Aux premières lueurs du jour
 

- Nan, c'est mort.

- Pourquoi c'est mort ?

- Parce que Gus, j'ai proposé mon aide, pas un foutu traquenard où t'vas passer la matinée à l'emmerder !
- J'vais pas l'emmerder ça va j'sais m'tenir.

- Mh ?
- Sérieux !
- Sérieux, Gus, c'est mort. Bouge, j'dois me préparer.

C'est pas si mort que ça, visiblement. Moins de vingt minutes plus tard, Sam quitte la salle commune talonné par Ferguson, encore abasourdie par ce qu'elle vient d'apprendre. D'où, en fait ? Et d'où l'mec a gardé ça pour lui autant d'temps ?

- J'en r'viens pas.

- Passe à autre chose Chadwick, Fergus grogne à moitié.

- Nah. C'est mort. Genre t'as date Alison. J'suis morte. Quand les gars vont savoir... vous avez ken ?

- Ferme là, ça t'regarde zéro, et personne va savoir ok ?

Elle secoue la tête, ferme sa gueule devant le regard noir de Gus. Elle dira rien, parce qu'elle a bien capté l'idée, mais ça va quand même la démanger. Elle lève les mains en signe d'innocence, son sac en bandoulière lui frappant la hanche au rythme de ses pas.

- Tranquille. On peut savoir pourquoi c'est un si gros secret ? Si vous avez passé un si bon moment ?

Ferguson répond pas, et Sam décide de pas insister. C'est rare de voir son pote comme ça, et elle connait les limites quand il s'agit de le charrier. C'est lui qui change de sujet, réclame de savoir c'qu'elle a prévu. Elle sait pas trop, en réalité. Pas plus qu'elle sait vraiment ce qui lui a pris de proposer subitement son aide à Alison en début de semaine. Juste, elle est plutôt contente que le nom de la Serpentard ait été tiré, et elle a gardé en tête leur conversation pendant leur entrainement improvisé.

- J'pense que faut lui faire découvrir nos entrainements de Quid. Les élèves s'cantonnent aux bases pendant les cours de vol t'vois ? Et c'est une meuf organisée. j'suis sûre qu'elle les maîtrise, les bases. Juste elle a pas trop d'pistes pour aller plus loin.

- T'crois que y aura une épreuve de vol ?

- J'en sais rien Gus. Mais si c'est l'cas au moins elle aura plus que juste des bases.

C'est pas comme si Sam se sentait d'apporter quoi que ce soit à Alison dans l'reste des matières de l'école. Gus a l'air d'approuver, et il ferme curieusement sa gueule tout le long du trajet. Comme s'il était nerveux à l'idée d'se pointer au cours improvisé malgré le fait que ce soit lui qu'ait insisté pour venir. Sam a donné rendez-vous à Alison sur le terrain, devant les vestiaires des joueurs, et elle l'aperçoit rapidement au loin. Il fait un temps assez idéal pour voler.

- Hey ! J'ai ramené du renfort j'espère ça dérange pas, elle annonce dès qu'elle arrive à portée d'voix.
- Yo. 

L'type a beau se donner un air, Sam voit très clairement au travers. Il est méga intimidé. Elle se force à réprimer le rire qui menace de s'échapper, et décide de focaliser sur Alison. Son sac a été déposé dans la pelouse, et les deux poufsouffles sont en tenue d'entrainement, leurs balais les attendant sagement en réserve.

- J'ai ramené d'quoi faire. Des balles, des battes, tout un tas de bordel emprunté dont ils se servent à l'entrainement. T'es prête ?

"D'accord. On fait ça quand ?", avait sobrement répondu la Serpentard mercredi, lorsque Sam est venue lui proposer un entraînement similaire à ceux du quidditch, en écho à leur conversation de septembre. C'est plus ou moins à ce moment-là que les paroles de Ferguson ont pris sens aux oreilles d'Alison : "tout Poudlard est derrière toi". Parce qu'au-delà des Poufsouffle de sixième année, la cadette a ouvert ses yeux sur l'admiration palpable des jeunes à son égard, de grands sourires émerveillés aux lèvres quand ils la croisent dans les coursives du château, et sur les attentions particulières des autres étudiants, qu'elle était bien incapable de remarquer deux jours auparavant. Ce simple constat lui a donné l'énergie nécessaire à organiser une véritable préparation autour de son planning de cours. 

Sous les conseils de son camarade de classe - et plus si affinités - le célèbre poursuiveur Spike Ryder, l'Écossaise s'est mise à travailler son cardio dès le jeudi, soit à J-16 de la première épreuve, en effectuant des tours de parc au petit matin et le soir aussi. Un exercice particulièrement difficile lorsqu'on ne fait pas de sport au quotidien, mais auquel l'adolescente se plie, ambitieuse quant à ses chances de réussir. 

