Samedi 6 octobre
 

Ça s'est organisé à l'arrache. D'ailleurs, organisé est un bien vaste mot. Disons qu'le bouche à oreille à fait son taff. Sont une poignée, pas plus. Éparpillés dans une salle de classe désaffectée du troisième étage que Pope les a exceptionnellement autorisé à utiliser. C'est pour s'entrainer m'sieur. Un argument pareil, fatalement qu'ça fait mouche, savez. D'ailleurs, c'est vraiment pour s'entrainer. La coupe crachera sous peu le nom du champion qui va représenter Poudlard aux côtés des deux autres écoles du tournoi, et toutes celles et ceux qu'ont foutu un bout de papier à l'intérieur espèrent que ce sera le leur qui sortira.

En attendant, tout ce joyeux petit monde se prépare.

Nombre de théories plus farfelues les unes que les autres inondent les couloirs, avec son lot de rumeurs abominables que l'on glisse souvent aux heures des repas. Certains bûchent comme des demeurés entre les rayonnages de la bibliothèque, ou dans des pièces vides qu'ils s'accaparent plusieurs heures de rang. D'autres s'inventent des épreuves fictives entre deux cours, en affrontement un contre un ou deux contre deux. Plusieurs se tapent des délires à faire leurs plus belles heures supplémentaires après les cours, dans l'espoir d'extirper des informations aux professeurs - en vain. 

Beaucoup passent d'une occupation à l'autre sans grande logique, ni réelle conviction : comme s'ils n'essayaient finalement que d'oublier l'infrangible suspense instauré dans les dernières semaines. C'est au cœur de cet ennui vorace que l'idée d'un tournoi de duels clandestins germe. Mais, si nombre d'élèves se montrent intéressés, peu ne finissent pas par se désister. Qui d'avancer que le club se suffit à lui-même et que ce ne sera qu'une perte de temps. Qui d'annoncer des révisions autrement plus importantes. Qui de prétendre se réserver pour le vrai tournoi, et éviter toute blessure inutile.

Ambrose et Sam l'ont lâché pour plusieurs de ces raisons.

N'empêche que Ferguson est là et bien là, campé dans ses pompes usées, la chemise froissée qui dépasse du pantalon, une clope à l'oreille et sa baguette bien ancrée dans le fond de son étui. La pièce comporte que quelques chaises qui s'alignent contre les murs, certaines à trois-pattes, comme dénaturée par un trop plein de tests de métamorphoses. Elly tape son meilleur discours. Sixième année, Serdaigle, une paire de lunettes sur le nez, un passif de nerd appliqué. Le type s'affronte lui-même aux échecs sorciers à toutes les pauses déjeuner, en plus d'avoir lu beaucoup trop de manuels au sujet des duels magiques. 

- Hm-hm… Bonjour à tous. Merci d’être venus. On est… huit ? Neuf ? C’est très bien. C’est assez. C’est… symbolique. Ceci n’est pas un tournoi. J’veux dire, si, un peu. Mais c’est plus un genre de simulation. Une étude. Une tentative de reproduction en conditions… enfin, pas vraiment réelles, mais presque.

Ouais alors en fait le discours est pas si fou. À la hauteur du charisme du mec en fait. D'ailleurs les règles du tournoi sont clairement inventées sur le tas.

- On a deux juges : moi, et Anna, merci Anna. Elle a promis de pas tricher, même si son cousin participe.
- Les premiers duels vont se passer en parallèle ! Vous pouvez choisir qui vous affrontez. Les vainqueurs se feront face à la manche suivante. Bref, rien d'bien compliqué. Est-ce que tout l'monde est prêt ?

Chacun hoche la tête, se jauge rapidement, puis les gens bougent pour se trouver un adversaire. Ainsi Ferguson se retrouve au devant d'Izy Hobbs. Une Gryffondor de son année, batteuse de son équipe. Vrai tempérament de merde. Il échappe un rire par le nez alors qu'il balance le menton vers l'avant avec insolence.

