Registre des habitations [Londres] 103 A Alderney Street [En Cours] Un piston pour fiston [ft. Alaric Bloodworth]
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Leo Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Soit y a trop d'affaires, soit y a pas suffisamment de rangements. Si on lui demande, le bordel a surtout à voir avec les dimensions pas bien folles de son appartement. Faut dire qu'il a pas de quoi se payer bien mieux. Pis bon. Ça lui convient. Parce qu'on va pas se mentir, c'était pareil dans son dortoir à Poudlard, pis à la maison des parents quand il y rentrait. L'espace finissait toujours pas être entièrement occupé, d'une manière ou d'une autre. Ça tenait presque d'un tour de magie, vraiment. Des biens destinés à s'éparpiller sans jamais trouver d'endroit bien à eux. Comme Leo. Leo non plus n'avait pas d'endroit bien à lui. En dehors de ce minuscule appartement, donc. Appartement dans lequel il ne passait que bien trop de temps depuis qu'il avait perdu son dernier emploi.

 

Ça n'avait pas été bien sorcier, pourtant. Littéralement d'ailleurs, puisque c'est dans le monde moldu qu'il avait signé son contrat. Balayeur. De ce qu'il pouvait en dire, Leo avait été un excellent balayeur. Il avait balayé comme personne. Le boss l'avait balayé comme personne également, après qu'il ait malencontreusement embouti la dernière Electra au milieu d'un mur de béton. Un terrible malentendu, vraiment. Josh n'avait rien voulu savoir. Soi-disant qu'il était intolérable de lancer des marathons de nettoyage au milieu d'un boulevard le dimanche. Jusque là, y avait rien d'écrit dans le mode d'emploi. Pis ça faisait de la pub au métier. De toutes façons Leo avait pas kiffé être balayeur. Excellent, mais pas motivé. Sa magie faisait des étincelles à chaque fois qu'il approchait des machines, en plus de flinguer les freins - c'était pour ça, le mur de béton, pas sa faute on a dit.

 

Bref. Il a perdu son emploi, Leo, et de nouveau il doit passer des heures à regarder ses murs blanc décharnés qu'ont rien de bien intéressant à lui raconter. Il a déjà envoyé fait les démarches pour trouver un autre plan de carrière. C'est pas un flemmard, Leo. Non mais. N'empêche que les réponses sont toujours négatives. Alors il est un peu désespéré. Y a qu'à rien faire de ses journées, il s'ennuie, et quand il s'ennuie, il pense, et quand il pense... ça va pas. Alors ce vendredi il se décide. Il va toquer là où il toque jamais. C'est un conseil de Summer, voyez. Summer est toujours de bon conseil. Elle est venu plusieurs fois dans la semaine pour lui répéter encore et encore d'aller voir Papa pour lui demander un coup de main. Il a des connexions qu'elle a dit. Il saura y faire, pis il te trouvera forcément quelque chose de moins ennuyeux que balayer des trottoirs ! Comme si balayer des trottoirs était ennuyeux.

 

Ça l'était pas, quand on en faisait un marathon.

 

Bref, Leo a quitté son appartement bordélique, un manteau sur le dos - mais pas que, sinon ça lui donnerait l'air d'un pervers qui vient prendre l'air, il a foutu un jean et aussi un sweat qu'il suppose propre, et même des chaussettes neuves que lui a offert Summer. Il a quitté sa banlieue aussi, via le réseau métropolitain. Il aime bien le réseau métropolitain, Leo, parce que y a tout un tas de gens qui le connaissent pas et qui le regardent pas d'en haut. Pas qu'ils soient tous plus grands que lui attention, simplement il se croit pas plus intelligents, avec la lumière à tous les étages et tout. Tout le monde est un rez-de-chaussée, dans le métropolitain. Il a gagné le cœur de Londres, traversé ses rues humides - bien sûr puisque pour la quatorzième journée consécutive du mois, il pleut -, pour enfin gagner l'appartement - pas tellement familier - de son père.

