Poudlard Le Château [Terminé] Ça vole sur des brindilles [ft. Spike Ryder]

Anya Nikitovna , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

Pas une semaine n'est passée depuis la rentrée, mais déjà des clameurs se font entendre sur le terrain de Quidditch. Distraitement, Anya lève la tête de son bouquin pour jeter un œil aux silhouettes déployées à plusieurs mètres de là, entre les immenses gradins. Ça n'a pas l'allure du stade de Koldostoretv. Il faut dire que pour jouer au Quidditch comme ils le font là-bas, il faut davantage d'espace, des tribunes mieux protégées. Bien sûr, les élèves connaissent et pratiquent la version édulcorée de ce sport magique, mais c'est davantage considéré comme une version enfantine qu'autre chose. Anya n'aurait jamais admis, là-bas, sa préférence pour cette dernière. Impressionnnante, la chevauchée de troncs entiers déracinés à la terre avait quelque chose de rustre, tandis que la chevauchée sur balai dénotait d'une certaine agilité, et d'une élégance autrement impossible.

 

C'est la puissance de la chose qui galvanisaient les jeunes garçons russes lorsqu'on les élançaient sur des chênes immenses.

 

Adossée à un tronc de bonne envergure, la sorcière se perd quelques instants à observer les figures gracieuses opérées par les joueurs. Il lui prend parfois de les envier. À Koldostoretv, les filles ne pouvaient se mesurer aux duels qu'entre elles, et il en allait de même pour le Quidditch. Ici, tout le monde se mélangeait sans arrêt, y compris sur le terrain. Anya n'avait jamais eu l'occasion de monter sur l'un de ces énormes troncs volants, mais elle avait toujours apprécié les compétitions sur balais avec ses camarades. Elle se trouvait même douée pour ça. C'était sans doute sa volonté de se tenir à l'écart de tous qui la bornait à ne voler que lors des cours. À moins qu'elle n'eut peur du regard que les autres slaves pourraient bien porter sur elle, si elle se présentait aux essais de Quidditch.

 

Ont-ils déjà commencés, ou n'est-ce que l'aperçu d'un entrainement improvisé entre quelques uns des membres de l'équipe ? Y aura t-il seulement des essais, alors que la compétition inter-maisons a été annulée à cause du chaos de l'année dernière ?

 

Anya plisse les yeux, tâchant de reconnaitre les figures qui continuent de se mouvoir, mais bientôt toutes fondent vers le sol, et s'éparpillent sur une pelouse fraîchement tondue. Quoi qu'il se soit joué, c'est terminé. Reportant son attention sur son livre, la sorcière est traversée d'un rictus bref, avant d'être pleinement concentrée sur sa lecture. L'art méditatif, par Youssef Hassan. L'ongle de son index se remet à gratter son pouce alors qu'elle avance entre des pages qui ne semblent vouloir lui apporter qu'une solution temporaire, peut-être parfaitement infertile. Aujourd'hui, le don est calme. Son uniforme lâchement desserré au niveau du col laisse paraitre une peau d'une pâleur significative, qui conserve sa texture habituelle. Ses mèches demeurent sagement brunes. Ses yeux parfaitement noirs. Aujourd'hui, tout est sous contrôle.

 

Plusieurs minutes passent, Anya se perdant toujours plus entre des lignes qu'il lui est chaque jour plus facile de déchiffrer. Ses premiers mois en Grande-Bretagne ont représenté un calvaire. Aujourd'hui, elle ne bute qu'un mot sur vingt. Elle s'entraine dure, pour parvenir à l'excellence. Ses notes sont inhabituellement hautes, comparées à celles de ses camarades de Koldostoretv. Elle en est fière. Accaparée comme elle l'est, elle n'entend guère le bruits de pas qui se rapprochent, le murmure de conversations. Jusqu'à ce que les présences ne soient trop proches. La surprise la fait se redresser avec vigueur, brutalement, et elle jette un œil au groupe d'élèves qui remontent l'allée à quelques mètres à peine comme s'ils avaient subitement envahi son territoire. Ses mèches ont pris une teinte orangées sur les pointes.

 

Un juron lui pousse derrière les dents, qu'elle refuse de laisser sortir. Elle déteste se faire remarquer. Alors prétendant s'être levée pour quelque chose, elle glisse son livre sous le bras et commence à marcher, ne saluant que discrètement les élèves, d'un simple hochement de tête, avant de se mettre à remonter le chemin d'un bon pas.


