Poudlard Le Château Les Cachots [Terminé] A l'Est rien de nouveau
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Sasha Shevchen , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

C'était vite devenu un rituel.

 

Pour la troisième fois, depuis la rentrée, Sasha profitait de ce que la plupart des élèves fissent la grasse matinée pour se glisser dans les cachots après sa sortie matinale, et attendre qu'Anya Nikitovna sortît à son tour pour lui montrer les journaux qu'elle faisait venir de Russie. Il était encore trop tôt - en tout cas il l'espérait - pour qu'elle s'inquiétât de ce qu'il ne fût toujours pas en mesure de prendre lui-même un abonnement. Tant qu'il le pourrait, il profiterait de la situation pour avoir ces informations gratuitement, même si elles étaient tronquées, lui semblait-il.

Il trouvait bien sûr porte close en arrivant devant l'entrée de la salle commune des Serpentards. Ce matin-là, ses chaussures étaient encore mouillées ainsi que le bas de son pantalon, mais il n'en avait cure. A la place de la tenue réglementaire qu'il devait mettre la semaine, il avait enfilé un sweatshirt dont la capuche grise reposait en partie sur l'arrière de son crâne, laissant juste apparaître ses tempes presque rousses.

 

Il n'eut à attendre que quelques minutes, les mains dans les poches, adossés à la pierre, pour qu'enfin quelqu'un sortît. Il se détacha du mur aussitôt pour se retrouver face à...

 

... une grande blonde dont la bouche semblait indéfiniment faire une moue de dégoût.

 

Merde, un bout de brochette.

 

- Sasha ? Qu'est-ce tu fais là ?

- Tu veux pas aller chercher quelqu'un pour moi ? Please, ajouta-t-il avec lenteur, ainsi qu'une autre élève de cinquième année le lui avait appris.

 

Please Alison, il fallait dire quand il demandait un ustensile. Dans le cas de ce dimanche matin, l'astuce aurait mieux fonctionné s'il s'était souvenu du prénom de la fille ; malheureusement, si Alison l'avait prononcé devant lui, il n'en avait fichtrement aucun souvenir. Peut-être Maddie ? Ou Carolina. Ou aucune des deux. Dans le doute, s'abstenir.

 

- Tu veux voir Alison ?

- Nan, pas elle. Anya.

 

Blondasse ouvrit de grands yeux, appliqua une main sur sa poitrine. Quoi, au'est-ce qu'il avait dit, encore ?

 

- Anya Nikitovna. Tu la connais pas ? il la pressa avec un soupir agacé.

- Tu sors avec Anya ?! dit-elle, et sa bouche parut encore plus dégoûtée maintenant qu'elle s'était ouverte en un "O" de protestation.

- Hein ?! Mais nan ! J'ai besoin qu'elle m'apporte un truc, c'est tout !

 

Blondasse croisa les bras sur sa poitrine, l'air suspicieux.

 

- Qu'elle t'apporte quoi ?

 

Sasha pencha doucement la tête de côté, les lèvres pincées. Il s'efforça de ne pas répondre une obscénité.

 

- Des... De la lecture.

- De la lecture.

- C'est ça. En cyrillique, tu vois.

- En russe, quoi.

 

Sasha souffla par le nez un soupir dépité.

 

- Oui, si tu veux.

- Mais j'croyais que t'étais pas Russe.

- Oui, ben non, mais...

 

Blondasse haussa les sourcils, croyant enfin avoir coincé Sasha la main dans le sac. Ce dernier s'humecta les lèvres, et puis contre toute attente il déclara.

 

- Bon tu vas m'la chercher ou j'te plaque contre le mur et je gueule dans l'escalier qu't'essaies de m'embrasser dans le dos d'Alison ?

 

Cette fois, l'argument fit mouche. Blondasse recula d'un pas, interloquée, avant de faire demi-tour vers la porte de la salle commune, le nez froissé.

 

- C'serait même pas crédible, moi j'sortirai jamais avec une brute comme toi, elle rétorqua - mais, comme si elle avait pu avoir peur des conséquences d'avoir avoué une telle chose, elle descendit les escaliers quatre à quatre pour disparaître.

