Harry Potter RPG
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Larmes fauve

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Charlie Carter

14 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Derrière les racines du saule cogneur, Lundi 05 Mars 2125

Son père lui manque. Charlie Carter souffre de l'absence d'Owen, parti à la recherche de sa femme depuis plusieurs mois, laissant ses filles sans nouvelles. La psymagicothérapie suivie par l'étudiante aide, mais n'absorbe pas toutes les douleurs. Au contraire, il faut les écouter, leur mettre des mots, répondre aux questions diurnes pour qu'elles restent loin des nuits de Charlie. Bientôt c'est son anniversaire, et comme Alison, la benjamine espère voir surgir l'ancienne star du Quidditch à cette occasion spéciale.

 

Elle aura quatorze ans, un âge où sa sœur essayait déjà de ressembler à une jeune femme. Elle l'a vu trier ses affaires, se débarrasser des objets enfantins dont elle-même s'entoure précieusement. Charlie a récupéré les peluches d'Alison dans sa chambre quand cette dernière a eu quatorze ans.

 

"J'ai peur de grandir", écrit-elle à l'intérieur d'un journal aux pages sombres. 

 

"19h- il fait NUIT",  ajoute l'adolescent après un regard à travers les racines noueuses du saule cogneur. Elle est venue se réfugier à l'entrée du tunnel vers Pré-Au-Lard juste après le dîner. Quelques insectes luisants éclairent les parois terreuses du passage, et une lanterne brille aux pieds de Charlie.

 

"Grandir = s'oublier ?" le crayon griffonne les contours des verbes, et la sorcière mordille le bord de ses lèvres. La suite l'effraie. Les adultes autour d'elle sont perdus, même l'étincelle d'Edwin Pope semble éteinte cette année. En séance avec la psychomage, Charlie a l'impression de faire semblant, de lui dire ce qu'elle veut entendre, pour qu'elle soit fière de ses progrès. Devant les autres aussi, elle ment. Elle sait qu'au fond, une fontaine pleure en permanence à l'intérieur. "Des fois j'oublie la tristesse, mais la tristesse ne m'oublie jamais."

 

Charlie pleurniche tout bas. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Derrière les racines du saule cogneur, Lundi 05 Mars 2125

Depuis le dîner chez les Carter, Sasha ne s'était plus ouvert auprès d'aucune des trois filles. Ni sur son passé, ni sur son intégration difficile à Poudlard. Il saluait Charlie, faisait son travail en écoutant les consignes de Freya, essayait de ne pas épier Alison qui jouait toujours à attirer les regards. Et une seule chose permettait de supporter ce quotidien vide de sens : la perspective de s'en échapper chaque nuit.

 

Toujours un peu plus longtemps.

 

Sous sa forme animale, il avait arpenté l'entièreté de la lisière de la Forêt Interdite qui entourait Poudlard, en connaissait parfaitement les contours, les recoins, sans s'aventurer beaucoup plus loin de peur d'oublier de revenir au château - et si cela arrivait, il attirerait trop l'attention. Il fallait qu'il fût présent au cours du lendemain, même les paupières lourdes, même l'esprit embrumé de sommeil. Les journées étaient longues et la fatigue marquait ses traits, mais étrangement, dès qu'il avait repris sa forme de panthère à la tombée de la nuit, il se sentait plein d'énergie.

 

La pénombre du crépuscule éveillait autour de lui mille sons, mille odeurs, et en lui, autant d'excitation à traquer, à humer, à contrôler des passages pourtant déjà examinés cent fois.

Les nuits où les nuages étaient suffisamment épais et la visibilité presque nulle pour les humains, il passait plus de temps dans le parc, à tourner autour des Sombrals qui lui jetaient des regards méfiants, ou bien à provoquer le Saule Cogneur en s'asseyant sur un talus, à quelques centimètres à peine de la portée de la dernière branche qui fouettait l'air rageusement sans pouvoir l'atteindre. De temps à autre, il profitait de cet arbre aux propriétés si étranges pour s'entraîner durement : il s'élançait dans le territoire du Saule et s'efforçait d'en éviter les coups sauvages ; il contre-attaquait en lacérant l'une ou l'autre branche de longues et profondes griffures qui enrageaient l'arbre plus encore ; et le jeu violent se répétait jusqu'à épuisement.