Spike Ryder , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

L'entraînement n'a rien de bien intéressant en ce jour-là. Tous les joueurs semblent dépités par l'annulation de la coupe, et personne ne se montre particulièrement brillant. Evidemment, t'es quand même au-dessus du lot. Avec tous les entraînements intensifs auxquels tu as eu droit durant ton été, le niveau à Poudlard semble carrément dérisoire. T'en viens même à te demander comment ils ont fait pour te repérer alors même que tu étais aussi médiocre que le reste des joueurs par ici. N'empêche que monter sur un balai te procure toujours autant de plaisir, et tu te fais pas prier pour montrer quelques nouvelles figures stylées que tu as apprises auprès des Catapultes. 

 

Pourtant, l'entraînement se termine rapidement, le manque d'envie de tout le monde étant évident. Faut vraiment que tu fasses en sorte que Crescent prenne la faute, histoire d'avoir une chance de voir revenir la compétition avant qu'il ne soit vraiment trop tard. Balai sur l'épaule, à peine transpirant, t'es bien décidé à aller récupérer ton kit de polissage pour prendre soin de ton nouveau balai. Mais sur le chemin, y'a cette fille a l'air un peu agacée, et aux cheveux oranges qui prennent de plus en plus de terrain sur son crâne. Tu l'observes un instant avant de la rejoindre à petites foulées.

 

- Hé, attends !

 

T'arrives auprès d'elle, pas vraiment essoufflé, ton sourire habituel sur les lèvres. La meuf est pas du genre très bavarde. Pas même du genre très avenante. Comme la majorité des élèves qui débarquent de l'europe de l'est en fait. En plus, le peu de fois où t'as entendu sa voix, elle semblait pas te porter dans son coeur. Mais il en faut bien plus pour te faire reculer. En fait, ça te donne même un peu de challenge que t'aimes bien. Et franchement, elle aurait bien besoin de deux-trois tips pour gérer ses cheveux.

 

- D'puis quand t'es rouquine ? Franchement, t'es mieux en brune. Ou tu devrais peut-être tester une autre couleur. Rose ? Pour ton côté girly.

 

Aussitôt, tu fais prendre ladite teinte à tes propres cheveux, prenant une pose digne des plus grandes pubs pour shampoing.

 

- T'en penses quoi d'mon côté féminin ? 


Anya Nikitovna , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

Anya prend le partie de ne pas se retourner, ayant pourtant parfaitement entendu l'injonction à quelques pas derrière elle. Elle est forcée de s'arrêter pourtant, lorsque le garçon qui l'a hélé débarque à sa hauteur. Difficile de l'ignorer plus longtemps. La sorcière l'observe de son regard noir, priant intérieurement pour que le sommet de son crâne n'ait pas été gagné par l'orange vif qu'elle continue de percevoir sur ses pointes. C'est peine perdue. Spike, qu'elle n'a eu aucun mal à reconnaitre à présent qu'il est planté devant elle, étire une réplique dans l'air qui lui fait l'effet d'une douche glaciale. Amère, elle se pince les lèvres. Était-ce bien nécessaire qu'il se détache de son groupe de potes pour venir lui signaler que sa métamorphomagie partait en live ? Certainement pas.

 

Les mèches subitement nuancées de rose sur le crâne du camarade la font cependant ravaler son injure, ses lèvres s'étirant même brièvement de ce qui ressemblerait à s'y méprendre à un sourire amusé. Aucun garçon, en Russie, ne s'aviserait de faire ce genre de vanne. Ne serait-ce qu'à cause du sous-entendu d'un côté féminin en leur personne si naturellement virile. Une différence culturelle flagrante que venait de piétiner allègrement le joueur de Quidditch sans la moindre hésitation, et avec une insolence qui le poussait à prendre une pose absurde bien au-delà du conventionnel scandinave. Anya secoua la tête pour observer aux alentours mais l'ensemble du groupe dont Spike s'était extirpé ne semblait pas l'avoir attendu pour continuer leur chemin vers le château.

