Harry Potter RPG
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Alec Chadwick

Artisan Charpentier 32 ans Sang-Mêlé·e Américaine Notoriété

Deb
Ilvermorny
Un village en banlieue de Londres, Mardi 10 Octobre 2124

Le bois craque sous la semelle de ses bottes. Un bruit sec, étouffé par l’humidité matinale qui imprègne l’air. Alec referme la porte de sa maison d’une main lasse, un trousseau de clés calé entre ses doigts, et lève les yeux vers le ciel. Gris. Pas de pluie, pas de soleil. Un entre-deux délavé, comme ces jours où tout semble suspendu, ni vraiment bien, ni franchement mauvais. Il ajuste la sangle de son sac sur son épaule, fourre ses mains dans ses poches et prend le sentier qui le mène jusqu’à la route principale. Comme d’habitude. Il pourrait faire le trajet les yeux fermés. Et pourtant, quelque chose dans son pas est plus lourd aujourd’hui. Un poids invisible, pas assez oppressant pour lui couper le souffle, mais suffisamment pesant pour lui tordre l’estomac.

Quatre jours.

Il n’a pas compté, pas consciemment du moins. Ce n’est pas le genre d’homme à marquer les dates d’un cercle rouge sur un calendrier. Mais son corps, lui, se souvient. Le vide à côté de lui dans le lit. La sensation qu’il devrait être ailleurs, avec quelqu’un qui n’est plus là. Chaque année, c’est la même chose. Il n’a pas besoin de regarder une montre pour savoir que l’horloge interne a enclenché le compte à rebours. Son souffle se condense en un nuage pâle lorsqu’il franchit le portail grinçant qui borde la route. Son travail l’attend. C’est une journée comme une autre. Il la passera comme il les passe toutes : les mains dans le bois, l’esprit occupé à éviter les pensées trop profondes.

Les premières minutes du trajet sont mécaniques.

Son pas trouve naturellement le rythme habituel, celui qui le porte chaque matin jusqu’à l’atelier. Le sentier serpente entre les parcelles éparses du village, bordé par des clôtures fatiguées et des jardins où l’herbe pousse trop librement. Il connaît chaque détour, chaque arbre, chaque foutu nid-de-poule sur la route. Là, à droite, il y a cette vieille baraque qu’on dit inhabitée mais dont la lumière du grenier s’allume parfois, sans raison. Plus loin, la boutique d’antiquités de cette vieille femme qui l’observe toujours avec une curiosité polie, comme si elle essayait de deviner ce qu’un type comme lui fait dans un coin aussi tranquille. Et pourtant, malgré la familiarité du décor, quelque chose cloche aujourd’hui. Peut-être que c’est juste lui. Son humeur, son putain de corps qui enregistre les dates avant même qu’il ne le fasse. Ça fait combien de temps qu’il n’a pas mis les pieds là-bas ? Devant cette pierre froide avec son nom gravé dessus ? Il ne sait même pas. Il ne veut pas savoir.

Il passe devant le pub du village, encore fermé à cette heure-ci. L’odeur de bois mouillé et de tabac froid traîne devant l’entrée, mélange familier qui l’accompagne un instant avant de se dissiper avec la brise matinale. Il aurait pu s’y arrêter la veille. Il aurait pu noyer cette foutue sensation sous quelques verres. Mais ça ne change rien. Ça ne change jamais rien. Le bruit lointain d’un moteur, quelque part derrière lui, le ramène au présent. Alec serre un peu plus les sangles de son sac, tire sur le col de sa veste. La fraîcheur du matin lui mord la peau, mais il sait que dans une heure, ce sera déjà autre chose. Il fera plus chaud. La routine reprendra le dessus. Il n’aura plus à penser. Il lève les yeux vers les façades silencieuses qui l’entourent, capte du coin de l’œil une ombre qui se glisse derrière un rideau à son passage. Ça le fait presque sourire. Il ne s’attarde pas.
 

Encore quelques minutes de marche, et il pourra enfouir ses pensées sous la sciure et le bruit des outils.

Sam lui manque, aujourd'hui plus que jamais.

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Alec Chadwick

Artisan Charpentier 32 ans Sang-Mêlé·e Américaine Notoriété

Deb
Ilvermorny
Près du hall, Lundi 12 Février 2125

- C'est bien lui.

