Un sourire intimidé a ponctué la mention de son nom complet. Personne ne l'appelle ainsi, ou alors parfois sa mère lorsqu'elle est très fâchée après lui. Charlie ne semble pas fâchée, elle. Charlie n'a jamais vraiment l'air fâchée. En fait, chaque fois que Basil croise la route de Charlie, elle lui donne l'impression d'être la personne la plus gentille du monde, sans doute incapable de s'énerver après qui que ce soit. C'est peut-être ça qui l'avait mené jusque sa table aujourd'hui. De toutes les options présentes, il était évident que c'était la meilleure. Les gens n'embêtaient pas Charlie Carter comme on pouvait l'embêter lui. Parce qu'elle n'était pas aussi étrange, peut-être, ou plus simplement parce que son père était une célébrité reconnue du monde sorcier.
- Merci.
C'est le seul mot qu'il avait prononcé dans les dernières longues minutes. Son manuel d'histoire de la magie avait été grand ouvert devant lui, un large parchemin soigneusement déroulé, une longue plume maladroitement trempée dans l'encre avant de venir goutter sur le papier, et goutter encore. En équilibre précaire dans sa main, il n'y prêtait guère attention, ses yeux sur les lignes étriquées qui s'amoncelaient sur les pages. Parfois il était distrait par quelques gestes de la fille qui lui faisait face. Par la présence de bracelets colorés dans un angle éloigné de son champ de vision. Parfois il glissait un regard timide vers elle qu'il rabattait aussitôt sur son étude d'un paragraphe joyeusement intitulé le gobelin à travers les âges, aussi peu intéressant soit-il.
Puis Charlie avait parlé, et Basil avait redressé la tête vivement. Sa plume n'avait toujours pas gratté le moindre mot sur son parchemin qui n'avait pourtant plus rien de vierge tant la mare d'encre commençait à y prendre de la place. Il ne semblait définitivement pas le réaliser, et la manche de sa chemise n'était qu'à quelques centimètres de tragiquement finir bleutée jusqu'au coude. Il secoue la tête, car non, ils n'ont pas eu les résultats, et sans doute qu'il va avoir une sale note car il n'a rien compris à tous ces cours sur la Confédération lui non plus. Basil n'a pas vraiment l'habitude qu'on lui adresse la parole pour autre chose que pour lui rappeler qu'il est taré cela dit, alors il tarde à répondre. Mais finalement c'est un sourire qui se dessine sur ses lèvres à la mention des géants, et il acquiesce :
- Han ouais les géants c'était cool.
Basil avait été fasciné par les photographies de ces guerres dans le manuel. Ils ne rentraient jamais tout à fait dans le cadre, à moins de se pencher grossièrement, et leurs proportions étaient définitivement incongrues. Comme des hommes dessinés à la va-vite par la main d'un enfant. Un éclat de rire lui échappe devant les images que lui montre Charlie du bout d'un ongle violet, et il place rapidement une main devant sa bouche avant de rencontrer le regard du concierge. Ce dernier se contenta de plisser les yeux en claquant sa langue contre son palais à répétition, un index porté devant ses lèvres comme seul avertissement. Basil hocha la tête avant de se pencher plus avant pour mieux observer la glace géante qui n'allait pas tarder à se faire dévorer.
- Huh ? Oh. Quelques doigts viennent lui triturer l'arcade, et il réalise qu'il y a un peu de sang, pratiquement sec. C'est rien. J'suis tombé dans l'escalier, il énonce en essuyant encore et encore du bout de ses doigts avant de chercher dans une poche de son sac de quoi faire ça plus proprement. Ne trouvant rien, il finit par simplement les frotter contre son jean. Tu dessines bien, il énonce à voix basse. Il se met à feuilleter son propre manuel pour trouver la section des géants, et lui montre quelques croquis qui semblent se battre ici et là. L'on peut aisément voir que le livre est pratiquement couvert de ce genre de chose, ainsi que parfois de quelques notes inscrites dans les coins de pages. R'garde j'avais fait Conan et pis Haka le Terrible avec sa hache ensorcelée. On disait à son propos qu'il était tombé amoureux de cette dernière, et l'avait épousé. Basil s'était disputé avec le professeur car il maintenait que la hache avait autrefois été une femme, alors que rien ne l'avait prouvé jusqu'ici.
L'arrivée éminente de Monsieur Milbourne le fit baisser la tête brutalement, mais ce dernier se contenta de refaire claquer sa langue en leur faisant les gros yeux avant de disparaitre entre deux rayonnages. Il n'était pas bien sévère, mais Basil n'aimait guère attirer l'attention comme ça.