Alors aujourd'hui, elle arrive les joues encore rouges et chaudes sur le terrain de quidditch, le souffle détendu par trente minutes de course à pieds et dix d'étirements sous un large chêne. Les bras levés, la cadette rattache sa frange sous une petite pince en regardant tour à tour Sam, puis Ferguson. Prévoyante, la rouquine avait emporté une tenue sèche de rechange - absolument identique à la précédente - qu'elle a pu enfiler rapidement grâce à l'enchantement d'habillement ; un sortilège bien connu des familles sorcières. Pratique, si on omet quelques plis ici et là sur le tissu. 

— Salut, se contente-t-elle d'énoncer avant de rajuster son pantalon technique OCQ en tirant dessus légèrement, et de redonner une forme convenable au t-shirt thermique qu'elle porte près du corps. Ça m'dérange pas, ment-elle à moitié, un œil incertain posé sur le batteur et le matériel à leur disposition. Est-ce qu'il est venu pour voir une Carter se ridiculiser à dos de balai ? Lui dire qu'elle est remplaçable et que lui n'a peur de rien ? Ou juste lui filer un réel coup de main ? Tant pis, Alison choisit d'ignorer les questions que la présence de Ferguson a fait naître dans son esprit, et de se concentrer sur l'essentiel : le tournoi. 

J-14 ! peut-on lire en lettres dorées au milieu des gradins.

Le décompte excite autant qu'il effraie. 

La deuxième fille du Géant écossais avise les OCQ400 de l'école rangés en ligne non loin de l'entrée des vestiaires, et acquiesce en direction de Sam. Ouais j'suis prête, j'ai déjà couru une demi-heure là, donc dis-moi c'qu'on fait, déclare-t-elle en camouflant son appréhension. 

Il sait pas vraiment ce qu'il fout là, si on est parfaitement honnête. C'est sorti tout seul, comme un dégueulis impossible à retenir. J'viens on s'ra pas trop d'deux ! L'truc c'est que Sam avait tous les bons arguments pour pas qu'il s'retrouve là quand même, et qu'il a négocié. Il a négocié. Les mains dans les poches de son jogging, la gueule affaissée sur un coin de pelouse, Ferguson évite le regard d'Alison que ça dérange pas. Il s'était attendu à se faire jeter d'entrée de jeu.

Un froncement de sourcils.
Une réplique assassine.
Quelque chose.

Mais rien d'tout ça. Ça la dérange pas. Alors il reste et il ferme sa gueule, parce qu'il s'agirait pas d'donner raison à Sam, ou même à Alison - parce qu'elle s'retient pas vrai ? Trois jours plus tôt, il trouvait Alison Carter dans une salle de classe vide, la faisait fuir dans un placard à balais où il la retrouvait en train de gerber dans un seau. Il dresse la tête brièvement, pour lui jeter un rapide coup d'œil. Elle a la gueule rougie par l'effort. Sa frange attachée par une pince. Une tenue sportive qui lui donne une nouvelle silhouette, loin de l'éternel uniforme. Même comme ça elle est jolie.

- C'est parfait ! C'est toujours comme ça qu'on commence les entrainements, pas vrai Gus ?

Le type acquiesce vaguement. Pis Sam se met à exposer son idée comme elle vient d'la lui présenter. Imiter la routine des joueurs, et non d'un élève de cours de vol.

- En vrai j'pense t'as déjà grave les bases. Fin t'sais très bien voler quoi. Mais clairement si y a une épreuve de vol, ils vont pas vous contenter d'vous faire voler dans les airs en faisant des figures alors faut t'préparer au pire.
- Parait qu'y a déjà eu des combats contre des dragons, balance Ferguson soudainement.

- Ta gueule, t'aide pas.

- J'veux dire...

- Bref ! J'pense qu'on s'prépare vachement mieux aux emmerdes pendant nos entrainements d'Quidditch, vu qu'on s'tape souvent les pires météos, quand on doit pas esquiver des cognards, ou chercher des trucs invisibles dans les airs.

L'Écosse est loin d'être clémente pour les joueurs, faut dire ce qui est. Mais c'est peut-être ce qui participe à faire d'eux des joueurs qu'ont vachement la gnaque.

- T'veux qu'on lui balance des cognards dans la gueule ? Ferguson réalise brutalement avec un air un peu choqué.

- Nah. Pas de suite. Mais tout à l'heure clairement elle va y passer, Sam répond rapidement avant d'insister : mais t'inquiète on sait c'qu'on fait ok ? L'but c'est pas d'te casser les deux jambes avant l'tournoi. Y a un système pour pas qu'on s'blesse pendant les entrainements. Pour l'instant on va juste s'passer une balle pour que tu t'habitues à faire autre chose que te focaliser sur l'fait d'juste voler, ça t'va ?
- Mets ça, annonce Gus en récupérant une paire de lunettes dans le sac.

Semblable à des lunettes d'aviateur, la paire protège autant du vent que d'une éventuelle pluie qui pourrait leur tomber dessus à tout instant. Il en récupère une aussi pour se la foutre sur la tête d'un geste habitué, tandis que Sam fait de même.

- Juste une tour de chauffe au départ. Comme Gus et moi on va voir comment tu voles et on adaptera l'truc.

- On dirait t'as fait prof toute ta life, commente Fergus. Bon lets go.