 

Ça lui a pris dix minutes avant de se décider à lever un doigt vers la sonnette, mais ça y est. C'est fait. Le sourire qui s'étale sur son visage n'atteint pas vraiment ses yeux, quand la porte s'ouvre, mais il entre d'un seul élan, pour accrocher son manteau comme par réflexe - un réflexe qu'il n'a vraiment jamais chez lui. 

 

- Salut p'pa, ça va ?


Alaric Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Il y avait quelque chose de très agréable dans le vendredi soir : il s'agissait là de la dernière soirée avant le week-end. Par conséquent, Alaric pouvait avaler autant de Pur-Feu qu'il le désirait sans risquer de sentir l'alcool au bureau le lendemain. Il faisait tout de même attention à ce genre de détails, n'ayant aucune envie que quiconque trouvât l'excuse pour le virer alors même qu'il s'accrochait à son poste comme une tique à un chien. Mais alors qu'il se servait son premier verre, prêt à s'installer devant son téléviseur magique pour une soirée à râler sur les programmes et ceux qui les présentaient, la sonnette retentit. Il reposa donc son verra avec un profond soupir avant de se lever. Cela ne pouvait être que Summer ou Leo, ses enfants étant les seules âmes suffisamment courageuses pour lui rendre visite. 

 

Et il ne se trompait pas, puisque lorsqu'il ouvrit la porte, il tomba nez-à-nez avec nul autre que Leo, son fils prodigue. Il s'écarta pour laisser entrer le garçon, refermant la porte derrière lui alors même qu'il retenait un puissant soupir. Envolée la soirée de tranquillité, lorsque Leo débarquait, il y avait toujours une ou plusieurs catastrophes à gérer. 

 

- B'soir fiston. Et toi, ça va ?, demanda-t-il tranquillement.

 

Alaric Bloodworth se refusait de répondre à cette question depuis la mort de sa femme. Il estimait qu'il n'allait plus bien, et qu'il ne pourrait plus jamais aller bien alors même que l'amour de sa vie était en train de pourrir six pieds sous terre. Nul besoin cependant d'accabler ses interlocuteurs de ses états d'âmes, aussi préférait-il se concentrer sur autre chose, comme par exemple la raison de la venue de son fils dans son antre.

 

- Vas-y installe-toi. J'te sers un verre de jus de citrouille ?

 

Jamais au grand jamais il ne proposait de l'alcool à Leo. Le gamin était suffisamment idiot comme ça, il n'avait aucun besoin de cramer les neurones qui lui restaient dans l'alcool. Et puis, c'était clairement tendre le bâton pour se faire battre. Leo sobre c'était déjà bien difficile à gérer, Leo bourré il n'osait même pas imaginer.

 

Alors qu'il se laissait de nouveau tomber dans le canapé, ses pieds déchaussés trouvèrent leur place habituelle sur la table basse, tandis qu'il baissait le son de la télé magique au maximum d'un geste de poignet, tandis que de l'autre il faisait venir à son fils le verre de jus de citrouille promis.

 

- Je t'écoute, que me vaut l'honneur de ta visite, fils ?

 

Il bougonnait sans prendre la peine de sourire outre mesure. Pour le moment, il se contentait d'attendre de voir ce qui menaçait de lui tomber sur le coin de la gueule.


Leo Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

- Ouais, ouais, carrément !

 

Carrément que ça va, carrément qu'il veut un verre de jus de citrouille. Au choix. Leo il fait souvent les réponses comme ça, à la carte. C'est parce que souvent c'est quand même mieux quand l'autre décide de ce qu'il a bien pu dire. Ça évite même des malentendus, tout ça. Comme par exemple les malentendus à base de jus de citrouille. Quand il était gamin, Leo était persuadé que c'était un genre d'art martial de l'horreur, parce que ça sonnait comme le jujitsu - Summer prenait des cours. Alors ça faisait pas vraiment sens qu'on lui propose un jutsitrouille ok, mais il pensait qu'on le provoquait en duel ou quoi, et il refusait tout le temps. Pis un jour il a goûté un jus et on lui a dit que c'était ça le jutsitrouille, et il a capté. À retardement un peu, mais il a capté. On dit souvent qu'il est comme l'internet moldu du siècle dernier, Leo. Bon il sait pas grand chose ni d'internet ni du siècle dernier, mais à force de métaphores il a compris ça voulait dire qu'il était lent. C'est pas si grave.