 

Dans son pays, on l'aurait arrêté pour moins que ça, mais dans celui-ci personne n'en avait rien à faire qu'un garçon eut un côté féminin. Anya avait vu certains garçons se promener main dans la main, dans les couloirs du château. D'autres s'embrasser entre les bosquets épais du parc. Parfois même, des filles. Ça lui avait d'abord laissé une impression étrange de voir tous ces britanniques commettre chaque jour aux yeux de tous ce qu'elle avait toujours pensé être un crime. Mais on finissait par s'y habituer. Ici, les filles ne devaient pas se montrer fortes en toutes circonstances, et les garçons pouvaient agir comme des enfants sans qu'on les réprimande de ne pas être des hommes. Parfois Anya trouvait tout ça absurde, d'autres fois elle y trouvait un élan de liberté auquel elle n'avait jamais vraiment pu goûter.

 

- T'es mieux en brune toi aussi, elle rétorque finalement, ne réalisant pas qu'elle vient de troquer le masculin pour le féminin.

 

Violemment concentrée, elle pousse ses mèches à reprendre leur teinte d'origine. Ce qui ne lui aurait habituellement aucun effort lui demande aujourd'hui des secondes entières et fort pénibles pendant lesquelles elle doit se focaliser sur la teinte précise qu'elle cherche à rendre à sa chevelure.

 

- Je savais pas il y avait d'autres métamorphomages à Poudlard, elle énonce. Prends considérablement sur elle avant de poser la question qui suit, presque à contre-cœur. Tu as déjà eu des problèmes avec ? Là tu maîtrise. Est-ce que des fois... tu maîtrise pas ?

 

Admettre perdre le contrôle, voilà bien la dernière chose qu'Anya désire. Elle n'a cependant jamais croisé un autre sorcier qui subisse cette même anomalie, pas depuis qu'elle est arrivée à Poudlard. C'est peut-être l'occasion de comprendre pour quelle raison tout part en vrille, depuis quelques temps. Sa métamorphomagie n'avait jamais débordé, jusque là. Pas à ce point. Mais à présent, c'était comme s'il s'agissait d'une casserole d'eau bouillante sur laquelle elle tentait vainement de maintenir un couvercle. Son regard pourtant, ne dénonçait nullement la crainte qui la dévorait depuis plusieurs semaines : celle de subir à jamais les aléas de ce qu'elle avait toujours considéré comme une malédiction.


Spike Ryder , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

Wah. T'as réussi à tirer un sourire à Anya Nikitovna. C'était pas le sourire le plus franc du monde, mais tu l'as bien vu, avec ta gueule de con et tes cheveux roses. Faut croire que la connerie ça paie. Tu cales un peu mieux le manche de ton balai sur ton épaule, tandis qu'elle t'annonce que t'es mieux en brune. Tu peux pas t'empêcher de sourire plus largement, tandis que tu laisses pousser tes cheveux dans la foulée pour les laisser reprendre leur couleur naturelle. Bientôt, tu ressembles à t'y méprendre à la fille qui te fait face.

 

- En brune, comme ça ? J'suis bonne là ?

 

Mais vu que t'es pas tellement suicidaire et que tu te doutes que la meuf a niqué son quota de sourires pour la journée, tu reprends rapidement ta forme véritable. En fait ça te prend moins de temps qu'à elle de reprendre sa couleur naturelle de cheveux. C'est qu'elle a vraiment l'air de galérer violemment. A son âge, pourtant, elle devrait pas rencontrer ce genre de souci sur des transformations aussi basiques. Et elle s'en rend compte. Bizarrement, t'as pas trop de mal à être sérieux quand il s'agit de métamorphomagie. T'en as tellement pris dans la gueule à cause de ton manque de contrôle que t'as appris relativement vite à rester "normal".

 

- Quand j'étais gosse j'maîtrisais moins.

 

Mais c'est pour tout le monde pareil. Sauf peut-être pour Flynn, qui a eu le droit à tes cours intensifs dès que t'as capté qu'il était comme toi. Ton frère n'a même pas eu besoin de chercher à comprendre son don, tu lui as tout filé sur un plateau. Et il a tellement bien appris qu'il gère largement mieux que toi. 

 

- Pis quand j'stresse. Genre avant un grand match, ça s'barre un peu en couilles. Mais ça r'vient vite, c'juste pendant quelques minutes. Une fois que j'suis sur l'terrain c'normal. Tu maîtrises mieux normalement ?

 

Tu pensais pas qu'on pouvait revenir en arrière sur sa maîtrise du don. Si la meuf savait gérer avant, tu comprends pas qu'elle soit dans l'incapacité de le faire maintenant.