Un coup de pied au sol le balance dans les airs en deux secondes à peine tandis que Sam récupère un souaffle au sol avant de se préparer à faire de même.

— Il a raison, commente Alison sans ciller à propos des dragons, les yeux posés sur Sam. Elle choisit toutefois d'ignorer partiellement le brun, focalisée sur les explications de sa partenaire d'entraînement du mois de septembre, et jette un regard au ciel grisâtre percé de lueurs matinales aux tonalités rosâtres. Qu'elle le veuille ou non, le quidditch fait partie de sa vie, tout comme les nuages d'Écosse appartiennent au ciel de Pré-Au-Lard. La réflexion de Ferguson attire son attention, mais elle se retient de le regarder, et hausse les épaules en fixant la blonde. J'm'inquiète pas, rétorque-t-elle, bien décidée à renvoyer l'image de forte tête qu'elle arbore normalement, et à faire oublier l'épisode du placard au Poufsouffle. Faites c'que vous avez à faire, on sait tous que ça va être pire au tournoi, déclare finalement Alison en attrapant les lunettes tendues par Gus, puis un balai de l'école. 

Bien sûr, avec ça sur le visage, elle aura le visage rond d'une grenouille et les globes oculaires exorbités, sauf qu'elle enterre le sentiment d'avoir l'air ridicule derrière une couche de volonté et l’appréhension de foirer l'exercice devant les deux sixième années.

Pire encore, au moment où Alison enfourche son OCQ400 - affublée des lunettes de vol, un petit groupe d'élèves curieux fait son apparition aux abords du terrain. Elle souffle du nez, frappe son pied au sol, et prend de la hauteur avant de se diriger au-dessus d'eux. Vous faites quoi là ? demande-t-elle aux sorciers de deuxième ou troisième année venus soutenir La Championne de Poudlard pendant l'entraînement. Très vite, l'adolescente comprend qu'ils vont rester, et s'éloigne pour écraser la boule de stress que cet emballement réveille au creux de son ventre.  

— Ils font chier putain, maugrée-t-elle en prenant des allures d'Owen Carter, tandis qu'elle entame un tour en suivant l'ovale intérieur du gradin. 

À peine quelques secondes plus tard, elle reçoit le souaffle, comme lancé de nulle part, bien au centre de ses bras. Surprise, la cadette rattrape de justesse la balle en lâchant l'une de ses mains du manche. Elle cherche Sam et Gus, dispersés autour d'elle, et répond au signe de la blonde en lui relançant le souaffle d'un geste moins précis, ses phalanges crispées sur le balai, et sur la balle aussi. Loin d'avoir la posture sportive des deux joueurs, elle survole l'échange de balle, mais peine à gérer la trajectoire dans les trois dimensions en même temps que de suivre le jeu. Elle galère, et s'en veut d'avoir mis le vol au dernier plan pendant sa scolarité - juste à cause du quidditch, juste car elle ne voulait pas qu'on lui rappelle qu'elle était la fille d'Owen Carter, qu'on la compare à lui. Elle voulait sa propre personnalité, et la voici idiote aujourd'hui. 

Même clairement en dehors de sa zone de confort, avec la certitude d'être aussi malmenée que n'importe quel joueur de Quidditch à l'entrainement, Alison garde sa posture droite et le regard fier. La Serpentard ne plaisante pas avec sa préparation pour le tournoi, et Sam est bien placée pour le savoir, mais sa camarade continue de forcer son admiration. La batteuse enfile paire de lunettes et gants en gestes précis et rapide, récupère un souaffle, et frappe du pied sur le sol. Envolée à plusieurs mètres de hauteur en une poignée de secondes à peine, elle ne tarde pas à rattraper Ferguson, et le file comme une ombre.

Alison n'a pas suivi.

Ils l'avisent au-dessus d'une tribune où sont venus s'entasser plusieurs élèves de première et deuxième années. Bien trop loin pour entendre ce qu'il se dit, ils sont forcés d'attendre le retour de la sorcière, visiblement déjà distraite par l'arrivée inopinée d'un public. Aucun d'eux ne commentent pourtant, préférant enchainer sur l'exercice. Le souaffle est distribué de main en main. Si Ferguson comme Sam sont davantage habitués à se balader avec une batte, le changement ne semble pas les déranger outre mesure. Pour cause, tous y passent lors des entrainements.

La polyvalence est nécessaire au sein d'une équipe où, occasionnellement, certains joueurs sont amenés à remplacer les autres à des postes différents de leur poste habituel.

Alison peine à se focaliser sur sa trajectoire de vol en même temps de faire circuler la balle, mais c'est exactement pour ça que Sam a voulu commencer ainsi. De temps à autre, elle balance des conseils contre le vent, sa voix portant sans peine alors même qu'ils avancent en formation serrée, plusieurs dizaine de mètres au-dessus du vide : faut qu'le vol devienne automatique, que t'aies pas à y penser ok ? Entraine toi à retirer tes mains du manche sans que j'te lance quoi qu'ce soit. T'as tes jambes pour compenser tes bras, ajoute Gus en se prêtant à l'exercice.