 

Maman disait toujours qu'on s'en fout du moment que tout monde atteint la ligne d'arrivée.

 

Il est agité, Leo. Se balade dans l'appartement non sans avoir retiré ses chaussures, et deux orteils lui pointent de chaussettes usés. Il zieute un peu partout, touche tout ce qui lui passe sous les yeux. S'en rend pas bien compte, parce qu'il a toujours fait ça d'aussi longtemps qu'il se souvienne. En se retournant brusquement, il manque envoyer valser le verre promis, le rattrape en une chorégraphie impeccable visiblement maîtrisé. Ça aussi il le fait souvent. C'est facile de le prendre par surprise, mais quand même il a des réflexes. Affutés par vingt-cinq années de pratique, tout de même. Les doigts serrés autour du contenant, il observe son jus plusieurs secondes avant de mater de nouveau son père, qui lui mate sa télévision magique. Leo a pas vraiment les moyens de s'en payer une, de télévision magique. Alors évidemment, il a dit à son père que de toute manière il en veut pas. C'est débilitant. En tous cas c'est ce que disent les collègues. Quand il avait des collègues. Bon, c'est ce qu'a dit Sarah, quand il faisait l'inventaire du Super Z au coin du Chemin et de l'Allée - ce job là il l'avait gardé quatre mois, un record.

 

Sarah avait des seins fabuleux.

 

- J'ai heu... J'ai quitté mon boulot, ouais ça sonne mieux que de dire que c'est son boulot qui l'a quitté, pis c'est pas si faux en plus. Fin y a un moment hein, pis ben j'ai M'sieur Haskin qui m'a relancé pour le loyer et tout et du coup faut quand même j'y retourne et tout. Enfin pas au même, un autre tu vois. Pour changer. Pis c'est la galère un peu, enfin c'est la crise hein !

 

C'est ce que ça dit à la télévision tout le temps, il le sait parce que chaque fois qu'il vient chez son père y a au moins un reportage qui le dit. C'est la crise ! Bon il sait pas bien ce que c'est comme crise, mais apparemment elle dure pis elle est pas dingo. Alors ça se tient. Leo a continué de bouger un peu partout, s'est finalement stoppé à côté du canapé pour s'y laisser tomber brutalement, comme un pantin auquel on aurait coupé les fils. Le verre en perd une lampée de jus de citrouille.

 

- J'sais la dernière fois j't'avais demandé pour être contrôleur du magicobus ça s'était pas super bien fini - surtout pour le Magicobus -, mais j'me disais que tu connaissais du monde au ministère quand même, et peut-être t'as des plans pour me trouver un stage dansunautredépartement ? 

 

Il a sorti ça vite. Débité à la manière d'un arrachage de pansement. Ses yeux se sont noyés dans la télé, comme si y avait eu là les seins de Sarah en exposition.


Alaric Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Alaric était bien incapable de se focaliser sur la télé qui continuait son petit laïus en fond. C'est-à-dire qu'avec un Leo en liberté dans l'appartement, ses sens étaient aux aguets. Il avait déjà perdu suffisamment de choses dans sa vie sans avoir besoin d'ajouter toute la liste de ses objets de décoration à tout cela. D'autant plus qu'il était évident que tous les bibelots qu'il possédait n'étaient en fait que des souvenirs de sa défunte femme qui voyait en la décoration d'intérieur un art qui échappait totalement à son rustre de mari. Ils se complétaient parfaitement bien, lui pour le terre-à-terre, elle dès qu'il fallait toucher au beau ou aux étoiles. Elle était sans aucun doute la plus brillante du ciel à l'heure qu'il était.

