– Oui, je pense qu'il avait simplement besoin de parler. Tant qu'il ne te fait pas croire des choses fausses, ça va.

Amanda en vient au point qui intéresse le plus Flora, c'est-à-dire la recherche de l'identité de son interlocuteur.

– Ça pourrait être n'importe qui ! Un Poufsouffle, un Griffondor, ou autre... Mais franchement, ça m'étonnerait que ça soit un professeur. Y'a des limites quand même...

Flora et Amanda partent dans une profonde réflexion et n'en reviennent qu'un instant après.

– Je connais pas grand monde ici. Je vois pas trop qui pourrait être ce F. 'Faudrait faire une liste. Mais alors, une liste de tous les garçons dont le prénom commencent par un F, elle serait bien longue. Surtout qu'on ne sait même pas en quelle année il est. Il faudrait déjà avoir un indice sur ça, même un tout petit. Genre quel prof il a, ou quel sort il a apprit en dernier. Avec ça, y'a moyen de connaître son niveau, à peu près.

Flora se sent investie d'une mission secrète et est ravie de pouvoir mener une enquête de la sorte. D'autant que, si elle et Amanda coopèrent, elles seraient deux à chercher cet élève. L'une pourrait entendre quelque chose que l'autre n'a pas à sa connaissance. Flora fini par conclure :

– Il faut en apprendre plus sur lui, ça c'est sûr. Mais discretos. Faire comme si de rien n'était.

Soudain, Amanda déporte le sujet sur Flora.

– Je suis en Première année ! – elle se redresse fièrement en souriant – Heu, bah il y a des camarades que je vois souvent en classe ou ici, en salle commune, mais c'est vrai qu'on n'a pas énormément parlé, quoi. J'ai pas réussi à me rapprocher trop d'eux. Les filles sont toutes déjà en groupe, comme si elles se connaissaient depuis Mathusalem. Et c'est comme si elles ne voulaient pas d'une nouvelle qui vienne tout changer dans leur organisation de qui se met à droite ou à gauche ou au milieu à la Grande Salle... Enfin bref. Et toi, tu es en quelle année ?

Tout à coup, Flora sent qu'on la tire vers le bas. Quelqu'un l'a attrapé et la redescend. Ouf ! Sauvée ! Elle a toujours le regard perdu dans le bleu du ciel et s'attend à voir le visage du professeur une fois retournée dans la bonne direction. Prête à le remercier avant même d'avoir posé un pied à terre, elle est surprise de trouver, à l'autre bout de son bras, le camarade d'Amanda qui la tient par la main. Un peu étonnée, elle le remercie surtout par réflexe qu'autre chose. 

À vrai dire, Flora a eu du mal à digérer le fait qu'Amanda l'abandonne pour aller voir ses autres amis, avant l'ouverture du cours. À 12 ans, on peut s'attacher assez vite... Puisqu'elles étaient venues ensemble, Flora s'imaginait pouvoir rester avec elle et finir le cours à ses côtés. Malheureusement, les instructions du professeur avaient complètement changé la donne. Flora n'y pense que maintenant, mais elle n'a même pas cherché après Amanda entre chaque épreuve. Ayant progressé avec un binôme étrange, Flora a perdu de vue celle avec qui elle souhaitait nouer des liens. Elle s'en veut un peu, mais après tout, Amanda a d'autres amis qui pensent déjà à elle. Notamment ce garçon, qui est pourtant là pour Flora et qui la retient comme s'il tenait la corde d'un ballon gonflé à l'hélium. Elle aussi lui serre fort la main depuis qu'elle a enfin une prise sur quelque chose. Il ne faut surtout pas qu'elle le lâche.

– Oh !... Merci... Attends.