 

 

 

 

Au bout d'un moment qui parut interminable, la porte se rouvrit. Et cette fois, il vit immédiatement la silhouette d'Anya. Ses longs cheveux bouclés et sauvages, sa démarche chaloupée. Instinctivement, il carra les épaules, histoire de se tenir droit ; mais son visage resta fermé.

 

- J'espère je te réveille pas, il dit comme préambule.

 

Ce n'était pas comme s'il venait prendre des nouvelles d'elle, de toute façon. Elle savait parfaitement pourquoi il venait. Sasha se hâta de longer le couloir pour aller dans l'un des cachots voisins - celui où par deux fois déjà, ils s'étaient retrouvés pour qu'il pusse consulter le journal auquel elle était abonnée.

 

- Tu as le dernier numéro ? il demanda par dessus son épaule en entrant dans la salle d'un pas pressé.

 

Son impatience était visible : malgré ses mains dans ses poches, il se hâta de passer entre les tables pour aller s'asseoir au même endroit que la dernière fois, le souffle court. Et même assis, il ne cessait de gigoter. Seulement alors il fit apparaître ses mains, se les passa sur le visage. Ses lèvres, ses joues et son cou avaient rougi d'une drôle de façon.

 


Anya Nikitovna , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Lorsqu'elle avait appris la vérité, Anya s'était sentie absurdement trahie. Elle ne s'était guère rapproché de Sasha, mais une certaine confiance s'était insallée dans leur réunion quotidienne autour de l'Unificateur. Anya savait que d'autres dans l'école lisait ce journal. Tous expatriés de Koldostoretv, comme elle. Il était évident que l'on ne quittait pas le pays sans tâcher d'y garder une attache quelconque. Mais elle n'avait jamais eu le sentiment qu'ils puissent y voir autre chose qu'un simple journal, comme son camarade Gryffondor. Il semblait aussi essentiel pour Sasha de lire les articles de l'Unificateur que de respirer. Cela trouvait un écho en elle.

 

Alors.

 

Lorsque la rumeur l'avait gagné, chuchotée par plusieurs filles de la salle commune à quelques mètres à peine, elle n'y avait d'abord pas cru. Ça ne pouvait simplement pas être. L'école n'avait jamais annoncé recevoir d'autres élèves que les survivants de Koldostoretv. Il n'avait jamais été question d'ukrainiens. La rumeur cependant, s'était avéré être un fait. Pur et simple, confirmé par le principal concerné à de nombreuses occasions, tant et si bien que les amies d'Alison Carter n'en référait plus comme du russe de Gryffondor ou du petit-ami d'Alison, mais comme de l'ukrainien. Anya n'en avait guère parlé à Sasha, qui continuait avec elle à converser en russe, et à feuilleter les pages de l'Unificateur. Chaque. Jour.

 

Elle s'était rappelé alors que certains ukrainiens parlaient le russe, chez eux, car beaucoup de traîtres à leur patrie étaient partis y vivre. Elle avait noté, méticuleusement, chaque inflexion, chaque mauvaise prononciation, chaque expression, et elle s'était questionné sur la raison qui poussait cet ukrainien à lire son journal chaque matin. À converser avec elle dans un russe imparfait, à continuer de lui faire croire qu'il était de son côté, alors qu'il avait vraisemblablement combattu dans les rangs du VAL, pour l'AMI. Plusieurs fois elle avait dardé sur lui des yeux noirs comme du charbon, et es mèches s'étaient assombries avec une brutalité qu'elle n'avait guère maîtrisé.

 

Sasha avait continué de mentir. Et elle n'avait rien dit.

L'ennemi, Nikita on l'observe d'abord. C'est ce que son père lui avait enseigné, et elle se demandait si ce n'était pas ce que le père de Sasha ne lui avait pas enseigné aussi.

