Pas une semaine n'est passée depuis la rentrée, mais déjà des clameurs se font entendre sur le terrain de Quidditch. Distraitement, Anya lève la tête de son bouquin pour jeter un œil aux silhouettes déployées à plusieurs mètres de là, entre les immenses gradins. Ça n'a pas l'allure du stade de Koldostoretv. Il faut dire que pour jouer au Quidditch comme ils le font là-bas, il faut davantage d'espace, des tribunes mieux protégées. Bien sûr, les élèves connaissent et pratiquent la version édulcorée de ce sport magique, mais c'est davantage considéré comme une version enfantine qu'autre chose. Anya n'aurait jamais admis, là-bas, sa préférence pour cette dernière. Impressionnnante, la chevauchée de troncs entiers déracinés à la terre avait quelque chose de rustre, tandis que la chevauchée sur balai dénotait d'une certaine agilité, et d'une élégance autrement impossible.
C'est la puissance de la chose qui galvanisaient les jeunes garçons russes lorsqu'on les élançaient sur des chênes immenses.
Adossée à un tronc de bonne envergure, la sorcière se perd quelques instants à observer les figures gracieuses opérées par les joueurs. Il lui prend parfois de les envier. À Koldostoretv, les filles ne pouvaient se mesurer aux duels qu'entre elles, et il en allait de même pour le Quidditch. Ici, tout le monde se mélangeait sans arrêt, y compris sur le terrain. Anya n'avait jamais eu l'occasion de monter sur l'un de ces énormes troncs volants, mais elle avait toujours apprécié les compétitions sur balais avec ses camarades. Elle se trouvait même douée pour ça. C'était sans doute sa volonté de se tenir à l'écart de tous qui la bornait à ne voler que lors des cours. À moins qu'elle n'eut peur du regard que les autres slaves pourraient bien porter sur elle, si elle se présentait aux essais de Quidditch.
Ont-ils déjà commencés, ou n'est-ce que l'aperçu d'un entrainement improvisé entre quelques uns des membres de l'équipe ? Y aura t-il seulement des essais, alors que la compétition inter-maisons a été annulée à cause du chaos de l'année dernière ?
Anya plisse les yeux, tâchant de reconnaitre les figures qui continuent de se mouvoir, mais bientôt toutes fondent vers le sol, et s'éparpillent sur une pelouse fraîchement tondue. Quoi qu'il se soit joué, c'est terminé. Reportant son attention sur son livre, la sorcière est traversée d'un rictus bref, avant d'être pleinement concentrée sur sa lecture. L'art méditatif, par Youssef Hassan. L'ongle de son index se remet à gratter son pouce alors qu'elle avance entre des pages qui ne semblent vouloir lui apporter qu'une solution temporaire, peut-être parfaitement infertile. Aujourd'hui, le don est calme. Son uniforme lâchement desserré au niveau du col laisse paraitre une peau d'une pâleur significative, qui conserve sa texture habituelle. Ses mèches demeurent sagement brunes. Ses yeux parfaitement noirs. Aujourd'hui, tout est sous contrôle.
Plusieurs minutes passent, Anya se perdant toujours plus entre des lignes qu'il lui est chaque jour plus facile de déchiffrer. Ses premiers mois en Grande-Bretagne ont représenté un calvaire. Aujourd'hui, elle ne bute qu'un mot sur vingt. Elle s'entraine dure, pour parvenir à l'excellence. Ses notes sont inhabituellement hautes, comparées à celles de ses camarades de Koldostoretv. Elle en est fière. Accaparée comme elle l'est, elle n'entend guère le bruits de pas qui se rapprochent, le murmure de conversations. Jusqu'à ce que les présences ne soient trop proches. La surprise la fait se redresser avec vigueur, brutalement, et elle jette un œil au groupe d'élèves qui remontent l'allée à quelques mètres à peine comme s'ils avaient subitement envahi son territoire. Ses mèches ont pris une teinte orangées sur les pointes.
Un juron lui pousse derrière les dents, qu'elle refuse de laisser sortir. Elle déteste se faire remarquer. Alors prétendant s'être levée pour quelque chose, elle glisse son livre sous le bras et commence à marcher, ne saluant que discrètement les élèves, d'un simple hochement de tête, avant de se mettre à remonter le chemin d'un bon pas.