- Vous en êtes absolument certain ?
- Non, j'balance l'information au hasard. Le sarcasme dégouline alors que son regard s'assombrit.

- Monsieur Chadwick...

- J'ai un chantier qui m'attend, si vous avez fini d'me faire perdre mon temps, j'pense qu'on peut clôturer l'dossier non ?
- Il est essentiel que vous...

- J'dois signer où ?

- Là. Et . Aussi, Miss Moore m'a chargé de vous dire que vous devriez également vous rendre au niveau cinq pour régulariser votre situation...

- Pas l'temps.

- Votre passeport a expiré depuis deux mois Monsieur Chadwick, si vous ne le renouvelez pas vous risquez d'être expulsé du territoire et...

- Faites chier.

- Monsieur Chadwick !
- Nan vraiment, c'est pas contre vous mais ça m'emmerde, pourquoi on peut pas faire tout ça par courrier en fait hein ? Faut toujours venir jusqu'à vous pour remplir des papelards à la con qui disent toujours la même chose, ça d'vrait être automatisé franchement. Quand c'est pas l'renouvellement d'mon statut de sorcier résidant dans le monde moldu, c'est mon passeport, quand c'est pas mon passeport, c'est autre chose, croyez que j'ai que ça a faire de venir ici ?

Paradoxalement, Alec n'avait pas haussé une seule fois le ton, sa voix grave et ses paroles acerbes suffisant amplement à démontrer de l'agacement prodigieux qui le saisissait naturellement chaque fois qu'il mettait les pieds dans le labyrinthe administratif du Ministère. Le gratte-papier qu'il avait sous les yeux semblait ne plus vraiment savoir où se mettre, ouvrait et fermait la bouche à la manière d'une carpe sans énoncer le moindre mot. Ses initiales viennent parafer chacune des cinq pages du dossier que l'autre zieute avec une intensité absurde, et sa signature s'appose aux deux endroits désignés avant qu'il ne fasse glisser les feuilles loin de lui d'un geste sec.

 

- Là. Voilà. C'est bon j'suis libre ?
- J'insiste pour votre passeport Monsieur Chadwick, annonce la voix embrouillé de Georges - son badge usé tombait pathétiquement sur sa poitrine.
 

Aucune réponse ne vient ponctuer la réclamation de George. Alec se contente de quitter le département d'un pas lourd, sans un regard pour les brigadiers et aurors qui s'agitaient entre les bureaux. Poussant un soupir las, il décida qu'il serait effectivement judicieux de régler cette affaire de passeport avant de gagner son chantier, sans quoi il serait bon pour un nouvel aller et retour au cœur de Londres. Son regard s'attarde sur une colonne de sorciers qui semble se précipiter vers le hall, attendus probablement sur une quelconque scène de crime. Il ne voit pas venir la silhouette qu'il percute de plein fouet, mais l'impact provoque une montée d'adrénaline immédiate et brutale.

Il jure. 

Au sol, des dizaines de parchemins éparpillés. Le regard d'Alec s'affaisse sur la sorcière, d'au moins une tête en-dessous de la sienne. Pas l'ombre d'une excuse, ni d'un côté ni de l'autre. Une exaspération commune, peut-être, jusqu'à ce que la femme ne le questionne. S'ils se connaissent ? Alec est à peu près sûr que non. Le peu de connaissances qu'il s'est fait en Angleterre n'a rien à voir ni de près ni de loin avec le monde magique. Il hausse les épaules, s'abaissant par réflexe pour ramasser les documents étalés par terre, les assembler sans grande délicatesse.

- Non.

Simple et efficace, la réponse est similaire à un grognement alors qu'il se redresse pour tendre à la sorcière son dossier, entassé pêle-mêle. Les employés et visiteurs du ministère continuaient de se catapulter d'une pièce à l'autre autour d'eux. Personne dans ces couloirs ne semble à-même de perdre la moindre seconde. Comme un sentiment d'urgence déployé sur tout le bâtiment, à en suffoquer tous ses occupants. Alec s'apprête à prendre congé, prend néanmoins le temps de demander avec un accent caractéristique :

- J'vous ai pas fait mal ?

Impossible de ne pas noter la différence entre leurs deux gabarits.

