Un instant, Basil reste observer Nikolaï avec des yeux ronds, la bouche un peu entrouverte. Il n'est pas bien certain du lien étiré par le russe entre les autres garçons se moquant ouvertement de lui, et sa mort. Il faut dire cependant qu'extirpé de la guerre, l'on tire souvent une mentalité dure comme celle-ci. Il l'a lu dans diverses archives d'articles de presse, et même dans plusieurs romans. Sa fascination pour ce genre de phénomène est loin de dater d'hier. Pratiquement incollable sur la première guerre mondiale qui a ravagé le monde moldu, ainsi que sur celle qui a suivi, Basil est au fait de nombre de leurs conséquences désastreuses sur les populations. Alors, sa bouche se referme bientôt, et il se contente d'un simple mmh qui n'approuve ni ne désapprouve les dires de son camarade slave.
Il hausse par ailleurs les épaules lorsque l'autre refuse de comprendre que ses visions se produisent systématiquement, que ce soit ou non de la volonté de ses protagonistes. Nikolaï le verrait bien par lui-même, comme tous ceux qui ne l'avaient pas cru auparavant.
- Ok...
Peu certain des conseils prodigués - même la tête haute, il en faisait bien une de moins que l'ensemble de ses camarades -, Basil se contente de froncer les yeux en s'imaginant les suivre : parler fort n'est pas dans sa nature, et il serait probablement tétanisé rien que d'entendre le son de sa propre voix faire écho dans les couloirs en réponse aux provocations. Nikolaï n'avait, qui plus est, pas répondu à sa question. Alors, un instant passe. Pas tant gênant que silencieux. Étrange. Peut-être absurdement long, à moins qu'il ne dure qu'une poignée de secondes. Basil n'est sûr de rien. Simplement qu'il reste observer Nikolaï, puis le couloir, Nikolaï de nouveau, avant d'émettre un genre de raclement de gorge, et d'élaborer un geste flou qui se veut peut-être illustrer un salut.
Quelque chose comme ça.
Mais alors qu'il commence à s'en aller, pensant planter là le russe et sa posture militaire, Nikolaï commence à le suivre. Les yeux ronds de nouveau, Basil se sent étrangement soulagé de le constater, et il se pince brièvement les lèvres en ce qui ressemble peut-être vaguement à un sourire. Pour lui-même, pour le monde. Un garçon marche à ses côtés, un garçon dont personne n'oserait se moquer. Nikolaï Polyanski. Le garçon qui se tient plus droit que la tour Eiffel. Sans vraiment s'en rendre compte, Basil se redresse, les épaules vers l'arrière, le menton haut, les yeux non plus vissés sur la pointe de ses souliers, mais vers le bout du couloir. Son pas s'adapte à celui, plus rapide et plus assuré, de Nikolaï. Le silence se prolonge, et aucun d'eux ne semble vouloir le briser.
Quelques regards les suivent, lui semble t-il. Planqués dans les alcôves, entre deux armures. Sur le palier des escaliers de l'étage suivant. Dans le recoin d'un couloir. Mais la magie opère, car personne ne lui adresse la parole, ni ne tente de lui lancer le moindre croque-jambe, ni ne lui lance de boulette de papier, ni ne l'asperge d'encre, ni rien. Basil se sent comme une confiance terrible qui le pousse vers l'avant avec davantage de vigueur, jusque bifurquer vers l'escalier qui s'enfonce dans les sous-sols, les mènera en salle de potions. C'est-là, dans la semie obscurité d'un couloir sombre, que parait un groupe de serpentards, visiblement décidés à lui barrer la route. Ils n'ont pas l'air de même calculer la présence du russe à ses côtés, peut-être persuadé qu'ils ne font que marcher côte à côte, et non ensemble.
C'est là que le doute survient, dans l'esprit de Basil. Marchaient-ils seulement côte à côté depuis tout ce temps ? Ou simplement dans la même direction...
- Basilic...
- T'as zappé tes manières ou quoi ?
- T'as pas un truc à nous donner ?
- De quoi ? N... Nan.
La seconde qui suit le voit dresser le menton, tâchant de faire face tandis que les trois garçons, de son année, forment une véritable barrière entre lui et le reste du couloir. Déjà-vu. Des dizaines de fois, en réalité. Il sait pertinemment ce qu'ils veulent. Comme chaque lundi : les sous que lui envoie sa mère par courrier pour profiter de Pré-Au-Lard.
- Bah si Basil. On t'apprend rien qu'tu sais pas déjà quand même.
- L'mec voit que ce qu'il veut en fait.
- Laissez-moi passer ! Il s'exclame subitement, d'une voix forte, le menton toujours relevé.
Sauf que ça le surprend plus que les autres, qui se mettent plutôt à rire bêtement, se balançant des coups de coude.
- Laissez-moi passer ! L'imite Foley d'une voix aigüe.
- T'vas faire quoi si on t'laisse pas passer, nous photographier ?
- J... Nan...
- N... Nan...
- P'tain mais quelle grosse victime. Bon file c'que t'as là, on a pas qu'ça à foutre.