Harry Potter RPG
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Anya Nikitovna

17 ans Sang-Mêlé·e Russe Notoriété

Deb
Serpentard
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Lorsqu'elle avait appris la vérité, Anya s'était sentie absurdement trahie. Elle ne s'était guère rapproché de Sasha, mais une certaine confiance s'était insallée dans leur réunion quotidienne autour de l'Unificateur. Anya savait que d'autres dans l'école lisait ce journal. Tous expatriés de Koldostoretv, comme elle. Il était évident que l'on ne quittait pas le pays sans tâcher d'y garder une attache quelconque. Mais elle n'avait jamais eu le sentiment qu'ils puissent y voir autre chose qu'un simple journal, comme son camarade Gryffondor. Il semblait aussi essentiel pour Sasha de lire les articles de l'Unificateur que de respirer. Cela trouvait un écho en elle.

 

Alors.

 

Lorsque la rumeur l'avait gagné, chuchotée par plusieurs filles de la salle commune à quelques mètres à peine, elle n'y avait d'abord pas cru. Ça ne pouvait simplement pas être. L'école n'avait jamais annoncé recevoir d'autres élèves que les survivants de Koldostoretv. Il n'avait jamais été question d'ukrainiens. La rumeur cependant, s'était avéré être un fait. Pur et simple, confirmé par le principal concerné à de nombreuses occasions, tant et si bien que les amies d'Alison Carter n'en référait plus comme du russe de Gryffondor ou du petit-ami d'Alison, mais comme de l'ukrainien. Anya n'en avait guère parlé à Sasha, qui continuait avec elle à converser en russe, et à feuilleter les pages de l'Unificateur. Chaque. Jour.

 

Elle s'était rappelé alors que certains ukrainiens parlaient le russe, chez eux, car beaucoup de traîtres à leur patrie étaient partis y vivre. Elle avait noté, méticuleusement, chaque inflexion, chaque mauvaise prononciation, chaque expression, et elle s'était questionné sur la raison qui poussait cet ukrainien à lire son journal chaque matin. À converser avec elle dans un russe imparfait, à continuer de lui faire croire qu'il était de son côté, alors qu'il avait vraisemblablement combattu dans les rangs du VAL, pour l'AMI. Plusieurs fois elle avait dardé sur lui des yeux noirs comme du charbon, et es mèches s'étaient assombries avec une brutalité qu'elle n'avait guère maîtrisé.

 

Sasha avait continué de mentir. Et elle n'avait rien dit.

L'ennemi, Nikita on l'observe d'abord. C'est ce que son père lui avait enseigné, et elle se demandait si ce n'était pas ce que le père de Sasha ne lui avait pas enseigné aussi.

 Elle avait appris plusieurs choses de ses observations. Sasha Shevchen prêtait toujours attention à plusieurs choses lorsqu'il entrait dans une pièce. Il mesurait d'un regard la distance qui le séparait de la prochaine sortie. Il cherchait ensuite les personnes dans la pièce qui semblait les plus en mesure d'imposer une menace. Puis il se focalisait sur la tâche qu'il avait à faire, pleinement, et avec une détermination militaire. Jamais il ne se détendait complètement, les épaules tendues, les yeux qui fuyaient avec régularité vers les points cités plus hauts comme pour s'assurer que leur présence n'avaient pas changées. Sasha ne savait pas porter son uniforme, et il ne semblait pas s'en formaliser, qu'importe le nombre de fois que des personnes pouvaient le lui signaler à mesure de sa journée. Il passait tout le temps qu'il ne passait pas en classe dehors, loin du château et de la surveillance constante de son personnel. Elle avait aussi appris qu'il mangeait comme quatre, qu'il suivait Alison Carter comme un chien, et qu'il peinait à formuler ses sorts en anglais quand les professeurs l'y forçaient car il ne semblait pas du tout désireux de le perfectionner.

Anya n'imaginait pas apprendre davantage de l'ukrainien, et elle avait décidé qu'aujourd'hui serait un bon jour pour le confronter. Elle n'avait guère répondu à sa salutation, pas plus qu'à sa question deux faits qu'il semblait prendre pour acquis car il l'avait docilement suivi jusque la salle de classe dans laquelle ils se retrouvaient quotidiennement. La sorcière s'installa comme à son habitude, mais lorsque le Gryffondor fit de même, attendant vraisemblablement qu'elle tire le numéro de l'Unificateur de sa pochette, elle resta simplement à le regarder. Un silence étrange les traversa tous les deux alors que dans leurs yeux se dessinaient une conjoncture nouvelle, presque tangible, d'un froid diablement mortel. Ce n'est qu'au bout de précieuses longues secondes qu'Anya, les doigts refermées sur sa baguette à l'intérieur de sa poche, aboya :

- Ты лжец, Саша Шевчен. Tu es un menteur, Sasha Shevchen

Pour ponctuer sa réplique, elle cracha dans la direction de l'ukrainien, et ses mèches semblèrent s'assombrir au même titre que son regard prenait un éclat dangereux.

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Anya Nikitovna

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Deb
Serpentard
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

D'abord il prétend l'innocence, mais le regard qu'Anya braque sur lui semble lui faire comprendre que c'est loin d'être son idée la plus brillante. Elle se contente de l'observer avec une hargne brutale alors qu'il se justifie - mal -, quémande même, malgré les circonstances, à voir le dernier numéro. Le culot. Le silence les enveloppe tous les deux alors que les yeux noirs d'Anya ne quittent pas l'ukrainien, et elle se retient de cracher de nouveau. Une habitude hérité de son frère, que sa mère aurait déploré. Il la dégoûtait. De multiples façons. D'abord de représenter tout ce qu'elle haïssait en ce monde. Ensuite de l'avoir prise pour une imbécile, mentant ouvertement avant de carrément prétendre qu'elle n'avait pas saisi son stratagème idiot. Pire, il continuait de croire qu'il pouvait encore réclamer ses services.