Le premier enseignement d'un cours de vol consistait à dire : ne lâcher jamais le manche de votre balai. Ce n'est qu'ensuite que l'on expliquait l'importance de la maîtrise du corps, et la façon dont on pouvait s'en servir pour piloter, en utilisant chacun des membres de manière pro-active. Lever les mains du manche représentait une véritable étape que bien des élèves passaient sans avoir à passer par les entrainements de Quidditch, mais certains nourrissaient cette peur irrationnelle que le balai chuterait brusquement s'il en retirait juste un doigt.

Le souaffle, qui n'en est pas vraiment un mais sa version allégé pour débutant, ne reprend sa course entre les joueurs qu'une fois qu'Alison se montre plus à l'aise. Sam, comme Gus, font preuve de patience, et ne font pas du tout cas des gamins dans les gradins, habitués aux présences continuelles pendant leurs entrainements ou leurs matchs. T'as pas besoin de surveiller l'souaffle, regarde devant pour garder l'équilibre. J'te préviens quand j'te fais la passe donc t'as pas b'soin de guetter Alison. La vision périphérique faisait le reste. T'as b'soin de jeter le souaffle aussi fort. Économise tes mouvements. Ouais ça doit rester fluide. C'est dans les épaules que ça s'passe. Le vent fait l'reste. 

Une vingtaine de minutes ne sont dédiées qu'à ça. Se lancer un souaffle de la manière la plus efficace. Sans perdre le contrôle du balai. Sans paniquer. Sam refuse que les lancers soient hasardeux, et tant qu'elle estime qu'Alison ne semble pas suffisamment à l'aise avec l'exercice, elle ne passe pas à autre chose. Puis, enfin, elle estime sa camarade prête, et elle balance à Gus, un ton trop bas pour qu'Alison l'entende :

- Tu continues avec elle ? J'veux voir comment elle réagit si y a une bourrasque.

Ferguson hoche la tête, et laisse Sam prendre de la vitesse pour aller se placer de l'autre côté de la sorcière.

- Ventus !

Une brise légère se contente de disparaitre dans l'air sans jamais atteindre sa cible. Sam doit s'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à son objectif, exterminant tout effet de surprise.

Deux heures de vol par semaine suffisent amplement à maîtriser les bases d'un déplacement fluide, au moins pour des voyages courts. Sauf qu'Alison bloque, incapable de laisser son instinct prendre le dessus, persuadée qu'elle doit contrôler la trajectoire du balai au millimètre près. Incapable de suivre les conseils de Sam, elle réfléchit trop et s'épuise vite, éreintée après les vingt premières minutes d'exercice. Certes, elle a lancé la balle sans perdre l'équilibre, et certes, elle a serré ses cuisses autour du manche pour rectifier son équilibre, et certes encore, elle a tourné ses épaules au lieu de jeter son bras... mais voilà, elle refuse de lâcher prise, les muscles tendus et le regard en constant balayage des alentours, si bien qu'elle voit la blonde s'éloigner un peu de leur formation, et manque de rater la passe de Ferguson, déstabilisée. 

Le souaffle finalement coincé contre son buste, la rouquine inspire, se demande ce que prépare Sam, et surveille aussi le Poufsouffle du coin de l'œil. Elle est terriblement concentrée tandis qu'en-dessous, d'autres élèves curieux arrivent dans les gradins. Tous veulent juger ce que vaut la Championne de Poudlard, davantage connue pour ses mini-jupes que ses performances sportives.

Elle hésite à relancer la balle mais cède aux appels du brun. C'est lorsque son bras se lève qu'une bourrasque la bouscule complètement sur le côté. La sorcière perd le contact des étriers et remue bêtement ses jambes en s'agrippant à deux mains au manche. Elle lâche le souaffle, récupéré sans peine par le batteur de Poufsouffle. À peine stabilisée, son regard cherche les deux autres ; elle a merdé et le sait. 

Pourtant, loin d'abandonner, Alison se redresse et attend la prochaine consigne, le prochain conseil, n'importe quoi qui pourrait l'aider à s'améliorer avant le tournoi. 

Elle galère, Alison. Une surprise pour personne. Elle s'est jamais caché d'pas aimer le Quidditch, ou tout ce qui peut concerne ce sport de près ou de loin : l'vol sur balai a jamais fait partie de ses priorités. Pas pour rien qu'aujourd'hui elle a besoin d'un rattrapage express, et qu'Sam s'est gentiment proposé. Ferguson, lui, est juste assez satisfait d'voir la sorcière enfin s'intéresser un minimum au délire. Même pas pour l'plaisir de lui prouver qu'elle avait tort sur toute la ligne.

Pour la première fois d'puis cinq ans, il a la sensation d'en savoir plus qu'elle dans un domaine.

- Faut qu'tu t'entraines encore sans l'souaffle, Ferguson décide sans adresser un regard à Sam. T'es pas assez détendue d'la culotte, t'arrives pas à lâcher prise.

