— Tu m'emmènes, et moi j'te les présente. Deal ? 

— Allez, deal.

Ainsi la cadette Carter avait réussi à voyager jusqu'au Pays de Galles en compagnie de Fenella. L'une y allait pour rencontrer l'équipe des Catapultes de Caerphilly, par simple passion, saisissant sa chance d'assister à un entraînement grâce au laissez-passer à frange rousse qu'elle avait sous le bras. L'autre y allait pour échapper à son foyer, à la lourdeur de son père, aux vacances devenues trop longues, trop lentes, et étouffantes.

Embauchée en renfort à la boutique depuis février, d'abord le samedi, puis 20h/semaine, l'Écossaise aux yeux gris-bleu et aux mèches cuivrées n'avait pas encore eu l'occasion de suivre Freya au centre d'entraînement de leur égérie. Soit car cette dernière avait de toute façon besoin que Fenella reste au magasin et s'occupe des clients, soit car à l'évidence, l'aînée évitait les déplacements inutiles au Pays de Galles, en froid avec Elliot depuis (version officieusement officielle) son excès de colère lors de la conférence de présentation de l'OCQ500. "Ouais bonne idée. Ali demande que ça. Elle déteste le quidditch mais tu peux être sûre qu'elle acceptera une virée à Cardiff" avait confirmé la Poufsouffle lorsque leur amie d'enfance s'était proposée pour rendre une visite de courtoisie aux membres du club de Ligue.

Certes, elle déteste le quidditch.

Sauf que quelqu'un là-bas lui fera passer le temps.

Vêtue d'une jupe courte à volants blancs et d'une chemise ouverte sur un croc-top bleu ciel, la Serpentard exhibe son récent piercing au nombril devant les joueurs en plein échauffement. L'heure suivante, elle s'allonge sur un banc ensoleillé au milieu des gradins, l’œil effleurant à peine le déferlement d'OCQ500 pilotés par Elliot Blackburn et ses acolytes. Des tâches d'ombres et de lumières traversent ses paupières closes quand l'un ou l'autre des sportifs passe entre elle et le soleil. Alison se demande si Spike est agréablement surpris de la voir, s'il a ne serait-ce que pensé à elle, ces deux derniers mois. S'il a vu des filles. La tête ailleurs, la rouquine profite du vent balayant ses jambes nues. Est-ce que sa présence déconcentre le Serpentard ? Et si elle remonte un peu trop sa jupe, comme ça, est-ce qu'il remarquera ? Il lui tarde de dévoiler ses nouveaux piercings au garçon. 

À côté d'elle, Fen' se montre très intéressée, un carnet à l'effigie de la marque Carter en main, qu'elle remplit d'annotations soulignant des informations jugées importantes. L'entraînement défile vite pour l'étudiante diplômée de Poudlard (promotion 2123-2124) attentive au comportement des bois et des cœurs, bien qu'elle soit loin de s'y connaître autant que Jun et Freya sur le sujet. À la fin d'une heure et demi d'efforts intenses, les joueurs quittent le terrain, et Fenella se redresse. 

— On va les voir ? 

— Laisse-les prendre une douche au moins, duh, répond l'adolescente qui ne veut pas encore avoir l'air d'une cruche dans le hall d'entrée du centre. Elle rajuste sa frange.

Un peu plus tard sur le parvis du bâtiment, le coach Oakwood les salue, satisfait que le sponsor se déplace avant d'entamer la prochaine saison. Fenella lui transmet une liste écrite de la main de Freya pour répondre à certaines questions qu'ils ont pu se poser avec les OCQ500 et qui demandaient réflexion. 

Quelques joueurs comment à sortir du vestiaires, les uns pressés de partir, les autres curieux. Parmi les fuyards, le coach retient Elliot Blackburn, visiblement contrarié d'être obligé de jouer au gars politiquement correct devant la cadette Carter et l'employée du magasin. Alison cille, exaspérée à son tour. Elle profite d'un moment d'inattention au cours de la conversation pour s'éclipser en direction du hall où elle retrouve Spike, frais et disposé. Surprise. 