 

Mais.

 

Dès qu'elle avait appris pour Shevchen, Anya avait pris soin de faire circuler l'information parmi ses anciens camarades. Le garçon ne pourrait plus tenter sa misérable initiative auprès de qui que ce soit de Koldostoretv, et les anciens élèves s'étaient accordés sur le fait de brûler chaque page après lecture pour éviter que l'ukrainien ne tombe sur des informations qui pourraient l'intéresser. Une décision qu'elle avait certes initiée, mais à laquelle elle n'adhérait pas elle-même. Autrement dit, elle était encore la seule en sa possession d'articles apparemment essentiels pour Sasha. Un levier dont elle mesurait la pleine puissance alors que l'autre venait d'échapper qu'un évènement important devait se tenir ces jours-ci.

 

- Какое событие ? Quel évènement ?
 

La réplique sonnait comme un ordre.

L'un comme l'autre était au sommet d'une tension particulière qui les tenaient droits sur leurs sièges, telles deux statuts particulièrement bien représentées. Anya se tenait prête à dégainer sa baguette à tout instant, plus que jamais consciente d'être en présence de l'ennemi. À présent qu'elle avait dévoilé savoir la vérité à son sujet, il n'existait plus la moindre raison pour Shevchen de jouer son rôle. Elle le revoit, installé sur la pelouse, demandant si les troupes Kazakhs étaient venus comme promis. Aux informations délivrées par Anya ce jour là, il n'avait eu qu'une réaction neutre, qu'elle voyait sous un nouveau jour. Elle avait pris sa distance pour une posture militaire, mais la vérité c'est qu'il devait s'être retenu de sauter de joie à la mention de la perte russe à Syzran.

 

Elle aurait du savoir. 

Il n'avait pas pu s'abonner au journal. N'avait-il fait que prétendre manquer d'argent, alors que c'était bien son identité qui posait problème pour accéder à l'Unificateur ? Il n'avait visiblement pas caché le fait d'être ukrainien auprès des autres élèves de Poudlard. Était-il le seul ? Anya avait observé l'ensemble des autres expatriés, et elle n'avait pas reconnu tous leurs visages. Koldostoretv avait compté des milliers d'étudiants, et il était difficile de se souvenir de chacune des personnes qu'elle avait pu croiser dans ses couloirs. Seule son enquête rapide auprès des quelques élèves arrivés en même temps qu'elle lui avait confirmé que Sasha était bel et bien le seul à provenir d'Ukraine. Une enquête qu'elle n'avait mené qu'une fois la vérité éclatée au grand jour.

Elle se sentait stupide.

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Anya Nikitovna

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Deb
Serpentard
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

La réponse est aussi brève qu'inutile. Rien qu'elle n'aurait pu deviner d'elle-même. Pire, c'est déjà arrivé. Pour avoir déjà parcouru elle-même le numéro du jour sans voir la moindre mention à quelconque assaut, Anya ne peut être certaine de rien. Il existait plusieurs raisons pour l'état de taire certaines informations. Ne pas affoler les populations, ne pas abreuver une peur de l'ennemi, ne pas risquer mettre en péril l'image forte de la mère patrie. Aucune de ces raisons n'étaient de bon augure concernant le silence qui pesait sur cet assaut éventuel. À moins que Sasha ne mente de nouveau dans le seul but de prétendre détenir des informations, en échange de la lecture de son journal.

 

Anya ne pouvait guère accorder sa confiance à ce garçon, voilà la vérité. Quoi qu'il dise ne pourrait qu'être un tissu de mensonges destiné à obtenir ses faveurs. Tel fonctionnait Shevchen, et à présent qu'elle en avait connaissance, la seule chose à faire était plus qu'évidente.

 

- Это не. Это, вероятно, означает, что он потерпел неудачу. Мои соболезнования. Ça ne l'est pas. Ce qui signifie sans doute qu'il a échoué. Mes condoléances.

 

Le ton était ferme, absurdement ironique. Elle n'avait bien sûr aucune certitude de ce qu'elle pouvait bien avancer, comme elle n'avait aucune certitude que l'assaut ait véritablement existé. D'un geste sec elle ramena sa pochette contre elle, et se redressa de toute sa hauteur. Son mouvement fut accompagné de celui de l'ukrainien, comme s'il craignait une attaque subite. Sa baguette avait été tiré comme par réflexe, et les jointures de ses doigts étaient blanches. Sasha avait fait la guerre, devait-elle se rappeler. Sans doute saurait-il se battre plus durement qu'elle, de par cette simple expérience. Qu'il ait été du côté des faibles ou non.

- Никогда больше не пытайся со мной разговаривать и даже не смотри на меня. Нам больше нечего делать вместе. N'essaie plus jamais de m'adresser la parole, ou même de me regarder. Nous n'avons plus rien à faire ensemble.

 

Son instinct lui avait dit de reculer, mais elle se tenait pourtant fermement campé sur ses jambes, à quelques centimètres à peine du garçon. Il faisait bien une tête de plus qu'elle, mais elle refusait de se laisser impressionner. Il était hors de question cependant, de lui tourner le dos même une poignée de secondes. Alors Anya fit un pas vers le fond de la pièce et fit un signe du menton, désignant la porte.

 

- Убирайся. Tire toi.