Ce serait s'planter que d'croire qu'il se fout de sa gueule, malgré les propos choisis. Il a toujours parlé comme ça, Gus. Et quand il s'agit d'Quidditch, il sait d'quoi il parle. Sam tarde pas à les rejoindre pour hocher d'la tête, d'ailleurs :

- Il a raison. J'suis allé trop vite. Faut vraiment qu'tu t'entraines à lâcher l'manche pour de vrai ok ?
 

Les nuages s'amassent un peu dans le ciel, mais le vent s'est pas vraiment levé, et les conditions restent plus qu'idéales. Ferguson jette le souaffle à Sam d'un geste fluide avant de se mettre à circuler dans l'air en retirant ses deux mains du manche de son balai, paré à démontrer exactement à quel point Alison doit s'détendre. 

- Va rien s'passer s'tu lâches pour de vrai. Je jure. R'garde.

Les mains glissées dans les poches, il pourrait pousser à s'rouler une cigarette, même si l'tabac partirait s'effriter dans l'air. Il s'contente de faire des zigzags paresseux, guidés seulement par les mouvements de son corps.

- T'la pète pas non plus, Decker.

- J'fais qu'lui montrer !
- Ouais ouais.

Souaffle sous le bras, Sam reste à une distance raisonnable d'Alison histoire qu'elle ait pas l'impression de devoir guetter tout ce qui se passe autour, et Ferguson fait de même de son côté.

- Y a rien d'vant toi, et l'balai est fait pour pas t'laisser tomber. T'peux avoir confiance, c'est une marque vachement cotée hein ! Il s'marre bêtement, et Sam le suit malgré elle. Tu nous dis quand t'es prête. Prends ton temps ok ?

Comme les deux autres filles Carter, Alison pourrait se vanter d'être montée sur un balai avant même de savoir marcher, et comme Charlie, elle pourrait revendiquer avoir eu un OCQ400 taille enfant, gravé à son prénom, ainsi que la panoplie d'une joueuse miniature d'équipe d'Écosse, alors même qu'elle n'était pas encore capable de prononcer le mot quidditch. Mais contrairement aux deux autre filles Carter, elle n'en dira jamais rien à personne, réfractaire à l'idée d'avoir ne serait-ce qu'un pied dans le milieu de ce sport. Sa langue dans la bouche d'un poursuiveur professionnel ? ...admettons, et restons-en là. 

Agrippée au manche, elle lève les yeux au ciel en écoutant Ferguson la ramener avec son histoire de culotte. Ouais, j'suis pas détendue, j'confirme, rage-t-elle à moitié entre ses dents, agacée d'être en position de faiblesse tandis que Sam lui confirme son problème. J'ai déjà vu c'qu'on peut faire hein ! J'sais, ajoute-t-elle à l'intention des deux Poufsouffle, à la fois blasée et inquiète qu'on lui demande de jouer les acrobates au-dessus du vide. Sauf qu'elle sait aussi parfaitement pourquoi elle est ici, et pourquoi elle devrait se forcer à exécuter l'exercice proposé par le brun.

L'OCQ400 ne la laissera pas tomber, contrairement au gars derrière l'invention du balai, et à qui elle veut prouver qu'elle n'aura plus jamais besoin de lui.

La rouquine pince sa bouche, suivant des yeux le mouvement des hanches de Gus, imprimé naturellement dans la trajectoire de son balai. Elle contracte les muscles de ses cuisses pour se redresser, et ramène ses mains le long du manche, jusqu'à les lever lentement en se forçant à fixer droit devant elle. Une légère turbulence la déstabilise. Elle doit s'y reprendre à trois fois avant de réellement quitter le manche des mains plus de vingt secondes. 

Cherchant à imiter la posture du sixième année, et sous les conseils de Sam, elle tasse légèrement son dos vers l'arrière, descendant ainsi son centre de gravité. Les bras croisés, la cadette se sent toutefois loin d'être détendue de la culotte. Bien sûr, Freya se trimballe comme ça au-dessus de l'Écosse, et Freya arrive même à prendre un goûter en volant. Sauf qu'Alison n'est ni Owen, ni Freya, ni même Charlie. Elle s'efforce de respirer correctement, aussi lentement que possible, ignorant l'air qui siffle à ses oreilles, et l'impression que chaque virage va l'emporter dans le décor. Mais aucun virage ne l'emporte dans le décor, et la Serpentard parvient à enchaîner plusieurs tours de terrain sans reposer ses mains sur le manche, en dirigeant progressivement de mieux en mieux l'engin grâce au poids de son corps et aux mouvements de son bassin. 

— J'suis pas mal là ? demande-t-elle, un peu figée tout de même. 

Ça prend le temps que ça prend - et Ferguson fait preuve d'une patience plutôt surprenante, mais finalement Alison semble enfin se détendre. On est pas sur une maîtrise incroyable, et y a fort à parier qu'il soit encore trop tôt pour retenter un ventus - Sam s'en veut encore d'avoir voulu aller beaucoup trop vite pour ce premier entrainement -, mais la sorcière est clairement prête pour l'étape suivante. La batteuse acquiesce à sa question, un sourire sur les lèvres :

- Tu gères ! On va r'commencer à s'lancer le souaffle si t'es ok Alison.

