- Мне плевать, как они меня видят ! persifla-t-il. (Je m'en fous de comment ils me voient !)
Malgré le ton acide, c'était moins contre elle que Sasha était en colère que contre les anglais. Mais par défaut, il garda les sourcils froncés, son regard dardé sur la jeune femme, comme un prédateur en train de se demander si oui ou non cela valait la peine de se jeter sur cette proie.
En réalité, il ne savait pas si Anya tentait de le provoquer ou bien si sa froideur et sa voix ferme étaient ce qu'elle réservait à tout le monde ici. C'était possible, venant d'une Russe. Mais il avait cette étrange sensation d'être testé, qu'il fallût qu'il fût prêt à se défendre. Ou bien, c'était comme ça qu'il ressentait toute approche, et le fait qu'elle parlât sa langue n'était pas suffisant pour apaiser sa combattivité.
Il ne put empêcher un pas en avant, les poings serrés.
- Как ты думаешь, я сбежал? Я не трус ! Меня останавливают эти марионетки и их гребаные фанфары мира ! (Tu crois quoi, que j'me suis enfui ? J'suis pas un lâche ! C'est ces pantins et leur putain de fanfare pour la paix qui m'en empêchent !)
Le cri était sorti de sa poitrine avec douleur, et il pointa un index vers ce qu'il pensait être approximativement le sud-est - mais il était désorienté, dans ce fichu château et sous ces épais nuages d'Ecosse où le soleil semblait ne jamais vouloir se montrer clairement, aussi rien n'était moins sûr que cette direction imprécise.
- Я бы уже вернулся, если бы мог! Но на меня наложили Трейс, чертов Трейс, как в детстве ! (J'y s'rai déjà retourné si j'avais pu ! Mais ils m'ont mis une Trace, une putain de Trace comme un gosse !)
Parce qu'ici il était un enfant, ils en étaient tous. Pour Sasha, un enfant, c'était les premières et deuxièmes années de Poudlard, pas plus. Après, une fois qu'ils savaient lancer leurs sortilèges, à quoi servait-il que tous fussent capables de lire dans le marc de café ou de résoudre les énigmes de l'arithmancie ?
Il s'humecta les lèvres, le temps de trouver le reste de l'argumentaire, mais il abandonna aussitôt. Il s'énervait pour rien. Il le voyait dans les yeux de la fille, que ce n'était pas son point de vue à elle. Qu'elle ne comprendrait pas. Elle n'était pas allée là-bas, et quand bien même elle y aurait été, elle se serait sûrement battue pour le camp d'en face, avec son accent de Sakhaline. A quoi s'attendait-il donc ? A du soutien ? De la compréhension ? Tout le monde n'avait cessé de lui répéter la chance qu'il avait eu d'être tiré d'affaire pour être emmené dans une école sûre.
- Дурак (Idiot), bougonna-t-il à voix basse, pour lui-même, en se détournant de nouveau vers la fenêtre.
Le silence revint presque aussitôt. Il avait semblé un moment que la voix criée de Sasha s'était répercutée dans le couloir, avait dévalé les escaliers pour réveiller quelques lointains portraits qui avaient murmuré en retour. Quoiqu'il fît, Anya avait raison : les portraits rapporteraient, les fantômes le surveilleraient. Quant aux élèves, ils seraient comme Anya : pour survivre, ils penseraient d'abord à leur pomme. Ici, pas de milice qui s'organiserait. Il déglutit, les yeux vissés sur le parc, à travers la vitre. Sa respiration finit par se calmer, et quand il reprit la parole, ce fut comme si rien de cet excès d'humeur n'avait jamais eu lieu.
- У тебя здесь есть семья? Кто дает вам разрешение... на... (Tu as de la famille ici, toi ? C'est qui qui te donne l'autorisation pour... pour...)
Il désigna une direction au hasard, du bout du menton.
- Преораль, или я не знаю, деревня там. (Préoral, ou je sais pas, le village là.)