Femme
18 ans
Sang-mêlé
Russe
Modération
Identité
-
- Diplômé·e
- Surnoms : Nikita
- Nationalité : Russe
Capacités & Statuts
Groupes
Message publié le 12/11/2025 à 16:27
La chaleur de l’été ne parvient pas jusqu’ici. Pas vraiment. L’Allée des Embrumes empeste l’encens brûlé et la crasse. Même les murs semblent transpirer un film poisseux. Anya serre le tissu trop fin de sa chemise entre ses doigts. Elle ne sait plus si c’est de peur ou de rage que ses paumes suintent. Elle n’a rien mangé de la journée. Aucune importance. Ce n’est pas pour ça qu’elle est là. Le Ministère a été clair. Les portoloins sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. La Russie, disent-ils, est zone à risque non-autorisée. Dans les couloirs pourtant - où des réfugiés poireautent entre deux dossiers - on entend des murmures. Des noms. Des types capables de vous faire passer les frontières magiques sans laisser de trace.
Anya y a tenté sa chance. Un magasin sans enseigne, porte entrouverte sur un gouffre sombre. Un air pesant sur les épaules. Une poussière verte qui flotte comme des spores dans la lumière blafarde d’une bougie suspendue. Une voix sifflante, et une main décharnée qui réclame une bourse entière de gallions pour un passage sans garantie aucune. Sa situation précaire ne lui a guère permis d'avancer une telle somme, et l'a poussé à trouver un emploi tout aussi précaire quelques numéros plus loin. Dans un dépotoir qui se veut bar et brocante, et dont les horaires nocturnes la pousse à arpenter des ruelles mal famées sous le nez de sorciers et sorcières plus étranges et inquiétants les uns que les autres.
Que ce soit ici ou au refuge, personne ne lui pose la moindre question.
Elle n'a pour l'heure amassé qu'un quart de ce qu'il faudra pour enfin rejoindre son pays, et elle conserve le tout dans une cache de la chambre qu'elle partage avec d'autres dont les ambitions sont probablement similaires aux siennes. Fraîchement diplômée, elle ne profite guère de ses résultats aux ASPIC, ou des papiers temporaires dont on lui fait profiter alors qu'on l'empêche de gagner Moscou. Plus que jamais décidée à se dissimuler dans la masse, Anya n'est connue à son travail que sous le nom de Nikita, et il n'existe pas le moindre contrat avisant de son existence entre les murs sordides. Ombre parmi les ombres, elle pénètre l'antre d'un pas discret à l'intérieur, se contente d'un regard envers les âmes présentes avant de disparaitre à l'arrière.
Ce soir, comme tous les autres, elle frottera les tables d’un torchon humide qui ne sent plus que le renfermé. Ses bras nus frissonneront chaque fois qu’un courant d’air s’engouffre entre les murs, chargé d’odeurs rances. Le comptoir suintera d’alcool renversé. La musique grésillera, parfois remplacées par des hurlements qu’elle ne cherche même plus à identifier. Personne ne lui parlera. Ou alors, uniquement pour râler, demander un verre, ou loucher sur ses jambes trop maigres sous la jupe d’uniforme qu’elle n’a pas choisie. Elle répondra à peine. Laissera couler.
Parfois, des types aux yeux troubles s’attarderont un peu trop longtemps. Alors elle s’enfoncera dans la réserve, le temps que ça passe.
Quand il n’y aura plus rien à faire, elle frottera encore. Le bar. Les verres. Ses mains. À s’en user la peau. À minuit passé, on la laissera partir sans un mot. Elle s’enfoncera dans les venelles tordues, baguette au creux de la manche, un vieux sac sur l’épaule. Habituée au silence, Anya n'y verra pas la solitude, elle n'y verra que la perspective du lendemain. La perspective de revoir Moscou, de retrouver ses amies de Koldostoretv, de passer sur la tombe de ses parents et de son frère, de prendre sa place au sein d'une guerre qu'elle n'a certes pas choisie, mais qui fera partie d'elle à jamais.