Nikolaï s'était contenté de la force brute pour l'épreuve précédente. Traverser un marécage n'avait rien de bien compliqué lorsque l'on avait l'habitude des parcours militaires de la mère patrie. Il s'en était plutôt bien sorti. Bien mieux que s'il avait essayé la moindre magie, d'ailleurs. Mais alors que la dernière épreuve se profilait, le professeur Pope lui fit bien comprendre qu'il était là pour faire de la magie, et non  montrer l'étendue de ses compétences physiques bien supérieures à celles de ses camarades britanniques. Il ne soupira pas malgré la déception, et se contenta d'approuver d'un signe de tête, prouvant par là qu'il avait bien compris ce qui lui était demandé.

Pourtant, il n'avait que peu de chance de s'en sortir plus facilement grâce à la magie. D'autant plus si cette dernière consistait à métamorphoser une partie de son corps. Cette matière demandait bien trop de subtilité pour la magie primaire qu'il était capable de produire. En revanche, il connaissait bien un sortilège qui lui permettrait d'atteindre le haut de la paroi. Quelque chose un peu plus à sa portée. Du moins il l'espérait.

Alors une fois en bas de cette petite falaise, il leva sa baguette vers le haut, et prononça distinctement :

- Ascensio !

Il fut légèrement propulsé vers le haut, et put s'accrocher à la paroi rugueuse. Evidemment, il lui faudrait quelques essais supplémentaires pour arriver en haut. En attendant, rien ne l'empêchait de continuer légèrement à mains nues, tant qu'il n'était pas bloqué.

Dès que le sol se fut suffisamment rapproché, il pointa sa baguette sur le balai et se concentra pour prononcer le sortilège.

- Plasticinum, gronda-t-il de sa voix grave.

Le balai se modifia légèrement. Les brindilles semblèrent plus pointues. Et il perdit toute capacité de vol, forçant Nikolaï à sauter à bas de ce dernier malgré une métamorphose à peine visible. Il se récupéra en une roulade avant de se redresser pour aller récupérer le balai pour le tendre à l'Aurore.

- Devoir le remettre pour recommencer. Vous savez faire ça ? demanda-t-il simplement, prêt à remonter dessus immédiatement après.

Recommencer jusqu'à réussir, voilà qui signifiait qu'il pouvait passer la nuit dans le froid, sur ce terrain de Quidditch, à tenter de faire de la magie sans que ça n'advienne jamais. Il ne se souvenait pas être parvenu à lancer le moindre sortilège correctement depuis son arrivée au château. A part peut-être ceux qui ne demandaient qu'une magie brutale et explosive. La métamorphose était affaire de subtilité magique et de visualisation de ce qui n'était pas encore. Dans l'esprit particulièrement terre-à-terre du jeune homme, cela s'avérait être un exercice d'une complexité redoutable.

Cependant, il ne fit pas la moindre remarque. Comme à son habitude, il se contentait d'obéir, d'essayer de faire ce que l'on attendait de lui, bien qu'user de sa magie avait quelque chose de contre-nature qui le révulsait intérieurement. Cela n'avait aucune importance. Il n'y avait que les ordres, et ils n'étaient soumis à aucune discussion.

Alors il lança de nouveau le sortilège, pour le même résultat : le balai ne changea pas, ne fit même pas mine de se tordre légèrement. Mais cela n'empêcha pas l'exercice de se poursuivre, et Nikolaï enfourcha son balai sans réfléchir davantage. Il savait qu'il courait à l'échec, mais ne semblait pas s'en émouvoir outre mesure. Sa semelle tapa le sol d'un coup sec, militaire, comme chacun de ses gestes. Lorsqu'il volait sur son balai, il demeurait droit, mais parvenait pourtant à se montrer agile dans les airs. Il s'agissait bien là d'une des rares matières avec les potions et l'histoire de la magie qu'il pouvait maîtriser pleinement : nulle magie n'était requise. 

Il s'éleva alors dans les airs, ne profitant pas une seconde du vent qui s'engouffrait dans ses cheveux et ses vêtements. Il n'y avait là pour lui nulle sensation de liberté, seulement une mission à accomplir. Alors il redescendit en piqué, comme elle le lui avait demandé.

