Je reste immobile, mes yeux fixés sur elle alors qu'elle parle, chaque mot prononcé avec une froide détermination. Son regard d'acier, les nuances sombres de ses mèches, son ton implacable... Tout en elle reflète cette volonté de contrôle absolu, cette peur viscérale de se laisser submerger. Anya ne veut pas de guide, elle veut une méthode. Je le comprends, mais je ne peux m’empêcher de noter à quel point elle semble tendue, prête à ériger un mur plus épais autour d’elle-même.
Je me redresse légèrement, appuyant mes paumes sur le bord du bureau. Elle évoque le contrôle des émotions, le pouvoir des potions et des pensines. Canaliser, comme elle dit. Mais je sens que ce qu’elle décrit va bien au-delà de la simple maîtrise. C’est une bataille contre une partie d’elle-même qu’elle considère presque comme une ennemie. Et son refus catégorique de relâcher quoi que ce soit me dit que, malgré sa force, elle est terrifiée.
— Anya, je t’entends, dis-je finalement, en prenant soin de maintenir mon ton posé. Tu veux des réponses concrètes, des exercices précis pour avancer seule. Et je respecte cela. Ce que tu fais, venir ici pour chercher une solution, c’est déjà un acte de force.
Je fais une pause, mes yeux quittant un instant les siens pour se poser sur les reflets du soleil couchant à travers la fenêtre. Le parc est paisible, mais cette quiétude contraste vivement avec le tumulte que je perçois chez elle.
— Je vais te donner des exercices, des techniques que tu pourras essayer. Mais avant cela, je veux que tu comprennes une chose.
Je repose mon regard sur elle, le rendant aussi direct et clair que possible.
— La métamorphomagie n’est ni sauvage, ni indomptable. Elle n’est pas une rivière en crue que tu dois contenir à tout prix. Ce que tu vis, cette sensation de chaos, c’est une réaction. Un écho. Tu ne pourras pas toujours tout compartimenter, tout canaliser. Parfois, c’est dans le relâchement, même partiel, que tu trouveras la vraie maîtrise.
Je la laisse digérer ces mots un instant, conscient qu’elle n’est probablement pas prête à entendre cette partie de ma réponse. Mais je veux planter cette graine, qu’elle y revienne quand elle sera prête.
Je me dirige vers une étagère et saisis deux volumes. L’un est un manuel technique sur la métamorphomagie avancée, l’autre un traité sur la gestion des émotions liées aux dons magiques. Je reviens vers elle et pose les livres devant elle.
— Ces exercices te permettront de travailler sur ta connexion avec ta magie. L’approche est progressive, rien d’invasif. Mais je te conseille aussi d’y aller avec prudence. La canalisation, comme tu l’appelles, peut fonctionner à court terme. Mais à force de contenir, tu risques de créer une pression que tu ne pourras plus gérer un jour.
Je fais un pas en arrière, lui laissant l’espace nécessaire pour réfléchir, pour décider.
— Fais ce qui te semble juste pour toi. Je suis là si tu as besoin d’ajuster ou d’approfondir ces méthodes. Et Anya, n’oublie pas : ta magie, ce que tu ressens comme un chaos, fait partie de toi. Elle ne te définit pas, mais elle mérite d’être comprise, pas combattue.
Je me rassois, croisant les mains sur le bureau, lui indiquant sans un mot que je reste disponible si elle a des questions. Mais le reste, je le sais, dépendra entièrement d’elle.