- Bah tu vois on avait pas b'soin d'attendre d'avoir des matchs pour se foutre sur la gueule !
- Nan mais c'est mort, je change en fait. Ah ! Toi ! T'as personne ? Elle se dirige vers Edgar sans hésitation aucune, sous le regard incrédule de Ferguson, qui lève les bras : sérieux ? J'suis venu là pour m'entrainer sérieusement, Decker. Bah moi aussi, pis j't'emmerde !

Il lui balance un doigt tandis qu'elle s'éloigne. Norton est un Serpentard de leur année. Assez convivial pour que Fergus lui ait jamais décroché plus de dix mots. Bref. Ferguson s'retrouve sans aucun partenaire, et Anna s'approche de lui :

- Bon c'est pas grave, ça va tourner hein ! À vos baguettes tout le monde ! Elly, fais le décompte... Cinq, quatre, trois, deux, un... go !

Des éclairs fusent à travers toute la pièce.

Tournoi clandestin. Deux mots suffisant à faire naître un frisson d’excitation chez Edgar. Une armée de cobayes, déterminés à lui arracher la victoire. Probablement gonflés à bloc par la perspective de faire partie du tournoi des Trois Sorciers. Cela faisait un moment qu’Edgar n’avait pas été autant enthousiasmé par une initiative d’un de ses pairs. En plus, cela faisait quelques années que très peu de Serpentard se risquaient à le provoquer en duel. Or, vu qu’il n’était pas du genre à prendre l’initiative, cela avait grandement réduit les occasions de mettre à l’épreuve les sorts de protection appris en autodidacte.

Tournoi clandestin. Un bon moment en perspective. C’était sûr, l’heure d’après allait être incroyable…

…ment décevant.

- Bon, venons-en aux règles. Pas de contacts physiques autorisés, c’est un duel de sorciers. J’veux dire, on n’est pas des moldus. Enfin, rien contre les moldus, hein, mais ce sera un combat magique, avec l’obligation de n’utiliser que sa baguette. Pas de mani… mano… manumagie. Et n’hésitez pas à vous montrer créatifs, il y aura des points sur la créativité, la constance, la rapidité et la réactivité.

Edgar écouta jusqu’au bout le discours du Serdaigle qui se prenait pour un organisateur. On était loin du speaker en costume impeccable et aux oreilles en chou-fleur, qui avait pris sa retraite et raccroché les gants pour commenter des matchs de boxe clandestin. Non, l’élève en question avait le charisme d’une huitre et le physique d’une crevette. Et Edgar n’avait jamais aimé les fruits de mer.

Si on lui avait donné une cheminée et de la poudre de cheminette, pas sûr qu’il ne soit pas retourné à sa salle commune pour pratiquer ses habituelles sessions d’entraînement. Il avait l’impression qu’on lui avait promis du chocolat et qu’on lui servait d’engrais à la place.

Bon, c’était pas grave, qui avait le ventre vide ne pouvait faire la fine bouche. Et en matière d'adversaires, Edgar n’avait rien eu à se mettre sous la dent depuis un moment. Il commença à regarder autour de lui, à la recherche d'une candidat sérieux… et une véritable fusée rouge se planta devant lui pour le défier en duel.

Avec la grâce d’un crapoquet, elle se mit ensuite à échanger des politesses avec un grand gaillard de chez Poufsouffle, Decker, qui aurait visiblement voulu être son premier choix.

Edgar garda son agacement pour lui et se concentra sur le moment présent.

Règle numéro 1 d’une très longue liste : ne jamais sous-estimer personne et se méfier des apparences.

Et venant du cerveau d’un type avec la faculté de se métamorphoser en n’importe qui, cette règle a du sens.

- Pouvons-nous commencer ?

Le “Un” de la fin du décompte venait à peine de se faire entendre qu’Edgar lâcha l’un de ses célèbres Expelliarmus.