Nikolaï cracha quelques gouttes d'eau indésirables qui restaient encore dans ses poumons avant de se tourner vers Flora. La gamine semblait complètement paniquée, là où lui ne ressentait qu'une profonde frustration face aux nombreux échecs qu'il essuyait. Pourquoi le professeur ne venait-il pas s'occuper de cette petite ? Lui n'avait pas la moindre idée de comment il devait réagir face à elle, et l'étalage de ses émotions. Il la regardait, la tête haute, la posture toujours droite malgré une fatigue plutôt évidente après l'utilisation de toute cette énergie magique. Chaque accès à cette dernière était une véritable lutte pour lui, avec la créature qui l'habitait et refusait de laisser partir ce qui la nourrissait, mais surtout avec lui-même et les convictions qui lui avaient été données depuis sa naissance.

- Je vais bien, répéta-t-il d'un ton ferme.

Est-ce que ce serait suffisant pour que la petite arrête de s'en vouloir pour tout ça ? Il l'ignorait. Mais elle s'était contentée d'obéir aux ordres du professeur, ce qui n'avait strictement rien de répréhensible. Et puis, des cicatrices, il en avait beaucoup. Des bien plus impressionnantes que celle laissée par ce pauvre sortilège. Alors lorsqu'elle demanda ce qu'elle pouvait faire, il répondit avec assurance.

- Lance le sortilège encore une fois, lui dit-il en se tenant prêt à sauter dans l'eau dès que les branchies seraient apparues.

Le regard clair du garçon était planté dans celui de Flora, comme pour lui assurer que c'était bien là tout ce qu'il attendait d'elle : qu'elle l'aide à traverser ce fichu bassin pour réussir cet exercice. 

Une fois complètement immergé dans l'eau, Nikolaï se concentra sur le fait de maintenir ses branchies opérationnelles. Il s'assit donc au fond du bassin, en tailleurs, ses coudes reposant sur ses genoux tandis qu'il se tenait aussi droit qu'il le faisait lorsqu'il était debout. Il n'était pas évident de rester focaliser sur des branchies alors même qu'il pouvait sentir la pression de l'eau sur lui, et tous les remous que faisaient ses camarades autour de lui alors qu'ils effectuaient eux aussi l'exercice. Les yeux fermés, il fit cependant tout pour rester impassible, et garder à l'esprit l'image de ces branchies magiques qui lui permettaient de respirer.

Malheureusement, ce ne fut pas suffisant pour maintenir ce lien magique fragile qu'il ne parvenait toujours pas à accepter malgré tous ses efforts. Bientôt, l'eau fut totalement irrespirable dans ses poumons, le forçant à remonter à la surface rapidement, en toussant pour la première fois depuis le début. Alors que le professeur Pope le ramenait au bord du bassin, il devait bien admettre une chose : faire de la magie - ou du moins essayer - l'épuisait bien plus que n'importe quel exercice physique. D'autant plus qu'il essayait en vain. Ce n'était tout simplement pas compatible avec sa nature profonde. Avec ce qui vivait en lui. 

Sous le froid qui l'enveloppait, Nikolaï ne sentit qu'à peine l'entaille qui se créait dans son cou. Ce fut en y passant sa main qu'il vit un peu de sang au bout de ses doigts, et qu'il jugea qu'il ne s'agissait là que d'une chose sans grande importance : il voyait bien qu'il ne risquait pas d'en mourir, et il avait connu bien pire jusqu'ici, aussi n'avait-il nullement l'intention d'en référer au Professeur Pope. Ce dernier, cependant, était arrivé pour s'occuper de lui à une vitesse telle que le russe devait bien admettre que c'en était impressionnant. 

Il se laissa faire, plus figé encore que d'habitude, confirmant d'un simple signe de tête à l'enseignant qu'il allait bien. Il porta alors la main à sa blessure pour constater qu'elle était totalement refermée, ne sentant qu'une ligne fine et régulière le long de sa gorge. Il ne s'agissait là que d'une cicatrice supplémentaire qui n'avait aucune importance. Mais Flora n'avait pas l'air de cet avis. Alors il s'approcha d'elle.

- Je vais bien, affirma-t-il avec cette habituelle impression qu'il ne savait s'adresser qu'en donnant des ordres même lorsqu'il se contenter d'établir un fait.