 

Et de nouveau, elle cracha par terre. Ses mèches avaient pris des teintes rougeâtres qui dénotait d'une perte de contrôle dont elle n'avait pas vraiment conscience, focalisé sur le garçon.

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Deb
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Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

- Yблюдок ! Bâtard !

Le juron s'était échappé des lèvres d'Anya en même temps qu'elle redressait sa baguette pour informuler un maléfice, qui s'échoua contre une porte close. Il n'en fallu guère plus pour la voir s'élancer après l'ukrainien. La fureur avait tissé des couleurs flamboyantes dans ses mèches, et ses pupilles s'étaient elles-même illuminées d'un incendie brûlant. Pourquoi avait-elle emporté cette pochette avec elle alors même qu'elle comptait confronter Sasha ? Idiote. Ses jambes la portaient rapidement, et elle ignorât les regards des élèves interloqués qui regardaient tour à tour le dos d'un ukrinien qui filait déjà vers le rez-de-chaussée. Habituellement d'une discrétion telle qu'on en venait à oublier sa présence, Anya était devenue la représentation même de la furie, jetée après le garçon avec une hargne qu'on ne lui connaissait guère.

 

Sa baguette au poing, elle courait vite. Pas assez pour rattraper le garçon cependant, dont elle peinait à garder la silhouette en vue. Elle n'abandonnerait pas cependant. Jamais. Il avait volé quelque chose de trop précieux pour ça. Aux numéros de l'Unificateur s'additionnaient des articles réclamés spécialement par courrier, dans lequel on retrouvait les en-tête de missions qu'elle savait menées par son père. La mention de conflits auxquels Pavel avait participé avec le reste de sa compagnie. Des photographies du ministère russe en ruine, souvenir funeste dans lequel sa mère avait péri. D'autres photographies, personnelles, qu'elle conservait dans des replis cachés, et sur lesquels on pouvait voir sa famille au complet, en des temps qui avaient été plus simples et plus heureux.

 

- Oстанавливаться мудак ! Arrête-toi connard !

L'ukrainien avait filé vers l'extérieur, mais il mettait tout en œuvre pour ne pas courir en ligne droite, empruntant des sentiers qui contournaient d'immenses bosquets, s'enfonçant toujours plus avant dans le parc glacé. À cette heure, il n'y avait guère de témoins pour les observer, seuls quelques oiseaux qui ne semblaient pas leur prêter la moindre attention. Dès lors qu'Anya eut un angle de tir, elle dressa sa baguette vers l'avant en beuglant :

- 3аморозить !
 

Le sortilège s'écrase sur un arbre, et Anya jure entre ses lèvres en accélérant brutalement.

- Ты мертв Шевчен ! T'es mort Shevchen !

 

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Anya Nikitovna

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Deb
Serpentard
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Un nouveau juron lui déborda des lèvres alors que la réserve du garde-chasse lui coupait brutalement la route. Le temps qu'elle mit à contourner le problème, Sasha Shevchen avait disparu.

 

Maksim Nikitovitch avait enseigné à ses deux enfants l'art de la chasse. Il les emmené de nombreuses fois dans les profondeurs de forêts épaisses, loin de la ferveur urbaine de Moscou, et ils avaient occasionnellement campés plusieurs jours de rang, à se raconter des histoires au coin du feu. Jamais Mara ne manquait de rappeler à son époux comme Anya n'avait guère sa place dans ce genre d'activité, mais c'était bien la seule chose que Maksim ne concédait pas à sa femme. Traditionnaliste dans l'âme, il estimait que sa fille devait malgré tout être tout aussi capable de se défendre que de survivre en pleine nature.

 

Alors la jeune russe était armée d'autant de patience et de ruse lorsqu'il s'agissait de débusquer un gibier.


Les minutes s'écoulèrent. De sa furie ne persistèrent que quelques pointes orangées dont elle ne se formalisait plus depuis longtemps. Ses iris avaient repris leur teinte sombre originelle. Baguette en main, elle avait ralenti le pas jusque se faire complètement silencieuse, épiant chaque mouvement de branche, tournant la tête au moindre craquement. La furtivité dont elle faisait preuve restreignait l'ukrainien à faire de même, où qu'il soit. Ils s'étaient enfoncés assez loin entre des troncs de plus en plus épais. Elle estimait avoir dépassé les frontières du domaine de Poudlard depuis un petit moment, et il n'y avait plus autour d'eux la moindre barrière pour leur donner même la vague impression d'être encore sur le territoire de l'école.

 

Ils ne devaient sans doute leur immunité ponctuelle qu'à l'absence du garde-chasse, en mission à l'extérieur de Poudlard depuis déjà plusieurs jours.

Anya ne lâcherait rien sans avoir trouvé Sasha. Il détenait les seuls souvenirs qu'elle avait pu emmener de sa maison. Les derniers vestiges de sa famille. Il avait sans le savoir dévalisé les seuls objets de valeur qu'elle possédait, et pour ça elle ne lui pardonnerait jamais. Ne se pardonnait pas, déjà, de n'avoir pas pensé à les séparer des journaux dès qu'ils avaient commencé à se voir régulièrement pour les lire ensemble. Idiote. Son pas mesuré arpentait une mousse humide dont sortait parfois quelques insectes énormes qui courraient se réfugier dans le creux de souches dévorées par le temps, ou de roches affaissées à leurs pieds.

 

Des heures passèrent, et Anya maudissait presque que l'on soit un dimanche, et que rien ne force l'ukrainien à s'extirper de sa cachette. Quoi qu'elle était à peu près sûre que même la perspective d'une retenue avec un professeur ne suffirait pas Sasha à se montrer. Il était on-ne-peut-plus déterminé à décortiquer son dernier numéro de l'Unificateur. N'avait-il pas de foutu journal dans son foutu pays ? Devait-il dépendre de nouvelles d'un papier imprimé de l'autre côté de la frontière pour en apprendre plus sur les avancées de ses propres alliés ? Absurde. Il ne voulait que la priver de la seule chose qui la rattachait encore à sa patrie.

