Homme
16 ans
Sang-mêlé
Ukrainienne






Identité
-
- Sixième année
- Surnoms : Sashou
- Nationalité : Ukrainienne
Capacités & Statuts

Groupes

Message publié le 23/05/2025 à 17:05
Sasha eut une grimace qui fronça ses tâches de rousseur - le point commun qu'il partageait avec la famille Carter, même si les siennes se mélangeaient, moins visibles, au teint plus tanné de sa peau.
- J'ai pas eu de nouvelles depuis novembre, admit-il, un peu embarrassé.
Il ne savait pas si sa famille avait essayé de le joindre depuis. Il préférait se dire que c'était comme lui : il évitait d'écrire pour ne pas donner à l'ennemi des informations qui auraient pu mettre sa famille en danger. Et puis, c'était décourageant de ne pas savoir si les lettres arrivaient à bon port. Et puis d'autres choses en son for intérieur l'avaient poussé à ne plus envoyer des nouvelles ; des choses qu'il n'identifiait pas bien lui-même, et auxquelles il évitait de penser. Sasha sortit un instant le Vif d'Or de sa poche, il voleta au-dessus de sa paume.
- Oui, j'ai une p'tite soeur. C'est pour elle, il dit à voix basse, et ses doigts se refermèrent sur l'objet pour le faire disparaître, avant de poser son regard vers Charlie. Mais elle est p'tite. Plus jeune que toi encore.
Elle avait dû changer. Parfois, il se demandait si elle le reconnaîtrait, si un jour ils se revoyaient. Cette pensée le peina et il reporta son regard vers Fenella. Il haussa les épaules.
- Je sais pas ce qu'on peut appeler être touchés directement par la guerre. Quand j'suis parti, la ligne de front était encore loin du village. Mais elle se rapprochait, et on n'avait plus accès à un certain nombre de choses. Certains produits. Puis les gens n'osaient plus vraiment se déplacer dans le pays. Et les prix sont devenus dingues. Et des gens sont partis en disant qu'ils reviendraient, et ils ne sont pas revenus. Et d'autres sont partis la nuit sans dire qu'ils s'en allaient en emportant des choses qui n'étaient pas à eux. Alors de cette manière-là, on était directement touchés.
La guerre, c'était compliqué à expliquer à quelqu'un qui ne l'avait pas vécue : on n'avait pas besoin d'être devant un front pour savoir qu'il y avait la guerre : il suffisait de recevoir un courrier qui disait que votre fils allait atteindre l'âge de rejoindre l'armée d'office pour défendre son pays, et que vous étiez cordialement prié de l'y envoyer.
Sasha contempla un instant son assiette vide, avant de reprendre.
- Moi, mon père pouvait pas y aller, il a un handicap, alors il a été... Comme dispensé, je connais pas le mot en anglais. Mais tout le village a envoyé du monde, c'était gênant que ma famille et moi on fasse rien. Alors je m'suis engagé chez les Veilleurs.
Cette déclaration l'emplit d'oxygène et il se redressa. Mais les regards que lui renvoyaient les filles lui firent réaliser qu'elles n'avaient probablement pas vraiment idée de ce dont il s'agissait.
- Les Veilleurs de l'Aube, c'est les sorciers ukrainiens qui vont se battre, dut-il donc préciser, avant de regarder de nouveau Charlie. Puis Freya. Puis Charlie. Et la suite, c'est pas pour les enfants, désolé.
Incité à se servir copieusement, Sasha n'avait finalement pu résister. Tout en parlant, il s'était mis à remplir son assiette et bientôt, il s'absorba dans la dégustation de son potage. Il essayait de ne pas manger trop vite, mais le garlic bread était délicieux, surtout trempé dans le potage, et Sasha avait du mal à ralentir. Il relevait le nez de temps à autre, vaguement conscient de manquer de manières, mais attentif au récit à deux voix que lui offraient Charlie et Freya.
C'était une sacrée histoire. Il ne s'y était pas attendu. C'était peut-être ça, qu'il partageait sans le savoir avec les Carter, et qui le rapprochaient naturellement d'elles : le secret, les séparations, l'absurdité du destin.
C'était donc ça, le en voyage et en déplacement. Rien à voir avec les rendez-vous professionnels internationaux que Sasha s'était imaginé pour Owen Carter. Il haussa les sourcils, suspendit devant lui sa cuillère à soupe de laquelle gouttait tranquillement la sauce encore fumante.
- Woah. Fen' a raison, tu gères tout, du coup.
Il acquiesça d'un mouvement de tête vigoureux, pour signifier qu'il comprenait tout à fait la question du tuteur légal, avant de se remettre à manger. Bientôt, l'assiette fut vide, parfaitement nettoyée grâce aux derniers morceaux de pain. Le potage réchauffait son ventre, mais pas que ; c'était plutôt doux de partager un repas autour des histoires de chacun. Ca lui rappelait la table de la cuisine de sa propre maison, autour de laquelle ils écoutaient avec avidité toutes les nouvelles que son père ramenait de sa journée de travail - les anecdotes croustillantes, les accomplissements du jour, les petits potins. Et les nouvelles du front.
- Je comprends, il finit par ajouter après un silence. Je dirai rien.
C'était donc comme ça que vivait une famille qui attendait que quelqu'un revînt après de longues années d'absence. La vie continuait sans la personne, mais avec son ombre. Il se demanda comment c'était chez lui, à cette heure-ci. Si sa mère avait préparé à manger pour quatre, au cas où. Si quelqu'un était parti à sa recherche. Si leur hibou guettait son retour - sûrement pas, le vieux rapace de la famille passait son temps à dormir, et il n'était pas sûr que ce n'était pas lui le problème du peu de nouvelles qu'il recevait de son côté.
Sasha s'efforça de sourire à Charlie parce que leurs regards se croisèrent, et cela creusa des fossettes tristes dans ses joues.
- C'est quand même la classe, une mère exploratrice.
Silence.
Sasha regarda Freya de nouveau.
- Alison le prend comment ?
Il s'était pourtant juré d'essayer de ne pas trop penser à elle. Mais maintenant qu'il connaissait davantage de son histoire, il pouvait s'autoriser à y penser un tout petit peu. Juste ce soir, parce que l'occasion était trop belle de la comprendre peut-être un peu. Ensuite il la laisserait vivre, se promit-il. Il aurait envie de lui en parler, mais il ne faudrait pas. Il pinça les lèvres, comme si cela pouvait l'aider à les garder sceller, à éviter d'aller là où il ne devait pas.
Message publié le 22/05/2025 à 09:51
Sasha et MicMac s'étaient regardé en chiens de faïence l'espace d'un instant. Puis l'un et l'autre avaient décidé en silence d'un début de relation pacifique - au moins pour la soirée, si ça pouvait tenir.
Sasha n'avait rien contre les rapaces : il les utilisait lui-même à la volière pour obtenir son journal depuis qu'il avait pu gagner et dépenser quelques mornilles grâce à son travail à la boutique OCQ ; c'étaient plutôt les rapaces qui avaient une tendance à être particulièrement méfiants avec lui, lui réservant des airs supérieurs et parfois menaçants.
L'adolescent se désintéressa de MicMac, plus attiré par les cadres photos qui ornaient quelques murs. Il s'absorba dans ces souvenirs de famille : il y avait bien eu un père et un mère ici, mais la seule preuve lui en semblait être les photos. Il trouva une image intéressante, sur laquelle quatre personnes souriaient et faisaient signe : Une jeune fille rousse aux cheveux longs et sauvages près d'une femme visiblement athlétique, et à côté, il reconnaissant le grand Owen sur les épaules duquel trônait une toute petite fille visiblement très excitée d'être sur le toit du monde. Alison. Clairement, pas la même qu'il connaissait de Poudlard.
Il se détacha de la photo pour jeter quelques coups d'oeil autour de lui. La maison des Carter n'était pas ce à quoi il s'était attendu. Il s'était toujours imaginé qu'Alison vivait dans un endroit parfaitement rangé, où on vérifiait que les fleurs étaient aussi bien alignées que les cheveux de sa frange, mais finalement, l'endroit ressemblait à un logement sorcier désordonné et chaleureux. Il s'humecta les lèvres avant de rejoindre la cuisine, où les conversations allaient déjà bon train. Il jeta un coup d'oeil à l'horloge.
Kate était en voyage et Owen en déplacement. Il se demanda de quel genre de voyage il s'agissait. Peut-être que quelqu'un avait mis "voyage" pour ne pas perturber Charlie, et que le voyage en question se passait dans l'au-delà. Mais peut-être aussi qu'il se faisait des idées.
Sasha se glissa sur une chaise en marmonnant un remerciement à l'attention de Freya. Les odeurs qui commençaient à emplir la pièce firent gronder son estomac, mais il tâcha de l'ignorer - en espérant que ça ne s'entendît pas trop. Charlie avait déjà bondi sur une chaise voisine, à lui poser des questions, renforçant Fenella. Il était pris en tenaille par des filles. Y'avait pire. Il haussa les épaules, ses doigts jouant sans y penser avec le bout des couverts pour s'occuper les mains.
- Ben heu...
Coup d'oeil vers Charlie. Il n'était pas sûre qu'elle pût vraiment comprendre, à son âge. Et en même temps, paradoxalement, c'était peut-être celle qui comprendrait le mieux.
- J'ai pas trop de nouvelles, en fait, car les hiboux sont souvent hum... Capturés.
Abattus aurait été le terme approprié, mais Sasha connaissait l'affection particulière de Charlie pour les animaux.
- Mais oui, tout le monde est sorcier chez moi, à part ma grand-mère qui était moldue mais qui savait, du coup.