Puis il se tourna, mécaniquement, pour retourner vers le bassin comme lui avait demandé le professeur. Il s'immergea jusqu'à la taille avant de pointer sa propre baguette sur lui.

- Branchia Ventosa.

De petites branchies apparurent, peu élégantes mais suffisantes pour lui permettre de se laisser attiré par le fond du bassin afin d'essayer de maintenir ce sortilège.

Nikolaï regardait la progression de Flora sous l'eau, agréablement surpris par la rapidité avec laquelle elle évoluait dans le bassin. Contrairement à ce qu'elle avait démontré auparavant, la petite semblait savoir nager plus que correctement. Ainsi, il lui faudrait maintenir le sortilège un peu moins longtemps que prévu, et le garçon se concentra un peu plus encore afin de parvenir à laisser ses branchies à sa camarade. 

Malheureusement, malgré une tentative de concentration et de visualisation plus effective que précédemment, il fallut bientôt se rendre à l'évidence : lancer le sortilège ne posait pas grand problème, mais le maintenir relevait de l'exploit pour Nikolaï qui luttait chaque jour encore pour accepter la magie dans sa vie. L'air toujours aussi impassible, il observa Flora remonter à la surface, et se faire sortir de l'eau par le professeur, serrant son poing un peu plus fort autour de sa baguette, presque imperceptiblement. Il n'avait pas pour habitude d'échouer avant de devoir faire de la magie. Et cela le frustrait beaucoup.

Nikolaï avançait, immergé dans l'eau du lac, respirant par ses étranges branchies qu'il avait un peu de mal à accepter. La magie n'était vraiment pas quelque chose de naturel pour lui, et il attendait encore le retour de bâton de cette utilisation, bien qu'il ne viendrait probablement pas. Cependant, il fut bientôt obligé de remonter à la surface, incapable de respirer plus longtemps sous l'eau. Il aurait sûrement pu continuer un peu en apnée, mais ce n'était pas là les consignes de l'exercice, et Nikolaï obéissait, quoi qu'il arrive.

De toute manière, il se fit sortir de l'eau par le Professeur Pope, et se tint de nouveau droit devant le bassin, sans sembler s'émouvoir du froid qui venait frapper sa peau nue et mouillée. A dire vrai, le léger vent lui faisait du bien. Il trouvait le climat écossais bien trop doux à son goût. Il revint vers sa binôme de sa démarche habituelle.

- Quand toi prête, je renvoie le sort. 

Et il se contenta d'attendre qu'elle lui indique être prête à se jeter de nouveau à l'eau pour pointer une nouvelle fois sa baguette sur elle. Il se focalisa sur le fait de visualiser les branchies, et appliqua à la lettre les conseils du professeur Pope.

- Branchia Ventosa.

Une nouvelle fois, de petites branchies apparurent sur le cou de Flora, ne payant pas de mine, mais probablement suffisante pour ne pas risquer de mourir noyée immédiatement. Il fallait cependant s'assurer qu'elles tiennent le choc.

C'était bien le problème, que la métamorphose n'était ni affaire de force ou d'endurance. Parce qu'il s'agissait bien là de disciplines dans lesquelles l'adolescent excellait particulièrement, et pour lesquelles il avait été entraîné depuis sa naissance, contrairement à l'usage de la magie. La simple mention de cette dernière lui valait d'atroces séances de torture afin de le dissuader de ne serait-ce que songer toucher à ce pouvoir qui dormait en lui. Et il fallait bien dire que la méthode avait été efficace pour faire de lui ce qu'il était devenu. Il ne nourrissait aucun ressentiment vis-à-vis de tout cela, tout comme il n'en éprouvait aucun envers Edwin Pope qui lui énonçait des évidences qu'il était cependant incapable de mettre en oeuvre à cause de sa nature même.