 Elle avait appris plusieurs choses de ses observations. Sasha Shevchen prêtait toujours attention à plusieurs choses lorsqu'il entrait dans une pièce. Il mesurait d'un regard la distance qui le séparait de la prochaine sortie. Il cherchait ensuite les personnes dans la pièce qui semblait les plus en mesure d'imposer une menace. Puis il se focalisait sur la tâche qu'il avait à faire, pleinement, et avec une détermination militaire. Jamais il ne se détendait complètement, les épaules tendues, les yeux qui fuyaient avec régularité vers les points cités plus hauts comme pour s'assurer que leur présence n'avaient pas changées. Sasha ne savait pas porter son uniforme, et il ne semblait pas s'en formaliser, qu'importe le nombre de fois que des personnes pouvaient le lui signaler à mesure de sa journée. Il passait tout le temps qu'il ne passait pas en classe dehors, loin du château et de la surveillance constante de son personnel. Elle avait aussi appris qu'il mangeait comme quatre, qu'il suivait Alison Carter comme un chien, et qu'il peinait à formuler ses sorts en anglais quand les professeurs l'y forçaient car il ne semblait pas du tout désireux de le perfectionner.

Anya n'imaginait pas apprendre davantage de l'ukrainien, et elle avait décidé qu'aujourd'hui serait un bon jour pour le confronter. Elle n'avait guère répondu à sa salutation, pas plus qu'à sa question deux faits qu'il semblait prendre pour acquis car il l'avait docilement suivi jusque la salle de classe dans laquelle ils se retrouvaient quotidiennement. La sorcière s'installa comme à son habitude, mais lorsque le Gryffondor fit de même, attendant vraisemblablement qu'elle tire le numéro de l'Unificateur de sa pochette, elle resta simplement à le regarder. Un silence étrange les traversa tous les deux alors que dans leurs yeux se dessinaient une conjoncture nouvelle, presque tangible, d'un froid diablement mortel. Ce n'est qu'au bout de précieuses longues secondes qu'Anya, les doigts refermées sur sa baguette à l'intérieur de sa poche, aboya :

- Ты лжец, Саша Шевчен. Tu es un menteur, Sasha Shevchen

Pour ponctuer sa réplique, elle cracha dans la direction de l'ukrainien, et ses mèches semblèrent s'assombrir au même titre que son regard prenait un éclat dangereux.


Sasha Shevchen , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Sasha s'était pétrifié. Les yeux alertes, fixés sur le visage d'Anya - des traits doux devenus durs comme de la pierre - et les mains sur ses genoux, les doigts sertis dans son jean comme l'adrénaline était brusquement monté en lui, ses lèvres seules bougèrent, tentant le tout pour le tout.

 

- О чем ты говоришь ? il dit. (De quoi tu parles ?)

 

Il aurait voulu que le ton fût comme si de rien n'était, mais sa voix était blanche, même légèrement hostile malgré lui.

De toute façon, le crachat ne laissa aucune place à l'interprétation : il n'était pas des leurs, et elle l'avait découvert.

 

Sasha resta tranquillement assis. Ses yeux se posèrent seulement brièvement sur la tache sombre de salive qui avait percuté le sol. Elle avait eu l'élégance de ne pas lui cracher directement dessus. Le silence était de plomb, pesait sur le cachot comme si le château au-dessus soudain pesait plus lourd, menaçait de les ensevelir là, dans ce mutisme. Pour une fois, Sasha souhaita qu'ils fussent interrompus.

 

Lorsqu'il avait lu les numéros précédents, seul avec elle, il avait maintes fois tourné la tête vers la porte. Pas seulement parce que c'était la seule sortie ; mais aussi parce qu'il ne souhaitait pas qu'on découvrît l'instant suspendu - et interdit - auquel il se donnait accès. Il n'était pas question de partager les journaux d'Anya avec les autres élèves. Ce n'était pas pour Alison qu'il s'inquiétait, mais bien pour cet étrange sentiment jaloux, qu'il ne s'expliquait pas à lui-même.

 

Sauf qu'un tel cirque ne pouvait pas continuer, et Sasha le savait très bien.

 

Toujours immobile, il pinça les lèvres. Finit par hausser brièvement les épaules.

 

- Да. Я солгал. Но мне нужно знать. (Oui. J'ai menti. Mais j'ai besoin de savoir.)

 

Sasha serra les dents. Maintenant, la balle était dans son camp et elle le savait. Il ne se mettrait pas à genoux devant une Russe pour la supplier. Mais pourtant il était resté là plutôt que de partir immédiatement après avoir été découvert. C'était pourtant ce qu'il s'était dit : quand elle saurait, il disparaîtrait, se ferait oublier. Il n'y avait pas beaucoup - voire pas du tout - d'ukrainiens à Poudlard. S'il se faisait trop remarquer, il était assez certain qu'un petit groupe de russes avec un peu de ressentiment ne serait que trop heureux de le passer à tabac en bonne et due forme.

