Noah Ingram resta un instant assis, figé dans un mélange de désespoir et de lassitude. Son regard se perdit sur la porte qui venait de se refermer derrière Leo, comme s’il espérait secrètement qu’elle se rouvre pour qu’il puisse corriger la bévue sur-le-champ. Mais la réalité le rattrapa, avec le chaos imminent et les conséquences d’une telle erreur.
Il se redressa, frotta ses tempes d’un geste épuisé, puis appuya sur l’interphone.
— Anne… pourriez-vous me passer le dossier Bloodworth ?
Il marqua une pause, choisissant soigneusement ses mots. La voix de la secrétaire résonna doucement, teintée d’une résignation presque complice, un soupir audible de l’autre côté.
— Bien sûr, Monsieur Ingram. Je suppose que je prépare également les formulaires de sanctions disciplinaires ?
Noah se pinça l’arête du nez, esquissant un rire sec, sans véritable trace d’humour.
— Oh, mais cela va bien au-delà d’un formulaire… Prévenez également l’équipe de récupération des artefacts. Son ton devint plus grave. Nous devons lancer une intervention immédiate pour sécuriser la réserve. Monsieur Bloodworth junior a "emprunté" un coffre à disparition en pensant qu’il s’agissait du coffre incartable.
Un long silence se fit entendre à l’autre bout de la ligne, comme si Anne avait besoin d'un moment pour digérer ce qu’elle venait d’entendre. Ou alors, elle se retenait purement et simplement d'éclater de rire devant cette énième bavure du fils Bloodworth. Finalement, elle répondit avec une pointe d’hésitation.
— Le… le coffre à disparition, Monsieur ? Celui qui… fait disparaître définitivement ce qu’on y place ?
— Exactement celui-là, répondit Noah, sentant le poids de chaque mot, comme si énoncer l’ampleur du désastre rendait la situation encore plus réelle. J’aurais dû me méfier. Le concept de coffre “incartable” semblait probablement trop subtil pour lui…
Il laissa échapper un soupir encore plus lourd, son regard se posant sur la pile de dossiers s’amoncelant sur son bureau.
— Anne, nous aurons aussi besoin de contacter Monsieur Bloodworth père. Il serait sans doute avisé de lui suggérer une réorientation pour son fils. Peut-être une affectation plus… “inoffensive” ? Si nous devons continuer à l'héberger au sein du département, pourquoi ne pas l’envoyer aux archives des chapeaux enchantés ? Ou dans l’inventaire des bottes à lévitation ?
— Monsieur Ingram, vous pensez sérieusement que ce serait une sanction adaptée ?
— Oh, croyez-moi, Anne, je ne suis pas dans un esprit de sanction. Plutôt de survie. Il reprit d’un ton légèrement plus assuré, comme s’il trouvait enfin un semblant de solution au milieu de ce chaos. En réalité, je pense qu’il serait en parfaite sécurité, à distance raisonnable des artefacts à haut risque. Les bottes et les chapeaux n’ont jamais causé la moindre alerte de sécurité.
Puis, se redressant sur son fauteuil et observant le bureau encore en désordre, il conclut avec une note plus douce.
— Rassurez-moi, Anne, vous avez bien demandé à l’équipe de sécurité de remplacer les serrures de la réserve, n’est-ce pas ?
— Absolument, Monsieur. D’ici la fin de la journée, le jeune Bloodworth ne pourra même plus ouvrir une boîte de plumes sans autorisation. D'ailleurs à ce propos il serait bon de ...
La voix de la secrétaire se perdit dans le brouhaha, une voix que Noah n'eut aucun mal à reconnaître résonnait dans tout l'étage.
— ALERTE, INFRACTION AU NIVEAU DEUX, ON A VOLÉ TOUS LES ARTEFACTS DE LA RÉSERVE ! ALERTE ! CHEF INGRAM !
Noah se prit la tête dans les mains et prit une longue - très longue - inspiration. Le stock de chapeaux : ce sera parfait.