- Lets go, t'vas faire ça comme une pro !

Un bref instant, Sam secoue la tête dans la direction de Gus l'air de dire n'en fais pas trop non plus, et il se contente d'hausser les épaules. Branleur. D'un geste, Sam laisse filer l'objet dans la direction d'Alison, et les passes reprennent. Y a une nette amélioration par rapport à tout à l'heure, même si clairement la sorcière a du mal à trouver l'équilibre entre lâcher prise sur le manche, surveiller le souaffle, et gérer sa direction.

Pour l'instant, ils se contentent de faire des tours de terrain, mais à un moment donné, ils se détacheront de l'exercice de base pour qu'elle apprenne à gérer ses passes même lorsque tous les joueurs n'avancent pas au même rythme, ou à la même hauteur. Chaque chose en son temps, doit se rappeler Sam alors que, pour l'heure, Alison se contente de reproduire leurs gestes, encore et encore, prenant plus d'assurance à chaque réussite. Le rythme est parfaitement régulier.

Sam - Alison - Ferguson - Sam - Alison - Ferguson.

- C'est cool, tu t'démerdes hyper bien, l'encourage Sam.

Ferguson se tourne vers elle, interrogateur, et elle acquiesce discrètement. Il récupère le souaffle et laisse Sam s'éloigner tandis que, sans prévenir, il le rebalance dans la direction d'Alison, rompant le cycle installé depuis plusieurs minutes. Au même instant, Sam lève un bras pour tenter une nouvelle bourrasque, moindre que la première, mais qu'elle espère assez perturbante pour vérifier qu'Alison a de meilleurs réflexes, et une réaction mieux adaptée.

Le coup frappe précisément comme elle le voulait, et une vague d'air plutôt naturelle vient déborder du côté droit d'Alison. Il ne se combine pas exactement à la réception de balle car trop tardif, mais il permettra au moins de savoir si la sorcière est prête à recevoir ce genre d'inconvénient en plein vol.

Le duo Sam-Ferguson fonctionne étrangement bien sur Alison. Rassurée par la méthodologie et les encouragements de la blonde, elle observe la gestuelle naturelle du brun pour comprendre ce qu'on attend d'elle, et se sent bientôt capable de rattraper et lancer le souaffle au rythme régulier des deux Poufsouffle. Alison - Ferguson - Sam - Alison - Ferguson - Sam -  L'exercice monotone lui permet même d'oublier sa conduite, le balai dirigé par la balance instinctive de son corps pendant quelques minutes, jusqu'à ce que Ferguson ne lui renvoie la balle de manière imprévue. Uh- elle vacille, perturbée, croise les yeux bleus du batteur derrière ses verres de lunettes, mais cherche immédiatement Sam en se rappelant de son dernier sortilège.

Le souaffle serré contre elle, Alison se penche en avant pour laisser passer la turbulence, la mine peu confiante. Son balai imprime un léger mouvement de côté et revient sur sa trajectoire initiale. En jetant un coup d'œil vers les gradins, elle aperçoit encore plus d'élèves amassés, le nez levés dans sa direction. Elle se redresse, assez fière d'avoir trouvé une parade à l'enchantement de la bourrasque, et renvoie sa balle au sixième année. 

L'entraînement poursuit quelques minutes encore, cadencé par les passes irrégulières du brun et les formules de la blonde. Petit à petit, Alison intègre des changements positions plus rapides et moins saccadés, lui permettant de rester stable malgré les perturbations. 

Quand le soleil matinal perce les nuages ici et là, l'éblouissant parfois, elle commence à sentir la fatigue peser sur ses bras. Dans les gradins, un groupe bruyant d'adolescents français siffle à répétition, peut-être pour gêner sa préparation, peut-être pour attirer son attention. Elle tente de les ignorer, de se focaliser en direction de Sam et Ferguson qui modifient fréquemment leur tempo et leur altitude, histoire de la challenger. "Heeey redhair giiirl ! Redhair giirl !" Agacée par le bêlement incessant des quatre garçons et leurs sifflements, elle finit toutefois par se déconcentrer. 

— Putain, t'as des potes en France ou quoi ? balance-t-elle à Ferguson non loin d'elle. 

Comme dans tout ce qu'elle entreprend, Alison Carter évolue à vue d'œil. Plus assurée à chaque instant, Ferguson tire un sourire imperceptible devant la posture de la sorcière, visiblement fière de son avancée et plus déterminée que jamais à poursuivre pour faire toujours mieux. Les passes sont clairement plus fluides, les bourrasques irrégulières ne perturbant clairement plus la Serpentard au terme de plusieurs attaques surprises d'un côté ou d'un autre.

Dans les gradins, les élèves de première et deuxième années ont été rejoint par d'autres, plus âgés. Une poignée de français beuglent des phrases à peine audibles, dans un anglais à la prononciation carrément douteuse, et ni Gus ni Sam ne leur prêtent la moindre attention. Alison semble en revanche saisir chaque mot, et se tourne brutalement vers lui, visiblement agacée par ce qu'elle entend. Sourcils froncés, la gueule interrogative, Fergus passe de la sorcière au groupe, du groupe à la sorcière :

- De quoi ?
- Bon ! J'pense qu'on est ok pour ça !

