Habitations Registre des habitations Chevron gauche [Londres] 103 A Alderney Street Chevron gauche [En Cours] Un piston pour fiston [ft. Alaric Bloodworth]

Leo Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Soit y a trop d'affaires, soit y a pas suffisamment de rangements. Si on lui demande, le bordel a surtout à voir avec les dimensions pas bien folles de son appartement. Faut dire qu'il a pas de quoi se payer bien mieux. Pis bon. Ça lui convient. Parce qu'on va pas se mentir, c'était pareil dans son dortoir à Poudlard, pis à la maison des parents quand il y rentrait. L'espace finissait toujours pas être entièrement occupé, d'une manière ou d'une autre. Ça tenait presque d'un tour de magie, vraiment. Des biens destinés à s'éparpiller sans jamais trouver d'endroit bien à eux. Comme Leo. Leo non plus n'avait pas d'endroit bien à lui. En dehors de ce minuscule appartement, donc. Appartement dans lequel il ne passait que bien trop de temps depuis qu'il avait perdu son dernier emploi.

 

Ça n'avait pas été bien sorcier, pourtant. Littéralement d'ailleurs, puisque c'est dans le monde moldu qu'il avait signé son contrat. Balayeur. De ce qu'il pouvait en dire, Leo avait été un excellent balayeur. Il avait balayé comme personne. Le boss l'avait balayé comme personne également, après qu'il ait malencontreusement embouti la dernière Electra au milieu d'un mur de béton. Un terrible malentendu, vraiment. Josh n'avait rien voulu savoir. Soi-disant qu'il était intolérable de lancer des marathons de nettoyage au milieu d'un boulevard le dimanche. Jusque là, y avait rien d'écrit dans le mode d'emploi. Pis ça faisait de la pub au métier. De toutes façons Leo avait pas kiffé être balayeur. Excellent, mais pas motivé. Sa magie faisait des étincelles à chaque fois qu'il approchait des machines, en plus de flinguer les freins - c'était pour ça, le mur de béton, pas sa faute on a dit.

 

Bref. Il a perdu son emploi, Leo, et de nouveau il doit passer des heures à regarder ses murs blanc décharnés qu'ont rien de bien intéressant à lui raconter. Il a déjà envoyé fait les démarches pour trouver un autre plan de carrière. C'est pas un flemmard, Leo. Non mais. N'empêche que les réponses sont toujours négatives. Alors il est un peu désespéré. Y a qu'à rien faire de ses journées, il s'ennuie, et quand il s'ennuie, il pense, et quand il pense... ça va pas. Alors ce vendredi il se décide. Il va toquer là où il toque jamais. C'est un conseil de Summer, voyez. Summer est toujours de bon conseil. Elle est venu plusieurs fois dans la semaine pour lui répéter encore et encore d'aller voir Papa pour lui demander un coup de main. Il a des connexions qu'elle a dit. Il saura y faire, pis il te trouvera forcément quelque chose de moins ennuyeux que balayer des trottoirs ! Comme si balayer des trottoirs était ennuyeux.

 

Ça l'était pas, quand on en faisait un marathon.

 

Bref, Leo a quitté son appartement bordélique, un manteau sur le dos - mais pas que, sinon ça lui donnerait l'air d'un pervers qui vient prendre l'air, il a foutu un jean et aussi un sweat qu'il suppose propre, et même des chaussettes neuves que lui a offert Summer. Il a quitté sa banlieue aussi, via le réseau métropolitain. Il aime bien le réseau métropolitain, Leo, parce que y a tout un tas de gens qui le connaissent pas et qui le regardent pas d'en haut. Pas qu'ils soient tous plus grands que lui attention, simplement il se croit pas plus intelligents, avec la lumière à tous les étages et tout. Tout le monde est un rez-de-chaussée, dans le métropolitain. Il a gagné le cœur de Londres, traversé ses rues humides - bien sûr puisque pour la quatorzième journée consécutive du mois, il pleut -, pour enfin gagner l'appartement - pas tellement familier - de son père.

 

Ça lui a pris dix minutes avant de se décider à lever un doigt vers la sonnette, mais ça y est. C'est fait. Le sourire qui s'étale sur son visage n'atteint pas vraiment ses yeux, quand la porte s'ouvre, mais il entre d'un seul élan, pour accrocher son manteau comme par réflexe - un réflexe qu'il n'a vraiment jamais chez lui. 

 

- Salut p'pa, ça va ?


Alaric Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Il y avait quelque chose de très agréable dans le vendredi soir : il s'agissait là de la dernière soirée avant le week-end. Par conséquent, Alaric pouvait avaler autant de Pur-Feu qu'il le désirait sans risquer de sentir l'alcool au bureau le lendemain. Il faisait tout de même attention à ce genre de détails, n'ayant aucune envie que quiconque trouvât l'excuse pour le virer alors même qu'il s'accrochait à son poste comme une tique à un chien. Mais alors qu'il se servait son premier verre, prêt à s'installer devant son téléviseur magique pour une soirée à râler sur les programmes et ceux qui les présentaient, la sonnette retentit. Il reposa donc son verra avec un profond soupir avant de se lever. Cela ne pouvait être que Summer ou Leo, ses enfants étant les seules âmes suffisamment courageuses pour lui rendre visite. 

 

Et il ne se trompait pas, puisque lorsqu'il ouvrit la porte, il tomba nez-à-nez avec nul autre que Leo, son fils prodigue. Il s'écarta pour laisser entrer le garçon, refermant la porte derrière lui alors même qu'il retenait un puissant soupir. Envolée la soirée de tranquillité, lorsque Leo débarquait, il y avait toujours une ou plusieurs catastrophes à gérer. 

 

- B'soir fiston. Et toi, ça va ?, demanda-t-il tranquillement.

 

Alaric Bloodworth se refusait de répondre à cette question depuis la mort de sa femme. Il estimait qu'il n'allait plus bien, et qu'il ne pourrait plus jamais aller bien alors même que l'amour de sa vie était en train de pourrir six pieds sous terre. Nul besoin cependant d'accabler ses interlocuteurs de ses états d'âmes, aussi préférait-il se concentrer sur autre chose, comme par exemple la raison de la venue de son fils dans son antre.

 

- Vas-y installe-toi. J'te sers un verre de jus de citrouille ?

 

Jamais au grand jamais il ne proposait de l'alcool à Leo. Le gamin était suffisamment idiot comme ça, il n'avait aucun besoin de cramer les neurones qui lui restaient dans l'alcool. Et puis, c'était clairement tendre le bâton pour se faire battre. Leo sobre c'était déjà bien difficile à gérer, Leo bourré il n'osait même pas imaginer.

 

Alors qu'il se laissait de nouveau tomber dans le canapé, ses pieds déchaussés trouvèrent leur place habituelle sur la table basse, tandis qu'il baissait le son de la télé magique au maximum d'un geste de poignet, tandis que de l'autre il faisait venir à son fils le verre de jus de citrouille promis.

 

- Je t'écoute, que me vaut l'honneur de ta visite, fils ?

 

Il bougonnait sans prendre la peine de sourire outre mesure. Pour le moment, il se contentait d'attendre de voir ce qui menaçait de lui tomber sur le coin de la gueule.