Le pain fut servi sur la table, et Sasha saliva. Il sentait la paume de ses mains devenir humide, et la chaleur lui envahir le cou, mais il se concentra sur ce qu'il disait.
- On vit dans un village moldu mais on n'est pas les seuls sorciers, hein ! Il y a une autre famille.
Il pensa à son camarade, l'enfant de la famille en question ; se demanda vaguement ce qu'il avait pu devenir. S'il était vivant.
- Mais on vit bien, je veux dire, mélangés avec les moldus. Ils nous prennent un peu pour des tordus, mais avec la magie mon père répare tellement de trucs pour les fermiers qu'on s'entend bien avec eux quand même. Un jour, j'ai fait léviter un mouton de chez le voisin, pouffa-t-il. Il a fallu que ma mère invente que c'était un phénomène météorologique rare pour les calmer, et elle a dû sacrément broder pour qu'on la croie. Puis c'est devenu tout un truc, y'a un autre voisin qui a été témoin, et qui veut maintenant étudier "l'électricité statique ovine" depuis des années à cause de ça. Il essaie de reproduire des expériences, il écrit des livres à la main et tout. De temps en temps, mon père en fait discrètement léviter un, histoire de le relancer un peu, pour rigoler.
Le souvenir lui arracha un sourire amer, et son regard descendit de nouveau vers Charlie. Il eut l'air triste.
- C'est un peu compliqué, la politique internationale. Mais en gros, les sorciers n'ont pas le droit de passer d'un pays à l'autre comme ça, surtout quand ils sont en guerre. Il faut des autorisations, tout ça. Les sorciers des grandes villes y arrivent mais nous...
Sasha avait perdu son sourire et il serra les dents.
- De toute façon mes parents seraient jamais partis. Les moldus, ils peuvent pas partir non plus. Et mes parents sont utiles là-bas, tu vois ? Ils vont pas les abandonner.
Et pendant ce temps-là, il était ici, à devoir apprendre à transformer des lustres en nuées de perruches élégantes. Il soupira, avant de relever le nez vers Freya.
- Et vous, alors ? Il est où, le reste de votre famille ?
Fenella lui glissa un regard alerte, sur le qui vive. Sasha s'était déjà fait vertement remballer par Alison pour avoir mentionné son père, mais il ne voyait pas le problème à poser une question si on lui en posait à lui aussi. Et lui s'était efforcé de répondre, même si parler de sa famille ne lui était pas sans peine. Il ignora Fenella et MicMac qui, depuis qu'il avait prononcé le mot Capturé, semblait étrangement sur ses gardes.
Message publié le 19/05/2025 à 20:35
Sasha n'avait pu s'empêcher de ressentir une pointe d'orgueil concernant le cours de soutien au tournoi ; surtout que ses faits - pas des hauts faits, mais au moins des faits dont on pouvait être fier - avaient été ainsi mentionnés devant Fenella et Freya. Voilà qui lui permettait quand même de garder la tête haute.
Il manipulait toujours le petit Vif d'Or, un moment perdu dans ses pensées. Spike ne pensait pas beaucoup à Alison. Les remarques de Charlie sur le message le tirèrent de ses réflexions et il fronça les sourcils en la regardant.
- Toi t'es vraiment une Serdaigle, grommela-t-il. L'idée c'est plus comme une promesse tu vois : je pense à toi encore plus à toi aujourd'hui qu'hier et demain j'y penserai encore plus fort, en gros. C'est ce qu'on essaie de faire, pas une mesure précise.
Il haussa les épaules, un moment perdu, pas très sûr de sa propre interprétation - il finit par refermer les doigts sur le porte-clé : il prendrait ça quand même : ça avait la bonne taille, et à peu près le bon message. Sasha adressa un clin d'oeil à Charlie en la regardant de nouveau, attendri qu'elle eût choisi une panthère pour la protéger, même de façon imaginaire.
- T'as bien fait. Les panthères sont fiables, on peut toujours compter sur elles, approuva-t-il à voix basse - leur contact les connectant un bref instant, et il ressentit un vague écho de la fois où Charlie avait posé sa main sur son front, comme une caresse adressé à un animal qu'on apprivoisait.
Il y avait quelque chose de spécial chez les Carter, qui lui donnait parfois cette sensation insaisissable de bien-être. C'était toujours fugace : un instant il la ressentait, puis le moment d'après la sensation avait soudain disparue ; il n'en restait qu'un vague souvenir dont il ne savait plus si c'était réel ou seulement le fruit de son imagination. Chez lui, on disait que les chats choisissaient leur maison, et pas l'inverse ; il avait toujours considéré cette déclaration comme une idiotie : sûrement que les chats allaient là où on leur servait à manger. Mais maintenant, il n'en était plus très sûr : peut-être que les félins avaient cette connexion étrange à certains lieux, certaines familles, qui faisaient qu'ils décidaient de s'installer là comme un appel de l'instinct profond. Peut-être était-il tant félin désormais qu'il vivait la même chose, dans son propre environnement.
La proposition de Charlie le tira de ses réflexions au moment où les lettres ESY se formaient au-dessus de sa tête. Il leva le nez avant de consulter Freya du regard : sa proposition avait l'air sincère. Il eut un sourire gêné.
- J'veux bien, finit-il par dire, se promettant intérieurement d'essayer de manger dans des quantités semblables à celles que consommeraient les filles présentes à table. Mais je vais te payer ça d'abord.
Sasha s'était approché du comptoir pour y déposer le petit porte-clé.
- Haaan, c'est pour qui ? Ta future chérie ? glissa Fenella avec un clin d'oeil complice vers Charlie.
Le Gryffondor secoua négativement la tête.
- Nan, nan, grommela-t-il.
- Oh. Pour ton futur chéri alors, fit-elle en haussant les sourcils, espiègle, pour lui tirer les vers du nez.
Sasha leva les yeux au ciel.
- Mais nan, c'est pour quelqu'un à la maison, répliqua-t-il en déposant sur le comptoir les mornilles qu'il avait gagné en travaillant dans ce même endroit.
La maison, c'était dans cette autre dimension qu'était son pays, et il n'était pas sûr que le hibou qu'il enverrait ne serait pas intercepté. Ca se tentait quand même.
Il y avait quelques tâches à exécuter avant de pouvoir considérer que la boutique était pleinement fermée ; mais entre Freya, Fenella et lui, le ménage et les rangements pour remettre le magasin à jour pour la prochaine ouverture avaient été vite exécutés. Bientôt, l'aînée des Carter était montée à l'étage, suivie de Charlie. Fenella se déchaussait au bas des escaliers, avec tranquillité, et Sasha l'imita en s'humectant anxieusement les lèvres.
- On... On va chez elles, là, demanda-t-il, comme un constat qui nécessitait une confirmation.
- Ben oui, fit-elle en s'engagea devant lui.
Sasha tendit le cou pour apercevoir le logement au-delà de Fenella, un peu intimidé. Il se demanda vaguement s'il verrait la chambre d'Alison. Si elle la partageait avec Charlie. S'il y avait une chambre de parents, voire des photos de la famille entière. Il avait l'impression d'entrer dans une antre qui aurait dû lui être interdite - un peu sacrée, trop privée, mais dont les odeurs qui lui parvenaient, à mesure qu'il gravissait les marches silencieusement, lui étaient familières. Les vêtements d'Alison et de Charlie avaient les mêmes effluves, les mêmes touches olfactives que celles qu'il sentait ici soudain à plein nez. Des odeurs qui lui donnaient envie de se rouler dans leurs draps.
- Qu'est-ce que t'aimes comme matière à Poudlard ? demanda Fenella, loin de se douter que Sasha avait la tête déjà bien remplie de pensée.
- Les Soins aux Créatures Magiques, dit-il d'une voix absente - avant que son esprit n'exécutât soudain un atterrissage plus brutal dans l'escalier. Tu sais, celles que tu veux réguler.
Message publié le 17/05/2025 à 16:17
Sasha accueillit la fin de la journée avec un certain soulagement, et l'arrivée de Charlie avec un plaisir doux-amer : concernant l'épisode sur ses cheveux au carré, il fit une grimace pour désapprouver les moqueries.
- Ah-ah, fit-il pour imiter un rire sans joie, non sans une oeillade blasée vers Charlie. Comme les nouvelles vont vite. C'est donc ça qu'Alison a retenu de son cours ?
Qu'Alison ne rentrât pas le week-end n'était pas surprenant pour Sasha. Il l'avait parfois croisée à la boutique - ils s'étaient tous deux tenus à distance l'un de l'autre - mais c'était rare et l'ambiance y était électrique quand Freya s'y trouvait aussi. Il supposait que la Serpentard préférait rester au château - mais était-ce pour étudier avec le reste de la brochette, ou pour en profiter pour voir son joueur de Quidditch préféré ?
Toujours était-il que la vivacité de Charlie apportait une ambiance agréable et il fut content qu'elle, au moins, fusse rentrée pour le week-end. A son commentaire, Sasha secoua la tête, et afficha un sourire penaud.
- Nan. Ca sert à rien, elle est passée à autre chose. Avec un autre garçon, expliqua-t-il avec un haussement d'épaules contrit, un peu désolé de décevoir Charlie. J'ai raté mon coup, ou alors elle préfère juste les joueurs de Quidditch aux créatures poilues.