 

Ce n'est que tard, très tard dans la journée, qu'Anya consentit à abandonner. Le déjeuner était passé depuis longtemps, et la forêt s'assombrissait tant qu'elle en devenait plus dangereuse à chaque seconde. Il était évident que l'endroit n'était pas interdit pour rien, et elle n'était pas stupide au point de risquer sa vie pour des photographies. Que l'ukrainien crève pour ses précieux articles si ça lui chantait. Depuis un moment déjà, sa chevelure avait recouvré sa noirceur originelle. Elle leva sa baguette dans une direction aléatoire et ne lança qu'un sortilège, espérant que Sasha était là pour la voir, ou au moins l'entendre. Espérant qu'il resterait planqué des heures encore, jusque se faire dévorer par ce qui se terrait dans les alentours, quoi que ce fut.

- Abstergeo.
 

Un arbre prend le sortilège de plein fouet, et se trouve entaillé avec force, comme s'il avait été pourfendu d'une griffe monstrueuse. Une nuée d'oiseaux s'élèvent vers le ciel en pépiant bruyamment, et Anya les observe sombrement.

- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.

 

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Anya Nikitovna

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Deb
Serpentard
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

La culpabilité. C'est ce qui avait été le plus dur à avaler. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, n'est-ce pas ? Eut-elle réfléchi en amont, elle n'aurait amené qu'une pochette vide avant de confronter Sasha. Sombre idiote. Anya avait beau n'avoir rien mangé de la journée, elle avait vomi tripes et boyaux dans le fond des toilettes à plusieurs reprises à son retour de la forêt interdite. Aucune âme ne s'était avancé à lui poser la moindre question quant à ce qui s'était passé le matin même. Un regard noir avait suffit à disperser les envies de quelques valeureux qui avaient semblé vouloir lui adresser la parole sur le chemin de la Grande Salle. Anya n'avait aucune envie de se montrer au dîner, mais elle estimait qu'une troisième absence à la table des serpentards commenceraient à éveiller des soupçons.

 

D'humeur massacrante, elle n'avait bien sûr touché aucun des aliments qu'elle avait empilé pêle-mêle dans son assiette. Elle se contentait de faire rouler certaines boulettes de viande du bout de sa fourchette, et de déplacer les aliments sans logique aucune. Vide. Elle se sentait vide. Vide et stupide. Profondément stupide de son propre manque de jugeotte. Profondément en colère aussi après Shevchen et sa foutue obsession pour l'Unificateur. Alors lorsque sa tête se dressa pour croiser le regard de l'ukrainien qui venait de pénétrer à l'intérieur de la large pièce, ce fut comme si un silence s'installait tout autour d'eux. Le brouhaha des élèves brusquement éteint, Anya ne décolla guère ses pupilles de la silhouette trapue du garçon, qui s'avança directement dans sa direction.

 

Un réflexe maladif voulu qu'elle porte la main à la poche de sa robe, comme pour chercher à se défendre d'une attaque. Là. Au milieu de tous les autres. Au nez et à la barbe de tous les professeurs. Mais malgré un cœur battant, elle se retint, tant l'idée était absurde. La pochette claqua vivement contre le bois, à quelques centimètres à peine de son assiette pleine, et elle ne la regarda même pas. Non son regard était relié à celui de l'ukrainien pour ne plus s'en décrocher. Elle ne s'en décrocha que lorsqu'il lui tourna le dos, mais resta longuement ciblé sur lui, comme incapable de même ciller. Puis, enfin, le bruit des élèves autour d'elle fut de nouveau présent, avec une puissance remarquable, et elle affaissa son attention sur ce qu'il avait apporté. Sa main attrapa la pochette avec vivacité.

 

Autour d'elle, quelques chuchotements glissés d'une oreille à l'autre. Là des regards qui trainaient sur ce qu'elle agrippait avec des jointures blanches. Le visage fermé, elle se leva brutalement et se décida à quitter la table. À quitter la pièce. Sans un regard vers Sasha Shevchen, ou quelqu'autre membre du clan rouge et or. Ses pas la menèrent au bas des escaliers, l'enfoncèrent dans les cachots, la laissèrent rejoindre la salle commune, puis le confinement de son dortoir entièrement désert. Là, elle jeta la pochette sur son bureau, l'ouvrit avec une précipitation terrible avant de feuilleter l'intégralité du contenu dans des gestes erratiques. Lorsqu'enfin elle trouva ce qu'elle cherchait, elle avait le visage inondé de larmes, et des couteaux qui lui transperçaient le cœur à répétition. Idiote. Idiote. Idiote.

- прощение, прощение, прощение. Pardon, pardon, pardon.

Elle n'adressait ses paroles à personne en particulier. Ses mèches avaient pris une teinte d'un bleu sombre abominable, et elle rassembla l'intégralité des photos pour les serrer contre sa poitrine, répétant son mantra avec une voix qui se brisait un peu plus à chaque instant. Bien avant qu'aucune des autres filles du dortoir n'ait reparu, Anya avait rangé l'intégralité de ses affaires, les avait scellé dans le fond de sa malle à l'aide d'un puissant sortilège. Les rideaux tirés autour de son lit, elle était demeuré assise, les yeux dans le vide, et les lèvres étirées en une ligne fine, chargée d'une haine viscéral. Sasha lui avait rendu ses possessions, et pourtant elle ne parvenait pas à ressentir autre chose que de la haine à son encontre.