 

- Tu stresses ? J'crois qu'les changements dans la vie ça peut jouer aussi. Pis certaines potions. T'prends des potions ?


Anya Nikitovna , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

La surprise est pratiquement imperceptible. Anya observe Spike emprunter chacun de ses traits, décide très rapidement qu'elle déteste l'idée que qui que ce soit puisse ainsi violer et voler son identité. Ses sourcils se fronces, ses lèvres se tendent. La mine n'est guère impressionnée. Relativement sévère, même, sans doute. Sévérité qui s'estompe dès lors que le Serpentard répond à sa demande, avec une précision à laquelle elle ne s'attendait certainement pas. En fait, Anya supposait qu'il allait en profiter pour l'abaisser. Lui prouver une fois encore combien elle avait raison ne jamais se tourner vers aucun de ses nouveaux camarades britanniques.

 

- J'ai toujours maîtrisé parfaitement, elle énonce en redressant le menton.

 

Très tôt, Anya avait compris que les modifications permanentes de son corps ne plaisaient à personne. Ni sous le toit familiale, ni en dehors. Il n'avait guère été facile de brider ces interventions chaotiques de sa propre magie, mais l'absence d'autre choix l'avait incité à rapidement compartimenter ses émotions, pour mieux résorber sa métamorphomagie. Un travail nauséeux qui lui avait souvent laissé l'impression de retourner le sang dans ses propres veines, ou de s'enfermer à l'intérieur de son corps pendant des heures. Un travail qui avait payé, car elle n'avait plus eu de débordement depuis ses sept ans. Jusque cet été.

 

- J'ai pas stressé. Être, avoir, aussi interchangeables que deux élèves de Poudlard à ses yeux. J'prends rien. L'agacement est évident sur ses traits pâles. Ses doigts s'accrochent à ses propres bras, et un instant elle regarde ailleurs. J'ai lu des potions peuvent aider. Pour calmer. La potion de clarté, de paix, ces trucs là. T'as déjà pris avant un match pour voir ?

 

Anya n'était pas stupide au point d'essayer un traitement à l'aveugle. Peut-être que ça marcherait, peut-être que ça ne ferait qu'empirer la situation. Peut-être que ça la rendrait incapable de maîtriser de nouveau sans l'aide de potions. Mais dernièrement, la sorcière se demandait si elle maîtriserait un jour tout court, et c'était une pensée terriblement angoissante. Comment pourrait-elle remettre un pied dans son pays avec cette incapacité ? Maigre, repliée sur elle-même, Anya plante un regard droit sur Spike Ryder, enviant presque violemment son apparente nonchalance avec sa propre métamorphomagie.

- Peut-être j'ai stressé un peu. Dur de pas stresser quand on sortait d'une guerre, et qu'on vous balançait dans une nouvelle pays, une nouvelle école, loin de tout ce que vous aviez toujours connu. Pourtant l'année dernière, elle n'avait eu aucun mal à maîtriser sa métamorphomagie, ou bien trop peu pour que ça n'éveille en elle la moindre véritable inquiétude. Mais c'est pas normal, parce que même quand je stresser, je maîtrise. J'suis pas faible. Elle hait ce mot. Version anglaise comme russe. Il a une sonorité affligeante. Elle le crache dans l'air avec hargne. Tes copains t'ont pas attendu, elle prévient, comme subitement consciente de le retenir là. C'est la plus longue conversation qu'elle a tenu avec un autre élève de Poudlard depuis Basil Banks, et elle se sent exposée.


Spike Ryder , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

Tu hausses un sourcil, pas franchement impressionné quand elle te dit qu'elle a toujours parfaitement maîtrisé son don alors même qu'il se barre en couille de manière évidente sous tes yeux depuis tout à l'heure. Et puis, il y a une différence entre maîtriser et éviter que ça arrive de manière inopinée, et maîtriser et pouvoir en faire absolument tout ce qu'on veut. T'as vite compris que si t'étais capable de modifier ce que tu voulais quand tu le voulais, tu n'aurais aucun mal à faire en sorte que rien ne se passe. L'inverse en revanche n'était pas vrai. Lorsque tu te contentais de tout enfouir pour un semblant de normalité, y'avait toujours un truc qui ressortait et qui te retombait sur le coin de la gueule. Souvent la main de ta mère d'ailleurs.