Joueurs de Quidditch avec qui elle faisait des choses que le père de Charlie n'aurait sûrement pas voulu si tôt, songea Sasha en gardant pour lui cette arrière-pensée. Les soeurs Carter se racontaient sûrement beaucoup de choses, mais lui, il avait vu comme Spike et Alison se tournaient autour pendant les cours. Comment ils s'en échappaient parfois ensemble à la fin, comme après le baiser du bal. Il ne se faisait pas d'illusion sur le fait que les deux 5ème années ne faisaient sûrement pas semblant : c'était pas le genre de l'un des Serpentards les plus populaires de l'école de s'embêter à faire ça. Charlie ne pouvait probablement pas savoir ça. Pourtant, savoir que personne n'avait encore rien proposé à Alison pour la Saint-Valentin provoquait en lui une légère humeur positive qu'il tâcha d'ignorer, tout comme il essayait d'ignorer l'amertume que son amour-propre devait encaisser depuis.
Pensivement, Sasha raccrocha une paire de gants de sport après l'avoir examinée : "Je n'ai peur de rien, sauf de toi" ne lui convenait pas.
- Je vais peut-être prendre ça, mais pas pour une petite amie, il dit en décrochant un porte-clé en forme de Vif d'Or minuscule : quand on pressait un petit bouton, l'objet s'ouvrait pour laisser apparaître un petit ruban rouge carmin sur lequel un message brodé apparaissait : Je pense à toi, disait-il, avant de se transformer en Plus qu'hier, moins que demain. Qu'est-ce que t'en penses, c'est joli ou pas ?
Il n'en avait clairement aucune idée lui-même, aussi comptait-il sur Charlie pour l'orienter dans ses goûts, maintenant qu'il avait enfin quelque argent pour acheter quelque chose. Sasha jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule. Freya et Fenella étaient toutes les deux occupées, alors il en profita pour poursuivre à voix basse.
- Et ces monstres la nuit alors ? Ils t'embêtent plus j'espère, sinon je vais devoir venir leur faire peur à mon tour.
Message publié le 16/05/2025 à 22:41
- Nan, nan pas la classe d'Alison, précisa rapidement Sasha, peu désireux de mêler la soeur de Freya à tout ça.
Et aux questions suivantes, il secoua tout autant la tête négativement.
- Ils voulaient juste montrer qu'ils sont des durs, grommela-t-il en haussant les épaules, et il balaya le lien avec la direction d'une main. Je leur en parlerai pas. Déjà je sais me défendre, pis ça va m'attirer que des ennuis si j'en parle.
C'était vrai de bien des manières : d'une part, parce que pour ses premières altercations avec les Serpentards, il n'avait pas été tout à fait irréprochable de son côté et qu'attirer de nouveau la lumière sur de telles bagarres ne ferait que finir par convaincre son directeur de maison qu'il cherchait les ennuis - directeur de maison dont il dépendait pour pouvoir travailler ici. D'autre part, parce qu'il n'était pas une balance : s'il l'était, il se ferait deux fois plus harceler et il le savait très bien.
Comme il n'avait rien dit de plus, les filles étaient déjà passées à autre chose, et le tablier où les lettres de son prénom étaient brodées lui tirèrent un sourire un peu embarrassé mais content.
La matinée passa relativement vite, grâce aux petites tâches et aux clients qui défilaient. Sasha s'occupa des badges comme convenu, puis il dût aller vérifier pour un client s'il ne restait pas des sweatshirt à l'effigie de l'équipe d'Ecosse en taille 12 ans dans l'arrière-boutique. Il fallut aussi rattraper un faux Vif d'Or qui s'était échappé de son sachet et réachalander certains produits pendant que Fenella faisait essayer un balai à un jeune adolescent.
Toutefois, il y avait de temps à autre des temps plus calmes, pendant lesquels la boutique se vidait quelques minutes, et tout en poursuivant leurs tâches, Fenella continuait de faire la conversation à Sasha. Au début, il était resté très laconique : oui il aimait la boutique, non il n'avait pas de petite amie. Il sera majeur l'été prochain, il ne sait pas encore s'il pourra passer son permis de transplanage rapidement.
Fenella aussi partageait un peu de sa vie à elle, avec une bonne humeur qui finissait par aider Sasha à se détendre. Un peu avant le début d'après-midi, après une dernière vague de clients qui passaient en sortant de leur travail, Fenella se percha sur un haut tabouret derrière le comptoir avec une tasse de thé, et fit signe à Sasha de venir lui tenir compagnie. Ce dernier avalait déjà le contenu de ce qui serait son déjeuner : une pomme et un petit sandwich composé de ce qu'il avait pu trouver de facile à caser dans du pain à la table du petit déjeuner dans la Grande Salle. Il se posa sur un autre tabouret, engloutissant ses vivres à grandes bouchées pour profiter du moment où la boutique était vide, avant que d'autres clients n'entrassent.
- Dis donc, quel appétit, commenta Fenella en riant. Tu dois faire honneur aux mets de Poudlard, toi au moins ! Tu as des frères et soeurs à Poudlard ?
Sasha fit non de la tête.
- Ma famille est restée en Ukraine.
- Je vois. Ca ne doit pas être facile d'être si loin. Tu leur écris des fois ?
Sasha botta en touche en haussant les épaules.
- Bon, j'espère au moins que tu t'es fait des amis ici. A moins que tu viennes juste d'arriver ? Tu te débrouilles bien avec l'anglais.
- J'suis arrivé pour la rentrée en Septembre. Pour les amis c'est...
Il prit le temps d'avaler une dernière bouchée, pour se donner peut-être aussi le temps de réfléchir, et de collecter du bout de la langue les miettes éventuelles au coin de ses lèvres.
- C'est un peu comme pour les filles. Disons que personne n'a très envie de s'approcher des gens qui viennent d'un pays en guerre, résuma-t-il.
Fenella parut sincèrement surprise.
- Quand même, c'est pas ça qui te définit. Tu es un sorcier à l'école, après tout. Ca, c'est quelque chose que tu partages avec eux.
Sasha baissa les yeux. Fenella avait raison : ce n'était sûrement pas juste que les élèves n'étaient pas sympathiques. D'ailleurs, quelques Poufsouffles étaient plutôt ouverts avec lui. Il laissa retomber ses mains sur ses genoux en réfléchissant quelques instants.
- Je fais pas trop d'efforts en fait.
- Oh, je vois.
- J'ai pas envie.
- Pas envie d'avoir des amis ?
Il haussa les épaules. Songea vaguement à Alison, à la façon dont la soirée s'était conclue, le soir du Bal de Noël. Un baiser, puis elle était partie avec un autre garçon. Ca avait été si facile, pour elle, supposait-il. Fermer une page pour en ouvrir une autre.
- Ca sert pas à grand chose, grommela-t-il au bout d'un moment. Dans quelques mois, sûrement que je vais repartir. Alors à quoi bon.
Fenella haussa les sourcils et détourna le regard pour réfléchir à son tour quelques instants, trempant ses lèvres dans un thé bien chaud.
- C'est marrant. Quand j'étais en sixième année, il y avait une fille qui venait de Côte d'Ivoire. On est devenues très amies, mais seulement quelques semaines avant qu'elle reparte en Afrique. Du coup, depuis, on s'écrit. Et c'est plutôt chouette d'avoir une amie qui vit une vie différente de la mienne : elle me raconte les soirées chaudes sur la plage et comme les mariages sont plein de magnifiques couleurs, là-bas, rêvassa Fenella à voix haute.
- C'pas vraiment ce que je pourrai raconter d'Ukraine, répliqua Sasha, le ton morne, tandis qu'il s'était remis à mordre dans son sandwich pour le terminer pour de bon.
Fenella, dont l'humeur joviale paraissait inébranlable, trouva la réponse bougonne de Sasha plutôt amusante, et elle pouffa. Elle lui donna un petit coup de coude dans les côtes, pour essayer de le dérider.
- Ce serait sûrement super chouette d'avoir une fille à qui écrire quand t'y seras retourné, s'amusa-t-elle, arrachant à Sasha un demi-sourire gêné.
Ils retombèrent un moment dans le silence. Puis une fois que Sasha eût fait un sort à sa pomme, il passa le bout de ses doigts un à un entre ses lèvres, pour en faire disparaître définitivement le jus sucré qui s'y était déposé.
- Tu l'as déjà vu, toi, Owen Carter ? il demanda, comme ça, sans la regarder.
Fenella coula un regard vers lui, avant de faire "non" de la tête.
- Pourquoi ?
- Comme ça, répondit Sasha. J'trouve ça bizarre. C'est lui la star, mais y'a que ses filles qui triment ici, et pas un homme pour les protéger.
La jeune fille fit les gros yeux.
- J'crois pas que c'est un sujet qu'elles veulent aborder. Puis tu sais, elles se débrouillent bien toutes seules. On est au vingt-deuxième siècle quand même ! C'est pas pour te vexer, mais ça fait un bail que les hommes, on a appris à faire sans.
Sasha fit une grimace. Il se souvenait très bien chez lui, comment c'était plus son père qui avait besoin de sa mère et pas vraiment du contraire. Mais quand même.
- J'sais, c'est pas c'que je voulais dire. C'est juste que...
Il hésita. Jeta un regard vers l'arrière-boutique, dont l'entrée demeurait silencieuse.
- J'me fais sûrement des idées, mais j'sais pas. Entre la caisse et tous ces beaux balais, même s'il y a sûrement de bons enchantements de protection, j'serais pas tranquille moi, de savoir mes filles toutes seules comme ça tout le temps.
Fenella haussa les épaules.
- C'est Pré-au-Lard, tu sais. C'est calme ici.
- Mmh, fit-il, peu convaincu, avant d'ajouter à voix basse. J'sais bien qu'elles sont toutes les trois courageuses, mais ça m'embêterait qu'il leur arrive un truc.
- T'en as de drôles d'idées, se moqua Fenella - et soudain, elle bondit sur ses pieds, car un client venait d'entrer. Bonjouuur ! claironna-t-elle.