Dehors, une poignée de sportifs reviennent de la zone de transplanage, un prénom à la bouche, Owen. 

— Y'a Owen. Owen Carter, là-bas.

L'information semble à peine croyable. Pourtant le colosse se pointe chez les Catapultes de Caerphilly, ses mèches rousses attachées en arrière, et tend une main démesurée au coach. Oakwood, heureux de vous rencontrer, annonce-t-il, comme s'il n'avait pas disparu une année entière, et encore plus des terrains. Pendant ce temps, la nouvelle traverse les vestiaires et le centre entier. Y'a Owen Carter les gars.

Collée à Spike, sa langue sort de la bouche du garçon, et Alison soupire de rage. Putain.

- La fille Carter est v'nu voir son mec on dirait.
- De quoi ?

L'cou d'Elliot se tord de tout là haut pour aviser la présence d'Alison, plusieurs mètres plus bas. Rien à voir avec ce qu'il s'attendait à voir pour zéro raison. Il détourne la gueule, agacée d'son propre réflexe, alors qu'un des gars siffle.

- Elle est mineure Spence, calme tes ardeurs.

- Ça va c'est juste pour l'faire chier.

Aucun d'eux n'a vraiment l'temps de se disperser plus longtemps qu'ça. L'entrainement est, comme tous les autres, méga-intensifs, et personne est autorisé à s'relâcher. Sont plutôt soulagés d'entendre le sifflet qui les fait tous redescendre et filer vers les douches. Les cerveaux shootés à l'endorphines rendent l'atmosphère plutôt tranquille alors que ça s'emmerde sous la douche et en dehors. Elliot est carrément pas ravi d'se faire cueillir à la sortie du vestiaire par le coach, pour des heures supplémentaires qu'il avait pas vu v'nir.

- Sérieux ?

- Elliot c'est notre sponsor principal, dont t'es la tête d'affiche, et dont t'as niqué l'lancement. Tu viens dire bonjour.

Il baisse le r'gard. Oakwood sait taper où ça fait mal, y a pas à dire. La main agrippée à son épaule avec la même fermeté qu'une pince, il braque un sourire à l'intention des deux filles déplacées pour l'occasion. Au moins c'est pas Freya.

- Salut.

Il serre la main de la salarié qu'il a déjà vu à plusieurs reprises sans jamais retenir son nom, s'contente d'un signe de tête vers Alison.

- C'est cool que vous soyez v'nu voir l'entrainement.
 

En vrai la meuf est sympa, et il a carrément rien contre elle. C'est juste qu'il s'rait bien rentré chez lui pour s'poser devant sa play. Tout plutôt que d'débattre des performances des OCQ500 - qui s'vendent malgré la conférence qu'il a fait foirer -, ou des statistiques de toute l'équipe depuis qu'ils en ont hérité. Il fait l'taff. Parce qu'il est payé pour, et qu'Oakwood est là. Alison elle, a embarqué Spike plus loin pour l'emballer sans grande pudeur, à peine dissimulés du reste du monde. Elliot s'est contenté d'hausser un sourcil en émettant un rire un peu étranglé. Puis, ça bouge. Aucun de vous capte vraiment ce qui se passe avant qu'le nom d'Owen Carter soit prononcé, et Elliot ouvre grand ses yeux en se retournant pour aviser l'géant.

- Ohw.

- Owen Carter en personne ! Mais quel honneur ! S'exclame Oakwood, visiblement aux anges.

Il s'contente d'avoir une gueule un peu stupéfaite tandis qu'il tend une main à l'ancien joueur pour se la laisser broyer joyeusement.

- Wah. Z'êtes rev'nu alors.

Il a une vague pensée pour Freya qui lui annonce que son père a effectivement décidé de réapparaitre dans les parages. Visiblement, il a aussi décidé d'rendre ça super officiel.