Mais donc, il était encore là. Il s'humecta les lèvres au terme d'une inspiration censée lui donner du courage.

 

- Только сегодня. Это последний номер. (Juste aujourd'hui. Ce dernier numéro.)

 

Il ne supplierait pas, se répétait-il en son for intérieur. Mais par Mokosh, que donnerait-il pour savoir ?

 

- В эти дни должно было произойти важное событие. Я просто хочу знать, говорят ли они об этом. Это для... Чтобы получать новости от меня. И после сегодняшнего дня я больше никогда не приду. Хорошо ? (Il aurait dû y avoir un évènement important ces jours-ci. Je veux juste savoir s'ils en parlent. C'est pour.. Pour avoir des nouvelles des miens. Et après aujourd'hui, je viens plus jamais. Ok ?)

 

Sasha serra un peu plus les doigts sur son jean. Il en avait mal à la peau en dessous, mais il fallait au moins ça pour l'empêcher de s'énerver.


Anya Nikitovna , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

D'abord il prétend l'innocence, mais le regard qu'Anya braque sur lui semble lui faire comprendre que c'est loin d'être son idée la plus brillante. Elle se contente de l'observer avec une hargne brutale alors qu'il se justifie - mal -, quémande même, malgré les circonstances, à voir le dernier numéro. Le culot. Le silence les enveloppe tous les deux alors que les yeux noirs d'Anya ne quittent pas l'ukrainien, et elle se retient de cracher de nouveau. Une habitude hérité de son frère, que sa mère aurait déploré. Il la dégoûtait. De multiples façons. D'abord de représenter tout ce qu'elle haïssait en ce monde. Ensuite de l'avoir prise pour une imbécile, mentant ouvertement avant de carrément prétendre qu'elle n'avait pas saisi son stratagème idiot. Pire, il continuait de croire qu'il pouvait encore réclamer ses services.

 

Mais.

 

Dès qu'elle avait appris pour Shevchen, Anya avait pris soin de faire circuler l'information parmi ses anciens camarades. Le garçon ne pourrait plus tenter sa misérable initiative auprès de qui que ce soit de Koldostoretv, et les anciens élèves s'étaient accordés sur le fait de brûler chaque page après lecture pour éviter que l'ukrainien ne tombe sur des informations qui pourraient l'intéresser. Une décision qu'elle avait certes initiée, mais à laquelle elle n'adhérait pas elle-même. Autrement dit, elle était encore la seule en sa possession d'articles apparemment essentiels pour Sasha. Un levier dont elle mesurait la pleine puissance alors que l'autre venait d'échapper qu'un évènement important devait se tenir ces jours-ci.

 

- Какое событие ? Quel évènement ?
 

La réplique sonnait comme un ordre.

L'un comme l'autre était au sommet d'une tension particulière qui les tenaient droits sur leurs sièges, telles deux statuts particulièrement bien représentées. Anya se tenait prête à dégainer sa baguette à tout instant, plus que jamais consciente d'être en présence de l'ennemi. À présent qu'elle avait dévoilé savoir la vérité à son sujet, il n'existait plus la moindre raison pour Shevchen de jouer son rôle. Elle le revoit, installé sur la pelouse, demandant si les troupes Kazakhs étaient venus comme promis. Aux informations délivrées par Anya ce jour là, il n'avait eu qu'une réaction neutre, qu'elle voyait sous un nouveau jour. Elle avait pris sa distance pour une posture militaire, mais la vérité c'est qu'il devait s'être retenu de sauter de joie à la mention de la perte russe à Syzran.

 

Elle aurait du savoir. 

Il n'avait pas pu s'abonner au journal. N'avait-il fait que prétendre manquer d'argent, alors que c'était bien son identité qui posait problème pour accéder à l'Unificateur ? Il n'avait visiblement pas caché le fait d'être ukrainien auprès des autres élèves de Poudlard. Était-il le seul ? Anya avait observé l'ensemble des autres expatriés, et elle n'avait pas reconnu tous leurs visages. Koldostoretv avait compté des milliers d'étudiants, et il était difficile de se souvenir de chacune des personnes qu'elle avait pu croiser dans ses couloirs. Seule son enquête rapide auprès des quelques élèves arrivés en même temps qu'elle lui avait confirmé que Sasha était bel et bien le seul à provenir d'Ukraine. Une enquête qu'elle n'avait mené qu'une fois la vérité éclatée au grand jour.