Message publié le 16/05/2025 à 13:38
Contrôle et régulation des animaux magiques. Sasha avait dégluti en ouvrant grand les yeux, et son sang soudain glacé sembla se suspendre dans ses veines.
- Bonjour.
Sasha n'avait pas réussi à grimacer le moindre sourire face à l'inconnue - il l'avait toisée peut-être de façon peut-être un peu trop surpris pour qu'elle commenta sa tête, et il se hâta de détourner le visage.
Un garçon normal. Il était un garçon normal. Il n'avait pas envie d'être régulé du tout. Comporte-toi normalement, durnyy. Que ferait un garçon de son âge ?
- Mmh, ouais, glapit-il en rougissant jusqu'aux oreilles à cause du compliment, mais pour admettre qu'effectivement, il s'était battu.
Sasha se déroba rapidement, trop heureux de ne pas rester sous le regard attentif de Fenella. La jeune femme avait un capital sympathie plutôt élevé, mais son caractère volubile et surtout ses ambitions effrayaient le russe qui s'en retourna astiquer ses vitrines.
La tâche lui permit au moins de calmer son coeur qui tambourinait désormais dans sa poitrine. Elle allait travailler avec eux tous les samedis. Elle le trouvait mignon. Elle voulait réguler les créatures magiques. Sasha avait peine à voir cette arrivée comme une nouvelle positive : il aimait bien les jours où il était seul avec Freya, même si le rythme était ardu.
Au bout d'un moment, il se résigna à aller retrouver les deux écossaises dans l'arrière-boutique, obéissant, un peu penaud, pour aller s'asseoir dans l'un des fauteuils désignés.
- Je me suis battu avec des Serpentards, expliqua Sasha en levant le nez, histoire de se soumettre aux mains de l'aînée des Carter.
Il se demanda un moment ce qu'en penserait Freya. A coup sûr, elle craindrait à ses soeurs. Elle s'inquiéterait probablement qu'à cause des réfugiés, Poudlard fusse devenu un environnement violent. Il évita donc de mentionner le caractère politique de son altercation. Mais tout de même, il devait rétablir une vérité.
- Mais c'est pas moi qui ai été les chercher, ils étaient plusieurs et ils m'ont tendu un piège dans les cachots, expliqua-t-il en serrant les points et en carrant les mâchoires.
Pas la peine de préciser que la moyenne d'âge devait tourner autour de 12 ans, jugea Sasha, il se sentait bien assez observé comme ça. Il s'était fait rétamer par des gosses. La honte. Puis avait été sauvé par une fille - russe, autrement plus ridicule. Sa bouche se pinça en une moue amère, mais il retint les mots qui lui venaient. Ce venin qu'il avait parfois dans la bouche lui avait déjà coûté une Carter et il le savait très bien. Alors, il ne dirait rien de plus. Il coinça ses poings contre son ventre et fixa le vide devant lui, jetant juste parfois un regard en coin vers la jeune femme aux cheveux cuivrés. Pendant ce temps, la douleur qui l'avait élancé toute la nuit à sa tempe s'apaisa.
- Merci, il balbutia, un peu gêné.
Il passa la langue sur la coupure de sa lèvre inférieure : la plaie avait séché et ne picotait plus. C'était la deuxième fois qu'une Carter le soignait, décidément. Il ne se voyait pas dans un miroir, mais ses blessures se verraient sûrement moins, et cela éviterait peut-être aux clients, effectivement, de poser des questions. Le regard de Sasha s'attarda brièvement de nouveau sur Fenella avant de consulter Freya.
- Si on me pose des questions, il vaut mieux que je dise autre chose ?
Sasha savait que certains avaient commenté le choix de Freya de prendre un réfugié pour travailler dans sa boutique, à cause effectivement du manque de discrétion de certains locaux, qui ne se cachaient pas pour évoquer à haute voix leurs idées politiques - qu'ils fussent ou non au courant de qui il était. Il ne savait pas à quel point on pouvait lui être hostile, mais il avait déjà vu une mère tirer un enfant par le coude pour ne pas qu'il s'approchât de lui, ou des gens qui lui parlaient comme à quelqu'un qui n'avait jamais utilisé une plume de sa vie. Au début, il n'en avait conçu qu'une colère passive, enfermant ces drôles de souvenirs au fond d'une boîte, qu'il verrouillait proprement avant de la ranger au fond à droit de son esprit, histoire de faire comme si elle n'existait pas.
Mais parfois, quand il entendait qu'un client questionnait Freya à voix basse à son sujet, il se demandait dans quelle mesure ces incidents n'apportaient pas, en réalité, du discrédit à la boutique. Alors, que diraient les voisins d'OCQ si on commençait à dire que l'un des vendeurs était un garçon violent à l'école ?
Sasha afficha une moue découragée.
- J'vais quand même pas dire que j'suis tombé en cours de vol dans un magasin de Quidditch, grommela-t-il, bougon - petit coup d'oeil vers Fenella de nouveau. Mais j'peux dire que c'est un petit accident avec les hippogriffes. Ils sont souvent un peu turbulents, quand on les maîtrise pas bien.
Ce qui n'était pas son cas, mais ça, il n'en dirait rien : il n'avait rien à voir avec les animaux magiques, voyons.
Message publié le 15/05/2025 à 17:07
Si Sasha ne connaissait guère beaucoup les joueurs de Quidditch célèbres d'Angleterre en arrivant à Poudlard, depuis janvier, il avait appris à identifier les visages et les noms de beaucoup d'entre eux désormais. Parmi eux, bien sûr, les stars du moment comme Elliot Blackburn et celles du passé comme Owen Carter. Ni l'un ni l'autre ne lui inspirait beaucoup d'admiration : le premier attirait beaucoup trop l'attention des jeunes filles dans la boutique ; quant au second, il trouvait étrange de ne l'avoir jamais vu à la boutique après presque deux mois passés à y travailler. Non que ça le chagrinât outre-mesure : il n'avait guère envie de se confronter au père des filles dont il avait inutilement mis la vie en danger dans la Forêt Interdite de l'une et fantasmé sur la seconde après s'être retrouvé un peu trop collé contre elle à quelques reprises. (Pour la troisième, au moins, il n'avait encore fait aucune bêtise particulière.)
Toujours était-il qu'il s'était habitué à la présence étrange de toutes ces personnalités dont les posters s'étalaient sur les murs, à qui Freya parlait parfois comme si elle se rendait à peine compte qu'ils n'étaient pas réels.
Il avait accueilli avec soulagement la liste des premières tâches, se dérobant à la vue de la jeune femme pour aller enchanter un balai et une pelle pour récupérer les copeaux enchantés. Il fallut user de quelque stratégie pour éviter à certains de s'enfuir de l'atelier pendant que Freya avait rejoint la boutique, après quoi il se dirigea vers les vitrines.
A la main ou avec des enchantements, Sasha n'était jamais mécontent d'être affecté aux tâches d'entretien, bien au contraire. Ce qui le gênait le plus, c'était de devoir gérer des clients. S'il fallait renseigner sur où se trouvait un article, il n'y avait pas de problème, mais il devenait maladroit dès lors que la discussion devenait trop technique. S'il fallait une spécialiste, il renvoyait vers Freya. Il gardait un oeil sur les enfants, aidait les petites filles à saisir ce qui était trop haut pour elles, surveillait les garçons plus âgés qui louchaient sur les paquets de cartes à collectionner. Bref, nettoyer la vitrine lui convenait très bien, et lui-même n'avait même pas remarqué les regards des posters - il s'était habitué à leurs gesticulations sans interagir avec eux.
Mais quand Freya intervint, Sasha accroupit près de la vitrine sursauta. Il leva vers elle une mine surprise, avant de comprendre.
- Ah, ça. C'est rien du tout, il dit en portant une main à sa tempe, et se hâta de détourner le visage pour reprendre sa tâche - astiquer la vitrine de l'intérieur - il sortirait dans quelques instants faire l'extérieur.
Malheureusement, il avait senti que Freya s'était approchée, et il sentit un certain malaise le gagner. Zut. Il avait cru pouvoir s'en sortir plus simplement. Alors il la regarda de nouveau, se redressant, un peu déconfit. Sasha n'avait jamais vu l'aînée des Carter s'intéresser à lui de si près - il déglutit, reculant malgré lui face au regard automnal, mais un peu trop fixe, de Freya.
- Ca va gêner pour les clients c'est ça ? il admit, réalisant un peu tardivement qu'il ne serait en effet pas très accueillant - déjà que ce n'était pas exactement son fort.
Il faillit proposer de rester dans l'arrière-boutique, mais se ravisa. Il n'était pas là pour se cacher et il le savait : Freya avait besoin de lui autant à l'avant qu'à l'arrière ; c'était un navire qui prenait sacrément la houle les week-ends et on ne pouvait vraiment pas aller se cacher dans les cabines. Sasha eut une moue contrite.
- J'suis désolé, j'ai pas eu le temps d'arranger ça, s'excusa-t-il.
Message publié le 14/05/2025 à 20:10
Sasha s'était ausculté dans le miroir.
Les samedis matins, les salles de bain des maisons étaient plutôt vides jusqu'à tard, grâce à ces hordes d'élèves qui voulaient profiter de leurs précieuses grasses matinées du week-end. Pour Sasha, c'était l'un de ses jours de travail et il faisait d'habitude un passage sommaire dans la douche avant de se rendre à Pré-au-Lard. Mais cette fois, il s'était regardé d'un peu plus près. Il connaissait quelques bases de médicomagie, qui avait pu lui permettre de recoudre plutôt proprement l'entaille que les réfugiés de Serpentard avait creusée au-dessus de son nombril. Mais pour ce qui était de son visage, il n'osait pas vraiment se lancer un sortilège à la figure : sa tempe droite était violette et enflée, et sa lèvre inférieure fendue.
