Le violet est la couleur préférée de Charlie Carter. Allez savoir pourquoi, l'information se range dans le crâne du jeune Banks, dont le sourire s'étire en creusant une fossette sur sa joue. Il se redresse brusquement lorsqu'elle le prévient qu'il reste de l'encre sur son parchemin, et la laisse œuvrer en silence, guettant les alentours de quelques brèves œillades.
- Bien joué ! Il la félicite à voix basse, les oreilles rouges de réaliser que ça fait de lui le seul des deux à avoir échoué.
Au moins elle ne s'est pas moqué de lui. Conforté dans sa première impression de Charlie, Basil a bien du mal à se concentrer pour le reste de l'étude, la jeune fille continuant de lui offrir de larges sourires par-dessus leurs deux manuels. Autant dire que les parchemins ne se remplissent guère. À la levée de l'heure de travail, Basil se lève avec l'ensemble de ses camarades, rangeant sans grande méthode ses affaires au fond de sa sacoche de cuir. La question de la sorcière le fait ouvrir des yeux ronds, et il acquiesce avec timidité.
- Si tu veux, Charlie Carter.
Amusé par sa simple initiative de l'imiter dans sa façon de prononcer son nom au complet, il pouffe bêtement avant de l'entrainer à sa suite dans les couloirs. Oubliés les groupes d'élèves qui pourraient à tout instant briser leur bulle de complicité, et le prendre à partie dans l'un de leurs stupides jeux consistant globalement à Rob a Bank. Sa main s'est liée à celle de Charlie comme par réflexe pour mieux se mettre à courir sans raison aucune. Ils n'étaient pourtant poursuivie d'aucune menace, ni d'aucune obligation scolaire.
Le second étage est vite atteint, et avec lui le laboratoire de photo, devant lequel il s'arrête net. Un index posé sur ses lèvres, il pousse la porte avant de se mettre à chuchoter.
- Faut pas faire trop de bruit, sinon ça peut altérer les bains ok ? Les photos sortiraient à moitié effacées.
La pièce n'était guère spacieuse. Elle était même plutôt étroite, ses parois envahis de plans de travail sur lesquels s'enfonçaient des bacs larges et peu profonds. Tous étaient emplies de liquides de couleur et d'aspect différents, qui semblaient pour certains mijoter, pour d'autres ne pas bouger du tout. Obscur, l'endroit n'était éclairé que par une simple lanterne rougeâtre suspendue au plafond. Aux murs étaient accrochés de nombreux fils sur lesquels étaient pendues des photographies. Certaines n'avaient pas finies d'être développées. Celles qui l'étaient étaient majoritairement des portraits des élèves expatriés de Russie. Plus occasionnels étaient les paysages pris dans le parc de Poudlard, et pour certains aux alentours de Pré-Au-Lard, et quelques rares clichés représentaient des créatures que Basil y avait rencontré. Un botruc dans le creux d'un énorme chêne. Un écureuil volant qui saute du toit de Zonko pour venir se percher au sommet d'un platane. Toutes les photographies sont en mouvement, ou presque.
- On est que quatre à utiliser l'endroit tu vois. Mais les autres sont tous plus âgés. Ça par exemple c'est une photo d'Amaya. Et ça c'est à Victor.
Les autres sont de lui, Gregory ne laissant jamais aucun cliché trainer dès lors qu'il était développé. Basil envahissait largement l'espace, et pour deux raisons : d'abord il prenait davantage de photographies que les trois autres réunis, mais surtout il avait peur de les emmener dehors et de se les faire détruire par des élèves mal intentionnés. Ça n'aurait rien eu de nouveau, voyez. Agité, Basil passe d'un bac à l'autre pour vérifier l'avancement du développement, s'arrête au devant d'une étagère accrochée au mur pour extirper une photographie parmi toute une pile qui siège là.
- Celle-là c'est ma préférée. C'était l'année dernière.
C'est Poudlard, vu de derrière le lac. Plusieurs chouettes semblent quitter la volière à tire-d'ailes, tandis que dans le parc on voit plusieurs élèves en pleine bataille de boules de neige.