 

Bref, tout ça pour dire qu'il n'avait nullement l'intention de laisser son boulet de fils briser les derniers souvenirs qui lui restaient de l'amour de sa vie, et que cela incluait donc une surveillance exacerbée du moindre de ses faits et gestes afin de se tenir prêt à agir avant la catastrophe. Catastrophe qui, étrangement, ne vint pas. A part dans les mots du fils prodigue qui avait, une nouvelle fois, défier toutes les lois des probabilités en perdant son emploi. Alaric serait bien en peine de dire du combientième il s'agissait là tellement cela devenait récurrent. Il poussa un profond soupir. 

 

- Je vois, oui.

 

Il avait appris à ne pas le couper dans ses grands discours, le gamin s'y perdait tout seul une fois sur deux. Mais il savait aussi qu'il était nécessaire de confirmer qu'il comprenait régulièrement pour ne pas que l'autre ne se lançât dans des explications assommantes et sommes toutes fort inutiles. Et cette merveilleuse tactique porta une fois de plus ses fruits puisque la véritable raison de la présence de Leo dans l'appartement de son père se fit rapidement entendre. 

 

- Un plan ? répéta-t-il lentement, comme pour s'assurer d'avoir bien compris.

 

Bordel, il n'avait aucune envie de pistonner Leo une nouvelle fois. Parce que ça finirait forcément mal. Et qu'un jour, cela lui retomberait dessus. Mais pouvait-il réellement refuser quoi que ce fut à son fils ? Carolina ne lui pardonnerait jamais. Et il ne faisait rien que Carolina aurait désapprouvé de son vivant. Il n'en restait pas moins bien trop responsable pour accepter aussi facilement.

 

- Leo, t'as réussi à bloquer le Magicobus en mode aplati. Personne pensait ça possible, commença-t-il avec un maximum de diplomatie. On parle de boulots sérieux au Ministère. Tu crois vraiment que j'peux consciemment te mettre au département des accidents et des catastrophes magiques ? Ils ont ton nom sur la moitié de leurs dossiers !

 

Il soupira, finit par simplement éteindre la télé tandis qu'il avalait d'un coup le pur feu qu'il s'était servi avant l'arrivée de Leo.

 

- T'arrives même pas à garder un job moldu, j'peux pas te mettre au Ministère.


Leo Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Sa bouche s'ouvre et se referme à plusieurs reprises, comme s'il essayait toujours vaguement de trouver les mots qui cherchent à en sortir. C'est-à-dire que c'est pas faux, tout ça. Mais !

 

- P'pa, pas au département des catastrophes magiques ! Il est stupide ou quoi ? Mais genre, le département des sports tu vois. J'suis bon en sport hein. Ou alors la coopération magique, t'sais, j'pourrais coopérer dans les bureaux et tout. Fin y a pas d'mode aplati dans des bureaux tu vois. Tu t'souviens j't'ai déjà aidé plein de fois pour trier tes dossiers, j'sais faire hein ! C'est pas si compliqué. J'te jure.

 

Nan vraiment, on le prend pour qui à la fin ? Si son propre père croit pas en lui, y a plus personne pour le faire. Même que c'était pas sa faute, pour le Magicobus. D'abord parce que lui il avait même pas su pour le mode aplati. Ça s'était fait tout seul ! À cause du niffleur de la vieille dame, qu'était venu fureter partout dans son tableau de bord, non mais vraiment !

 

- L'magicobus c'était un accident. Y aurait pas eu l'niffleur... Il croise le regard de son père et se tait soudain, avant d'ajouter quand même d'une seule traite : y aurait pas les sécurités que y a maintenant sans ça d'toute façon, alors c'est un mal pour un bien.

 

Sa mère disait ça tout le temps, quand il faisait des conneries. C'est un mal pour un bien, Alaric, elle disait. Avec un sourire doux sur les lèvres qu'éteignait toute la colère et la frustration de la pièce. Summer avait un peu le même sourire. Leo avale plusieurs gorgées de jus de citrouille avant de reposer - un peu brutalement - le verre sur la table d'appoint, faisant trembler la lampe posée là.

 

- J'sais que c'est des jobs sérieux, mais j'peux faire un job sérieux. J'suis pas si con. 