S'il passait à l'infirmerie, on lui donnerait un onguent qui apaiserait tout cela.
S'il passait à l'infirmerie, on lui poserait des questions.
Donc, il ne passerait pas à l'infirmerie.
Il envia un instant ces filles qui se partageaient des sortilèges pour rendre le teint uniforme et dissimuler les imperfections, puis se dit que d'ici lundi, cela serait sûrement beaucoup moins visible. Il fallait juste espérer qu'il n'y eût pas trop de visites d'élèves à la boutique OCQ, histoire de ne pas avoir à essuyer des moqueries - et Sasha plongea sous l'eau pour se frotter frénétiquement le corps, le visage, les cheveux - comme pour faire disparaître toute trace supplémentaire de ce qui s'était produit la nuit précédente.
- ... alors j'ai préparé des tracts que vous pourriez mettre sur votre comptoir pour sensibiliser les gens sur le dégnomage massif des jardins avec les techniques modernes, qui relèvent purement et simplement de la torture de créatures vivantes.
- Heu... C'est pas encore ouvert, madame.
A peine arrivé à la boutique, par un temps venteux à en arracher les couvre-chefs des pauvres passants matinaux, Sasha était tombé nez à nez avec une petite dame enveloppée dans un épais gilet bleu, des cheveux gris bouclant sauvagement un visage rond et vindicatif, qui avait sauté sur l'occasion de voir le garçon ouvrir la porte de la boutique.
- Je sais, je sais, claironna-t-elle en agitant un tas de papiers sur lesquels le portrait d'elle-même, encadré des mots Gnomes Sans Frontières, mugissait en silence, agitant les poings. Mais nous faisons une réunion publique à ce sujet lundi soir et votre magasin a pour clientèle plein de gens qui achètent des balais pour s'en servir dans leurs jardins...
- C'est pas ma boutique, casa Sasha avec hésitation, le ton morne, mais la femme semblait à peine entendre sa voix.
- ... ce qui veut dire qu'ils ont des jardins qu'ils dégnoment certainement. Alors je n'dis pas qu'ils le font avec plaisir, hein, attention, je dis qu'il existe des solutions alternatives moins cruelles. Et ces solutions il suffit de les connaître, si seulement les gens voulaient bien s'y intéresser. Les gnomes sont d'ailleurs essentiels à la vie des jardins, c'est juste la régulation de leur population qu'il faut renforcer, et figurez-vous que ce n'est vraiment pas si compliqué d'établir avec eux des quotas à respecter par exemple au mètre carré et alors...
- Je vais en parler à ma patronne, pour les tracts.
Sasha se retrouva avec le tas de papiers brusquement pressé contre sa poitrine et le rattrapa juste à temps pour que ça ne lui glissât pas entre les doigts. La femme repartait déjà au trot, à cause du propriétaire de la boutique voisine qui venait juste d'ouvrir sa propre porte pour permettre à un hibou d'entrer - elle courut pour l'interpeler, au grand soulagement de Sasha qui se hâta de disparaître à l'intérieur du QG d'OCQ.
L'intérieur de la boutique lui était devenu familier : les cliquetis des jouets enchantés dans les bocaux et les odeurs de cire à balai et des bonbons Vif d'Or (goût citron-vanille avec des paillettes acides) lui étaient devenues parfaitement agréables. Il n'était jamais en retard : non pas parce qu'il était exemplaire, mais parce que c'était l'heure la plus calme de la boutique, avant le rush des clients qui voulaient toucher à tout, derrière qui il fallait passer pour remettre de l'ordre, qui voulaient savoir s'ils avaient reçu du spray Aéro-Polish, si l'Impervius Plus serait suffisant pour protéger un balai qu'on utilisait souvent sous la pluie, et s'ils ne pouvaient pas avoir une ristourne sur les Souafles Reviens-Vite parce que c'était le troisième qu'ils achetaient depuis le début de l'année - autant de questions qui donnaient à Sasha le tournis et le faisaient parfois battre en retraite dans l'arrière-boutique, où on avait heureusement plus besoin de son énergie physique que de son cerveau.
A part le calme avant la tempête, ce qu'il aimait aussi, à cette heure-ci, c'était qu'on entendait les bruits de la maison : la vie des Carter qui s'animait ; des pas pressés, des échos de voix. La maison des Carter semblait avoir une vie propre, avec son rythme intimement lié à celui de la boutique. Sasha n'était jamais vraiment entré à l'intérieur, il n'avait eu que des aperçus - Charlie qui déboulait les cheveux encore humides, Alison qui claquait une porte au loin, Freya qui apparaissait, déjà un carton sous le bras et une liste à demi-raturée dans l'autre main pour le suivi des commandes.
C'était un peu comme être proche de la frontière d'un pays enchanté, aux odeurs alléchantes mais interdites.
Ce matin-là, Freya était déjà dans l'arrière-boutique : il l'entendait s'affairer et elle avait dû, de son côté, percevoir les clochettes de la porte d'entrée tinter à son passage. Sasha passa timidement la tête dans la pièce arrière.
- Salut Freya.
Il n'avait jamais tout à fait réussi à se détendre avec l'aînée des Carter. Elle faisait naître en lui un genre de boule au niveau de l'estomac qui le rendait confus, et parfois curieux de l'observer à la dérobée quand elle était trop occupée pour s'en apercevoir. Alors il demeurait généralement laconique.
- Y'a une femme de Gnomes Sans Frontières qui veut qu'on mette ça sur le comptoir. J'en fais quoi ?
Il leva le paquet de tracts devant lui. Histoire qu'elle s'intéressât à ça plutôt qu'à lui de trop près, pour aujourd'hui. Après ça, il pourrait retourner se réfugier dans ses tâches - mais pas avant d'avoir reçu la liste des choses urgentes à faire en priorité, que Freya dressait pour lui tous les samedis matins en fonction de ce qui s'était passé dans la semaine.
Jusqu'où nos pas peuvent nous porter
Message publié le 13/05/2025 à 11:33
Sasha peinait à rester calme. Il s'agrippait un peu trop à la taille d'Alison, comme si elle avait pu lui échapper avant la fin de la musique ; il sentait ses joues chauffer - heureusement les lumières sans cesse changeantes provenant des enchantements de la Grande Salle dissimulaient un peu son teint qui, en plein jour, aurait donné l'impression qu'il venait de courir un marathon. Ses yeux captèrent Charlie, à quelques pas de là - la petite fille lui sourit, et il étira ses propres lèvres en les pinçant, façon sourire contrit. La petite fille était encourageante ; ils avaient beau ne pas se voir souvent, c'était probablement la personne la plus innocente que Sasha connaissait ici, et donc, celle à qui il pouvait peut-être faire un peu confiance.
Il s'intéressa de nouveau à Alison, surpris par le fait qu'elle lui posait une question personnelle, sur lui, en Ukraine. Ca, c'était nouveau. Alison ne s'était jamais intéressée à lui autrement que lorsque ça avait un lien direct avec elle-même. Il chercha une réponse adéquate, des souvenirs désordonnés affluant dans son esprit.
- Un peu. On danse pas mal dans les fêtes de village, là-bas, mais y'a moins de... De cérémonie, quoi.
En somme, chez lui, c'était viens comme tu es, danse comme ça te chante, et le résultat était beaucoup plus chaotique que ce que l'on pouvait voir ce soir à Poudlard. Il craignit un instant que sa réponse trahît ses origines : la campagne profonde de son pays, qui mélangeait moldus et sorciers, animaux et humains, le tout secoués, dans un grand panier vert de forêts et de plaines, par une histoire de frontières mouvantes, de langues et de cultures obsédées par leur survie au milieu de celles des autres. Sasha avait l'impression que dans sa main, Alison avait des doigts blancs et délicats, qui appartenaient à une autre caste que la sienne. Sa mère aurait sûrement pensé que la rousse était trop propre sur elle pour les comprendre, et il se rangeait de cet avis.
Il acquiesça en silence. Un grand voyage cet été. Lui aussi en ferait peut-être un, d'un autre genre. Il ne savait pas.
Cela faisait un moment qu'ils tournoyaient. Une éternité. Une poignée de secondes. Trois fois qu'il entendait la même phrase dans la chanson : ça allait être la fin. Il y avait des filles qui se dévissaient le cou sur la piste de danse pour se lancer des clins d'oeil ou pour trouver le partenaire suivant. Il ne pouvait pas garder Alison. Mais ses derniers propos le troublaient étrangement. Elle cherchait pas.
C'était pas l'impression qu'elle donnait. Ni même qu'il avait été son deal exclusif, aux dires de Lucian. Alison se tapait une réputation sulfureuse, en partie à cause de lui. Est-ce qu'elle n'en était pas consciente ? Lui seul savait qu'en réalité, quand les choses devenaient sérieuses, elle se dérobait. Jusqu'ici en tout cas. Quel garçon ivre trouverait un de ces jours qu'elle ne pouvait pas l'allumer puis s'en aller comme ça ? La pousserait à l'action même si ce n'était pas ce qu'elle voulait vraiment ? Sasha eut un drôle de frisson, un souvenir des paroles de Charlie, à propos de ce que le père d'Alison n'aimerait pas qu'elle fît. Il s'imaginait des situations catastrophes. Mais est-ce qu'il y pouvait quelque chose, sans deal ?
- Je sais.