Elle se sentait stupide.


Sasha Shevchen , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Sasha recula sur le banc, malgré lui.

 

Quel évènement ?

 

Il ne s'était pas attendu à cette question. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle pût négocier sa réponse. Sasha s'humecta les lèvres, comme pour se donner le temps de réfléchir. Que risquait-il à lui donner cette information ? Anya n'était qu'une jeune élève qui n'était certainement pas en contact avec les armées Russes. Et pourtant. Il lui suffisait d'écrire une lettre vers la Russie, et la Russie saurait la trouver, elle. Saurait envoyer ses émissaires pour venir le questionnaire.

Sasha déglutit, avant de secours la tête, en un non qui signifiait qu'il ne dirait rien.

 

Un moment, il imagina tout ce qu'il aurait pu obtenir, comme informations, s'il s'était fait passer pour un Russe depuis le début. S'il avait su ravaler son ego pour se mêler aux autres, il aurait pu collecter tout un tas de rumeurs, découper des journaux pour en envoyer des petits morceaux vers l'Ukraine. Il y avait tant de choses qu'il aurait pu faire à distance, pour aider les siens. Et à la place, il n'avait su que foncer dans le tas en rugissant qu'il n'était pas Russe.

Il serra les dents, espérant faire reflouer cette émotion qui voulait lui envahir le visage alors qu'il devait rester le plus impassible possible. Ses sourcils froncés, ses yeux attaquant car c'était la meilleure défense, il n'en était pas moins que le remord lui rongeait les tripes.

 

Et maintenant ?

 

Et maintenant, il était pris à son propre piège. Il avait voulu clamer haut et fort qu'il était Ukrainien, il était désormais identifié. Et qu'est-ce que cela lui apportait ?

Au fond de lui, pourtant, il savait que c'était mieux ainsi. Il avait secrètement désiré ces petits instants passés à lire le journal à ses côtés, cette ennemie au visage si supérieur. Avec le temps, qui savait s'il ne se serait pas laissé bêtement séduire ? Au moins, il ne risquait plus rien désormais : il voyait tout le dégoût qu'il provoquait en elle, et cela aussi ajoutait à tout ce qui se nouait en lui à cet instant.

 

Et pourtant, il lui fallait être pragmatique : si elle était la seule à pouvoir lui donner quelques informations, que ferait-il alors ? Il fallait qu'il tentât.

 

Alors il croassa, à voix basse :

 

- Un assaut.

 

Peut-être que ce n'était pas ses chances d'obtenir ce qu'il voulait, qui le faisait parler. C'était peut-être tout simplement la posture impénétrable, sévère d'Anya. Elle était entre lui et la porte, et cela en soi était une menace, mais il ne bougea pas. Si elle savait, si elle voulait lui faire du mal, alors il lui aurait suffit de demander à d'autres Serpentards russes de venir les rejoindre. Alors son compte était bon.

 

- Ca s'est déjà passé, alors tu peux rien faire pour l'empêcher, c'est même plus un secret. C'était prévu depuis longtemps. Ca a dû avoir lieu vendredi. Ca doit être dans le numéro d'aujourd'hui.


Anya Nikitovna , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

La réponse est aussi brève qu'inutile. Rien qu'elle n'aurait pu deviner d'elle-même. Pire, c'est déjà arrivé. Pour avoir déjà parcouru elle-même le numéro du jour sans voir la moindre mention à quelconque assaut, Anya ne peut être certaine de rien. Il existait plusieurs raisons pour l'état de taire certaines informations. Ne pas affoler les populations, ne pas abreuver une peur de l'ennemi, ne pas risquer mettre en péril l'image forte de la mère patrie. Aucune de ces raisons n'étaient de bon augure concernant le silence qui pesait sur cet assaut éventuel. À moins que Sasha ne mente de nouveau dans le seul but de prétendre détenir des informations, en échange de la lecture de son journal.