Ses pieds flottent toujours dans les airs. Il faut qu'elle dégonfle si elle ne veut pas s'envoler vers d'autres cieux. Maintenant qu'elle est près du sol, elle ne risque pas de s'écraser de haut. Lorsqu'elle était dans le ciel, elle n'avait même pas tenté d'attraper sa baguette, de peur de la faire tomber et de ne plus jamais la retrouver, ou pire, qu'elle se brise dans sa chute. Elle peut maintenant s'en servir sans crainte pour lancer un Finite Incantatem. Son corps se métamorphose à l'inverse afin de reprendre ses proportions d'origine. L'attraction vers le ciel cesse et la fait se poser en douceur sur la plateforme rocheuse. Elle a réussi !! Enfin... pas toute seule.

– Ah, ça fait du bien d'être par terre !

Elle ne peut s'empêcher d'adresser un large sourire à Basil. Elle aurait pu en faire de même pour n'importe qui, tellement son soulagement était intense.

Soudain en alerte, Flora réalise qu'il y a quelques secondes à peine, elle devait être horrible à voir, avec ses grosses joues et son énorme ventre !! Elle se met à rougir comme une pivoine malgré elle. Quelle honte... Flora n'a pas pu voir l'effet de son sort sur elle. Elle ne sait pas à quoi elle ressemblait. Elle devait être déformée et gonflée de partout. Elle était si près du visage de ce garçon ; il ne s'est même pas enfui en courant ! Heureusement, sinon, adieu la vie sur Terre.

Flora découvre enfin le décor planté au sommet de l'épreuve. Ses deux camarades aperçus sur le mur – la rousse qui faisait des bulles et son fameux binôme avec son tatouage étrange – sont déjà arrivés, trois en comptant le copain d'Amanda (c'est quoi son prénom, déjà ? C'est terrible, cette mémoire de poisson rouge). Elle qui pensait arriver en premier... Bon, ce n'est pas grave, le tout c'est d'avoir réussi. Elle aperçoit une table trônant au milieu de la plateforme où attend un petit déjeuner tant mérité. Elle qui salivait à l'idée de manger, ne se sent soudain plus d'attaque pour avaler quoique ce soit. Son petit tour dans les airs lui a retourné l'estomac. Elle ne peut décidément rien avaler... Quelle dommage, elle qui est toujours motivée lorsque de la nourriture est en jeu.

Flora est si près du but et en même temps si loin...

Ses petits bras sont évidemment trop éloignés de la falaise pour pouvoir s'y accrocher et son corps dérive quelque peu de sa trajectoire. Heureusement, le vent ne l'a pas envoyé se balader dans les nuages. Du moins, pas encore.

Elle ne le voit pas mais elle a dépassé le sommet du mur. Puisqu'elle tourne sur elle-même, elle a beau tourner la tête comme une chouette, elle n'arrive plus à repérer où elle se trouve dans l'espace. Le seul repère qui lui parvient, c'est un cri : "Reviens vers nous !"

Bah oui, c'est bien beau, mais je fais comment ?

Flora est incapable de bouger comme elle le souhaite. Tout comme les bulles de sa camarade qui s'élevaient dans le ciel, elle se laisse balloter au gré du vent. Elle ne peut faire que cela. Impossible de réfléchir à quelque chose de cohérent, impossible de chercher dans son carnet, et y'a pas de panneau stop dans le ciel. Elle a bien gravi le mur comme demandé, à un détail près que ses pieds ne toucheraient pas le sommet si personne ne la rattrape au vol. Elle se décide alors à répondre à l'appel :

– Heu, oui, je veux bien mais je sais pas comment faiiiire !!

Si elle annulait le sort maintenant, elle ne ferait que tomber à pic et s'écraser au sol comme une patate dégonflée.

Une fois l'appréhension passée, Flora est euphorique. Elle vole !!

– Wha ! Je vole !!

Non pas avec un balai, elle vole bien toute seule sans aucune aide exceptée celle de la force magique. Combien de rêves dans lesquels elle volait ? Combien de souhaits informulés ? Aujourd'hui, il lui a suffit d'une formule et d'une circonstance pour réaliser le rêve de n'importe quel enfant. Alors certes, elle ne peut pas se diriger, et c'est bien cela qui l'effraiera dans un troisième temps, mais elle n'y est pas encore. Pour l'instant, elle n'en revient pas vraiment. Il faudra qu'elle raconte à ses parents tout ce qu'elle a fait d'extraordinaire aujourd'hui, bien qu'elle ait l'impression que chaque jour à Poudlard soit extraordinaire. 