Les entraînements avec les Catapultes, ça a franchement rien à voir avec tout ce que t'avais pu vivre auparavant. Un an que tu fais partie de l'équipe, et t'as l'impression de finir toujours autant sur les rotules à la fin. Mais c'est carrément grisant. Jouer avec de si bons joueurs, ça t'a fait progresser plus vite que jamais. Là où, auparavant, t'étais juste doué sur un balai, aujourd'hui t'as tout simplement l'impression que c'est une extension de toi-même. T'as plus besoin de réfléchir à quoi que ce soit, tu voles comme tu respires. Et maintenant que tu connais mieux la façon de fonctionner de l'équipe et des gars, t'as plus aucun problème pour participer aux formations ou aux stratégies. T'es devenu une partie du tout sur le terrain. Et ça rend ça encore plus génial.

Quand tu croises Alison à la sortie des vestiaires, un sourire prend place sur tes lèvres. Tu l'avais bien vue dans les gradins, mais tu t'es pas attardé sur elle. L'entraînement avant tout, tout le temps. Sinon Oakwood risquerait bien de te faire passer un sale quart d'heure. Mais maintenant que t'es libéré de tes obligations, l'idée de passer un peu de bon temps avec la rouquine te déplait franchement pas. Tu la chopes par la taille.

- Jolie surprise. 

C'est dit sur un ton confiant, un peu amusé. Et tu te fais pas prier pour l'embrasser en laissant tes mains vagabonder sagement sur ses courbes, avant de manquer de t'étrangler en entendant le nom du daron d'Alison. Tu le cherches aussitôt du regard, totalement hébété. 

- Attends mais ton daron est revenu ? Depuis quand ?

Elle te l'avait pas dit. Et toi, tu te sens comme un gosse en matant le presque géant qui a bercé toutes tes premières années en tant que joueur de Quidditch. Il fait partie des plus grands, et pas juste en taille. Le mec était un monstre sur le terrain.

- Tu m'le présentes ?

Honorée d'être en présence d'Elliot Blackburn, la jeune femme aux yeux océan tapote brièvement la couverture de son carnet, un sourire enchanté aux lèvres. À force de parler des performances du 500 entre vos mains, fallait bien que je vienne voir ça en vrai, répond-elle, heureuse de montrer qu'elle a pris quelques notes sérieuses à propos du comportement du balai sur le terrain. Mais le plaisir est de courte durée, interrompu par la rumeur, puis l'arrivée d'Owen. Sans un mot, Fenella se met en retrait, spectatrice des salutations entre l'ancienne star du quidditch et le club des Catapultes de Caerphilly. La scène reste captivante, de voir l'air égaré d'Elliot face au colosse écossais. Ce dernier garde le visage détendu qu'il arbore depuis son arrivée, et frotte machinalement ses mains l'une contre l'autre en répondant. Je vais pas m'étaler là-dessus, les journaux s'en chargeront, mais il était largement temps de rentrer, de retrouver mes filles et mes partenaires de travail. Autour de lui, plusieurs membres de l'équipe sont attroupés, revenus à l'intérieur de l'enceinte du centre pour être témoins du retour d'Owen Carter. Et vos admirateurs ! ajoute Oakwood. 

— Et ceux qui m'ont soutenu jusque là, effectivement, renchérit le presque géant en donnant des poignées de mains aux quelques sportifs qui attendent sur les côtés. Son regard retourne en direction du Gallois immédiatement après. Elliot Blackburn, mh ? De c'que j'ai vu ça marche bien. T'es pas la moitié d'un kilt mouillé, Freya a visé juste. Il pose ses poings sur les hanches, le récit bien en tête du jour où le prodige a défendu son aînée devant les journalistes.