Alors, Sasha déclarait forfait, et partait se réfugier sous un bosquet ou dans un arbre de la Forêt, pour y reprendre son souffle, se tasser dans une posture de repos où il somnolerait quelques heures, les yeux mi-clos, à surveiller ce qui était visible, jusqu'à l'heure où il s'efforcerait de rentrer.

 

 

 

 

Cette nuit-là, c'était un programme similaire qui l'attendait. Sasha s'était approché du Saule Cogneur, dont les branches restaient immobiles encore. Il n'osait déclencher trop tôt sa fureur ; certains professeurs et élèves veillaient tard, et auraient pu apercevoir l'arbre de leur fenêtre malgré la brume qui flottait sur l'herbe et engloutissait largement les reflets de sa propre fourrure. Tapi dans la verdure, son poil se mêlait aux nuances d'ombre d'un sol inégal, le rendant invisible pour un observateur du château, et sa démarche lente, louvoyante, disparaissait dans les vagues formées sur l'herbe qui se pliait à chaque souffle de vent. Une brise qui charriait une odeur d'écorce humide, de feuilles mortes en décomposition, et de cire chaude qui consumait.

 

La panthère s'immobilisa en chemin. Le saule cogneur paraissait sur ses gardes. Sasha respira de nouveau : l'odeur avait disparu. Une odeur de bougie. Inhabituel à cet endroit. Il resta longuement immobile : au bout d'un moment, très fugace, l'odeur revint de nouveau - avant de la perdre, il avança - il la perdit tout de même. Ses oreilles et ses yeux apparurent au-dessus de la verdure tandis qu'il cherchait tout autour de lui - un signe visuel, ou auditif, mais le chuintement du vent masquait cette partie de ses perceptions. En revanche, sous le Saule Cogneur, une faible lueur, que ses yeux perçants uniquement étaient en mesure de deviner - quelqu'un se cachait là-bas.

 

Il hésita.

 

Si c'était un groupe d'élèves qui bravaient le règlement pour aller fumer discrètement, il valait mieux ne pas croiser leur route.

 

Son coeur se mit à battre.

 

Et si c'était Alison ? Qui avait suivi un garçon ?

 

Ca ne le regardait pas, si c'était le cas. Et puis, les chances étaient si maigres.

 

Il fallait qu'il vérifiât tout de même.

 

Sasha traversa le territoire du Saule en quelques bonds rapides et silencieux - pour la forme, le Saule Cogneur cingla les herbes hautes, sans succès : l'instant suivant, la panthère louvoyait déjà entre les racines, pour se tapir derrière l'une d'elles, près de la lumière.

 

Un passage dissimulé. De toutes les fois qu'il avait approché l'arbre, il n'avait jamais songé à fureter si près des racines. Il aurait pu se morigéner d'avoir manqué une telle opportunité d'exploration - mais cette fois les odeurs l'avaient détourné vers une autre préoccupation : aux senteurs diffusées par la lanterne se mêlaient les résidus d'encre et de papier humide, de cire Polish d'OCQ, de vêtements de Carter. Et une signature familière.

Charlie.

 

Sans attendre, la panthère descendit dans le passage.

 

Charlie l'entendit - malgré son agilité, son poids et le humus qui couvrait le sol provoquèrent des craquements sous ses pattes, et il s'immobilisa quand il la vit en pleine lumière : recroquevillée là, avec des larmes sur les joues qui luisaient sous l'effet de la lanterne. Sasha la contempla sans bouger un poil quelques instants - le temps, en réalité, qu'elle put le reconnaître à son tour. Il hésita à se transformer en humain.