Elle ne mentait pas. Alison pouvait être peste, mais il savait qu'elle ne mentait pas sur le deal exclusif, tout simplement parce qu'il avait compris qu'il était un genre de bouclier humain, précisément pour ne pas avoir à passer aux actes. Pourquoi n'avait-elle plus besoin de lui, alors ? Les mecs continueraient à la harceler jusqu'à ce qu'elle cédât. Il le savait : il avait fréquenté des adolescents en rût de très près, en particulier pendant qu'il était engagé chez les Veilleurs. Ils pouvaient être prêts à promettre n'importe quoi à une fille pour des faveurs charnelles. Ca le faisait rire, à l'époque. Il avait participé à ces jeux stupides. Et puis maintenant, ça n'avait plus la même saveur.
Il haussa les épaules en baissant les yeux, fataliste. La musique avait ralenti. C'étaient cette fois les dernières notes. Des couples s'étaient déjà séparés, des filles couraient dans leurs jupons pour traverser la piste et rejoindre leurs groupes d'amies comme autant de bourdons colorés. Mais Sasha ne lâchait pas Alison. Sa main ne voulait pas se détacher de sa robe, comme si elle y était collée. Il ne savait plus pourquoi. Le deal c'était fini. Deux mois pour comprendre, qu'en fait, elle n'en voulait vraiment plus. Il se sentait idiot d'avoir voulu sauver ce qui était déjà mort.
- En même temps, tu mérites sûrement mieux qu'un deal, même exclusif. T'as eu raison d'arrêter.
Il fallait qu'il se rendît à l'évidence : Alison était destinée à danser au bras d'un type de la même caste qu'elle. Lui n'était qu'un outil sur son chemin. C'était logique. Le deal, ça n'aurait que renforcé son idée stupide qu'il se passait quelque chose entre eux, alors que tout était clair depuis le début : il n'était là que pour faire semblant.
- C'était... C'était agréable, mais j'suis pas un très bon acteur.
Sasha se pencha en avant. La musique s'était arrêtée. Les lumières s'étaient tamisées, le temps que la suivante débutât - deux secondes où les murmures de la pièce se firent de nouveau entendre. Le Gryffondor avait approché brièvement son nez du cou dégagé d'Alison. Deux secondes pour fermer les yeux et sentir cette odeur de près. Deux secondes pour déposer, avec un effleurement discret, à peine humide, un baiser à la naissance de son épaule dénudée, dans le creux formé par une clavicule habituellement dissimulée.
- J'aurais pas pu faire semblant longtemps, il chuchota à son oreille, avant de se redresser pour la libérer.
Définitivement.
Jusqu'où nos pas peuvent nous porter
Message publié le 12/05/2025 à 21:04
D'abord, un regard noir pour Gwen. Et puis, Sasha s'était éloigné sur la piste de danse, avec l'impression subite d'avoir des jambes en coton. Il s'était imaginé un refus sec, ou bien un refus moqueur, un refus outré, un refus froid, voire pourquoi pas une absence même de réponse. Et de tous les scénarios possibles, Alison avait opté pour l'impossible : elle avait accepté.
Le Gryffondor sentait son coeur se réveiller subitement, faisant battre à ses tempes un sang chaud au rythme inapproprié pour un slow, et il se demanda un instant s'il ne venait pas de faire une erreur capitale. Mais s'éloigner de la brochette le soulageait déjà, et il se concentra pour éviter de marcher sur les pieds d'Alison. Les odeurs de la jeune fille étaient pleinement perceptibles de nouveau. Elle s'était apprêtée, avec une robe mettant en valeur ses formes nouvellement acquises, mais Sasha évitait de trop baisser les yeux sur le corps en question. Il soutenait parfois son regard, parfois trouvait un point d'ancrage au loin, derrière elle - une absence de vision, réellement, puisqu'il n'y avait rien à voir au-delà.
- Toi non plus, t'es pas obligée de faire semblant.
Il avait mis une main sur la robe, au creux des reins d'Alison, espérant ne pas trop transpirer de ses paumes. Leur danse était quelque peu maladroite : ils étaient un peu raides, et les mouvements lents à laquelle la musique incitait n'étaient qu'une copie des autres couples, tout aussi peu habiles qu'eux, mais Sasha ne savait pas faire mieux. Il fronça les sourcils pour lui-même. Pourquoi était-il si empoté dès lors qu'il s'agissait d'Alison ?
- On manque un peu d'entraînement, tâcha-t-il de plaisanter en grimaçant un sourire pas très engageant. Tu rentres chez toi pour Noël ?
Il fallait bien qu'il posât une question, n'importe laquelle. Danser en silence était hautement embarrassant. Il réalisa qu'elle habitait à Pré-au-Lard. Elle rentrait n'importe quel week-end, si elle le voulait. Il s'humecta les lèvres.
- 'Fin j'veux dire, vous partez pas pour Noël ou quoi ?
Parce que moi je s'rai là, mais pourvu qu'elle pose pas la question. De ce qu'il avait entendu, les familles riches de Poudlard fêtaient Noël en Egypte, à New York ou à Tokyo. Les classes moyennes rentraient chez eux. Sasha était partagé entre la hâte d'être quelques temps libéré des cours et du regard des autres élèves, et la gêne que lui causait le fait que lui, comme les autres réfugiés, resteraient au château.
Ils tournèrent sur eux-mêmes, un peu plus tranquillement, se laissant porter. La robe d'Alison flottait, frôlait parfois les jambes de Sasha. Au détour d'une circonvolution, Sasha capta les regards d'un groupe de Serpentards goguenards - Lucian se tenait là, avec d'autres, et le Gryffondor leur réserva, à eux aussi, un regard dissuasif. Il finissait par les détester, ces Serpentards. Peut-être pour les provoquer, Sasha resserra sa prise, se rapprochant sensiblement d'Alison - leurs corps se touchaient maintenant, et c'était plus facile de suivre le mouvement, de guider la jeune fille - la forçant, en accélérant légèrement le mouvement, à s'accrocher davantage à lui. Ne pas réfléchir, ne pas réfléchir. Pour danser, pour se transformer.
Leurs souffles se percutaient presque, mais s'humectant les lèvres, Sasha préféra orienter son regard vers le main, prétextant se concentrer sur leur danse.
- Tu cherches toujours quelqu'un pour faire semblant ? Ou c'est pour de vrai maintenant qu'tu veux un prétendant ?
Il tâchait de garder un ton détaché, comme s'il prenait de ses nouvelles. Comme ça, pour savoir. De la part d'une vieille connaissance.
Mais au fond, il voyait bien, depuis leur séparation, comment Alison se comportait. Il avait beau ne pas vouloir l'observer, il avait vu le soin qu'elle mettait à plaire, à arranger sa frange, à serrer ses vêtements autour de ses formes, à mettre ce soir du rouge à lèvres, à lisser ses cheveux qui n'étaient pas comme ça quand on enlevait les enchantements, à rire aux blagues immatures de Ryder le fameux joueur de Quidditch pendant les cours de potions.
Son coeur battait fort, il n'aurait pas dû poser la question. C'était bien trop évident. Mais le mal était fait.
Jusqu'où nos pas peuvent nous porter
Message publié le 10/05/2025 à 16:36
Pour détendre l'atmosphère, et inviter plus facilement les élèves à s'approprier la piste de danse, une musique de rock'n'roll aux sonorités magiques, pleine de clochettes et autres choeurs de Noël, emplissait maintenant la Grande Salle. Des élèves se massaient autour des buffets ; les plus téméraires se lançaient déjà au milieu pour se déhancher en gloussant comme autant de dindons paniqués, les plus timides frôlaient les murs et disparaissaient presque derrière les hauts sapins qui décoraient les quatre coins de l'immense pièce.
Sasha s'était posté près de l'un d'eux, un énième jus de citrouille à la main, maudissant intérieurement l'administration de Poudlard qu'ils n'eussent pas accès à de l'alcool : il en aurait eu bien besoin. Des filles passèrent devant lui en lui jetant quelques regards et il se tint raide, prêt à rétorquer à la moindre attaque ou moquerie, mais aucune ne vînt. Malgré tout, il capta un groupe de Serpentards discuter à voix basse, des sourires mauvais aux lèvres, et décida que c'étaient sûrement eux qui se moquaient le plus.
Aussi, quand une boule bleue et rousse apparut subitement devant lui, Sasha sursauta, manquant de s'étouffer avec son jus de citrouille, qu'il se hâta de reposer. La petite fille s'était faite aussi belle que les grandes, et les tissus vaporeux de sa robe rappelaient son caractère doux et rêveur. Sasha mit les poings sur les hanches pour mimer l'admiration surprise.
- Oh, wahou, ben t'es drôlement jolie toi, on dirait une fée !
Charlie parlait bien plus vite que lui. Elle avait déjà raconté tout un tas de choses quand il réussit à se sentir un peu moins brûlant et essouflé. Son coeur avait ralenti, et il acquiesçait en écoutant d'une oreille, intérieurement reconnaissant envers Charlie de lui donner l'occasion de ne pas avoir l'air du vilain petit canard qui ne faisait que se goinfrer seul à une table.
Il se laissa tomber sur une chaise en l'écoutant. Charlie s'était retournée vers la foule, prête à profiter de la soirée en bourdonnant d'un groupe à l'autre, tandis que Sasha s'occupait les mains en triturant une serviette en papier bleue pailletée entre ses doigts. La couleur lui faisait penser à celle arborée par Charlie.