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Alec Chadwick

Artisan Charpentier 32 ans Sang-Mêlé·e Américaine Notoriété

Deb
Ilvermorny
Un village en banlieue de Londres, Mardi 10 Octobre 2124

C'est lunaire. Pas qu'un peu. Alec est un gars bourru. Pas forcément gêné de devoir faire la conversation, pas vraiment du genre à la rechercher non plus. Du moins, c'est l'homme qu'il est devenu. Depuis l'départ de Lily, environ. D'avant, peut-être bien Il saurait pas  dire. Plus jeune, il avait eu toute une bande de copains avec laquelle il adorait faire les quatre cent coups. Même là, on le connaissait pas comme un grand causeur. Mais il avait été plus avenant. Plus souriant. Jules ? Jules l'avait connu à l'époque. Il l'avait connu à l'époque. Marrant comme la vie repousse loin certains souvenirs. Comme en quelques instants, ils peuvent être ravivés. Sauf que bien sûr, Jules a changé. Au même titre que lui. Forgée par une existence dont il ne connait rien.


Perdue, l'adolescente tranquille qui semblait vous défier du regard, une réplique mordante et pleine d'humour au bord des lèvres.

 

Elle esquive son regard. Le jette au sol, comme embarrassée. La voix faible, les syllabes qui s'accrochent, l'assurance qui prend congé. Alec fronce les yeux, les détourne brièvement à son tour, comme pour guetter les contours de la maison dont elle parle, qu'il sait se dresser plus loin sur le sentier. Elle vit là. Jules vit là, à quelques dizaines de mètres à peine de sa propre maison. Depuis l'été dernier. Depuis des semaines. La question le prend de court. Le heurte de plein fouet. Son visage se tort d'une grimace vive, mais brève, aussitôt effacée. Il la ravale avec amertume alors qu'il s'éclaircit la gorge, détourne le regard, prend une seconde pour se recomposer. Il connait pas de bonne manière d'annoncer les choses quand il s'agit de Lily, alors il se contente de balancer la nouvelle avec brutalité.

- Elle est morte. Accident d'la route. Ça fait sept ans.

Jour pour jour, il n'ajoute pas. Préfère passer à autre chose, pour ne pas s'étaler sur un sujet que de toute façon n'importe qui préfèrerait éviter.

- Tu la retape ? La maison. Il énonce en levant le menton vers le paysage. D'mémoire elle est dans un sale état.

Il a dix mille questions qui se bousculent sous son crâne, pourtant Alec demeure fixé sur des faits simples de la vie de tous les jours, à poser les mêmes questions qu'il poserait à un nouveau voisin qui viendrait s'installer. Parce qu'il saurait pas faire autrement. Parce qu'il imagine que Jules avait ses raisons de disparaitre de leur vie comme elle l'a fait, et que c'est pas sa place de demander. Les gens ont le droit d'avoir leurs secrets. Leur intimité. Toujours il a respecté ça. Mais bordel, c'est lunaire, et pas qu'un peu, et il meurt d'envie d'savoir. Où elle a été tout ce temps. Qu'est-ce qui l'a amené ici au milieu d'la campagne de la banlieue londonienne, à acheter une maison avec un chenil ? À quoi ressemble sa vie ? 

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Alec Chadwick

Artisan Charpentier 32 ans Sang-Mêlé·e Américaine Notoriété

Deb
Ilvermorny
Près du hall, Lundi 12 Février 2125

Alec soupire. Un bruit bref, rauque, sans fioriture. Il n’a pas besoin d’un putain de débat philosophique pour justifier ce qu’il a fait. Il prend le temps de la regarder, cette femme qui semble tout analyser sous une loupe, comme si le monde était un putain de laboratoire d’expérimentation humaine. Son regard est froid, détaché, et quelque chose dans cette façon de questionner l’évidence lui file un goût amer. Il jette un regard vers les Aurors qui s’activent, vers le mec à terre qui renifle bruyamment en retenant des sanglots. C’est fini. Le bordel est géré. Mais elle, elle est encore là. Et elle l’interroge comme si c’était lui le problème. Son expression se ferme légèrement. Pas de colère, pas de mépris. Juste de lassitude. Il a l’habitude qu’on questionne ce qu’il fait, pourquoi il le fait. Mais il n’a jamais eu de patience pour ceux qui intellectualisent ce qui ne mérite pas de l’être. 
 

- Vous réfléchissez beaucoup trop.
 