C'était la meilleure chose à faire. Mais pour lui dire quoi ?

 

Charlie était triste.

 

Sous sa forme humaine, il la comprendrait mieux.

Mais sous sa forme humaine, il la comprendrait trop.

Et il ne fallait pas qu'elle le fréquentât vraiment, n'était-ce pas ce que Freya voulait ?

 

- Roâ.

 

Un feulement rauque, mais non menaçant. Sasha observa un moment les alentours - aucune autre odeur non naturelle, aucun autre bruit suspect. Ils étaient seuls.

Alors tranquillement, il vint laisser choir son corps massif à côté d'elle. Avoir le ventre dans la terre ne le gênait pas. Il rassembla ses pattes sous lui, posa son museau de côté, sur le sol, mais le dessus de sa tête contre la hanche de Charlie.

 

Moi non plus, je sais pas, il aurait voulu dire, mais il se contenta de fixer une feuille morte à demi déchirée devant ses yeux verts - la seule chose qui semblait encore vaguement humaine en lui sous cette forme.

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Charlie Carter

14 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Derrière les racines du saule cogneur, Lundi 05 Mars 2125

"Immobulus ça fonctionne aussi", avait confié Fenella en parlant du saule cogneur à deux adolescents de passage à la boutique un samedi en fin d'après-midi, et anxieux d'être bloqués au retour. Jamais Freya n'aurait donné conseil à des élèves pour qu'ils viennent à Pré-Au-Lard en fraude, s'était dit Charlie face au clin d’œil de l'ancienne Serdaigle.  N'empêche que le lendemain déjà, elle essayait de paralyser les racines de l'arbre et découvrait de ses propres yeux le tunnel vers son village d'enfance. Rapidement, l'endroit est devenu l'un de ses refuges au chateau, avec les alcôves oubliées, le dessous de certains escaliers, et sa préférée de toutes : la salle des trophées. 

 

Quand les branches du saule s'agitent ce soir, faisant grincer tout l'arbre et ses racines, la benjamine Carter fixe l'entrée, attentive au moindre bruit. D'expérience, il s'agit parfois d'une fausse alerte, ou même d'une riposte efficace, car bien souvent, personne ne vient. Charlie jurerait d’ailleurs avoir entendu le saule éternuer la semaine dernière. Cette nuit-là, elle a eu la visite d'une belette assez habile pour éviter les coups de branches noueuses et venir se réfugier à l'abri du vent. Aujourd'hui, la belette a des pattes aussi larges qu'un souaffle et une musculature puissante.

 

D'abord, la rouquine a un mouvement recule, ses épaules enfoncées contre la paroi terreuse du passage secret. Elle fixe la silhouette sombre en sentant son coeur battre à tout rompre. Elle devine vite qu'il ne s'agit pas d'un humain. Mais très rapidement, tandis que la créature s'immobilise, Charlie reconnaît Sasha sous sa forme animale.

 

— Sasha.. se contente-t-elle de souffler, pourtant toujours sur ses gardes.

 

L'adolescente fixe la panthère sans bouger, son carnet serrée contre elle, ses jambes recroquevillées, ses joues humides. Lorsqu'il approche, elle coupe sa respiration, l'esprit hanté d'images violentes propulsées par les aveux de l'Ukrainien l'autre soir, puis sa conversation avec Freya. Le contact de la créature lui donne un léger hoquet. Pendant ce qui semble une éternité, Charlie reste figée, le regard porté sur une ombre dansant en face d'elle.

 

L'animal aussi finit par jeter un œil à l'ombre. La jeune sorcière comprend qu'il n'a pas l'intention de partir et se rappelle leur première rencontre, et la manière dont Sasha était si différent sous les traits de la panthère. Il comprend moins de choses, mais il ressent tout, avait-elle écrit entre les pages de son journal après leur mésaventure dans la forêt interdite. 