 

- Nah j'prends pas d'potions, surtout avant les matchs. Ils peuvent considérer ça comme du dopage. D'la drogue quoi. Tu d'vrais ptet d'mander à Brooks ou à Pope ? Ils sauront t'dire c'que ça fait.

 

Tandis qu'elle parle de tes potes, tu jettes un regard derrière toi, pour constater qu'effectivement, ils ont disparu. Tu hausses les épaules, pas franchement plus perturbé que ça, avant de reporter toute ton attention sur Anya. C'est la première fois qu'elle t'adresse autant la parole. Peut-être même la première fois que tu la vois autant parler avec qui que ce soit. Sûrement que c'est vraiment la merde pour elle pour que la meuf daigne s'adresser à quelqu'un d'autre. 

 

- C'pas grave, j'vois d'jà assez leurs gueules toute la journée.

 

C'est dit d'un ton léger, avec un sourire arrogant sur les lèvres. Mais tu reprends vite ton sérieux. Parce que la méta, c'est quand même un sujet important. T'en as suffisamment pris dans la gueule à cause de ça pour pas juste tourner ton dos à quelqu'un qui vit la même merde.

 

- Quand tu dis qu'tu maîtrises... Genre t'maîtrises les changements ? Ou juste t'maîtrises l'fait d'rien changer ? Parce que j'te jure que juste faire comme si t'étais normale, ça marche pas. 'Fin pas longtemps quoi. Faut qu't'apprennes à changer tout comme tu veux. Sinon... ça finit par s'barrer en couilles. Pis c'pas d'la faiblesse. C'juste qu'on est spéciaux. 'Fin moi en tous cas j'suis carrément au d'ssus des autres clampins, j'sais pas pour toi, t'ajoutes d'un air de défi.


Anya Nikitovna , Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, le 06/09/2124

Les lèvres tendues, Anya ne réagit guère ni à Brooks, ni à Pope. Ce serait bien son dernier recours. Brièvement, elle fronce les sourcils à la réaction de Spike devant le départ de ses camarades, mais ne relève pas. Le comportement social de ses pairs britanniques n'a clairement rien de celui qu'elle connait de Koldostoretv. Le sujet ne l'intéresse que très peu, aussi se focalise t-elle plutôt sur les réponses apportées par le garçon au sujet de sa métamorphomagie. Des réponses qui par ailleurs, la prennent entièrement de court.

 

- Spécial c'est pas au-dessus, elle énonce fermement. C'est juste différent.

Personne a envie d'être différent. Pas là d'où elle vient. C'est le meilleur moyen de devenir une cible. Ici cependant, Anya n'a pas manqué remarquer l'étrange habitude de chacun de vouloir par tous les moyens se faire remarquer. Sortir du lot, pour ne pas faire partie de la masse. Pas d'unité, sur le territoire britannique. Un vaste paysage d'hommes et de femmes plus excentriques les uns que les autres, ne manquant ironiquement pas de lui sembler similaire en tous points. Son pays représentait une puissance unifiée, où celui des Royaumes Unis se montrait morcelé, incapable d'avancer dans une même direction sans qu'une majorité de son peuple ne se révolte pour le simple plaisir de se révolter, et de se faire remarquer.

- Je sais je suis pas normale. Mais d'habitude je maîtrise assez pour qu'on le devine pas. Je veux pas utiliser la métamorphose, et je veux pas qu'elle m'utilise non plus.

Son visage est brièvement agité d'une grimace. L'admission est terrible. Elle perd le contrôle. Le sait pertinemment. Ça la terrifie, au point d'être prête à partager l'information avec un garçon qu'elle ne connait assurément pas, et qui semble se complaire d'être une tare de la société, armé d'un don qui fait de lui quelqu'un de spécial. Que croit-elle ? Il n'aura aucune solution à lui apporter. Il aime sa métamorphomagie. S'en sert ouvertement, comme s'il devait en éprouver de la fierté. En rit. Ne voyait-il pas la malédiction que c'était ? En Russie, certains sorciers nommaient les métamorphomages des sans-visages. Ceux qui sont tout le monde à la fois, ceux qui ne sont personne.

Parfois, devant le miroir, Anya se demandait si ce qu'elle était naturellement n'était pas une tromperie en soit. Un visage qu'elle s'était créé de toute pièce.

- Je demanderai aux professeurs, elle conclut d'elle-même, ne laissant transparaitre aucune émotion malgré ses boucles rougeoyantes. Merci pour tes conseils, elle ajoute avec éducation.