Le ton est sec, mais pas agressif. C'est ni une insulte, ni une provocation. Juste un constat, lancé sur un ton brut et factuel.


- J’l’ai fait parce que j’ai vu les Aurors se barrer y’a cinq minutes, et qu’on avait pas l’temps d’attendre qu’ils rappliquent.

Il laisse un silence, juste assez pour que ça percute. Elle l’agace, avec ses foutues questions à côté de la plaque.


- Les gens meurent tous les jours, ouais. Mais quand on peut éviter qu’ça arrive, on le fait. C’est tout.
 

Sa voix est toujours calme, posée. Il hausse les épaules, et son regard devient un brin plus acéré.

- Pis vous savez quoi ? Ma fille aurait été fière. Pas parce qu’j’ai voulu jouer les héros. Juste parce qu’j’ai empêché un gosse de voir son père massacrer un type sous ses yeux.


Il la fixe, appuie chaque mot avec la certitude de quelqu’un qui sait qu’il a raison.Son regard glisse sur sa posture trop rigide, son sourire trop froid, sa façon de se tenir comme si elle était en dehors du monde, au-dessus du bordel.


- Pis si vous trouvez qu'vous perdez du temps dans votre journée, peut-être bien que vous devriez le passer ailleurs.
 

Alec ne bouge pas tout de suite. Il lui laisse le poids de cette remarque. Puis il ajuste la sangle de son sac, son regard ancré dans le sien un quart de seconde de plus que nécessaire, avant de finalement annoncer :

- Alec Chadwick. S’ils ont des remarques, dites-leur qu’c’est moi qu’ils doivent emmerder. J'serais là-haut en train d'renouveler mon foutu passeport.

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Alec Chadwick

Artisan Charpentier 32 ans Sang-Mêlé·e Américaine Notoriété

Deb
Ilvermorny
Près du hall, Lundi 12 Février 2125

Il n'y a pas dix mille réponses à la question qu'il vient de poser. Soit c'est oui, soit c'est non. Sans doute qu'Alec aurait du s'attendre à ce que cette femme trouve l'art et la manière de balancer les deux à la fois. Elle semble, après tout, travailler au ministère, et le ministère n'est pas connu pour faire dans la simplicité. Initialement agacé, Alec se surprend pourtant à pousser un rire, ou plutôt ce qui pourrait, de très loin, y ressembler. À peine un souffle dans l'air, alors que ses lèvres font minent de vouloir s'étirer vers le haut. Rien qui mérite vraiment d'être mentionné non plus, à vrai dire. Elle n'a visiblement pas compris non plus que sa négation précédente valait pour ses deux questions à la fois. Répète inutilement la demande, comme si c'était d'une quelconque importance. Alec reste la regarder sans ciller peut-être une seconde de trop, partagé entre un réflexe abrupt, et sa volonté de rester courtois.

- Non, j'travaille pas ici, il finit par annoncer d'une voix bourru.

Son regard va de la sorcière à ses documents, précieusement replacé, aligné, véritable toc de bureaucrate. L'instant passe. Il a beau être bref, il ne l'est pas suffisamment pour qu'Alec n'ait pas le temps de se demander pourquoi ils restent plantés là, tous les deux. Une réalité d'autant plus flagrante lorsque la femme lui demande s'il a besoin qu'on lui indique le chemin. La tête secoué d'un bord et d'un autre, il n'a pas le temps de formuler le moindre mot qu'un cri l'arrête. La réplique qui suit est familière. Il doit retenir l'envie de lever les yeux au ciel. Nan parce que, quelles étaient les chances hein ? Il met les pieds au ministère une fois tous les deux ans au bas mot. C'est absurde. Ridicule. Le silence s'est abattu sur une foule brutalement figée dans son élan. Alec ne peut pas ignorer avoir vu, moins de cinq minutes plus tôt, les trois-quart des effectifs du département de la justice se diriger vers le hall. Évidemment

La réaction tient plus du réflexe qu'autre chose. Il observe. Le type, sa baguette, sa lame, la distance ridicule qui la sépare du cou de ce pauvre gars. Les vêtements usés, les cernes dessinés sous des yeux sombres, les mains qui tremblent, mais qui gardent une prise assurée. Autour, des visages terrifiés de sorciers et sorcières, extirpés d'un bureau ou d'un autre, vraisemblablement dépassés par la situations. Alec se tourne finalement vers la femme à côté de laquelle il se tient, qui lui fait un signe discret vers une porte. S'imaginant d'abord qu'elle indique une sortie, il ne peut que constater très rapidement que ce n'est pas du tout le cas. Bordel. Est-ce la fille du type ? Une autre gamine encore ? Ça reste une gamine quoi qu'il se passe. Une gamine complètement tétanisée, dont les grands yeux balancent d'un endroit à un autre avec urgence, future témoin d'un désastre dont elle ne se remettra sans doute jamais.