 

Lentement, Charlie ouvre le cahier qu'elle tenait contre son torse, et recule de quelques jours. Elle inspire, et commence à lire d'une voix cassée par la peur, et la tristesse. "Samedi 10 février - 9h du soir. Sasha a fait la guerre au front. Est-ce qu'il a tué des gens ? Freya ne veut pas me dire de quoi ils ont parlé dehors. Je ne sais pas s'il pourra encore être ma panthère des cauchemars." Elle renifle et déglutit. L'écriture tremblote à cause de la flamme vacillant courageusement dans la lanterne. Les oreilles du fauve sont tournées vers elle. La rouquine ose un regard hésitant vers lui, mais reprend aussitôt sa lecture. "Dimanche 11 février - 8h40 du soir. J'ai peur de dormir. J'ai rêvé que la panthère était rouge comme le sang. Freya m'a dit que Sasha avait été obligé de rejoindre les Veilleurs de l'Aube pour l'honneur de sa famille, mais que ça ne veut pas dire qu'il voulait faire la guerre. Demain j'irai voir à la bibliothèque ce qu'ils ont sur les Veilleurs de l'Aube. Je n'ai rien dit à Alison quand elle m'a demandé si j'avais vu Sasha, parce qu'Alison a des jugements rapides sur les gens." Les doigts de Charlie suivent les mots qu'elle a tracé et décident parfois d'ignorer certains paragraphes pour se porter sur le suivant. Les bracelets qu'elle porte autour du poignet tintinnabulent doucement alors qu'elle change de page, et reprend sa respiration. "Est-ce que l'armée a forcé Sasha à devenir Animagus ? Les Veilleurs de l'Aube ont l'air horribles. J'ai peur qu'il y ait la guerre en Angleterre, et que je doive aussi rejoindre les combattants, et faire des choses horribles à mon tour." Les bottines de la Serdaigle glissent sur le sol, jusqu'à ce qu'elle puisse tendre ses jambes couvertes d'un pantalon d'uniforme gris foncé.

 

Emmitouflée dans sa cape, elle affronte la suite de ses pensées, plus sombres les unes que les autres à l'intérieur de ce journal un peu spécial. "C'est bête à dire, mais j'aimerais que la guerre n'existe pas. Je n'arrive pas à imaginer si je devais me battre à 13 ans comme Sasha. Il doit trouver nos problèmes bien idiots à côté de la situation dans son pays. Est-ce que je suis pour la Russie ou pour l'Ukraine ? Je ne sais pas. J'aimerais que tout le monde en sorte vivant." Sur la couverture du cahier, griffonné au crayon à papier "JOURNAL DU MALHEUR" hurle une détresse silencieuse, car jamais Charlie n'expose ces lignes à personne normalement. Chaque soir, elle le cache derrière la reliure épaisse d'un vieux grimoire, semblable à celui qu'elle fabriquera pour l'anniversaire de Basil. "Encore un cauchemar. Mon père est rentré mais il ne se souvenait pas de moi. Puis il devait partir à la guerre. J'ai lu dans un journal archivé à la salle d'études que Les Veilleurs de l'Aube ont torturé des enfants russes qu'ils avaient fait prisonniers. Pourquoi en Histoire de la Magie on n'étudie pas ce qu'il se passe vraiment là-bas ? J'ai vu Sasha aujourd'hui, je crois qu'il m'évite. Je pense que je l'évite aussi. Je déteste être comme ça."

 

Les ailes d'un insecte bruissent paisiblement dans la taverne formée par l'entrée du tunnel. Charlie replie ses jambes et surveille la panthère qui semble toujours attentive, les yeux fermés mais les oreilles bien tournées vers elle. Elle se demande s'il comprend le moindre mot. Tant pis, décide-t-elle intérieurement, car elle a besoin de sortir ce qui tourne en boucle dans son esprit depuis des jours et des jours. "Freya pense que l'école n'aurait pas accepté des sorciers dangereux, elle m'a demandé d'arrêter de penser à ça, mais c'est impossible ! Si c'est impossible pour moi, ça doit être encore moins possible pour les réfugiés de Poudlard. J'aimerais au moins savoir exactement ce que faisait Sasha, pour ne plus avoir mon imagination qui le voit faire tout ce que je lis dans le journal. Alison dit que je dois arrêter de lire les journaux, mais j'ai envie de savoir. On ne peut pas faire comme si la guerre n'existait pas !" Un soupir s'échappe des lèvres de la troisième année. Elle essuie ses yeux larmoyants et ferme le cahier. 

