en quatrième année, quand le Gryffondor a fini par dessiner un coeur sur le joint qu'il était en train de rouler et le tendre à la rouquine, accompagné d'une fleur, et d'une réplique inoubliable : "Tu diras pas j'suis pas romantique, j'peux même t'allumer la mèche s'tu veux".

 

Bien-sûr, Freya a gardé le joint, et la fleur. Bien-sûr, elle n'a jamais offert son cadeau ce jour-là, honteuse d'en avoir fait "trop", de s'être enflammée. Les joues rouges, la Poufsouffle relit encore la lettre ; c'est sa première invitation pour une Saint Valentin. Elle marche un peu dans le magasin, sentant les yeux de quelques posters la suivre. Tu vas faire quoi ?! demande l'aînée Carter sur un ton de défiance à son ancien petit-ami occupé à dessiner des loopings devant un coucher de soleil. Il a probablement déjà reçu un sac entier d'invitations à partager des dîners et des hôtels pour la St Valentin, se dit-elle, amère. J'vais y'aller Blackburn. Je mettrai peut-être même une mini-jupe, affirme-t-elle à haute voix, provoquant l'indignation d'Owen Carter en banderole. 

 

— Faudrait d'jà que vous soyez là pour m'en empêcher, signale Freya, appuyant son regard sur les portraits de son père et d'Elliot. La scène lui provoque un rire, comme une soupape laissant échapper la pression de cette fin de semaine. Elle range le parchemin et quitte la boutique sans leur dire "bonne nuit".