Une fois l'euphorie passée, elle profite de son ascension de manière détendue. Elle n'a plus qu'à se laisser porter jusqu'en haut et cette idée est terriblement jouissive. Elle pourrait presque fermer les yeux et ressentir pleinement cette magie l'emporter tranquillement. Tandis que la distance entre elle et le sol ne cesse d'accroitre, Flora dépasse ses camarades accrochés à la roche. C'est à cette occasion qu'elle remarque que son ancien binôme s'était lui aussi attaqué au mur. Sans doute l'avait-elle manqué lorsqu'elle cherchait dans ses notes. Elle voit également des petites mains, crispées à la paroi, sortir de derrière une crinière rousse balancée par le vent. Ils étaient maintenant trois à l'assaut du mur, en comptant le camarade qu'Amanda s'était empressée de rejoindre au début du cours. Elle lève le nez au ciel, le professeur est presque à sa portée. L'excitation est palpable. Se pourrait-il qu'elle finisse réellement la troisième épreuve en premier ? Ça serait trop génial ! Il ne lui reste plus grand chose à parcourir, cependant, Flora sent déjà que quelque chose cloche. Lorsqu'elle tente d'avancer les bras vers le mur, ceux-ci ne sont pas assez longs pour le toucher. Elle est trop loin du bord... Comment va-t-elle faire pour s'agripper une fois arrivée au sommet ?

Le cœur n’y était peut-être pas assez. Il faut penser léger, flotter. Se détendre et se laisser porter. Si le sort fonctionnait, elle serait aussi ronde qu’une des brioches qui l’attend là-haut. Elle aurait de la place dans son bidon pour en avaler au moins une bonne dizaine. Une fille-brioche qui mange des brioches ! Flora pense brioche. La chaleur du four qui fait gonfler et l’odeur qui envahit toute la maison. Les brioches aux pépites de chocolat de sa mère lui manquent. Déjà qu’elle n’en faisait pas assez souvent à son goût. Elle pourrait lui en demander dans sa prochaine lettre. En espérant que le hibou-facteur ne fourrera pas son bec dans ses affaires.

Non, le petit déjeuner qu'offre le prof ne pourra pas surpasser celui de la maison... mais il faut quand même en avoir le cœur net.

– Brioche ! Heu non... Gonflus !

Flora s'arrondit et prend peur tout à coup. Mais pourquoi elle a fait ça ?! Elle ne sait pas si c'est une bonne ou une mauvaise idée, mais elle l'a fait. Son corps se gonfle assez pour faire décoller ses pieds de terre. Elle voit le sol s'éloigner peu à peu tandis qu'elle flotte doucement dans les airs. Elle regarde vers le haut : le sommet se rapproche petit à petit. La paroi rocheuse défile doucement devant elle et elle se laisse alors porter sereinement vers le haut.

Étalée de tout son long dans l'herbe, Flora regarde le ciel. Les nuages jaunes tranchent doucement sur le plafond azuré. Un vol d'oiseaux. Des oiseaux qu'elle n'avait jamais vu à la ferme. Elle se demande pourquoi les créatures magiques, qui n'ont pas de barrières, n'apparaissent pas aux yeux des Moldus. Le ciel est universel et n'a pas de frontières. Se sentent-ils en sécurité auprès des sorciers ? Ressentent-ils un confort au sein des terres magiques possédant une force qui leur serait familière et protectrice ? Y a t'il des environnements plus propices à l'évolution des pokém... des animaux magiques ? Flora n'en a pas conscience, mais les braconniers existent aussi chez les sorciers. Elle ne se doute pas de la valeur et des vertus des composants de ces êtres vivants, tout comme certaines plantes. Flora a encore tant à apprendre et se pose tellement de questions, qu'elle ne saurait toutes les formuler même si on lui laissait du temps.