Le sort d’Edgar fonctionna, tout comme le Protego de son adversaire qui regarda le maléfice ricocher contre son bouclier avec un certain dédain.

- Tu ne pensais quand même pas qu…

- Finite Incantatem. Expeliarmus

Edgar n’avait pas le temps pour les échanges de politesse et ce n’était pas la première fois qu’on bloquait l’un de ses Expeliarmus. Un Finite Incantatem pour désactiver la barrière et un Expeliarmus pour lui arracher sa baguette. 

Quelques secondes et un Accio plus tard, la baguette d’Izy était dans sa main.

- J’ai gagné, on est d’accord ? Tiens, reprends ta baguette. Et si tu veux t’entraîner sérieusement, commence par ne pas assumer que les autres le sont moins que toi.

Et il s’éloigna pour rejoindre Decker afin de l’affronter en duel. Il pensait voir la rage de vaincre dans les yeux de son vis-à-vis et ça lui plaisait.

- Pas de mani... mano... manumagie ? Commente Gus alors qu'il est forcé de mater les autres élèves s'exploser sans rien pouvoir faire. T'as pris un sort de confusion dans la gueule ou quoi ?
- C'est toi, ta gueule.

Elly la répartie, qu'on l'appelle dans l'milieu. Sans doute qu'on peut lui pardonner. L'type est pas fort doué pour causer en public. C'est déjà miraculeux d'le voir orchestrer un évènement de cet envergure. Ouais, envergure ouais. Neuf personnes tout d'même. Faut souligner la prouesse.

- T'fais un duel contre moi ?

- Nan, j'arbitre ! Reste tranquille tu m'déconcentres. Pas d'accrochage physique on a dit !
- J'ai pas d'adversaire j'm'emmerde. Pourquoi pas d'manumagie d'abord ?

Ça fait quand même depuis la troisième année qu'on leur apprend, c'est assez con de pas pouvoir s'en servir en duel.

- Parce que c'est moi l'arbitre et qu'j'ai décidé.
- C'est moi qu'ai décidé. C'est trop chiant d'suivre si on laisse les deux ok ? Gus, tiens toi prêt, ça se termine au fond !

C'est du rapide. Expéditif, même. À se demander si Hobbs y a mis du sien malgré ses dires de vouloir s'entrainer sérieusement. Est-ce qu'elle a perdu ses moyens à ce point ? Ferguson plante le regard sur un Norton nommé vainqueur tandis que le reste des élèves continuent de batailler. On va pas s'mentir. Ça lui fait plaisir de voir Izy fermer sa grande gueule. Avancé vers le Serpentard, Fergus dégaine Tori et se place en face de son nouvel adversaire. La Gryffondor, elle, est partie se plaindre du côté des arbitres.

Le salut obligatoire a clairement pas la même dégaine d'un côté et de l'autre. Celui de Norton a l'impeccabilité d'une putain d'horloge. Celui d'Gus est nonchalant, à moitié exécuté, à moitié zappé. Pis de s'éloigner de plusieurs pas tandis qu'Anna leur refait le décompte. C'est loin d'être son premier duel, comme masse d'élèves de leur année, et Fergus a déjà prévu son premier sort, qu'il décide bien sûr d'informuler dès lors qu'il se retourne. Le geste assuré.

 

Le bouclier se dresse immédiatement au devant du sorcier, destiné à parer l'éventuelle première attaque de son adversaire.

Edgar avait plusieurs raisons de faire durer le duel, cette fois-ci. Déjà, son expérience lui avait appris qu’être prévisible était dangereux pour un sorcier. Il y avait tant de sortilèges existants que se limiter au même maléfice, même parfaitement exécuté, pouvait rarement mener à la victoire. Ou du moins, pas contre des adversaires ayant passé plus de trois ans à Poudlard.