 

De la haine pour s'être fait passer pour ce qu'il n'était pas.

De la haine pour avoir abusé d'une confiance qu'elle ne donnait à personne. De la haine pour avoir souillé les photographies de ses doigts sales
De la haine pour avoir posé les yeux sur une chose qu'elle tenait secrète, et qu'elle avait eu la stupidité d'étaler au grand jour.

De la haine pour elle-même, finalement, qu'elle enfonçait de ses ongles sous la chair d'une peau molle, pâle et absurdement fragile.

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Anya Nikitovna

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Deb
Serpentard
Parc de Poudlard, non loin du terrain de Quidditch, Mercredi 06 Septembre 2124

Les lèvres tendues, Anya ne réagit guère ni à Brooks, ni à Pope. Ce serait bien son dernier recours. Brièvement, elle fronce les sourcils à la réaction de Spike devant le départ de ses camarades, mais ne relève pas. Le comportement social de ses pairs britanniques n'a clairement rien de celui qu'elle connait de Koldostoretv. Le sujet ne l'intéresse que très peu, aussi se focalise t-elle plutôt sur les réponses apportées par le garçon au sujet de sa métamorphomagie. Des réponses qui par ailleurs, la prennent entièrement de court.

 

- Spécial c'est pas au-dessus, elle énonce fermement. C'est juste différent.

Personne a envie d'être différent. Pas là d'où elle vient. C'est le meilleur moyen de devenir une cible. Ici cependant, Anya n'a pas manqué remarquer l'étrange habitude de chacun de vouloir par tous les moyens se faire remarquer. Sortir du lot, pour ne pas faire partie de la masse. Pas d'unité, sur le territoire britannique. Un vaste paysage d'hommes et de femmes plus excentriques les uns que les autres, ne manquant ironiquement pas de lui sembler similaire en tous points. Son pays représentait une puissance unifiée, où celui des Royaumes Unis se montrait morcelé, incapable d'avancer dans une même direction sans qu'une majorité de son peuple ne se révolte pour le simple plaisir de se révolter, et de se faire remarquer.

- Je sais je suis pas normale. Mais d'habitude je maîtrise assez pour qu'on le devine pas. Je veux pas utiliser la métamorphose, et je veux pas qu'elle m'utilise non plus.

Son visage est brièvement agité d'une grimace. L'admission est terrible. Elle perd le contrôle. Le sait pertinemment. Ça la terrifie, au point d'être prête à partager l'information avec un garçon qu'elle ne connait assurément pas, et qui semble se complaire d'être une tare de la société, armé d'un don qui fait de lui quelqu'un de spécial. Que croit-elle ? Il n'aura aucune solution à lui apporter. Il aime sa métamorphomagie. S'en sert ouvertement, comme s'il devait en éprouver de la fierté. En rit. Ne voyait-il pas la malédiction que c'était ? En Russie, certains sorciers nommaient les métamorphomages des sans-visages. Ceux qui sont tout le monde à la fois, ceux qui ne sont personne.

Parfois, devant le miroir, Anya se demandait si ce qu'elle était naturellement n'était pas une tromperie en soit. Un visage qu'elle s'était créé de toute pièce.

- Je demanderai aux professeurs, elle conclut d'elle-même, ne laissant transparaitre aucune émotion malgré ses boucles rougeoyantes. Merci pour tes conseils, elle ajoute avec éducation.

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Deb
Serpentard
La cabane hurlante, Mercredi 14 Mars 2125

La nuit tombait sur Pré-au-Lard dans un silence feutré, engloutissant les ruelles pavées sous un ciel chargé d’étoiles mortes. L’hiver n’avait pas encore mordu, mais l’air portait déjà cette sécheresse mordante qui annonçait les premières gelées. La silhouette sombre d’Anya Nikitovna se détachait dans l’ombre des bâtisses, glissant entre les venelles désertes d’un pas mesuré, presque absent. Elle n’avait pas de destination précise, pas d’endroit où aller. Elle marchait pour s’éloigner, pour chasser la sensation suffocante des murs de Poudlard qui se refermaient sur elle. Elle détestait cette école. Tout ici lui semblait faussement chaleureux, artificiellement bienveillant. Les élèves riaient trop fort, s’inquiétaient de choses insignifiantes, se liaient avec une facilité déconcertante, comme si l’attachement n’était pas une faiblesse. Comme si l’amitié ne pouvait pas se retourner contre eux et leur arracher ce qu’ils avaient de plus précieux.

 

Elle n’avait jamais eu d’amis. Elle ne savait pas comment faire.
 

Sa seule famille était un père tombé au front, une mère enterrée sous les décombres d’un ministère en ruine, un frère disparu, peut-être mort, peut-être pire. Chaque soir, elle dormait dans un dortoir rempli de filles qui la regardaient comme une étrangère, une ombre figée dans un monde trop bruyant. Anya pressa le pas, longeant la lisière du village jusqu’à ce que la silhouette de la Cabane Hurlante se découpe dans l’obscurité. Un endroit abandonné. Un endroit aussi isolé qu’elle. La porte grinça lorsqu’elle la poussa, laissant derrière elle la lumière distante des lampadaires de Pré-au-Lard. L’odeur de poussière et de bois pourri s’engouffra dans ses narines, et elle inspira profondément, s’imprégnant de cette odeur de mort et d’abandon. Ici, personne ne viendrait la chercher. Elle referma la porte derrière elle. Les planches craquèrent sous ses pas lorsqu’elle traversa la pièce principale, passant un doigt sur les murs griffés, témoins silencieux de décennies de légendes et de rumeurs. On disait que cette maison était hantée, qu’elle résonnait des cris d’un loup-garou qui y avait vécu autrefois. Des histoires pour effrayer les premières années.
 