Et pourtant, il fit face au professeur avec sa droiture habituelle, acquiesçant d'un nouveau garde-à-vous aux conseils prodigués pour prouver qu'ils avaient été parfaitement entendus. Ce fut seulement lorsque le professeur se fut éloigné qu'il daignât se tourner vers Flora, qui aurait pu être en danger par sa faute. Non pas qu'il s'en veuille particulièrement, il avait déjà été à l'origine de la mort et de la destruction plus de fois qu'il ne l'aurait fallu, et les remords ne faisaient guère partie de sa vie. Il se contentait alors d'obéir aux ordres de ses supérieurs, tout comme il avait obéi à ceux d'Edwin Pope durant ce cours. 

- Tu vas bien ? demanda-t-il tout de même avec son accent prononcé et une distance certaine.

Il s'agissait là d'agir comme le feraient les autres élèves, afin de faire au moins semblant d'avoir envie de s'intégrer. Lorsqu'elle fut suffisamment reposée, il se tint droit face à elle, attendant qu'elle lui jetât à son tour le sortilège. Cependant, il laissa apercevoir un éclair de surprise lorsqu'elle plaqua sa cape contre son torse en prétextant devoir se concentrer, mettant plusieurs secondes à comprendre que le sceau qu'il arborait n'était peut-être pas des plus naturels pour ses camarades. Lui-même n'y prêtait plus attention, sauf lorsque Katherine Dennison se devait de le resserrer pour la sécurité de tous. 

Bientôt, le sort fut lancé, et il ne perdit pas une seule seconde pour jeter à l'eau. En effet, les branchies à peine apparues, et l'air lui semblait difficile à respirer, comme s'il n'était plus adapté à la vie en surface. Il plongea sans regarder en arrière, bien décidé à prouver que la force et l'endurance n'étaient pas des qualités à prendre à la légère. Il fut cependant surpris par cette étrange sensation une fois immergé dans l'eau. Le froid ne lui faisait aucun effet, habitué qu'il était aux températures extrêmes. Mais respirer sous l'eau, cela n'avait rien de naturel, et il mit quelques secondes à reprendre suffisamment ses esprits pour entamer sa nage.

La fillette qui lui servait de binôme n'avait pas l'air très rapide à la compréhension. Nikolaï l'aurait bien poussée à l'eau si seulement elle n'était pas aussi jeune. S'il y avait bien une chose qu'il avait compris depuis son arrivée à Poudlard, c'était que le château était peuplé d'enfants qui n'avaient en aucun cas eu la même vie que lui. Ce qui paraissait absolument évident à son esprit de soldat ne l'était pas pour ces élèves aussi se contenta-t-il d'attendre qu'elle daigne se jeter à l'eau. Pourtant, maintenir le sortilège risquait de poser de sacrés problèmes, et il aurait largement préféré qu'elle se dépêche un peu plus que cela.

Malgré tout, elle finit par obéir, tandis qu'il s'était contenté de hocher la tête un peu sèchement lorsqu'elle lui avait demandé si ça avait fonctionné. Il en avait été le premier surpris, mais n'avait pas l'intention de pousser sa chance au-delà du nécessaire en risquant de mettre immédiatement fin au sortilège en prononçant le moindre mot superflu. Malheureusement, la fillette ne semblait pas vouloir nager très rapidement - ou peut-être ne le pouvait-elle tout simplement pas. En attendant, la responsabilité de lui permettre de continuer sa traversée sereinement lui revenait, et il resta concentré comme il le put afin de maintenir le sort. 

Mais ce qui devait arriver arriva, et il en fut totalement incapable. Le lien magique fut rompu aussi vite qu'il était apparu, et il se mit à scruter la surface du bassin afin de s'assurer qu'elle remontait bien. Afin de ne pas perdre de temps si ce n'était pas le cas, il commença à ôter son uniforme et ses chaussures avec des gestes précis, afin de ne garder que son pantalon, prêt à plonger à son tour pour aller la récupérer. De ce fait, les tatouages du sceau qui recouvraient son torse furent visibles à tous, luisant légèrement de cette lumière bleutée magique sur ses muscles finement dessinés.

Nikolaï avait répondu à la salutation silencieuse de Basil. De façon presque imperceptible, il avait incliné le menton en sa direction, tout en lui octroyant un regard franc, avant de reprendre sa posture habituelle. C'était là une chose qu'il n'accordait à personne d'autre qu'à Basil Banks. D'ailleurs, les autres élèves ne s'approchaient guère de lui, et n'essayaient jamais de lui adresser la parole. Cela ne le dérangeait pas outre mesure, conscient qu'il était de venir d'un monde totalement différent du leur. Cependant, lorsque son ami vint vers lui pour lui demander s'il aurait le droit à un entraînement moins difficile s'il parvenait à gravir le mur, le russe jeta à peine un oeil à son camarade en répondant.