Non, cette fois-ci, il allait se montrer davantage patient, se conduire comme il le ferait s’il se retrouvait à participer au Tournoi des Trois Sorciers. Quand il était plus jeune, perdre lui importait peu car il voyait les duels comme une manière d’engranger l’expérience. Mais plus il allait prendre de l’âge, plus il y avait de chances que l’issue d’un duel soit ce qui le sépare de la mort. Il ne pouvait donc plus se permettre de prendre les choses à la légère.

Son salut, froid, précis, quasi militaire, contrastait avec celui pataud de Decker. Serpent contre blaireau. Edgar n’était pas homme à mépriser ou sous-estimer les Poufsouffles. Après tout, le blaireau à miel, avec ses douze kilos à peine, n’hésitait pas à se frotter à des animaux bien plus gros que lui et s’en sortait souvent.

Sa tactique ? Les mordre au scrotum pour provoquer une hémorragie, tandis que leurs propres morsures étaient amoindries par sa peau très épaisse, véritable armure. Non, ce type de blaireau était une véritable arme biologique dont la taille avait été équilibrée pour éviter la disparition d’espèces entières. Il était même équipé d’une poche anale réversible, dont l’odeur était utilisée pour neutraliser les abeilles et récupérer le miel dont il était si friand.

Bref, ce n’était pas une coïncidence si les blaireaux avaient été mis au même niveau que les aigles, les lions et les serpents. Travailleurs et loyaux, leur plus gros frein à leur ascenseur social était leur manque d’ambition et leur humilité, même si cela n’en avait pas empêché certains de devenir Ministres de la magie.

Et ce n’était pas un blaireau lambda qui faisait face à Edgar. Non, au vu de son attitude désinvolte, qui criait son mépris de l’autorité et des circonstances, il avait affaire à un blaireau à miel. Qui faisait ce qu’il voulait quand il voulait, en comptant sur ses prédispositions pour s’en sortir.

Autre avantage injuste que les blaireaux à miel possédaient : une résistance au venin des plus terribles serpents africains, notamment ceux des vipères, des cobras et même du célèbre mamba noir. Utile puisqu’ils adoraient accompagner le miel de viande de serpent. Être résistant ne voulait pas dire être immunisé, ils étaient parfois plongés dans un coma de plusieurs heures après avoir été mordu par le serpent qu’ils chassaient. Cependant, leur morsure avait probablement déjà réduit le serpent à l’inaction et, une fois réveillés, ils n’avaient plus qu’à reprendre leur repas comme si de rien n’était.

Bon, Edgar n’était pas en train de se remémorer tout ce qu’il savait des blaireaux mais plutôt de réfléchir à son plan de duel. Il allait jouer sur ses forces : sa réactivité et son aisance avec les sortilèges défensifs. Et donc laisser l’initiative à son adversaire. Cependant, que faire si son vis-à-vis avait la même approche qu’Izzy et enchaînait les Protego ?

Il lui fallait pouvoir punir un manque de proactivité de la part de Decker en le mettant face à une menace réelle, qui durerait plus longtemps qu’un sortilège.

Le décompte se termina, Edgar se retourna, baguette levée, prêt à se protéger. À peine eut-il le temps de constater l’absence de trait de magie que sa baguette dessinait un serpent dans les airs.

—  Serpensortia

La baguette d’Edgar fit apparaître une vipère qui fila en direction de Decker, les crocs sortis.

C’était l’occasion de voir si le Poufsouffle était aussi résistant aux venins que la mascotte de sa maison.

Aucun sortilège ne perce le bouclier de Ferguson. Tout bonnement car aucun sortilège n'a été lancé. Du moins, pas sur lui, directement. Norton a prononcé une autre formule distincte, qui vient de faire paraitre un serpent sur le sol. Frappant de créativité de la part d'un Serpentard, n'est-il pas. Ce n'est pas une première, et sans doute pas une dernière. Informé depuis ses dernières déboires duellistes à faire face à ce genre de reptile, Fergus se contente de dessiner dans l'air une courbe pratiquement identique à celle de son camarade.

- Herpestes Sortia !
 