La voix de Sam porte sur tout le terrain. Un virage brusque la fait s'arrêter brusquement dans l'air, et Ferguson l'imite par réflexe. Alison, elle, met un temps à braquer, visiblement prise au dépourvue par la soudaineté avec laquelle les deux autres se sont figés en plein exercice. Sam échappe un rire léger tandis que Gus se pince les lèvres pour réprimer le sien. Sûr, Alison le prend mal. Mais c'est franchement comique ok ?

- Ouais, faut qu'on travaille tes arrêts aussi, affirme Sam.

Marrant comme la batteuse prend l'intonation de leur coach, et même ses mimiques. On croirait qu'elle a fait ça toute sa life, alors qu'il est bien placé pour savoir qu'elle improvise absolument tout.

- P't-être on d'vrait travailler ça avant d'lui balancer des cognards hein ? Il énonce, clairement rhétorique.
- Ouais. Ouais carrément. Mh. Ok Alison, on va faire l'même exercice, sauf que toi ton but c'est d'esquiver l'souaffle. On va s'le passer à travers toi avec Fergus, mais toi tu dois surtout pas l'toucher. T'as l'droit d'bouger comme tu veux pour l'éviter, t'peux accélérer, ou freiner d'un coup. L'but c'est qu'tu sois assez à l'aise sur le 400 pour qu'ce soit comme une deuxième partie d'toi.

Sam attend qu'Alison donne son accord avant de l'aviser lui, avec un regard sévère :

- T'es mignon tu balances pas comme un chartier en rut ?
- Aye captain. Après Ali l'a dit elle-même, quoi qu'on fasse ce s'ra pire au tournoi...
- Ouais mais là on est pas au tournoi, et c'est un entrainement.

- Aye coach.

Il secoue la tête, un peu amusé par la posture de Sam alors qu'elle s'improvise pratiquement professeur. Gus l'a déjà vu sérieuse, mais rarement à ce point. Ça lui tient vraiment à cœur d'faire ça correctement apparemment.

- Promis j'te décoiffe pas, il continue à l'intention d'Alison, avant d'hésiter. T'as pas... d'bijou qui craint ou quoi hein ? Sam, qui lançait le souaffle en l'air, fronce les yeux : oh, bien vu. Piercings, boucles d'oreille, tout ça, c'est good hein ? Parce que s'tu t'prends l'souaffle à un endroit où faut pas ça peut être badant.

L'incident de Marissa St James à l'esprit les fait grimacer en miroir.

— Laisse tomber, rétorque la cadette Carter, soudain déstabilisée par l'arrêt brusque des deux joueurs de quidditch. Elle manque de tomber, projetée en avant, et braque d'un coup sec la queue du balai avant de réussir à faire demi-tour pour retourner après des autres, agrippée au manche. Putain, faut prévenir plus tôt aussi ! Son regard vexé heurte les sourires de Sam et Ferguson, et Alison lève le nez, acceptant difficilement d'être ridicule. Mais la consigne du prochain exercice retient son attention et elle répète mentalement les mots de la Poufsouffle. À travers toi ? qu'est-ce qu'elle veut dire par " à travers toi " ? Ses sourcils se froncent, et l'explication ne tarde pas à arriver. Vous allez m'tirer dessus en fait ? reformule-t-elle, incertaine, des mèches rousses emportées par le vent autour de son visage et des lanières de ses lunettes. 

Il a raison, ce sera pire au tournoi. 

Elle se force à relativiser, et ravale sa salive en acquiesçant face à l'implication dont fait preuve Sam avec elle. Sauf qu'une question ramène ses prunelles marron en direction du batteur. De quoi ? Les informations données par la blonde sont plus que persuasives, et Alison s'imagine une seconde avec le bout du téton arraché. Elle grimace. Euh. C'est vrai votre truc ? L'OCQ400 imprime un léger mouvement de balancier au-dessus du terrain, tandis que les Poufsouffle confirment le danger à porter des bijoux en côtoyant des cognards. 

Les lèvres tordues d'un étrange dégoût, elle réfléchit moins d'une secondes. Ok, bah j'reviens, ajoute-t-elle, avant d'enfoncer l'extrémité de son balai qui plonge vers le sol, en direction des vestiaires vides dans lesquels elle disparaît quelques minutes. 

À sa sortie, l'un des Français l'attend. 
Depuis les hauteurs on peut deviner qu'ils discutent rapidement.

Elle sourit. 

Puis la Serpentard enfourche son balai, rejoint Sam et Ferguson alors que le ciel se dégage légèrement, et remet ses lunettes de vol. Ok, c'est bon, j'suis prête, signale-t-elle, concentrée. 

Devant leur insistance à tous les deux, Alison abdique. Les lèvres pincées, Sam se tourne vers Ferguson alors qu'il suit des yeux la sorcière, dirigée vers les vestiaires. Elle réprime un rire quand elle croise enfin son regard à travers les lunettes :

- Bon bah t'es fixé au moins.