 

— Je sais pas si comprends trop de choses, ou si je comprends pas assez de choses, mais j'ai l'impression d'être complètement perdue. J'ai l'impression que plein de trucs tournent pas rond, et plein de gens font semblant que tout va bien, mais ça va pas. Ça va pas du tout Sasha, ajoute la benjamine Carter, la voix sanglotante, avant de cacher son visage derrière ses mains. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Derrière les racines du saule cogneur, Lundi 05 Mars 2125

Le nez à demi dans la terre, Sasha écoutait la lecture qu'elle lui faisait. Il aurait aimé qu'elle lui contât une histoire, ou tout autre chose : sa voix enfantine était berçante, et mêlée aux odeurs qu'elle dégageait, il trouvait dans cette proximité avec la petite fille une forme de sérénité, douce et tranquille.

Mais son esprit humain interprétait bien les mots qui tombaient dans ses oreilles les yeux fermés.

 

 

 

La voix était tremblante, et racontait les terribles angoisses d'une petite fille, qui dégoulinaient dans son sommeil - maintenant, elle rêvait de lui sous la forme de cauchemars sanglants. Il s'y mélangeait la guerre et l'absence du père, les informations sensationnelles des journaux qui cherchaient à vendre et les injonctions d'une soeur qui voulait la protéger.

 

Ça va pas du tout Sasha.

 

Je sais, il aurait voulu répondre.

 

 

 

La panthère roula sur le dos en rouvrant les yeux. Son torse se gonfla et un souffle puissant s'échappa de sa gueule - malgré toute l'animalité détendue de la posture, le souffle avait eu l'air d'un gros soupir.

 

Et puis, les poils changèrent de couleur, la tête prit un peu moins de place, et à la place des oreilles, une tignasse emmêlée se retrouva au sol.

Sasha avait repris forme humaine, mais il resta étendu, les mains sur le ventre, à regarder la voûte qui leur servait de plafond protecteur.

Il resta un moment silencieux, parce qu'il savait qu'il fallait dire quelque chose, mais il ne savait toujours pas quoi.

 

Sasha s'était toujours dit qu'il devrait réfléchir à ce qu'il raconterait, notamment à sa petite soeur. Qu'il devrait anticiper quels mots emprunter, quelles anecdotes raconter et lesquelles passer sous silence. Qu'il devrait être le plus honnête possible, parce que Kalina n'était pas idiote, et qu'il devait être le plus précautionneux aussi, parce que Kalina ne méritait pas de faire des cauchemars la nuit en rêvant que son frère déchiquetait des gens.

 

A cet instant, il se rendait compte de la difficulté d'une telle tâche.

 

Il déglutit.

 

- Charlie, il dit soudain.

 

Et il se redressa. Son dos et ses cheveux étaient parsemés de débris de feuilles et de branches mortes, mais il n'y fit pas attention. Il s'assit à côté de la Serdaigle, et s'humecta les lèvres le temps de se lancer.

 

- Quand je suis parti, je savais pas ce que c'était la guerre. Je croyais partir pour le bien, parce que je savais pas ce qui allait se passer.