 

Il a vingt-cinq ans, Leo, quand même. On a eu le temps de lui dire de nombreuses fois, qu'il l'est, con. Alors bon. Il sait que c'est ce que les gens pensent. Parfois, quand il aperçoit une certaine lueur dans les yeux de son père, il sait qu'il le pense aussi. Mais il est prêt à tout pour prouver que non. Qu'il peut. Qu'il sait faire des choses. Des choses sérieuses, et importantes.

 

- C'est juste que j'ai pas d'bol à chaque fois hein. Tout l'monde a pas la chance de trouver tout d'suite le job dans lequel il est bon comme toi, il balance parce qu'il a déjà entendu sa propre mère le dire à son père quand il était môme. Souvent. Mais j'le sens bien tu sais. En fait j'me disais qu'un stage au niveau deux... il se redresse soudainement pour couper directement court aux protestations : écoute avant d'râler, la justice c'est important pour moi ! J'pourrais désinscri... retranscrire les enquêtes pour être sûr que personne a rien loupé, et aussi j'pourrais être là et observer, j'observe bien, t'as toujours dit j'avais l'œil pour les détails - à moi que ce ne fut sa mère, il n'était plus bien sûr. Si c'est un stage d'observation p'pa, qu'est-ce qui pourrait bien s'passer ?!

 

C'est vrai quoi, qu'on lui laisse sa chance un peu. C'est pas comme s'il pouvait brûler le département ou quoi. Le dernier truc qu'il a brûlé y avait des circonstances atténuantes. C'était à cause du four défectueux de la boulangerie, pas du tout à cause de lui. Lui avait juste voulu aider à enfler les petits pains ok ? Y aurait pas de petit pain à enfler au niveau deux, pas plus que de four défectueux, ou d'Electra, ou de mode aplati planqué sous les bureaux. Pis il se sentirait utile. C'est important de se sentir utile. Ça aussi c'est maman qui l'a toujours dit. Y a rien de beaucoup plus utile qu'un auror ok ? Ça sauve des vies, un auror. Peut-être que c'est ça sa vocation. Sauver des vies. C'est pour ça qu'il est nul pour servir le thé, et faire le ménage, et enfler les petits pains. Il en saura jamais rien s'il essaie pas de toutes façons !


Alaric Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Le problème avec Leo, c'est qu'il ne se rendait pas bien compte des conséquences que pouvaient avoir ses actes sur les autres. Si Alaric n'avait plus franchement de vocation véritable pour son boulot, il y restait tout de même suffisamment attaché pour ne pas avoir envie de compromettre sa place au Ministère à cause de son idiot de fils. Et s'il aimait Leo de tout son coeur de père, il n'en restait pas moins purement objectif concernant les capacités de son fils à générer des catastrophes sur son passage. 

 

Evidemment, le gamin essayait de plaider sa cause. Parce qu'aussi nul soit-il, il n'en restait pas moins un beau parleur lorsqu'il le désirait. Et sa femme avait toujours eu à coeur de laisser pleinement s'exprimer leur progéniture. Alors c'est ce qu'il fit, écoutant Leo tout en terminant son verre de Pur Feu. Il avait toujours ce petit pincement au coeur, lorsque son fils disait qu'il n'était pas con. Parce qu'il l'était, et qu'il se rendait bien compte que tout le monde autour de lui le pensait. Alaric se doutait que ça devait lui peser, mais que pouvait-il y faire ? Il avait déjà tout essayé concernant Leo. Et rien n'avait jamais fonctionné.

 

Mais le laisser le nez dans sa merde n'était pas une option, aussi con soit-il. Son épouse ne lui pardonnerait jamais, et probablement qu'il ne se le pardonnerait pas lui-même. Il devait continuer d'essayer. Plus encore, il devait continuer d'espérer. Que Leo finisse par réellement trouver sa voie. Par réellement être capable de faire quelque chose correctement. Il devait absolument y parvenir, parce qu'Alaric ne serait pas toujours là pour assurer ses arrières. Summer prendrait sans aucun doute le relais, il faisait entièrement confiance à sa fille pour ça. Mais Leo devait absolument apprendre à se débrouiller par lui-même.