 

Anya ne pouvait guère accorder sa confiance à ce garçon, voilà la vérité. Quoi qu'il dise ne pourrait qu'être un tissu de mensonges destiné à obtenir ses faveurs. Tel fonctionnait Shevchen, et à présent qu'elle en avait connaissance, la seule chose à faire était plus qu'évidente.

 

- Это не. Это, вероятно, означает, что он потерпел неудачу. Мои соболезнования. Ça ne l'est pas. Ce qui signifie sans doute qu'il a échoué. Mes condoléances.

 

Le ton était ferme, absurdement ironique. Elle n'avait bien sûr aucune certitude de ce qu'elle pouvait bien avancer, comme elle n'avait aucune certitude que l'assaut ait véritablement existé. D'un geste sec elle ramena sa pochette contre elle, et se redressa de toute sa hauteur. Son mouvement fut accompagné de celui de l'ukrainien, comme s'il craignait une attaque subite. Sa baguette avait été tiré comme par réflexe, et les jointures de ses doigts étaient blanches. Sasha avait fait la guerre, devait-elle se rappeler. Sans doute saurait-il se battre plus durement qu'elle, de par cette simple expérience. Qu'il ait été du côté des faibles ou non.

- Никогда больше не пытайся со мной разговаривать и даже не смотри на меня. Нам больше нечего делать вместе. N'essaie plus jamais de m'adresser la parole, ou même de me regarder. Nous n'avons plus rien à faire ensemble.

 

Son instinct lui avait dit de reculer, mais elle se tenait pourtant fermement campé sur ses jambes, à quelques centimètres à peine du garçon. Il faisait bien une tête de plus qu'elle, mais elle refusait de se laisser impressionner. Il était hors de question cependant, de lui tourner le dos même une poignée de secondes. Alors Anya fit un pas vers le fond de la pièce et fit un signe du menton, désignant la porte.

 

- Убирайся. Tire toi.

 

Et de nouveau, elle cracha par terre. Ses mèches avaient pris des teintes rougeâtres qui dénotait d'une perte de contrôle dont elle n'avait pas vraiment conscience, focalisé sur le garçon.


Sasha Shevchen , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Quand bien même le visage de Sasha était déjà fermé, il parut à peine perceptiblement se décomposer. Les condoléances d'Anya étaient un coup de poing dans les entrailles dont il se serait bien passé. Il avait blêmi légèrement.

 

- Он... Ничего нет? Совсем ? (Il... Il n'y a rien ? Du tout ?)

 

Elle n'avait aucun intérêt à mentir, jugeait-il. Alors comment savoir si l'Unificateur avait pu tout simplement passer sous silence l'assaut en question ? Il y avait peut-être quelques lignes qui avait échappé à la Russe. Deux, tout au plus, qui ne lui aurait pas échappé à lui. Quelque chose du genre. Des bâtiments écroulés dans telle ville, malheureusement quelques morts. Et lui saurait, avec le nom de la ville, que c'était un assaut réussi de la part des Veilleurs.

Ou bien il n'y avait vraiment rien parce que les Veilleurs en question avaient été arrêtés. Et là...

Ses entrailles se tordaient désagréablement. Anya n'avait pas l'air d'accepter de négocier pour quoi que ce soit. Lorsqu'elle bougea, il avait instinctivement saisi sa baguette, lui aussi, prêt à riposter - prêt surtout à invoquer un quelconque sortilège pour pouvoir faire diversion et se tirer de ce mauvais pas. Il jeta un oeil sur la pochette, tenté un instant de la lui prendre par la force, mais il renonça. A la place, il s'était levé comme elle.

 

- Зачем ты это принес, если уже знал ? grogna-t-il en désignant la pochette d'un mouvement du menton. (Pourquoi avoir amené ça si tu savais déjà ?)

 

Il encaissa en silence les décisions qu'elle avait prise à leur sujet : ne plus jamais se parler, ne plus jamais se regarder, même. Sasha soutint pourtant son regard, plusieurs longues secondes. On aurait pu croire que c'était pour la défier, mais non : il voulait être sûr qu'elle ne changerait pas d'avis. S'il y avait le moindre espoir, la moindre faille, Sasha l'exploiterait.