Elle n’avait jamais eu peur des histoires.
 

Anya s’accroupit près d’une vieille cheminée éteinte et déposa son sac à côté d’elle. Elle le fouilla distraitement, en tira un paquet de cigarettes moldues qu’elle avait échangé à un élève contre quelques mornilles. Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu’elle porta l’une d’elles à ses lèvres et l’alluma d’un coup de baguette. Une première bouffée. Lentement, la fumée envahit ses poumons, brûla sa gorge, s’échappa en volutes pâles qui se dispersèrent dans l’air glacial. Elle fixa les flammes invisibles d’un feu qui ne brûlait pas. Pourquoi est-ce que tout lui semblait si lointain ? Le monde continuait de tourner sans elle. Chaque jour, elle assistait aux mêmes conversations vides, aux mêmes jeux d’adolescents insouciants. Elle ne savait pas comment être comme eux. Elle ne savait pas comment exister dans ce monde où l’on pouvait rire sans arrière-pensée.


Elle était seule. Et elle le resterait.

Ses mèches s’assombrirent d’elles-mêmes, et son regard se perdit dans le vide. Elle n’appartenait pas à cet endroit. Elle n’appartenait plus à la Russie non plus. Elle n’appartenait nulle part. Alors à quoi bon essayer ? Anya laissa échapper un rire sans joie, étranglé dans le silence, et écrasa sa cigarette contre le plancher. Personne ne viendrait la chercher. Personne ne l’attendait. Ce soir, la Cabane Hurlante était le seul endroit où elle se sentait réellement chez elle.

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Anya Nikitovna

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Deb
Serpentard
Un vieux cachot désaffecté, Vendredi 09 Février 2125

Anya demeure stoïque. Dur, Sasha l'est au moins autant qu'elle. Ça ne fait aucun doute. Paradoxalement elle doute qu'il croit un seul mot de ce qu'il vient de dire. Personne n'aime imaginer le corps de gamins dans des boîtes, pleurés par leurs pères et leurs mères. Étaient-ils réellement conscients de leurs actes ? Certainement pas. Parfois, Anya se remémorait son frère, avant. Avant qu'il ne parle de devenir un soldat, qu'il ne pense plus qu'à ça. Qu'il n'ait plus qu'une idée en tête : honorer leur père. Quitte à mourir pour la nation. Avant, alors qu'il jouait encore innocemment et lui lisait parfois des histoires dans l'intimité de leur chambre commune, sur un ton bas pour ne pas que leurs parents comprennent qu'ils n'étaient pas couchés. Avant, alors qu'il parlait de bâtir une cabane dans les arbres, et de l'ensorceler pour que personne ne puisse jamais y entrer à part eux. Avant, alors qu'il rêvait encore d'être un dresseur de dragons.

 

Anya demeure stoïque, et dure, mais à l'intérieur elle se sent brisée de voir combien ce garçon ressemble à son frère, après. Un frère si dur qu'il en avait oublié toute sa tendresse et tous ses rêves, pour parler de tuer les ukrainiens tous autant qu'ils sont. Hommes, femmes, enfants. Souvent, elle se demandait s'il avait pensé à elle, à la toute fin. S'il avait regretté. S'il avait été si fier, alors, d'avoir décidé de suivre les traces de leur père et de mourir pour la nation. S'il n'aurait pas préféré partir dans l'est quand tout avait explosé, pour apprendre à dresser des dragons, et les chevaucher au-dessus de la toundra. Sans doute, là, il n'y aurait eu aucun doute à sa fierté. Avait-il conscience de ses actes, alors qu'il quittait la maison pour rejoindre le front ? Avait-il conscience de ses actes, lorsque le bras armé il avait tué encore et encore, peut-être des gamins de l'âge de Fridrik ? Avait-il ressenti de la peine lorsqu'il les avait envoyé à la mort ?

 

Parmi ces gosses, certains faisaient des terreurs nocturnes pratiquement chaque nuit. Elle le savait, car elle avait été réveillé une fois ou deux par Fridrik, qui lui avait demandé de l'aide pour insonoriser leurs baldaquins, ne pas réveiller les autres, ne pas montrer leurs faiblesses. Il y avait fort à parier que s'ils commettaient le genre d'actes qu'ils venaient de commettre, c'était par désespoir. L'intime conviction de redresser la balance. Une croyance absurde en une divinité pourtant durement absente, qui viendrait les récompenser d'être de bons soldats de la nation, eux aussi. En leur rendant leur père, ou leur mère, leur frère, ou leur sœur. Elle les trouvait infantiles. Crédules. Stupides. Elle n'en éprouvait certainement pas la moindre fierté. Elle aussi faisait des terreurs nocturnes. Parfois, elle voyait sa mère agonisant sous les décombres du ministère, qui l'avait enterré vivante. Pourtant, elle savait bien que rien ne pourrait jamais la ramener. Ni elle, ni son père, ni Pavel.

- Fière ? Elle crache dans l'air avec un rictus, après de longues secondes de silence à juste le jauger. Fière de voir une bande de gamins s'en prendre à un type qui pourrait les massacrer sans la moindre peine juste parce qu'ils sont persuadés qu'en étant des bons soldats on va finir par leur rendre tout ce qu'ils ont perdus ?

Doit-elle vraiment répondre ? Pour qui la prend-t-il au juste ?

- Non. Je n'éprouve aucune fierté, Shevchen. Pas plus que de pitié.