Le trait magique vibre dans l'air, forme en quelques secondes une silhouette familière qui ne tarde pourtant pas à s'effacer sans que rien ne se soit extirpé de la lumière.

- Merde, lâche Ferguson en toute objectivité, un pas vers l'arrière alors que le bordel rampant lui file dessus à pleine vitesse. Dégage toi !

C'est rapide comme merde, et Fergus parvient qu'à peine à esquiver son attaque d'un pas sur le côté qui le déséquilibre. Le serpent disparait dans le néant sans être parvenu à mordre, mais c'était franchement pas loin.

- Bordel à cul. T'sais que c'est pas un putain d'combat de pokémons hein ?

Bref, Fergus a le seum. Mais c'est juste parce qu'au final il aurait peut-être du lancer l'premier son attaque.

Le serpent avait accompli son objectif. Ce n’était pas de mordre Decker, mais de l’occuper et de le perturber. De l’obliger à réagir, à utiliser ses sorts. Bon, ça n’avait pas fonctionné mais le but d’Edgar était atteint : détourner son attention pour pouvoir lui lancer une attaque.

Et c’est ainsi qu’au lieu de répondre à la tirade de Decker, Edgar l’attaqua directement et sans ménagement.

Attendre que son adversaire avait fini de parler avant de poursuivre le duel ? C’était bien un truc de Poufsouffle, ça !

— Incarcerem

Des cordes surgirent du néant, s’enroulant autour de Decker comme un boa autour d’un blaireau. 

Il avait toujours sa baguette et la possibilité de l’utiliser.

Saurait-il se libérer du sortilège ou préférerait-il contre-attaquer ?

Il a pas fini d'causer que l'autre a déjà balancé un second sortilège, déployant des liens épais dans la direction de Gus. Entravé par le bordel en une poignée de seconde à peine, le batteur a pas la moindre chance de contre-attaque, du moins pas avec sa baguette magique qu'il peut clairement plus agiter comme il veut. L'idéal serait de balancer quelque chose par manumagie. Sauf que la manumagie est strictement interdite. Drôle.

L'élan l'fait se débattre avec énergie, suffisamment pour libérer au moins un poignet. Habile Bill. Alors il tente un truc, le geste approximatif, la formulation brutale et sans hésitation :

- Plasticinum.

Sa baguette se prend dans la corde : impossible de finir le geste. Ferguson est à la merci de son adversaire.

Malheureusement pour lui, le sortilège que Decker tenta de lancer ne fonctionna pas. Edgar ne savait que trop bien le sentiment de solitude que l’on ressentait quand ça arrivait, d’autant plus quand ça faisait partie des sortilèges qu’on avait l’habitude de lancer.

Cependant, il devait se donner à fond et donc ne pas ménager son adversaire. L’occasion était trop belle, il était temps de mettre fin à ce duel.

— Expelliarmus

Le sortilège d’Edgar fila à toute vitesse vers Decker, avec pour objectif de faire s’envoler sa baguette et, avec, probablement ses chances de remporter la victoire.

Son adversaire aurait-il le temps de se protéger ou de réagir ?

Pas d'hésitation du côté d'Edgar Norton, alors qu'il enchaine d'un Expelliarmus qui file directement dans sa direction. Fergus peut pas l'en blâmer. Il aurait fait de même à sa place. Dans une tentative un peu désespérée, le batteur tente un dernier geste à travers l'entrave, la formule beuglée avec énergie :

- Protego !

Sans grande surprise, l'entrave empêche Ferguson d'aboutir son sortilège, et nul bouclier ne permet d'arrêter le trait ennemi. La corde pourtant, est salutaire, car son mouvement étouffant dévie l'Expelliarmus de sa trajectoire. Mauvaise nouvelle ou bonne nouvelle, allez savoir. Ferguson reste complètement à la merci de Norton, plus coincé que jamais dans un étau qui ne semble pas du tout prêt à se relâcher.