Au commentaire concernant Alison, Sasha s'était contenté de grimacer un sourire gêné. Il avait essayé de ne plus penser à elle, ces dernières semaines : il estimait qu'il avait fait ce qu'il avait pu pour le deal ; être le petit ami parfait, ce n'était sûrement pas dans ses cordes pour les standards de la jeune Carter. Et pourtant, il avait du mal à abandonner et accepter la défaite : ce n'était pas tant pour la fille en question, se convainquait-il, que parce qu'il n'aimait pas ne pas parvenir à ses fins. Et puis, ses notes avaient plongé depuis qu'ils ne travaillaient plus ensemble, alors, il caressait encore de temps à autre l'idée d'avoir un binôme, une équipe, peu importe. Quelque chose qui lui permît de surmonter les épreuves. A la guerre, il avait appris quelque chose : face à un ennemi, seul, on ne vaut pas grand chose. Notre vie repose sur nos camarades. Ici, Alison était la forme la plus proche de cette sensation de faire partie d'une escouade qu'il avait pu connaître à Poudlard.
Alors, il décida, comme ça, sur un coup de tête : ce soir, il jouerait sa dernière carte pour tenter de sauver l'équipe. Et si ça ne fonctionnait pas... Il faudrait sûrement apprendre à faire cavalier seul, finalement.
Juste avant que Charlie ne disparût, Sasha lui tendit ce qui restait de sa serviette en papier : il l'avait plusieurs fois replié ; humidifié la base du pliage et déchiqueté les bouts de feuillets qui s'ouvraient désormais comme une fleur bleue et ronde, en forme de cloche.
- Tiens, c'est pour aller avec ta tenue. C'est une... Er, une dzvonyky, fit-il en haussant les épaules : je connais pas le nom en anglais. Mais elle porte chance chez moi.
Sur ce, Charlie disparut, et il se mit à scruter la salle. A l'autre bout, sur un banc, la brochette entière s'était constituée - le vert et l'argent l'emportaient de loin sur les couleurs favorites des Serpentards, et on voyait les filles s'échanger des messes basses. Il ne fallait pas qu'il se fît d'illusion : à Halloween, il avait attendu toute la soirée qu'elle fut seule, et finalement, il avait gaspillé son temps. Alison ne quitterait probablement pas sa brochette. Il prit la serviette suivante, pour faire une autre fleur, puis une autre. Il les aligna sur la table.
Trois, et Alison ne se levait toujours pas.
Quatre : aucun garçon pour l'inviter n'avait commencé à se battre.
Cinq : s'il tardait trop, le slow qui débutait pouvait peut-être la convaincre.
Sasha se leva, un peu raide, et délaissa la sixième fleur à demie fabriquée, qui se déplia sur le coin de la table, tâchée de jus de citrouille.
Les clochettes de Noël résonnaient dans la musique, mais il ne les entendait pas. Il avait décidé de traverser la salle sans tergiverser : qu'elle dît oui ou non, le résultat serait le même : il serait fixé, il pourrait décider s'il l'ignorerait ensuite, elle ne pourrait pas dire qu'il n'avait pas été galant, qu'il n'avait pas joué le jeu du deal. Et qu'importait les jugements de la brochette ? Il avait trop souvent affronté leurs regards pour savoir que les amies d'Alison ne lui étaient pas favorables de toute façon. Qu'elles se moquassent un peu plus ou un peu moins ne changerait rien.
Malheureusement, la Grande Salle n'était pas si grande : en quelques secondes à peine, il l'avait traversée, pour se retrouver planté devant la brochette, et il se maudit de ne pas avoir préparé exactement ce qu'il allait dire. Il se trouva subitement à l'étroit dans son costume, comme si de nouveau il était un ours en uniforme - une allure absurde, probablement hilarante. Trop tard, de toute façon.
- Tu veux danser, il dit à Alison.
Ca aurait dû être une question, mais ça ne sonnait pas vraiment comme tel ; c'était un genre de constat pas très assuré qu'il lançait, à mi-chemin entre un ordre et une hypothèse. Il tendit la main vers elle, le coeur battant, sentant sur sa nuque et ses joues les regards des élèves alentours qui observaient la scène, certains cachant derrière leurs mains leurs sourires goguenards.
You could be happy, s'était mise à chanter la voix dans la musique, et Sasha se prépara à recevoir le refus qui mettrait, enfin et définitivement, un terme à ce combat stupide qui consistait à sauver un deal qui n'avait pas de sens.
Jusqu'où nos pas peuvent nous porter
Message publié le 09/05/2025 à 19:04
Un mois et demi s'était écoulé plus vite que Sasha ne s'y était attendu : entre les cours de 5ème année qu'il essayait de rattraper - péniblement - et ceux qu'il devait suivre en sixième année, et des nuits écourtées par des escapades nocturnes qui étaient devenues incontournables, Sasha occupait ses rares temps libres en trois activités essentielles : manger, dormir et... danser.
Contre toute attente, être guidé par Bartholomew Beckett avait rendu la première épreuve plus facile qu'il ne s'y était attendu, et la perspective du bal de Noël avait rendu à Sasha le goût d'atteindre un objectif : s'il devait se retrouver habillé comme un pingouin pour danser en guise de punition infligée pour avoir quelques fois abimé les beaux visages des Serpentards, autant qu'il ne se ridiculisât pas et dansât correctement. Alors, il s'était investi. Bouger sans trop réfléchir, c'était finalement quelque chose d'accessible. Il avait bientôt découvert que les autres danseurs du groupe, pour certains, n'étaient pas bien plus assurés que lui - et même, qu'au beaucoup d'un certain temps, il appréciait certaines répétitions : les mouvements simultanés réussis, la légèreté de la musique qui faisait oublier certains soucis, et l'humour sans cesse renouvelé des deux aînés qui menaient le cours de danse faisaient finalement une expérience hors du temps, légère, comme si ni la guerre, ni Poudlard, ni ces élèves qui le trouvaient pauvres ou sauvages n'avaient existé.
Il n'en restait pas moins que le jour du bal, il s'était senti nerveux comme à son tout premier jour d'école quand sa mère avait dû le pousser en avant pour qu'il suivît le troupeau d'enfants. Howard et Bartholomew avaient fait en sorte qu'ils aient chacun un costume qui leur allât correctement - aussi, au lieu de se retrouver en robe de soirée - tenue qu'il ne possédait pas de toute façon - s'était-il retrouvé engoncé dans une chemise blanche et une veste noire, avec un noeud papillon qui lui serrait le cou. Sa tête avec ses joues rougies et ses cheveux en bataille qui sortaient de ce costume lui paraissaient, dans le miroir, tout à fait déplacés et inappropriés, aussi avait-il essayé de mettre de l'ordre avec ses doigts dans ses mèches - sans grand succès : des épis se redressaient toujours automatiquement sur son crâne.
A cause de l'ouverture du bal, à laquelle il participait avec la fameuse carioca, Sasha fut à l'avance dans la Grande Salle, et passa de longues minutes ébahi devant les décors grandioses de l'école : si Poudlard l'avait impressionné lors d'Halloween, les décorations de Noël étaient plus sensationnelles encore, et la variété des mets battaient tous les records de ce qu'il avait jamais pu rêver dans ses périodes les plus affamées. Pourtant, une fois n'était pas coutume : Sasha n'avait pas faim. Son estomac lui donnait l'impression d'avoir avalé un boule de bowling au déjeuner sans avoir pu la digérer depuis. Alors il restait planté là, un jus de citrouille à la main, à côté d'une certaine Lina - troisième année, dans le groupe de danse, qui n'arrêtait pas de tirer sur sa robe en demandant à sa voisine si elle n'était pas trop courte.
Les élèves affluaient peu à peu. Pour Sasha, les filles étaient toutes belles : c'était un arc-en-ciel de robes et de chevelures, de parfums et de peau dévoilée qui lui aurait donné l'envie de les renifler l'une après l'autre s'il en avait eu le loisir - plus que jamais il aurait voulu que son animal d'animagus fut un chat pour pouvoir se promener entre elles et recueillir les caresses des unes et des autres - mais la panthère aurait fait fuir tout le monde, aussi chassa-t-il cette drôle d'idée de son esprit.
De toute façon, Alison était arrivée : à peine aperçut-il sa chevelure flamboyante qu'il détourna le regard, comme si cela aurait pu trahir quelque chose de lui-même.
Quelques instants plus tard, les lumières de la Grande Salle changèrent. Les arbres de Noël s'assombrirent, et des projecteurs illuminèrent le centre de la pièce. Bartholomew, puis Howard, ouvrirent le bal sous des applaudissements tonitruants. Et puis, c'était au tour de Lina et d'Alicia de les rejoindre. Quentin, Erik et Miles suivirent. Et alors, ce fut au tour de Sasha.
Ne pas réfléchir. Le corps sait mieux que l'esprit. C'était vrai pour la panthère, c'était vrai aussi pour la danse.
Il ne vit pas la foule : ses repères étaient les autres danseurs, le poids de son pas, l'air qui filait entre ses doigts, ses muscles qui réagissaient d'eux-mêmes, en rythme - à peu près. Sasha ne serait jamais le danseur parfait et léger qu'étaient les deux hommes aux cheveux gris qui semblaient tant dans leur élément, mais il croisa le regard de Lina qu'il devait soulever à la fin de la danse : elle s'était retournée vers lui, le regard plein de détresse et d'espoir, alors pour la rassurer, il lui sourit. Elle répondit d'un sourire et courut se jeter dans ses bras, comme le firent les autres filles avec leur porteur, et il la souleva pour la figure finale.
Tonnerre d'applaudissements. Sueur qui dégoulinait sous la chemise. Lumières aveuglantes. La main de Lina dans la sienne tandis qu'il saluait la foule en se penchant en avant avec les autres.