 

De l'amertume. Voilà tout ce qu'Anya ressentait. Un monde amer n'avait plus la moindre saveur. Un monde amer la dépouillait de tout ce qu'elle aurait pu ressentir d'autre. Ce n'était plus dur de se remémorer que sa famille entière était morte. Ce n'était plus dur de se remémorer qu'elle ne pourrait pas les rejoindre, car on avait choisi de les protéger, de les expatrier. La seule chose qui était dure à présent, c'était de se remémorer avant. Avant l'amertume. Avant, quand il n'y avait pas de guerre, et qu'elle avait encore espoir de vivre, plutôt que d'avancer dans cette amertume qui devenait peu à peu son cercueil. Stoïque encore, blanche comme la craie, la silhouette maigre et les mèches étrangement ternes, elle abaisse sa baguette. Il ne va pas parler. C'est tout ce qui compte, sûrement. Mais alors qu'elle s'apprête à partir d'un claquement de bottine militaire, elle se fige, inspire, et décide.

D'un mouvement instinctif, pratiquement involontaire.

Une lumière vive éclate au bout de sa baguette, trop brutale, mal calibrée. Sasha étouffe un grognement de douleur alors que le sort, mal lancé, ravive brièvement l’une de ses blessures. Anya fait un pas en arrière, figée. Il va croire qu'elle l'a fait exprès. Sans doute devrait-il. Ce serait préférable à la honte, la colère, l’humiliation d'avoir voulu aider, d'avoir fait pire. Sa main tremble. Elle tourne les talons sans se retourner. Dans ses mèches, une nuance de gris sale s’installe, comme si elle absorbait l’échec jusqu’au bout des fibres.

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Anya Nikitovna

17 ans Sang-Mêlé·e Russe Notoriété

Deb
Serpentard
Un vieux cachot désaffecté, Vendredi 09 Février 2125

Le type fait le fier. Rien d'étonnant. Anya a pas souvenir d'un seul gars qu'ait pas ce genre de réflexe idiot. Même le cul sur une pierre glacée, même la gueule en sang. Pas un merci, juste un va te faire foutre à moitié craché dans l'air, des yeux noirs assassins. Ça lui suffit pour savoir qu'elle a tapé dans le mille. Elle bronche pas quand il s'énerve, quand il crache, elle bouge même pas d'un millimètre et reste à le braquer d'un regard sec.

- Ça me fait pas pitié, en tous cas, elle se contente de répondre à sa dernière question.

De là à lui faire plaisir ? Certainement pas. Que s'imaginait-il ? Anya n'avait jamais vu les horreurs de la guerre qu'au travers des photographies de presse, et ça avait amplement suffit à lui faire comprendre que la vue de corps entassés et dégoulinant d'un sang presque noir ne lui procurait aucun plaisir. Ça ne faisait que lui rappeler comme son frère avait pu subir précisément ce genre de chose, entre les mains des ukrainiens.

- Ils sont trop jeunes pour comprendre les conséquences de leurs actes. Elle marque un silence. Je ne parle pas de toi, Sasha, comme je t'ai dis tu me fais pas pitié. Je m'en tape des coups que tu peux prendre. C'est le sort réservé aux menteurs, et aux traitres. Elle crache. Je parle d'eux. Ce sont des gosses. Si on les prend à jouer à être des hommes comme ça ? On les renverra en Russie, sur le front, se battre contre d'autres gars comme toi. Ils finiront dans des boîtes, et ils auront plus que leurs mères et leurs sœurs pour les pleurer, si elles sont encore en vie.

Anya avait énoncé ça d'un ton détaché, comme ils discuteraient d'un sujet trivial comme la dernière révolution des gobelins, ou la guerre des géants du quatrième siècle.

- Alors tu diras rien, elle termine d'un ton ferme, sa poigne sur sa baguette raffermie, cette dernière un peu rehaussée comme pour lui rappeler qui était en position de force. Parce que t'es un menteur et un manipulateur, mais t'es pas un cafard, pas vrai Sasha Shevchen ?

L'ukrainien cumulait toutes les tares à ses yeux. Il avait été l'une des premières personnes à laquelle Anya s'était confié depuis son arrivée à Poudlard, la première réellement qui provienne de son pays. Tout ça pour découvrir qu'il ne provenait non seulement pas de son pays, mais qu'en prime il provenait du camp adverse. Tout ça pour qu'il lui vole ce qu'elle avait de plus précieux, et ne les lui rende pour une raison qui lui échappe encore à ce jour. De la pitié, peut-être. Elle détestait l'idée d'avoir pu faire pitié à Sasha Shevchen plus que tout autre chose. Menton dressé, elle le balaie du regard avec une haine fougueuse.

Il a l'air en peine. Il a l'air fatigué. Il a l'air triste et seul. Mais elle n'a pas pitié. La pitié est pour les faibles. La pitié est pour ceux qui mentent, qui volent. La pitié est pour les garçons comme Sasha qui ne savent pas même se défendre au milieu d'une école, et qui se retrouvent à rendre ceux qu'ils volent par crainte, ou par intérêt.

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Anya Nikitovna

17 ans Sang-Mêlé·e Russe Notoriété

Deb
Serpentard
Une salle désaffectée, Samedi 10 Février 2125

Elle n’avait pas dormi. Pas une seconde. Pas un soupir, pas un clignement assez long pour mentir au corps. Juste les yeux grands ouverts dans l’obscurité, fixés sur le plafond trop haut des cachots, les bras croisés sur le torse, et le visage tendu comme une corde. Chaque minute s’était écoulée dans un silence compact, transpercé seulement par les légers souffles des autres filles, les craquements des vieilles poutres ou la litanie de ses pensées.

Curo As Velnus.
 

