- Ah, poule mouillée, c'est peut-être une expression que de chez moi, reprit-il, sans avoir conscience qu'il s'agissait surtout d'une expression de moldus. Ca veut dire, hum, froussard, quoi.
Et s'il y avait bien un crime qu'un Shevchen ne commettait pas, c'était de celui de céder à la peur, avait-il plus ou moins décidé avec lui-même.
Sasha remit ses coudes sur ses genoux, et à la mention de Ferguson Decker, il renfonça son menton entre ses mains, l'air morne.
- J'me souviens même pas c'que j'ai fait pour la Saint-Valentin, grommela-t-il, comme si ça n'avait pas beaucoup d'importance, mais il visualisa vaguement le Poufsouffle tourner autour d'Alison comme un vautour au bec dégoulinant de bave, et l'image lui fit retrousser le nez.
Evidemment, Alison n'avait pas donné une franche acceptation à l'invitation au dîner, comme elle avait balayé sa proposition de danser. Il contempla les troncs devant lui, grands et durs comme les barreaux d'une prison. Si elle ne donnait pas de franc accord, elle ne donnait pas non plus un refus. Il prendrait ce qu'on voudrait bien lui donner avant de partir, décida-t-il, parce qu'il ne fallait rien regretter.
La question suivante de la cadette Carter lui fit baisser les yeux un bref instant, comme pour capter, dans son champ de vision, les genoux clairs d'Alison. Il s'humecta les lèvres, le temps de trouver les mots.
- Je serai majeur le 11 août prochain.
Ca ne voulait pas dire grand chose pour les élèves d'ici, à part le permis de transplaner et quelques autres avantages logistiques dont il bénéficierait lui aussi. Sasha prit une inspiration, mais préféra ne pas changer de position, comme on aurait voulu éviter de faire peur à un petit animal qui se serait, pour une fois, approché.
- Je retournerai là-bas, où je suis utile.
Où il avait véritablement sa place. Il ne valait pas vraiment la peine d'expliquer à Alison comment il se rendrait utile, elle en tirerait les conclusions qu'elle voudrait : dégoûtantes si c'était ainsi qu'elle voyait sa réalité, nobles si elle voulait bien voir autre chose que l'univers polissé de Poudlard.
Sasha resta un moment silencieux, conscient que la discussion n'irait probablement pas davantage en sa faveur s'ils poursuivaient dans cette direction.
Il finit par tourner la tête de nouveau, pour rencontrer le regard de la jeune fille. Elle avait réarrangé sa frange, et bizarrement, l'expression de son visage lui fit penser à Kate dans l'album photo, surtout quand elle ne souriait pas parce qu'elle était préoccupée par autre chose, par exemple retenir Charlie qui essayait de se mettre debout sur un sentier écossais. Sasha eut un sourire triste en détournant le regard.
- Bon, ben t'y réfléchiras, pour le dîner, conclut-il en se levant finalement. A moins qu'tu préfères attendre que Ryder ou Decker vienne chanter sous ton balcon, mais tu risques d'avoir des mauvaises surprises, railla-t-il en enfonçant ses mains dans ses poches.