 

Ou plutôt, il en avait une vision déformée. Il savait sans l'avoir vu que lorsqu'il avait quitté son foyer, Kalina avait dû pleurer des nuits entières, parce que c'était dans son lit qu'elle venait se réfugier quand ils entendaient trop d'histoires qui faisaient peur ou le bruit des bombes dans le lointain. Il savait aussi que sa mère et son père avaient dû violemment se disputer. Il entendait presque la voix de sa mère crier que c'était son père qui lui avait mis ces idées d'honneur dans la tête, à cause de toutes les fois où il parlait des russes à table en commentant l'actualité alors que ça n'aurait pas dû être évoqué devant les enfants - et son père aurait rétorqué qu'on ne pouvait pas leur cacher une vérité aussi brutale parce qu'ils en entendraient de toute façon parler par d'autres familles, à l'école, chez les copains, dans les gazettes.

 

Mais il était , maintenant, auprès d'une jeune fille que son histoire avait contaminé jusque dans son sommeil, et il n'était plus possible de revenir en arrière.

 

- L'Angleterre va pas faire la guerre. T'es dans un pays sûr, Charlie. Ici tout va bien, tu as beaucoup de chance d'être née ici. L'Ukraine et la guerre, c'est très, très, très loin.

 

Sa gorge s'était noué un peu, et il ramena ses jambes pour se mettre en tailleur et se pencher en avant, absent quelques secondes, ses doigts cherchant quelque brin d'herbe à triturer. Il contempla, ce faisant, le dos de ses mains striées de cicatrices noires et épaisses, disgracieuses.

 

- J'ai pas eu le choix de devenir Animagus, et surtout, j'ai pas eu le choix de cet animal-là, précisa-t-il, avant de secouer la tête. Mais c'est pas vrai que les Veilleurs torturent des enfants. Les journaux écrivent des trucs pour vendre.

 

Enfin, je crois pas. De drôles de doutes s'étaient parfois insinués en lui depuis qu'il avait consulté les journaux d'Anya, dans lesquels des faits odieux étaient relatés. Il s'était convaincu que ce n'était qu'un tissu de mensonges. Mais il savait aussi que certaines brigades avaient dérapé, comme il avait entendu quelques grands discuter. Il n'avait pas vraiment compris, alors. Il avait cru que c'étaient des sorciers qui avaient raté des missions. Maintenant, avec l'âge, il se demandait à quel genre de dérapage les aînés faisaient à l'époque référence. Ce qu'il avait vu de ses propres yeux lui suffisait déjà largement, et il s'efforça de mettre cela de côté. Il soupira - un soupir semblable à celle de la panthère - avant de relever les yeux vers Charlie.

 

- Je suis désolé de t'avoir évitée. J'en ai pas envie, pas envie du tout, mais regarde : à peine tu connais un peu mon histoire que ça t'empêche de dormir. Si je suis pas la panthère qui te protège de tes cauchemars, il vaut probablement mieux que je sois pas là du tout, tu crois pas ? En tout cas moi, je veux pas t'en apporter de nouveaux.

 

Il y eut un silence qui le fit se sentir misérable. Est-ce qu'il y arriverait ? Il ne songeait pas à reprocher à Charlie son escapade à l'extérieur - ç'aurait été Sainte-Mangouste qui se moquerait de la charité - mais si elle se promenait dehors la nuit, il aurait dû mal à ne pas la suivre. Sasha haussa les épaules, reporta son attention sur la petite branche qu'il réduisait petit à petit en morceaux, avec application.

Freya avait raison : il pouvait profondément affecter Charlie, et pas vraiment dans un sens positif.

Sa respiration s'accéléra subitement, et il dût cligner des yeux plusieurs fois pour digérer l'émotion étrange qui l'envahissait. Soudain il comprenait pourquoi il s'était évertué à se rapprocher d'elles. Alison, Charlie, puis Freya : elles étaient des tests. Avec systématiquement le même résultat. Elles étaient la preuve. Il déglutit de nouveau.

 

- Tu sais, il dit subitement au bout de longues secondes, et sa voix comme ses mains tremblaient un peu, peut-être que si ton père rentre pas, c'est parce qu'il veut vous protéger. Peut-être qu'il vous aime très, très fort, mais qu'il pense que c'est mieux pour vous s'il rentre pas.