Non.

Une poignée de secondes seulement sont passées, pendant lesquelles le temps a semblé suspendu. Alec lève les deux bras en l'air avant d'amorcer un pas dans la direction du type au bout du couloir, sa voix puissante résonnant entre les murs sans qu'il ait besoin de la forcer.

- Mate. J'crois pas que t'as envie de faire ça. T'as pas l'air d'un mauvais gars ok ? T'es à bout, j'comprends, ça arrive. Mais j'te jure c'est pas d'ouvrir la gorge d'un type qui va t'aider à retrouver ta gamine.
- ARRÊTE D'AVANCER !

Alec s'arrête.

- Ok. Ok c'est bon. J'm'arrête.

L'avantage, c'est que l'attention du type est davantage focalisée sur lui que sur autre chose. Ses armes sont toujours pointées sur le pauvre gars qu'a l'air de suer par tous les pores, mais ça c'est une autre histoire.

- J'vais pas l'buter si on m'rend ma gosse putain ! J'veux juste ma gosse.

La plainte est désespérée. Alec hoche la tête.

- J'en ai une aussi, de gosse ok ? il annonce, toujours les mains en l'air. Mais tu vois tu joues contre ton camp là. Mec si tu fais ça ta gamine elle voudra plus être avec toi tu l'sais ? Elle te regardera et tout ce qu'elle verra c'est un type qu'en a buté un autre. T'veux pas qu'elle voit ça.
- Ta gueule ! Ta gueule, ta gueule, ta gueule !

Les mains se mettent à trembler davantage, pressent la lame contre la gorge du type avant de s'éloigner brusquement, la baguette toujours pointée contre la jugulaire.

- J'ai pas d'mandé toute cette merde ! J'ai rien d'mandé moi ! J'veux juste qu'on m'laisse voir ma gamine !

Le couteau baladé dans l'air provoque un mouvement de recul des sorciers et sorcières présents non loin, et Alec abaisse les bras. 

- Pose cette foutue lame, lâche la baguette. Et on trouve un moyen pour qu’tu puisses lui parler.
- D'la merde ! Vous les types du ministère vous racontez que d'la merde !
- J'suis pas du ministère mon gars.
- T'es pas du ministère ? Son regard fuyant cherche du regard le reste de la foule comme s'ils pouvaient confirmer ou non ce qu'Alec venait de dire.
- J'suis pas du ministère, il répète d'un ton tranquille. Dans son champ de vision, du mouvement derrière le type, brusque, immanquable. J'peux t'aider à négocier parce que si j'étais à ta place j'prendrais toute l'aide qu'on m'propose tu piges ? Mais faut qu'tu lâche ce gars. Si tu le lâche pas c'est mort. Si tu le lâches pas c'est sûr tu perds tout.

Le gars doute. Ça se voit. Le couteau contre son flanc, il relâche même la pression de sa baguette, s'humecte les lèvres alors qu'il cherche visiblement quoi faire.

- J'te jure que tu vas la revoir ta môme ok ? Faut juste que tu laisse ce mec là en vie, c'est tout c'que t'as à faire, Alec insiste en voyant la baguette s'éloigner encore.

Plusieurs choses se déroulent exactement en même temps. Des agents informulent plusieurs sortilèges qui désarment complètement le type, l'incarcèrent au sol. La porte, de l'autre côté du couloir, s'ouvre, et le bruit de pas précipité d'une enfant résonne contre les murs alors qu'elle pousse un cri.

- PAPA !

Alec échappe un soupir, comme s'il relâchait subitement la tension. Le type chiale contre le sol, et c'est carrément angoissant à regarder. Mais il parvient quand même à croiser son regard. Un hochement de tête subtil passe entre eux avant que les agents du ministère ne se mettent à éloigner tout le monde pour remettre de l'ordre. L'un d'entre eux s'occupe immédiatement de la gamine, l'empêchant d'atteindre son père. Alec peut pas s'empêcher de trouver ça injuste. C'est la seule chose dont ils visiblement besoin tous les deux. Foutus protocoles. 