Plus loin dans le hall, l'après-midi de la cadette Carter tourne au cauchemar. Elle lève les sourcils face au fanatisme de Spike. Anh t'es sérieux ? Moi aussi j'suis là hein. Et t'es pas supposé baver pour mon père, duh, ajoute-t-elle avec dégoût en rajustant sa frange. Sauf qu'il continue de chercher Owen des yeux, alors la Serpentard capitule à contre cœur. Dommage, j'allais t'montrer mes nouveaux piercings, glisse-t-elle après un lourd soupir, en prenant le chemin de l'extérieur où sont rassemblés les autres.

En voyant sa progéniture vêtue d'une jupe au ras des fesses au milieu des joueurs du club de ligue, l'ancien poursuiveur fronce du nez, puis interroge en silence l'adolescent qui l'accompagne. C'est Spike Ryder, il est dans ma classe, avise Alison d'une voix morne. Spike Ryder, reprend Owen Carter, incapable d'oublier l'allure dépravée de sa fille.

Elliot reste un peu con, pas certain d'savoir de quoi le colosse cause. Pis il capte. À retardement. Freya a visé juste pour sa fucking égérie. Marrant, l'ironie. Parce ce qu'il disait pas ça à l'époque où Freya l'ramenait d'Poudlard par la main. 

- Merci, il balance quand même. J'suis carrément content d'avoir eu l'privilège de tester ce truc avant tout l'monde en vrai. L'équipe fait un travail de fou furieux.

Il tend la main pour serrer la pogne énorme du géant, se la fait presque broyer. Spike s'fait accueillir vachement plus froidement, et faut pas s'appeler Merlin pour en comprendre la raison. Alison, elle, a l'air carrément dépitée par la situation.

- Alright, il prononce en jetant un bref coup d'œil dans la direction d'Oakwood. Il secoue très discrètement la tête.

- On vous fait faire le tour du Centre, Owen ?

Bon, pour la détente on repassera. Cela dit, Elliot est plutôt carrément intrigué par l'retour prodige, et soudainement moins pressé d'rentrer, alors il abdique avec le sourire et suit son entraineur vers les larges portes. À l'intérieur, c'est un peu l'branle-bas de combat. Les chargés de communication ont quitté leur bureau pour subtilement se retrouver dans des couloirs qu'ils n'empruntent habituellement jamais. Chacun prend son occasion de saluer l'immense bonhomme, certains se retenant probablement de réclamer un autographe pour ne pas altérer leur image professionnelle.

- Teresa, envoie un soda s'te plait, réclame Elliot à l'intention de la réceptionniste, qui ne se fait pas prier pour aligner plusieurs bouteilles larges sur le comptoir à l'intention d'un peu tout le monde.

Pendant ce temps, Oakwood fait son show, sa silhouette longiligne contrastant de manière saisissante avec celle du géant.

- OCQ vous a fait votre version du 500 M'sieur Carter ? Demande Elliot alors qu'ils parviennent sur le terrain.

L'écossais n'a jamais vraiment pu tenir sur les manches ridicules des balais standards, d'où la création de sa propre gamme des années plus tôt. Au-delà de ça, Elliot est surtout plutôt curieux d'à quoi pourrait ressembler la version Owen Carter elle-même.

Tu clignes plusieurs fois des yeux en observant Alison lorsqu'elle te demande si t'es sérieux. Pourquoi tu le serais pas, franchement ? Est-ce qu'elle est au courant de ce que représente Owen Carter dans le monde du Quidditch ? Dans ton monde ? Le gars était purement et simplement un modèle pour n'importe quel fan de Quidditch qui se respecte. Il a fait de sa taille un avantage et non pas un inconvénient alors même que n'importe qui aurait pu se dire que ça l'empêcherait de faire carrière !