- Non. Si toi pas pouvoir, toi avoir un tour en plus, lâcha-t-il d'une voix basse, presque grondante sans même qu'il ne s'en rende compte.

Le professeur Pope prit alors la parole. Et comme à chaque cours, Nikolaï donnait l'impression d'écouter religieusement les consignes des professeurs, comme s'il s'agissait là de ses instructeurs de l'armée. Il devait cependant se concentrer pour comprendre parfaitement ce qui était attendu, et certains mots restaient un mystère pour lui. Enthousiasme, indispensable, branchies, branchiflore. Il ne comprenait pas l'intérêt d'un tel exercice, puisqu'il suffisait de récupérer une quelconque plante creuse pour servir de tuba afin de traverser sans remonter à la surface. Lui se débrouillait bien mieux sans magie qu'avec, et il était presque désolé pour la fille qui se retrouvait en équipe avec lui et devrait subir ses sortilèges aux effets étranges et plus qu'aléatoires.

Cependant, il obéissait toujours à ses professeurs. Alors il s'approcha du bassin, ainsi que de sa binôme du jour, la posture toujours aussi droite, l'air toujours aussi distant. Il désigna le bassin d'un signe de tête.

- Toi aller dans l'eau. Moi lancer sort, dit-il platement.

Il allait du moins essayer. Il préférait se débarrasser immédiatement de cette partie, afin d'aller lui-même dans le bassin. Il se demandait même s'il ne parviendrait pas à le traverser sans la moindre aide. Il avait envie d'essayer. Mais ses envies n'entraient jamais en jeu. Lui se contentait d'obéir. Il sortit donc sa baguette magique pour la pointer sur sa binôme.

- Branchia Ventosa.

De petites branchies apparurent alors sur Flora. Rien de bien impressionnant, c'était même si discret qu'on pourrait les louper, mais c'était probablement suffisant pour qu'elle respire sous l'eau. Pendant un petit temps du moins. Enfin il l'espérait. 

Basil n'avait pas l'air dans son assiette, mais cela ne semblait pas émouvoir Nikolaï outre mesure. Tout ce qu'il voyait, c'était que son camarade avait fait ce qu'il lui avait dit de faire. Avoir besoin d'aide n'était en rien un échec, contrairement à un abandon pur et simple. Au-delà des limites physiques du jeune garçon, c'était là ses limites mentales que le russe avait voulu tester. Et Basil n'avait pas refusé de courir le dernier tour lorsque Nikolaï l'avait remis sur pied pour l'aider à avancer. Basil n'avait pas non plus refusé de refaire un entraînement le lendemain matin. Par conséquent, Basil pouvait apprendre et s'améliorer, et c'était une victoire. 

Aussi Nikolaï ne se fit pas prier pour l'aider à se relever, en le tirant prestement afin qu'il puisse se remettre sur pied. Il se laissa même aller à lui donner une petite tape de félicitations sur l'épaule, avec un sourire. Ce dernier disparut presque aussi vite qu'il était apparu, mais il avait été là, preuve irréfutable que la prestation de Basil avait comblé ses attentes. Il hocha alors la tête.

- Oui, toi devoir reprendre des forces, acquiesça-t-il avec cet accent qui le rendait si difficile à comprendre.

Les deux garçons prirent alors le chemin pour rentrer au château, Nikolaï s'assurant tout de même que celui qui l'accompagnait de risquait pas de tomber à tout moment. Mais l'idée d'un petit-déjeuner semblait l'avoir rendu de nouveau suffisamment maître de ses jambes pour marcher tout seul sans trop de peine, malgré une fatigue évidente. Nikolaï, quant à lui, savait qu'il lui faudrait refaire un véritable entraînement le soir afin de ne pas risquer de garder un trop plein d'énergie en lui. Et cela, avant que Katherine ne veuille vérifier son sceau. S'il était trop en forme, ce dernier semblait bizarrement affaibli, comme si la créature en lui se nourrissait de ce trop plein d'énergie.