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Alec Chadwick

Artisan Charpentier 32 ans Sang-Mêlé·e Américaine Notoriété

Deb
Ilvermorny
Un village en banlieue de Londres, Mardi 10 Octobre 2124

Alec n’avait pas remarqué les bruits de pas précipités derrière lui. Pas tout de suite. Son esprit était ailleurs, enfoncé dans cette foutue date qui se rapprochait, dans la froideur du matin qui s’accrochait à lui comme un mauvais pressentiment.


- Monsieur ? Monsieur ? Bonjour, excusez-m…
 

Il se retourne, prêt à répondre vaguement et continuer sa route. Mais ses yeux tombent sur elle. Tout se fige. Un battement de silence. Une seconde trop longue.
 

- Jules ?
 

Sa propre voix lui semble étrange. Comme si le nom lui-même avait été oublié trop longtemps, mis de côté sur une étagère poussiéreuse de sa mémoire. Ça parait impossible qu'elle soit plantée là. Ici. Maintenant. Pourtant, c’est bien elle. Un peu plus fine, les traits marqués par la vie, un regard toujours aussi clair, plus voilé qu’avant peut-être. Jules. Sa Jules. Le poids des années lui tombe dessus comme un putain de bloc de pierre. Quinze putains d’années. Il la voit, la Jules de dix-sept ans, assise en tailleur sur un bureau dans une salle de classe vide, en train de lui dire que les cours de potions sont une connerie monumentale. Il se revoit faire le mur avec elle pour aller piquer de la bouffe dans les cuisines, rire dans les couloirs en esquivant les surveillants. Il se souvient du dernier jour à Ilvermorny, quand il lui a promis d’écrire, qu’elle a juste souri sans répondre.


Il aurait aimé qu’elle soit là quand il a eu son insigne du MACUSA en main pour la première fois. Il aurait aimé qu'elle soit là pour l'conseillé quand tout partait en couille, que Lily arrivait pas à avoir de gosse. Il aurait aimé qu'elle soit là quand il a buté ce gosse sur Troutman Street. Il aurait aimé qu’elle soit là le jour où il a enterré Lily. Mais elle avait pas été là. Elle avait disparu. Après Ilvermorny, ni lui ni Lily, ni aucun de leurs potes l'avaient plus jamais revus. Jules, fantôme du passé, exhumé le jour où le sien lui pèse déjà sur le cœur. L’ironie est mordante.
 

- Ça alors... Qu'est-ce que... Tu fais là ?


Sa voix, incroyablement familière, brise le silence. Alec cligne des yeux, comme pour s’assurer qu’elle est bien réelle. Son expression se détend légèrement, un vrai sourire étire le coin de ses lèvres.


- J’pourrais te poser la même question. C'est pas une pique, pas un reproche. Juste un mélange d’amusement et d’incrédulité. Il la détaille, pas trop, juste ce qu’il faut pour capter qu’elle a l’air fatiguée. T’habites dans l’coin ?

Sa voix est un peu plus grave que dans ses souvenirs, plus marquée par le temps et les années. Mais son regard reste le même. Il croise les bras, l’air toujours légèrement surpris.
 

- Bordel, ça fait quoi… quinze ans ? Il secoue doucement la tête, comme si le chiffre lui-même lui semblait absurde. J’savais même pas qu’t’étais en Angleterre.


C’est honnête. C’est vrai. Il pensait qu’elle avait foutu le camp loin, ailleurs, dans un autre foutu pays, une autre vie. Leur bande entière de potes avaient fini par s'étioler avec le temps, même si c'est elle qui s'était tirée la première. Aucun d'eux avait jamais vraiment su pourquoi. Le fait est que les gens vont et viennent, sans que personne puissent les empêcher. C'est Lily qui lui disait souvent ça, quand il se prenait à devenir nostalgique. On sait pas de quoi demain sera fait Alec, ça se trouve on s'retrouvera. L'émotion qui le prend est carrément étrange alors qu'il reste là à observer Jules au milieu de son paysage quotidien, comme s'il s'agissait d'un mirage.