Tu l'avais eu sur les murs de ta chambre. Ou du moins de ton dortoir à Poudlard, durant tes premières années alors même que tu découvrais l'univers merveilleux du Quidditch. T'avais eu Owen Carter comme modèle, et Elliot Blackburn comme défi. Et t'étais parvenu à devenir le plus jeune joueur de Quidditch professionnel jamais titulaire en ligue britannique. C'était pas rien. Alors ouais, quand l'occasion de rencontrer Owen Carter pour de bon se présente, et qu'en plus t'as sa fille à ton bras, t'as carrément envie qu'elle te présente, piercings ou pas. Quoique tu vois mal pourquoi t'aurais pas le droit aux deux présentations en fait. Suffit de les faire à deux moments différents.

- Tu m'les présentes après t'inquiète, j'suis capable de gérer plusieurs présentations à la journée, tu lui réponds avec un sourire un peu insolent et un peu envieux.

Alors quand tu te retrouves face au presque géant, tu lui tends la main avec assurance, un immense sourire sur le visage.

- Monsieur Carter, c'est un honneur de vous rencontrer ! 

Mais voilà pas que l'autre débile veut lui faire faire le tour du centre direct. Tu lui jettes un regard noir alors que tu vois ta première opportunité de discuter un peu avec l'un des meilleurs joueurs de son temps disparaître au coin du couloir. T'entraînes Alison par la main pour aller te choper un soda toi aussi, en tendre un à Alison, avant de venir filer un gobelet à Owen aussi. Sait-on jamais. Il a sûrement soif.

Contrariée par le fanatisme de Spike, la cadette Carter change d'humeur et tire carrément la tronche en voyant le Serpentard s'ajouter au cortège des admirateurs de son père. Bien sûr, Elliot fucking Blackburn en fait partie, rumine-t-elle en croisant les bras tandis que les présentations ont lieu. Personne va jamais lui foutre ses quatre vérités en face alors ?! Ils vont tous continuer de lécher ses bottes comme s'il était Harry Potter en personne ? Et Owen Carter de répondre, qu'il lui tarde de constater lui-même le talent du jeune joueur. J'serai intransigeant, parce que c'est le poste de poursuiveur, et parce que tu promènes ma fille à ton bras, ajoute-t-il en provoquant un soupir désabusé de la rouquine. Promène ;  j'suis pas un chien hein, marmonne-t-elle entre ses dents lorsque le groupe se dirige vers l'intérieur du centre, guidé par le coach.

Fenella de son côté, semble satisfaite de pouvoir profiter d'une visite de l'établissement.

— Nan mais moi j'reste pas avec lui, rétorque Alison en reposant son verre sur le comptoir. Au même moment, elle sent quelque-chose chatouiller ses cuisses, et constate d'un regard que sa jupe s'est allongée de vingt bons centimètres au moins. Puis c'est au tour de son croc-top qui se transforme en véritable débardeur et recouvre le piercing qu'elle arborait au ventre. L'abus, commente-t-elle en cherchant son géniteur, les yeux sombres.

Un peu plus loin, Owen fait mine d'écouter la description des lieux par Oakwood, le verre que lui a donné Spike perdu entre ses phalanges. Il hoche du menton, salue ceux qui attendent une poignée de main, et continue en répondant à la question du capitaine des Catapultes lorsqu'ils arrivent sur le terrain d'entraînement. Pas encore, mais j'ai eu le croquis de c'qu'ils ont imaginé pour moi, et ça donne envie. Aux curieux, il dit que la composition sera révélée en temps et en heure, après les formalités de son retour. C'est des p'tits bijoux, ils ont bien bossé, ajoute l'homme en parlant des balais réalisés par Jun et Freya, une pointe de fierté dans la voix.

— Notre champ de bataille, annonce Oakwood en désignant l'ensemble du terrain. Pas aussi impressionnant que le stade écossais, mais on se défend. Alors l'ancien poursuiveur d'équipe d'Écosse balaye les gradins d'un regard nostalgique. 

Pendant toute la visite, l'adolescente traîne, désintéressée du quidditch, et agacée par le manège du presque-géant. J'te jure, dans 5 minutes, j'me barre, promet-elle au Serpentard quand il s'agit d'arpenter l'herbe grasse. Il pourra dire ciao à leurs retrouvailles.

