Femme
16 ans
Sang pur
Française
Modération
Identité
-
- Sixième année
- Surnoms : Vee
- Nationalité : Française
Capacités & Statuts
Groupes
Message publié le 03/11/2025 à 20:09
Ils ont insisté. Vraiment. Et je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai dit oui. L’effet d’une fatigue passagère, d’une faiblesse momentanée causée par un déjeuner particulièrement médiocre. Une sorte de curiosité malsaine, nul doute. Les faits sont là : je suis à la Tête de Sanglier. Le soir de mon anniversaire. Inutile de préciser à quel point tout ici me répugne. L’odeur de vieille pipe mal éteinte, les bancs trop bas, le bois collant, les murs suintants, la lumière blafarde. Même l’air semble empesté par l’ennui, la misère, et le fond de gorge des habitués. Il y a des endroits où l’on sent que le temps ne fait que passer : ici, il s’est suicidé depuis belle lurette.
Une chope de Bièreaubeurre douteuse trône devant moi, tiède, pleine d’un liquide mousseux à la couleur équivoque. Un des crétins qui m’ont traînée ici - je ne retiens pas les prénoms inutiles - m’a souhaité un bon annif en rotant dans son écharpe. Charmant. La serveuse - une créature à mi-chemin entre la goule et l'erreur administrative - a osé me tutoyer. Me tutoyer, moi, Viviane Valcourt ! Tu veux autre chose chérie ? Oui, chérie, mon tailleur Dior, un rooftop enchanté, des verres en cristal taillé. Pas cette parodie de soirée des bas-fonds. Si Papa avait été seulement disponible. Mais Papa doit s'occuper de Raven, qui a encore fait n'importe quoi, et voilà ce que moi je deviens.
L’éclairage lui-même est hésitant. Il me donne une mine maladive. C'est une véritable agression personnelle.
J’ai pourtant fait l’effort - en ai-je vraiment jamais besoin ? Robe en taffetas noir aux reflets anthracites, enchantée pour suivre mes mouvements avec fluidité. Bottines en cuir d’Abraxan, importées, évidemment. Manteau croisé en laine précieuse doublée d’organdi. Le foulard Valcourt, noué à la perfection. Un maquillage impeccable malgré l’humidité. Mais voyez, les gens n'ont plus le moindre respect pour ce genre d'étalage. Ce débile vient de renverser sa foutue bièraubeurre bon marché sur mon épaule, m'extirpant un cri outré. Le nez plissé, les lèvres pincés, je reste figée plusieurs secondes dramatiques en le toisant. Mes doigts viennent pincer le tissu imbibé avec la lenteur d’un deuil.
- Tu es stupide ou juste aveugle ?!
L’autre me regarde, confus. Il n’a visiblement aucune notion du prix des choses, ni même de ce qu’implique cette offense.
- C’est du tissu sortilège de Lancel & Fae, triple couche, édition limitée. Tu viens littéralement de ruiner six heures de préparation, deux enchanteurs textiles et une vision artistique parmi les plus contemporaines.
Et dans un souffle glacial :
- Mon père en entendra parler !
L’honneur est souillé. La soirée est morte. Je me redresse, ramasse ma dignité aussi sèchement que ma cape, et lance un regard assassin à la salle entière.
- Je ne vais pas m’éterniser dans ce cloaque.
Et je quitte la table sans un regard en arrière, le menton haut, les talons claquant contre le bois poisseux avec toute la noblesse d’un départ en exil. Je hais cet endroit. Je hais Papa. Je hais Raven.