 

Mais malgré toute la bonne volonté du monde, foutre Leo au niveau 2 relevait de la connerie pure et dure. Il y avait tellement de possibilité pour que ça se passe mal pour n'importe qui, alors pour lui... Sauf qu'il avait quand même des arguments. Un simple stage d'observation, ça devrait pouvoir se faire sans trop d'ennui. Alaric finit par soupirer. 

 

- Je demanderai à Noah Ingram s'il est prêt à te prendre en stage. De l'observation, uniquement, qu'on soit bien clairs. Et j'te promets rien. Mais j'lui en parlerai. 

 

Est-ce qu'il signait là la fin totale de sa carrière au Ministère ? Peut-être. Mais si le choix final revenait uniquement à Ingram, il ne serait pas directement responsable de ce que son imbécile de fils ferait au département de la justice magique, n'est-ce pas ?


Leo Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Il est comme suspendu, Leo. Son père il sait bien faire ça, les suspensions. C'est qu'il en a dans l'crâne, alors il réfléchit pas mal. Il pèse les pour et les contre quoi. Leo il a jamais su avec quelle balance on pouvait bien peser ce genre de choses, mais c'est sûr que ça lui serait bien utile. À la place il est forcé de faire, pis de constater ensuite que probablement que y avait plus de contre que de pour. M'enfin c'est pas sa faute, si on lui a pas fourni la balance, ou l'crâne pour réfléchir, tout ça. Lui fait pas les suspensions. Lui fait les modes aplatis qui restent bloqués sous un pont à quatre voies du Londres moldu, et que ça fout un bordel monstre. Pis que ça le met lui, en suspension.

 

Il passe globalement plus de temps à se faire suspendre qu'à mettre les gens en suspension quoi.

 

- Ouais ?

 

Le visage éclaircit, Leo a dressé la tête vers son paternel avec un bonheur qui s'étale d'une oreille sur l'autre. Il attend un peu. Vaguement. Un quart de seconde ou presque, parce qu'on a dit qu'il sait pas faire les suspensions, pis qu'on sait jamais que s'il essayait y aurait plus que de contre que de pour, et que son père irait changer d'avis.

 

- Trop cool. T'es l'meilleur p'pa. J'te l'ai déjà dit hein ? Mais j'le pense tu sais. T'l'meilleur père du monde.

 

Il est tout heureux, Leo, tout heureux et grandement soulagé, comme s'il avait pissé une vessie entière à peu près. Il va avoir un travail. C'est sûr. Son père il a l'bras long, voyez. Enfin pas physiquement. Physiquement son père il a des bras plutôt normaux, plutôt de bonnes dimensions, mais pas tant non plus. C'est un héros de dimensions normales quoi. Tout sourire, Leo se relève de son siège pour terminer d'une traite son jus de citrouille, et s'activer dans la pièce.

 

- Pis l'chef Ingram c'est trop la classe en plus, il est classe le chef Ingram. C'est un super auror, t'savais ? J'ai lu dans la gazette, il a déjà sauvé des dizaines et des dizaines de gens t'savais ? C'est l'meilleur quoi. Si j'l'observe assez fort, ptet j'vais devenir aussi fort que lui, et j'sauverais des gens ! T'vas voir. J'aurais un badge tu crois ? Un badge du niveau 2 ! Agent Bloodworth au rapport, il s'imite en tant qu'auror, perdu dans son délire, debout au milieu de la pièce. Oh c'est quoi ça, t'as acheté ça quand ? C'était pas là avant.

 

Arrêté devant un cadre imposant qui semble représenter l'ingénierie d'un mode de transport plutôt antique du monde sorcier, Leo reste à cligner des yeux. C'est-à-dire que son père qu'achète un tableau sans l'approbation de sa mère, c'est un truc qu'arrive pas. Mais faut croire que maintenant qu'elle est partie, son père prend des initiatives.

 

- Il est cool. L'a un mode aplati ? Han, on boira l'café ensemble le matin, comme on f'sait quand j'étais dans ton département. J'te raconterai tout t'verras.