La routine était une chose qui convenait parfaitement à Nikolaï. C'était ce qu'il connaissait depuis son plus jeune âge, et la froideur de Katherine Dennison n'était pas sans lui rappeler celle de ses instructeurs de l'armée. Aussi se pliait-il sans rechigner à ses demandes - comme à celles de tous les adultes de l'école. A peine lu, le parchemin était jeté dans la cheminée, ravivant les braises un court instant avant qu'il ne quitte l'endroit pour se rendre au lieu du rendez-vous donné. Le froid mordant de l'extérieur ne le dérangeait pas outre mesure, et c'est de son habituel pas cadencé qu'il rejoignit l'Auror sur le terrain de Quidditch.

Il la salua sobrement d'un garde-à-vous formel, les yeux fixés dans les siens, attendant avec cette posture militaire qu'on lui connaissait qu'elle expose les consignes du soir. Et malgré ses lourdes difficultés à faire de la magie, il n'essaya pas d'argumenter. Il n'essayait jamais, se contentant d'obéir aux ordres qui lui étaient donnés, sans s'émouvoir le moins du monde de s'il parvenait ou non à faire ce qui lui était demandé. Il observa le balai qu'elle tenait, attendant de le voir se transformer en une arme, sans que cela n'advienne. Une fois de plus, aucune émotion ne passa sur son visage.

Il se doutait pourtant qu'elle venait d'échouer lamentablement à sa petite démonstration, mais là où les élèves de son âge aurait probablement ri, lui savait pertinemment qu'il risquait de ne pas obtenir meilleur résultat. Il sortit donc sa propre baguette pour la pointer sur le balai. Bien qu'il pouvait sentir un lien l'unir à cet étrange bout de bois, utiliser la magie qu'il avait si longtemps enfouie en lui et qu'on lui avait appris à mépriser au plus haut point n'avait rien d'évident. Il se lança cependant.

- Plasticinum, prononça-t-il avec son fort accent russe.

Exactement comme il l'avait prévu, le balai resta un balai. Il releva les yeux vers Katherine.

- Moi avoir l'intention, mais pas la magie. Recommencer ? demanda-t-il tout de même.

Comme à son habitude, Nikolaï s'était levé tôt afin d'effectuer son entraînement quotidien en compagnie de Basil. Ce dernier avait fait de véritables progrès, même s'il était bien loin du niveau de son camarade russe. Sans doute se montrait-il trop doux envers le seul garçon qui avait osé l'approcher, mais il ne voulait pas le repousser : Basil était ce qui se rapprochait le plus d'un ami, et il s'agissait là du premier qu'il avait. Sans savoir pourquoi, Nikolaï prêtait une importance particulière à cette relation nouvelle pour lui, bien qu'il n'en montrait rien, évidemment. 

Il était donc levé depuis bien longtemps lorsqu'il arriva au cours de métamorphose, fraîchement douché, l'uniforme parfaitement ajusté, et cette démarche militaire qui ne le quittait pas malgré les mois qui s'écoulaient. A peine arrivé sur le terrain, il avait déjà vu les différentes zones, assimilé les différents obstacles, et mis au point plusieurs techniques pour en venir à bout - aucune d'entre elles n'utilisant cependant la magie. Il ne s'agissait là ni plus ni moins qu'un parcours du combattant, comme il en avait fait un nombre incalculable, de difficulté bien supérieure à celle-ci, à n'en pas douter.

Une fois au niveau du groupe, il se raidit subitement en un garde-à-vous pour toute salutation, avant de prendre la position des soldats au repos, dans le plus grand silence. Il ne prêtait aucune attention aux autres élèves, le regard fixe, la posture droite, la tête haute comme s'il fixait un point particulier à l'horizon. Rien ne semblait pouvoir l'ébranler. Et pourtant, depuis qu'il était arrivé à Poudlard, il avait changé. Il le sentait. Il ne parvenait pas à dire pourquoi, ni même comment. Mais certaines choses qui lui paraissaient aberrantes à son arrivée étaient désormais tolérables. Comme ces fillettes qui étaient incapables de tenir leur langue et chuchotaient sans cesse.