Mais le second crachat et les cheveux qui s'enflammaient étrangement, bien que fascinants, lui faisaient comprendre qu'il ne pouvait y avoir de retour en arrière.

 

Il recula lui aussi, d'un pas, vers la porte. A mesure qu'ils s'éloignaient l'un de l'autre, la tension semblait s'amenuiser à peine perceptiblement, donnant à Sasha de quoi retrouver un peu de respiration.

 

Il était prêt à partir. Dans deux pas, il serait sorti du cachot, et ils ne se reparleraient plus jamais, ne se regarderaient plus jamais. Alors, peut-être qu'il en profitait un peu, malgré lui.

 

Du couloir émanait le simple chuintement d'un courant d'air, trahissant la solitude dans laquelle ils se trouvaient tous les deux : au pire, qui saurait ce qui s'était passé, s'ils se battaient ici ? Il aurait l'avantage, jugea-t-il. Il lui suffisait d'un ou deux sorts. Mais c'était idiot et il le savait très bien : Blondasse l'avait vu, et d'autres gens, les autres jours, les avaient vus s'isoler ici. Il serait désigné coupable très rapidement.

 

Mais Sasha était impulsif. C'était sur un impulsion qu'il avait fait son sac et avait couru attraper un Portoloin avec les autres. C'était sur une impulsion qu'il s'était lancé dans un immeuble à demi-écroulé pour essayer de fuir. C'était sur une impulsion qu'il avait décidé de passer sous silence qu'il était ukrainien avec Anya.

 

Alors, au moment où il allait déguerpir pour de bon, son poignet agita subtilement sa baguette.

 

- Tyanì obladanie, incanta-t-il en un seul souffle léger.

 

Le sortilège d'attraction, semblable à un Accio! anglais, arracha instantanément la pochette qu'Anya serrait contre elle. Le journal fondit sur Sasha qui l'attrapa sans réfléchir. 

 

L'instant suivant, il détalait dans le couloir, au pas de course.


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Sasha Shevchen a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Accio (Sortilège d'Attraction)

Difficulté du sortilège : 6

Modificateur de baguette : 0

Résultat du dé : 12 (10+2)

Réussite :

Le sortilège d'attraction, semblable à un Accio! anglais, arracha instantanément la pochette qu'Anya serrait contre elle. Le journal fondit sur Sasha qui l'attrapa sans réfléchir. 

 

L'instant suivant, il détalait dans le couloir, au pas de course.

Autres résultats possibles
Réussite critique :

Le sortilège d'attraction, semblable à un Accio! anglais, arracha instantanément la pochette qu'Anya serrait contre elle, d'une brutalité si soudaine qu'avec la pochette fut emportée l'amulette dont le fil se cassa sous le choc. Le tout fondit sur Sasha qui l'attrapa sans réfléchir. 

 

L'instant suivant, il détalait dans le couloir, au pas de course.




Échec :

Le sortilège d'attraction, semblable à un Accio! anglais, confina à la pochette qu'Anya détenait dans ses bras une force soudaine - mais la Russe avait eu le réflexe de retenir l'objet contre elle. Le sortilège n'était tout simplement pas assez fort. 

 

- Chuma ! feula Sasha dans la direction d'Anya. 

 

L'expression typiquement ukrainienne la désignait comme une peste, maudite. Sasha, le visage déformé par la colère, cracha à son tour avant de disparaître au pas de course. 




Échec critique :

Le sortilège d'attraction, semblable à un Accio! anglais, aurait dû décrocher la pochette des bras d'Anya pour qu'il pût s'enfuir avec. C'était sans compter la maladresse avec laquelle il avait formulé sa requête : le sortilège n'avait pas agi sur la pochette mais sur l'ensemble de ce qu'Anya avait sur elle. Bien sûr, ce n'était pas assez fort pour qu'elle se retrouvât démunie de quoi que ce fut, mais suffisamment pour qu'une partie de son haut fusse arrachée et qu'une boucle d'oreille tombât au sol avec un tintement. 

 

Un instant pétrifié par l'attaque malgré lui qu'il avait lancé, Sasha resta le souffle court à observer Anya et sa gorge dénudée. 

 

Puis il referma subitement la bouche pour s'enfuir.