 

Reparti dans ses grands monologues excités, Leo se dirige vers la cuisine pour récupérer la carafe de jus de citrouille et s'en resservir un verre, qu'il vient faire tinter dans celui de son père avec fracas. Littéralement. C'est-à-dire qu'il a pas fait preuve de la plus grande des délicatesse.

 

- Merde. Scuze. Attends j'vais nettoyer. Leo brandit sa baguette.

Une partie du jus étalé au sol s'efface, mais le verre demeure, et Leo se précipite pour récupérer de quoi épousseter tout ce joyeux bordel.


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Leo Bloodworth a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Evanesco (Sortilège de Disparition)

Difficulté du sortilège : 6

Modificateur de baguette : -2

Résultat du dé : 10 (5+5)

Réussite :

Une partie du jus étalé au sol s'efface, mais le verre demeure, et Leo se précipite pour récupérer de quoi épousseter tout ce joyeux bordel.

Autres résultats possibles
Réussite critique :

Les traces de jus de citrouilles disparaissent immédiatement ainsi que les débris de verre, à la surprise de Leo lui-même. Il reste regarder sa baguette sous toutes les coutures avant d'adresser un sourire fier à son père.




Échec :

Rien ne se passe, mais Leo ne se démonte pas, et file chercher de quoi nettoyer tout ça en cuisine. En chemin, il marche sur des débris de verre qui le font hurler de douleur.




Échec critique :

Le sol disparait, laissant un trou béant sous leurs pieds. Leo reste figé comme un con à observer sa dernière connerie.

- Heu...





Alaric Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Difficile de continuer à jouer les rabats-joie alors même que le bonheur de Leo paraissait évident tant son sourire rappelait à son père celui qu'il avait lorsqu'il n'était qu'un tout petit garçon. Il était alors un homme heureux, comblé, qui n'avait pas la moindre idée de ce qui lui tomberait sur la figure quelques années plus tard - ni même que son fils avait déjà atteint le développement final de son système cérébral. Alors même si Alaric voulait rajouter quelques petites précisions, il se retint, conscient que ça ne changerait probablement rien et qu'il valait mieux pour lui les faire directement à Ingram avant même qu'il ne rencontre Leo.

 

- Oui, tu me l'as déjà dit. Notamment à chaque fois que j'te rends service, bougonna-t-il avec un léger sourire tout de même.

 

Et voilà le gamin parti dans les éloges de Noah Ingram. Vraiment, s'il avait une dizaine d'années, ça ne poserait aucun problème à Alaric, mais il était évident qu'à vingt-cinq ans, aucun adulte normalement constitué n'agissait de la sorte. Dire qu'aucun des spécialistes qu'ils avaient vu n'avait décelé quoi que ce soit d'anormal... C'était à se demander s'ils étaient réellement spécialistes. En attendant, le résultat était là : Alaric se retrouvait avec un Leo de vingt-cinq ans, dont la meilleure compétence consistait à produire catastrophe sur catastrophe.

 

La bonne nouvelle, c'est que le gamin n'attendait aucune réponse, et qu'Alaric pouvait donc se contenter de hocher légèrement la tête de temps en temps tout en sirotant son whisky sans faire davantage d'efforts. Sauf quand il renversa son jus de citrouille, et qu'il sortit aussitôt sa baguette dans la foulée. Directement, Alaric se leva, aux aguets, prêt à intervenir dans la seconde. Mais les choses se passèrent étonnamment bien, et il se laissa de nouveau tomber dans son canapé pour reprendre tranquillement.

 

- Tu sais, tu pourras pas tout me raconter. Tu seras soumis au secret professionnel. Le niveau 2 est très strict là-dessus, mais on prendra l'café, oui, répondit-il tranquillement. Tu restes manger ce soir ?

 

C'était simplement pour se préparer psychologiquement. Il aimait son fils, mais il demandait autant d'attention qu'un môme de trois ans en sortie de sieste.