La visite a durée, mais bientôt la troupe a fait l'tour. Ils en ont pas appris davantage sur la mystérieuse absence d'Owen des derniers mois, parce que l'type s'est contenté de réagir aux sollicitations sans trop s'étaler, ou relancer. C'est pas franchement étonnant au vue d'la population alentours. Elliot a pas noté l'rallongement subtil de la jupe d'Alison, pas plus que celui de son tee-shirt, mais il a bien noté sa gueule tout l'long. Elle est visiblement pas parmi les plus ravis du retour de son paternel. Il peut qu'avoir en tête la gueule de Freya, et les propos qu'elle a balancé.

Y en a une qu'est soulagée, l'autre qui veut l'renvoyer d'où il vient.

Est-ce qu'elle a eu l'occasion d'poser ses questions ? Est-ce qu'il a eu des réponses à lui donner ? Putain. Pourquoi il se sent autant impliqué alors qu'il devrait pas ? Là où il a toujours vu l'géant comme une idole, il voit plus qu'un père qu'à ghosté ses trois filles du jour au lendemain. La raison derrière la tension constante sur les épaules de ex-petite-amie. C'était un pur joueur, y a pas à chier. Mais en tant qu'daron, il a rien à envier au sien et y a qu'a voir la gueule d'Alison pour l'confirmer. Les plus ravis sont pas ceux qui d'vraient l'être, et y a quelque chose de relativement étrange dans l'délire.

- C'était vraiment un plaisir d'vous rencontrer M'sieur Carter, il balance pour laisser aucun choix à Oakwood quant à la suite des évènements.
- Blackburn, j't'ai donné congé ?

- Coach, j'suis rincé là...

- Vous savez que j'envisage de prendre un second pour coacher les Catapultes, Owen, vous avez prévu quoi pour votre grand retour ? Ça ferait du bien à votre image. On a quand même le plus jeune joueur de tout l'pays, sans compter des scores incroyables pour ce début de saison !

D'accord, donc le type l'ignore. Elliot lève les yeux au ciel mais serre les dents. C'est son rôle après tout. Malgré lui, il est vachement curieux d'savoir c'que l'grand Owen Carter a prévu pour son retour.

T'as comme un léger temps d'arrêt quand Owen Carter dit que tu promènes sa fille à ton bras. Merde, t'avais jamais trop vu ça comme ça. C'est que ça sonne vachement officiel comme truc, alors qu'au fond, vous vous contentez de vous amuser. Sûrement que c'est pas ce qu'un père de famille a envie d'entendre ceci dit, alors tu te contentes de lui sourire poliment en prenant un air un peu gêné mais plein de bonne volonté : c'est sûrement le mieux que tu puisses faire pour pas t'attirer trop de problème avec un gars qui mesure deux fois ta taille et qui doit pas du tout avoir envie de savoir que tu couches avec sa fille sur une base assez régulière.

Alors tu t'éloignes quand même un peu, pour rester avec Alison, tout en entendant ce qu'il se dit. Tu captes même pas que ses fringues ont subitement un peu plus de tissu, tout obnubilé que t'es par Owen Carter. Et quand vous arrivez sur le terrain et qu'elle annonce qu'elle va pas rester plus longtemps, tu sembles enfin voir qu'un truc cloche.

- S'est passé quoi avec tes fringues ? 

Sauf qu'une nouvelle fois, ton attention est attirée par la discussion. Parce que ça parle de toi. Le plus jeune joueur de tout le pays. C'est que c'est pas rien. Tu cherches un signe d'approbation dans le regard d'Owen Carter, mais ça demande trop de temps apparemment, parce qu'Alison se barre. Tu regardes le père, puis la fille, puis le père, puis tu te décides enfin : te voilà à trottiner derrière Alison.

- Attends ! Alison ! J'viens avec toi. 

Bordel, c'est compliqué les meufs.