Anya Nikitovna , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

- Yблюдок ! Bâtard !

Le juron s'était échappé des lèvres d'Anya en même temps qu'elle redressait sa baguette pour informuler un maléfice, qui s'échoua contre une porte close. Il n'en fallu guère plus pour la voir s'élancer après l'ukrainien. La fureur avait tissé des couleurs flamboyantes dans ses mèches, et ses pupilles s'étaient elles-même illuminées d'un incendie brûlant. Pourquoi avait-elle emporté cette pochette avec elle alors même qu'elle comptait confronter Sasha ? Idiote. Ses jambes la portaient rapidement, et elle ignorât les regards des élèves interloqués qui regardaient tour à tour le dos d'un ukrinien qui filait déjà vers le rez-de-chaussée. Habituellement d'une discrétion telle qu'on en venait à oublier sa présence, Anya était devenue la représentation même de la furie, jetée après le garçon avec une hargne qu'on ne lui connaissait guère.

 

Sa baguette au poing, elle courait vite. Pas assez pour rattraper le garçon cependant, dont elle peinait à garder la silhouette en vue. Elle n'abandonnerait pas cependant. Jamais. Il avait volé quelque chose de trop précieux pour ça. Aux numéros de l'Unificateur s'additionnaient des articles réclamés spécialement par courrier, dans lequel on retrouvait les en-tête de missions qu'elle savait menées par son père. La mention de conflits auxquels Pavel avait participé avec le reste de sa compagnie. Des photographies du ministère russe en ruine, souvenir funeste dans lequel sa mère avait péri. D'autres photographies, personnelles, qu'elle conservait dans des replis cachés, et sur lesquels on pouvait voir sa famille au complet, en des temps qui avaient été plus simples et plus heureux.

 

- Oстанавливаться мудак ! Arrête-toi connard !

L'ukrainien avait filé vers l'extérieur, mais il mettait tout en œuvre pour ne pas courir en ligne droite, empruntant des sentiers qui contournaient d'immenses bosquets, s'enfonçant toujours plus avant dans le parc glacé. À cette heure, il n'y avait guère de témoins pour les observer, seuls quelques oiseaux qui ne semblaient pas leur prêter la moindre attention. Dès lors qu'Anya eut un angle de tir, elle dressa sa baguette vers l'avant en beuglant :

- 3аморозить !
 

Le sortilège s'écrase sur un arbre, et Anya jure entre ses lèvres en accélérant brutalement.

- Ты мертв Шевчен ! T'es mort Shevchen !

 


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, le 10/10/2124

Anya Nikitovna a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Stupéfix (Sortilège de Stupéfixion)

Difficulté du sortilège : 8

Modificateur de baguette : 0

Résultat du dé : 6 (6+0)

Échec :

Le sortilège s'écrase sur un arbre, et Anya jure entre ses lèvres en accélérant brutalement.

- T'es mort Shevchen !

Autres résultats possibles
Réussite critique :

Sasha est pétrifié, et Anya le rattrape en quelques secondes à peine pour récupérer d'un geste vif sa pochette, braquant sur lui un regard noir. Ou plutôt incendiaire.

- T'es mort Shevchen.

Elle crache par terre avant de détaler, très consciente de devoir d'abord mettre à l'abri son trésor avant d'imaginer mettre l'ukrainien à terre pour de bon. Il faudra plusieurs longues minutes avant qu'il ne puisse reprendre possession de ses membres.




Réussite :

Sasha est pétrifié, et Anya le rattrape en quelques secondes à peine pour récupérer d'un geste vif sa pochette, braquant sur lui un regard noir. Ou plutôt incendiaire.

- T'es mort Shevchen.

Elle crache par terre avant de détaler, très consciente de devoir d'abord mettre à l'abri son trésor avant d'imaginer mettre l'ukrainien à terre pour de bon. Il ne faudra qu'une poignée de secondes pour que Sasha reprenne possession de ses membres.




Échec critique :

La baguette refuse de lui obéir, préférant lui envoyer une décharge dans tout le bras. Anya la jette au sol par réflexe, arrêtée dans sa course avec brutalité. Lorsqu'elle redresse la tête, l'ukrainien est complètement hors de vue.

- T'ES MORT SHEVCHEN ! Elle hurle. MORT !




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