Leo Bloodworth , Appartement d'Alaric Bloodworth, Central London, le 14/07/2124

Il est peut-être le premier surpris de la réussite de son sortilège. Même qu'il zieute la baguette sous toutes les coutures comme s'il voulais en percer les secrets. L'investigation ne dure qu'une bête poignée de secondes cependant, car les résidus de verre demeurent. Mis en branle, Leo récupère de quoi balayer tout ce bordel, qu'il rassemble en tas bien propet dans une pelle, avant de tout balancer à la poubelle.

 

- Ouais, ouais.

 

Le secret professionnel, il connait bien le concept. La psychomage qu'il voit chaque semaine depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne lui en a assez souvent parlé. Leo, tout ce qui se dit entre ces murs reste entre ces murs. Y en a sans doute un tas, des secrets, entre les murs de la psychomage, parce qu'elle y reçoit vraiment tout ses clients. Elle n'est pas la seule à avoir des murs qui gardent des secrets, comme Leo avait pu s'en rendre compte - souvent à ses dépends - à plusieurs occasions de son parcours professionnel. Il était interdit par exemple de dévoiler les plans de construction du prochain stade de Quidditch. Il était interdit également de prendre des clichés de modèles de balais qui n'avaient pas encore été mis en vente. L'on ne devait pas partager, non plus, la recette des sauces de la Gargotte Ensorcelée.

Bref. Leo avait bien le concept. Le problème étant que souvent, on omettait de lui lister tout ce qu'il ne fallait effectivement pas dévoiler.

- Han ! Ouais. T'fais des pâtes fantômes comme quand on était p'tits ? Il réclame comme un enfant en reposant pelle et balayette sur un plan de travail au hasard. J'peux envoyer un message à Summer si tu veux, qu'on soit tous les trois ! Le portable est dégainé - plus efficace que n'importe quelle autre méthode de communication en ce qui le concernait, car bien moins complexe à lancer qu'un patronus. Comme ça on célèbre !

Son dernier licenciement ? Sa potentielle embauche prochaine au ministère de la magie ? Difficile de savoir, avec Leo, dont les doigts sont déjà en train de courir sur le clavier. Ils s'affaissent d'eux même cependant lorsque son père tranche la question avant même qu'il ne soit venu à bout de son texto.

- J'peux t'aider à préparer. Tu sais comme j'fais les course de Madame Gillespies au sixième étage là ? Ben elle m'a donné un livre et tout, et elle m'a montré comment faire sa sauce secrète avec ses pommes de terre. Paula Gillespies c'est une femme exceptionnelle d'un âge terriblement avancé. Leo lui ramène ce dont elle a besoin chaque fois qu'il va au magasin, et en échange elle lui donne des tupperwares énormes qui lui font souvent la semaine. Tu sais si ça avait été une sorcière, j'suis sûr qu'elle aurait fait une sacré potionniste. Faut voir comme elle coupe les légumes papa ! TATATATATA ! L'homme se lance dans l'imitation de sa voisine, une main en sus et place de la lame qui vient s'affaisser sur le plan de travail à toute vitesse. Tu sais qu'son mari c'était un policier ? Elle s'ra super fière si j'lui dis que j'travaille pour la ministère. Enfin j'lui dirais pas j'travaille pour le ministère. J'dirais j'travaille au commissariat tu vois.

Et Madame Gillespies blablabla, et son mari blablabla, et t'as de la crème papa ? qu'il demande en ouvrant et refermant le réfrigérateur magique à plusieurs reprises, soudainement très affairé. C'est-à-dire que le soulagement d'avoir une solution à son chômage est grand, et son énergie redoublée à la perspective de peut-être bientôt voir un badge briller sur sa poitrine, sous la direction de nul autre que le chef Ingram. Tu savais que le copain de Summer il a... Le silence est brutal alors qu'il réalise qu'il n'est pas sensé parler du copain de Summer, et il enchaine l'air de rien. AH BAH VOILÀ J'SAVAIS QUE T'EN AURAIS ! Bon j'sais plus faut quoi pour les pâtes fantômes, dis moi j'prépare t'vas voir, j'suis un pro !

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