Le duel sera terminé sous peu, c'est certain. Le type est clairement un niveau au-dessus de lui. La posture froide et rigide, le regard calculateur et les sortilèges enchainés les uns derrière les autres sans nécessité de réflexion aucune. Autour d'eux, plusieurs duels se sont terminés, les partenaires échangés tandis que de nouveaux décomptes se lance. On peut pas dire qu'il a été aussi expédié que Hobbs, mais presque.

À moins d'un retournement miraculeux de situation au prochain mouvement d'Edgar, il sait d'ores et déjà qu'il a perdu.

Decker tenta un Protego qui fut malheureusement raté. Sa baguette ne semblait pas décidée à laisser le Poufsouffle remporter ce duel. Cependant, il eut de la chance dans la malchance : la corde de l’Incarcerem, dans son mouvement, fit prendre au corps de Decker une position inattendue qui lui permit d’éviter de juster l’Expelliarmus d’Edgar.

Cependant, la situation ne changeait pas. Le blaireau était emprisonné dans l’étau du boa qui avait jeté son dévolu sur lui. Et l’absence de venin sur ses crocs n’allait pas empêcher la morsure d’être particulièrement douloureuse.

Edgar avait appris à la dure qu’on ne jouait pas avec la nourriture, surtout quand elle se faisait rare.

— Stupéfix
 

La baguette d’Edgar émit un crépitement mais rien ne se passa. Edgar fit un rictus : c’était à présent son tour d’être le jouet d’un destin moqueur.

Le duel continuait et il avait intérêt de ne pas se reposer sur son avantage.

Le sortilège suivant ne frappe jamais Ferguson, tandis que l'entrave le libère enfin, la magie dissipée en quelques secondes. La chance du poufsouffle vient de tourner, et il est hors de question de laisser passer ça. Profitant de la soudaine faille, Fergus s'avance, Tori en main, informulant son attaque pour un meilleur effet de surprise.

Le trait fuse, implacable. Tout va se jouer dans ces quelques secondes. Edgar peut encore parvenir à l'esquiver, ou à s'en protéger en dressant un bouclier. À moins qu'il ne décide de contrer d'une attaque de son cru qui viendrait frontalement s'opposer à celle de Ferguson. La main assurée de Ferguson ne tremble pas alors que le temps semble comme se figer, le suspense à son comble.

L’adversaire d’Edgar riposta avec un maléfice de renversement lancé avec efficacité. Edgar décida de s’en protéger, acceptant de rendre l’initiative à son vis-à-vis.

— Protego

Le bouclier protecteur d’Edgar se dressa à temps, encaissant le maléfice. Il guettait à présent la fenêtre dans le prochain assaut de son adversaire pour pouvoir contre-attaquer, mais c’était à présent à lui d’encaisser.

Un bouclier se déploie, sur lequel s'écrase le sortilège de Ferguson. Ce dernier ne perd pas de temps avant d'agiter de nouveau sa baguette, pour enchainer une seconde attaque.

- Expelliarmus !
 

Cette fois, Edgar n'a pas le temps de se protéger du trait, qui fait voltiger sa baguette dans les airs et la projette plusieurs mètres en arrière. Puisque la manumagie est interdite, cela met naturellement fin au duel, son adversaire étant proprement désarmé et à sa merci.

- Victoire de Ferguson Decker de ce côté-ci, annonce Anna, qui a suivi leur duel avec attention. Edgar, faut que t'attendes que Joan et Dan aient fini leur combat, tu prendras le perdant. Fergus t'affrontes Jacob !
- Bonne chance, lui balance Ferguson en toute sincérité.

Le fonctionnement était simple. Puisqu'ils étaient en nombre impair, un perdant avait toujours moyen de revenir sur l'arène, pour peu qu'il défasse un autre perdant. Hobbs avait en l’occurrence perdu ses deux combats et s'écartait définitivement du tournoi. Norton en revanche, avait encore ses chances d'y revenir, s'il remportait le duel suivant. Avancé en direction de Jacob, Fergus lui serre la main. Le type est de sa maison. Un bon gars. Mais vachement plus scolaire que lui. Pas qu'ce soit bien difficile de trouver plus scolaire que lui.