Elle connaissait pourtant le sortilège. L'avait lu, annoté, visualisé les gestes, répété la formule jusqu’à la réciter dans ses cauchemars. Ce n’était pas un sort de première année. Elle le savait. Elle l’avait su en ouvrant le livre. Sortilège de niveau avancé, réservé aux situations délicates. Mais elle n'aurait pas du échouer. Pas elle. Et pourtant, c’est ce qu’elle avait fait. Spectaculairement. Brutalement. Elle s’était enfuie. Cette idée tournait en boucle. Elle ne pensait pas à ce que Sasha avait ressenti. Ni même à ce qu’il pouvait penser d’elle. Non, ça… elle préférait prétendre que ça ne comptait pas. Ce qui l’obsédait, c’était le lien insidieux qu’elle traçait dans son esprit entre ce sort de soin raté - et toutes les fois où sa métamorphomagie lui échappait. Tous ses échecs. Ses doigts crispés sur les draps, ses yeux brûlants, elle avait fini par se redresser, silencieuse, et se glisser hors du dortoir dans un simple pantalon d'uniforme noire, une chemise propre enfilée à la va-vite, et sa veste d'uniforme.

Ses cheveux coincés en un chignon sévère, sa baguette à sa poche, Anya avait emporté avec elle les deux livres que le professeur Pope lui avait donnés au début de l'année, et dont chaque page lui était devenue familière. En sortant, elle avait croisé Stan dans le couloir des dortoirs. Assis sur la première marche, les bras croisés sur les genoux, le regard torve. Il ne dormait pas. Lui non plus. Il l’avait fixée. Un long moment. Avec cette haine sale, collante, que seuls les garçons de son pays savaient distiller. Elle n’avait rien dit. Pas bougé un muscle. Mais son poing dans la poche s’était contracté jusqu’à blanchir les jointures. Elle avait fui la salle commune suffocante, gravi les étages comme on grimpe un échafaud. Les couloirs étaient encore vides à cette heure. Juste le clapotis des tuyaux et le souffle froid des murs de pierre. Elle était montée jusqu’à la vieille salle de duel qu’elle savait désaffectée, au bout du couloir est. Une pièce oubliée, aux rideaux déchirés, aux boiseries mangées par le temps.

La salle baignait dans une lumière crayeuse. À l’est, les premières lueurs du jour s’effilaient comme une blessure au ciel. Anya balaya le sol d’un coup de baguette, y traça un cercle de craie épais, puis disposa autour d’elle des objets utilisés déjà des dizaines de fois : une bougie blanche, une statuette en argile brute, un vieux mannequin désarticulé, le réceptacle. Tous sont déjà marqués des tentatives de la veille. Elle s’assit en tailleur, au centre. Les deux livres ouverts devant elle.
 

Identifier, canaliser, transmuter.
 Chapitre IV, Les Reflets Intérieurs - page 71.


Ses yeux se ferment. Sa respiration se fait plus profonde. Les mèches frémissent, hésitent entre deux teintes. Un brun cendré, un éclat de cuivre. Deux heures entières, elle s'affaire, méthodique. Pratique ses métamorphoses les plus basiques sur les différents objets, tour à tour. Une variation de couleur simple. Un subtil changement de texture. L'allongement d'une mèche de bougie. La statuette devient sphère, puis cube, revient à sa forme initiale. Le mannequin est recousu par magie, avec une précision nette. Encore, et encore, et encore. Chaque fois, Anya conclut sa métamorphose d'une tentative sur son propre corps, sans baguette.

 

Petit à petit, elle retrouve le sentiment de contrôle dont elle a tant besoin. Chaque victoire l'emporte à faire plus, à faire mieux. À pousser les curseurs de ses propres attentes. 

 

Elle visualise des changements plus profonds : la forme de son visage. L’ovale, la mâchoire, les pommettes. Elle visualise ce qu’elle faisait autrefois. Quand elle contrôlait. Quand tout était net. Une brûlure lui vrille le crâne. Ses traits changent. Juste un peu. Puis un peu plus. Une teinte imprévue. Une asymétrie. Sa bouche gonfle. Ses yeux s’écarquillent, comme agrandis par erreur. Ses pommettes deviennent floues. La douleur s’infiltre dans ses tempes. Elle cherche à revenir. Redevenir elle. Elle n’y arrive pas.


- Non… non non non…


Ses mains tremblent. La flamme de la bougie vacille à force de mouvements. Elle tente de se redresser, titube. Ses cheveux passent du blanc au noir, puis au rose. Ses yeux changent de forme, d’iridescence. Sa peau se marbre de tâches étranges, ses doigts s'allongent par soubresauts. Elle était prise dans un orage magique, étrangère à elle-même. Un cri déchire l’air. Sa magie déborde d’un coup de sa baguette qu'elle tient désespérément. Un sort fuse, informe, aveugle, brut, frappe le mannequin de plein fouet. Le bois éclate en mille morceaux. Elle s’écroule à genoux. Les cheveux collés au visage, les traits distordus. La respiration en vrac. Le corps en feu. Les pensées éparpillées. Et puis… Des pas. Elle sent une présence. Sa voix, rauque, étrangère, sortie d’une gorge trop large :
 

- Dégage.
 

Mais elle ne bouge plus. N’arrive même plus à se relever. Son visage n'est plus sien. Son corps n'est plus sien. À la merci de son propre don, qui semble vouloir la remodeler toute entière. Elle est vulnérable, elle le sait, et elle abhorre qu'on puisse témoigner d'une scène aussi pathétique. Se mord la lèvre jusqu'au sang dans une tentative désespérée de retrouver un semblant de contrôle.