Toujours allongée par terre, Flora tourne la tête et voit une Serdaigle assise sur un rocher en train de lancer des sorts. Elle admet qu'un petit Qu'on sait qu't'aies tué, Drailleur serait le bienvenu (en tout cas, c'est comme ça que Flora prononce ce sortilège, qui lui laisse toujours une pensée bizarre). Elle se met à espérer que l'air chaud produit par la baguette de sa camarade parvienne jusqu'à elle, trop fatiguée à l'idée d'enchaîner autant de sorts en une seule matinée. Et puis, elle se dit que lorsque le professeur fera disparaitre le marais comme il a fait disparaitre le bassin, peut-être que la boue de ses vêtements se volatilisera également. Dans ce cas, il ne reste plus qu'à attendre. Et se reposer un max avant la troisième et dernière épreuve, celle du Mur.

Flora n'y croyait plus, et pourtant, elle voit enfin se rapprocher l'herbe verte du terrain. Un sol frais et stable lui tend les bras, signant la fin de l'Épreuve du Marécage. La petite Poufsouffle ne se précipite pas, cependant. Il ne manquerait plus qu'elle glisse et s'enlise à quelques pas de la victoire. Tandis que le niveau de l'eau baisse et que les brins d'herbe se laissent deviner sous l'eau trouble, Flora foule le gazon du stade de ses pieds griffus. Une fois suffisamment éloignée du marais, elle s'assied par terre, étalant ses longues jambes. Elle contemple avec soulagement les petites griffes déplaisantes se rétracter et ses jambes glisser sous son pantalon pour reprendre leur taille normale. Puis, elle laisse aller sa tête en arrière et c'est tout son corps qui s'affale dans l'herbe fraîche, bras écartés, pour respirer à plein poumons l'air sain et frais du matin.

Progression de Flora : Arrivée !!

Flora ne voit pas le bout de cette épreuve. Cette aventure à la Crocodile Dundee lui paraît interminable. A-t-elle fait le plus gros du chemin ? Est-elle toujours aussi près de l'arrivée ? Elle n'en a aucune idée car elle n'est plus là spirituellement. Son corps tente de s'extraire de la vase mais son esprit divague et pense à plein d'autres choses. Normal, donc, qu'elle ne soit plus assez concentrée pour éviter le syphon marécageux qui aspire et recrache ce qui ne lui plaît pas. Entraînée par le tourbillon lent, Flora ne parvient plus à maîtriser sa marche. Il ne faut pas qu'elle se laisse entraîner par le courant tourbeux. Vite, le sort d'ancrage !

– Ungula Stabilo !

À son grand soulagement, le tourbillon diminue en puissance. Ou bien c'est parce que le sort a fonctionné. Dans tous les cas, elle parvient à se dégager de cette force qui l'attirait en contournant le piège. En relevant les jambes bien haut, Flora aperçoit de petites griffes au bout de ses ongles ! Quoi !? Mais c'est moche ! Mais bon... C'est pratique, alors on ne va pas se plaindre.

Au-delà de la ligne d'arrivée du marécage, Flora contemple les gradins vides du terrain de Quidditch. Elle n'a jamais vu de match de ses propres yeux mais avait eu la curiosité de se rendre à un ou deux entrainements pour découvrir ce sport magique. Selon certains, les entrainements n'ont rien à voir avec le spectacle qu'offre un véritable match, encore plus pour la Coupe du monde . Elle a pu voir des images mouvantes dans des journaux, revues ou cartes postales du monde magique, mais avant cela, elle ne savait pas en quoi le Quidditch consistait. Certains diraient que ça ressemble plus à du basket-ball avec les cerceaux ou du baseball avec la batte - pour ceux connaissant ces pratiques moldues -, mais pour Flora, cela ressemblait plus à la balle au prisonnier à cause du Cognard qui prenait pour cible les pauvres élèves volants. Sauf que, lorsqu'on se prend un coup, on n'atterrit pas en prison, mais à l'infirmerie.

Progression de Flora : 30/50