- T'as gagné face à Norton ?
- Yup.

Coup d'bol, on va pas s'mentir. Mais ça Gus ira pas l'crier sous tous les toits. Il tarde pas à saluer l'autre tandis qu'Anna relance un décompte, non loin d'eux.

Edgar était sur ses gardes mais cela ne suffit pas. Pour la première fois depuis très longtemps, un sorcier avait réussi à le prendre de vitesse, au point qu’il n’avait pas eu le temps de se protéger.

Et l’Expelliarmus qu’il venait de prendre de plein fouet n’était pas juste rapide mais extrêmement puissant. Le souffle coupé, sa baguette projetée à plusieurs mètres, Edgar resta interdit. Quelques secondes, le temps de comprendre ce qu’il vient de se passer.

Anna, qui avait suivi le duel avec attention, annonça Decker en gagnant, qui souhaita bonne chance pour la suite à Edgar. Le jeune Serpentard se reprit.

— Merci, bonne chance à toi aussi. C’était… un très bon sortilège, lui répondit Edgar, sincèrement impressionné.

Il avait bien jaugé son adversaire : un sorcier certes impertinent, pas forcément super scolaire mais dont la magie suintait à travers les pores, voulant protéger son maître. Un sorcier naturel. Un très bon adversaire, auprès de qui Edgar avait des choses à apprendre. Il avait hâte de l’affronter de nouveau et donc d’en découdre avec tous les obstacles qui pourraient l’empêcher de le faire.

Le premier obstacle, Dan Siemens, était un Serdaigle qui venait de perdre face à Joan, une Gryffondor. Edgar avait pu suivre la fin du duel, il avait été serré mais la Serdaigle avait fini par céder face à l'ingéniosité de son adversaire.

C’était à présent au tour du Serpentard de se mesurer à Dan.

— Sans vouloir te manquer de respect, je compte me servir de notre duel pour m’entraîner à me protéger. Je te laisse dix sorts d’avance.
— Pour qui tu te prends, Norton ? Je vais t’écraser.

Edgar ne répondit pas et exécuta son salut, tandis que le décompte se faisait entendre. Decker l’avait pris par surprise, il était rare que quelqu’un parvienne à devancer ses Protego. Il fallait qu’il soit plus rapide.

Gonflé à bloc, Dan remplit son rôle. Les Conjonctis, Impedimenta, Petrificus Totalus et autres politesses ne tardèrent pas à pleuvoir sur Edgar, qui ripostait à la dernière seconde par des Protego aussi prévisibles qu’efficaces.

Il était déçu, son adversaire lançait des sorts avec beaucoup moins de rapidité que Decker et son Expelliarmus. Entre deux Protego, il chercha donc à le stimuler.

— Tout homme s’enrichit quand abonde l’esprit ? Bah, tu dois pas être bien riche, toi… On dirait de la magie de première année !

Le visage cramoisi, Dan passa à des sortilèges plus avancés, dont notamment un Levicorpus qu’il ne réussit malheureusement pas à exécuter. C’était mieux mais insuffisant. Edgar l’encouragea.

— T’as validé tes BUSES par ta connaissance de l’Histoire de la Magie, non ? Si tu fais face à des Détraqueurs, tu comptes leur réciter les dates de naissance des cinq derniers ministres ?
— Rah, ta gueule Norton ! Je vais te dérouiller !

Dan se mit à faire des mouvements beaucoup trop grands avec sa baguette. S’il avait été plus proche, il l’aurait probablement planté dans la figure du Serpentard. Edgar soupira de déception. Il était temps d’en finir.

— Expelliarmus !

Le sortilège passa à côté de Dan. 

— Tu te moques de moi, Norton, mais faudrait apprendre à viser. C'est pour ça que tu ne m'attaquais pas ?