- Yup.

- Bien vu hein.

Il a l'air beaucoup trop content d'sa connerie. Des s'maines qu'il veut confirmer la rumeur qu'Alison porte des piercings aux tétons. Sam secoue la tête et lui balance le souaffle rien qu'pour l'emmerder. Gus le lui renvoie avec la même énergie, et ils commencent une pseudo-battle en attendant le retour d'Alison. L'type arrête d'être bon enfant dès qu'il capte l'mouvement dans les gradins, et Sam jette son attention sur ce qu'à l'air de l'accaparer, soudainement. L'un des français est descendu pour rejoindre Alison, avec laquelle il est visiblement en pleine discussion.

- Décroche. Je jure.

- Quoi ?
 

Ferguson redresse la tête vers elle, un peu con, la mâchoire serrée, le souaffle sous l'bras. Pris sur le fait, il s'contente d'échapper un grognement mécontent. Sam lève les yeux au ciel, et l'approche pour récupérer la balle d'un mouvement sec alors qu'il est de nouveau vissé sur la scène, en bas.

- Elle est v'nue là pour s'entrainer ou pour s'faire allumer ?
- Souviens toi de c'que t'as dit, Sam siffle entre ses dents. Joue pas au con.

Ferguson se contente de lever les mains en guise d'appel de balle en se donnant un air qui trompe personne - et certainement pas Sam. Elle lui fait quand même la passe.

- Elle t'a emballé une fois, r'mets toi. C'est pas ta meuf, Gus.

Alison se remet sur son balai et redécolle pour les rejoindre. Sam lui adresse un sourire. Ferguson la calcule même pas et se contente de suivre des yeux le français qui repart s'installer dans les gradins, tape ses meilleurs check à tous ses potes.

- Ok ! On va pouvoir y aller. T'es prête ?

- 'Parti !

Ferguson a pas attendu d'savoir la réponse. Stratégiquement placé derrière Alison, il balance le souaffle dans la direction de Sam, la tête de la Serpentard en plein milieu.

Ôter tous mes piercings pour la première épreuve, a noté mentalement Alison dans un recoin entier de sa tête dédié aux préparatifs du tournoi, qu'elle reportera dès que possible sur un parchemin où elle range par chronologie - puis par importance - tout ce à quoi elle doit penser d'ici début novembre. Alexandre (de Nice), a-t-elle inscrit à côté d'un gros 8, sur une autre liste imaginaire, jetant un œil au sorcier en question juste avant que Sam et Ferguson ne se mettent en formation autour d'elle. 

Légèrement affaissée sur l'OCQ400, elle entend la blonde crier un truc et regarde derrière elle, évitant de peu un souaffle qui frôle sa joue, lancé par le Poufsouffle. Son cœur accélère. Volontairement coincée entre les deux joueurs, elle tente d'anticiper leurs passes, et de réagir en conséquences, mais peine à être assez rapide au début. 

Les minutes s'écoulent et les trois adolescents voltigent au-dessus du terrain. L'Écossaise reçoit la balle dans les mollets, les épaules, et même les mains. Elle continue de s'agripper au manche, et de se pencher, comprenant que cette position lui apporte plus de stabilité.

Elle souffle. 

Ils accélèrent. 

L'espace de quelques secondes, elle se demande ce qu'elle fout ici. 

Est-ce qu'elle a vraiment besoin de ça pour être heureuse ? 

Sauf que le souaffle interrompt sa réflexion. Putain, grommelle-t-elle épuisée par la cadence incessante de l'exercice. Clairement, elle n'aura pas le droit de penser à autre chose que l'épreuve, le jour J, ça paraît évident. Elle devra se vider la tête du superflu. Elle ajoute une ligne méditation à la suite de sa liste intérieure, ponctuée d'un point d'interrogation. Sera-t-elle seulement capable de faire ça ? Le souaffle siffle près de sa tempe. Elle inspire vivement. 

Les coudes serrés contre ses côtes en défense, les bras pliés, son ventre colle quasiment le manche alors qu'elle tente de continuer à utiliser le poids de son corps pour balancer rapidement à gauche ou à droite. Sans s'en rendre compte, la sorcière commence à fusionner avec l'OCQ400, son mouvement bien mieux coordonné à celui du balai qu'auparavant.

Seulement, la fatigue progresse en même temps qu'Alison. Les Poufsouffle l'entraînent trop proche des gradins et en essayant d'éviter un tir, son étrier touche le tissu rouge et or qui claque et la déséquilibre. Pris dans la toile, son pied la retient et le balai tourne violemment contre une poutre du gradin. Elle crie de surprise. Heureusement pour la cadette, il n'y a aucun choc, surtout de l'action et une belle frayeur. Elle termine instable, accrochée au manche d'une main, retenue par la poutre sous ses genoux, et se rassoie aussi vite que possible sur le siège de l'OCQ, un peu chamboulée. 

— Ça va, souffle-t-elle en s'éloignant du gradin, encore tremblante d'adrénaline.