Et puis la musique et les lumières changèrent de nouveau, enchanteresses, pour illuminer la salle. Sasha fuit du regard tous ces élèves qui le regardaient, pour battre en retraite au milieu des autres danseurs, dans le fond de la pièce. Il entendit à peine, le coeur battant, les félicitations des adultes, et rendit seulement une bourrade de Miles qui clamait qu'ils avaient fait leur meilleure prestation : Sasha sentait ses genoux sauter sous son pantalon, et prétexta avoir besoin de boire pour s'éclipser vers les grandes tables chargées de mets et de boissons.
Message publié le 09/05/2025 à 14:51
Sasha mit un moment à réussir à sortir de la torpeur que le sortilège avait abattu sur lui. Il roula sur les fesses, les lueurs des bougies dansant dans ses cheveux châtains quand il secoua la tête pour essayer de reprendre conscience, après quoi il réserva à Gwen un regard mauvais pour toute réponse à la menace qu'elle proférait. Au moins, une chose était sûre : la Serpentard était finalement capable de passer à l'acte, et ragaillardie par le succès de son sortilège, et le fait qu'elle était désormais la seule qui pouvait physiquement tenir la route, elle avait pris une mine supérieure ; le menton haut, le regard couvant les uns et les autres tour à tour comme si elle était en contrôle de la situation. Sasha émit un sifflement entre ses dents en secouant la tête.
Pendant ce temps, Alison avait repris ses couleurs d'automne : son visage disparaissait à demi derrière de grosses mèches qui ondulaient de façon désordonnée - bien loin de la coupe raide et propre qu'elle arborait d'habitude. Sasha croisa son regard, mais il le fuit en même temps qu'elle. Lucian avait essayé d'attraper le bras de la jeune fille, ravivant subitement l'énergie du Gryffondor qui se remit sur ses pieds à son tour.
- Putain mais lâche-la, malenʹke layno ! s'énerva-t-il, non sans ressentir une pointe de satisfaction de voir qu'Alison ne faisait pas plus confiance à Lucian qu'à lui-même.
Ce dernier jeta un regard noir vers Sasha.
- Qu'est-ce t'as dit là ? Ca veut dire quoi ton truc ?
- Rien, éluda l'ukrainien, avant de désigner Alison du menton, à l'attention de Gwen. Il faut qu'tu la soutiennes, elle peut reperdre connaissance à tout moment.
- Parce que t'es médicomage maintenant ?
Gwen leva les yeux au ciel avant de lâcher un soupir en direction des deux garçons.
- Vous êtes chiants, là, les mecs. On va chacun rentrer à nos dortoirs. Ali tu viens avec nous, et toi là, tu retournes dans ta tour, t'avises pas de nous suivre.
- Non.
Gwen avait fait un pas vers Alison mais elle s'interrompit.
- Quoi, non ?
- J'la laisse pas rentrer avec ce porc.
- Parce que c'est moi l'animal ?
- Mais ta gueule avec ça !
Lucian allait pourtant rétorquer, mais sa bouche s'ouvrit sur un silence qui les glaça tous : un bruit était venu des couloirs - comme un cliquetis aigu. Ils se figèrent, les yeux ronds. Gwen et Lucian se consultèrent du regard, et la fille agita rapidement sa baguette avec un murmure : aussitôt toutes les bougies furent soufflées, et ils se retrouvèrent dans une obscurité chargée de l'odeur douceâtre du souffre.
- Ca doit être le concierge.
- Ou un fantôme.
- Anh la la, si jamais c'est... Une créature qui ne devrait pas être ici ?
- Arrête Gwen. C'est sûrement un préfet ou le concierge. S'il nous trouve on dit qu'on est venus chercher Alison et qu'on a eu peur de lui. Je vais pas perdre des points pour ce connard.
Sasha, lui, n'écoutait déjà plus. Il s'était glissé vers l'angle du couloir, pour jeter un coup d'oeil, mais il n'y vit goutte - la nuit était devenue trop épaisse. Sous sa forme animale, il aurait pu, mais... La proximité des Serpentard rendait l'opération trop risquée. Il s'engouffra de nouveau dans l'espace restreint qui accueillait les élèves - mais il percuta Gwen de plein fouet.
- Aouh ! Mais qu'est-ce tu f... Il essaie de m'agresser ! Lucian il es-saie... !
- Mais arrête putain, grogna Sasha en levant les paumes, pour montrer - inutilement vu qu'on ne le voyait pas - qu'il ne faisait rien du tout. J't'ai pas vue c'est tout !
- Chut ! les reprit Lucian. On avance !
Sasha s'écarta juste à temps pour les laisser passer. Gwen avait attrapé le poignet d'Alison et il la sentit passer devant lui plus qu'il ne la vit. Shampooing, sueur, parfum. Signature. Lucian leur emboîta le pas et Sasha suivit.
Après quelques pas dans le couloir, ils purent discerner les contours de quelques fenêtres, que la nuit éclairait pauvrement - et de nouveau, le cliquetis se fit entendre, plus proche. Ils se figèrent tous de nouveau : qui que ce fut, créature ou humain, quelqu'un se rapprochait, exactement dans cette direction. Il y eut des murmures confus comme Gwen faisait demi-tour, percutant Lucian et Sasha, emportant toujours Alison avec elle.
- Où tu vas ?! chuchota Sasha à Gwen. C'est bouché par là !
- On va trouver un autre chemin.
- Mais pas par là, tu vas nous foutre dans une impasse et...
- Shht !
Gwen, tremblante, s'élança dans un couloir voisin. Tandis que Lucian percutait maintenant Alison.
- Ali avance ! Ali ?
Pas de réponse. Sasha s'alarma - voyant vaguement la silhouette découpée dans l'obscurité de la Serpentard qui s'amollisait contre Lucian. Sasha la rattrapa brusquement pour l'arracher au garçon qui battit l'air des mains, ne comprenant pas ce qu'il se passait.
- Vous allez nous faire repérer ! s'énerva Gwen quelques pas plus loin. C'est encore Ali qui veut pas bouger ?
- Elle ... Elle a disparu, fit bêtement Lucian qui la cherchait en tendant les bras à l'aveugle autour de lui.
Sasha avait reculé de plusieurs pas, l'emportant avec lui. Elle était à demi-consciente, supposa-t-il, alors il la plaqua dos contre un mur.
- Fais-moi confiance. J't'en prie fais-moi confiance, lui chuchota-t-il avant de la lâcher.
Alison glissa contre le mur. Avec un réflexe à demi-inconscient, elle tendit les mains vers le sol - chuta sur une grosse masse velue qui s'ébranla aussitôt au petit trot.
Derrière eux, les Serpentard paniquaient avec force de murmures indignés.
Message publié le 07/05/2025 à 20:42
Tu réfléchis trop.
Sasha fronça les sourcils, mais tâcha de balancer ses bras en rythme en refaisant les pas indiqués, l'esprit un peu perturbé.
Tu réfléchis trop, c'était ce qu'on lui disait lorsqu'il peinait à prendre sa forme animale. Avec le temps, le processus était devenu parfaitement naturel : il se remémorait les sensations d'être félin et aussitôt, son corps suivait son esprit pour prendre cette forme animale. Mais les premiers jours après avoir réussi tout le procédé pour devenir animagus, les transformations, en plus d'être douloureuses, n'étaient pas aussi fluides : il pensait à l'animal, serrait les poings et tendait son corps pour encaisser la soufffrance induite, mais rien ne se produisait la plupart du temps. Il lui avait fallu du temps avant d'accepter de ne pas contrôler parfaitement le processus, de laisser faire quelque chose en lui de plus spontané, plus instinctif.
Ce devait être pareil avec la musique, supposa-t-il donc, mais ce constat ne lui permit néanmoins pas de devenir instantanément un bon danseur. Il soupira, jeta un oeil circonspect vers le vieil homme que semblait être le bibliothécaire.
- Peut-être, admit Sasha du bout des lèvres, peu désireux de prendre un engagement ferme pour avoir d'autres leçons de danse - et en même temps, mieux valait s'infliger ça et ne pas ressembler à un épouvantail le fameux jour de la représentation.
Quelques pas supplémentaires, et la démarche de Sasha devenait plus naturelle. Pas encore le rythme dans la peau - ce serait sûrement difficile d'obtenir cela de lui, mais c'était au moins un peu plus acceptable. Le garçon accueillit avec soulagement la fin de l'exercice. Il opina positivement du chef pour accepter le jus de citrouille, se rendant compte qu'il avait soif, soudain. Il avait en effet transpiré - moins à cause de l'intensité de l'intensité de l'exercice qu'à cause de sa nervosité de réaliser des mouvements qui lui étaient si inconnus.
Sasha s'empara du verre pour le boire presque d'un trait, puis le reposa aussitôt en arrondissant soudain ses yeux devant le sourire malicieux du bibliothécaire. Le garçon eut un sourire gêné, pris de court, et passa d'un pied sur l'autre - comme s'il devait lui-même faire un effort pour passer d'une langue à l'autre. Il haussa les épaules, indécis.
- Як сказала б мені моя мама, "якщо у вас ще є чоботи, значить, ви не зовсім голі на снігу", il ironisa, avant de secouer la tête. Це вислів з нашої країни, це означає, що ми завжди могли скаржитися на гірше. (Comme ma mère m'aurait dit, "si t'as encore tes bottes, c'est que t'es pas tout nu dans la neige". C'est une expression de chez nous, ça veut dire qu'on pourrait toujours se plaindre de pire.)
Il reposa le verre près du pichet : celui-ci s'activa aussitôt pour lui servir un deuxième verre, que Sasha accueillait volontiers. Il fit tourner le liquide orange dans le contenant, comme pour en observer la surface mousseuse, pour s'occuper les mains plus qu'autre chose.
- Англійці рідко розмовляють моєю мовою, il reprit. Як ви про це дізналися ? (C'est rare les anglais qui parlent ma langue. Comment ça se fait que vous l'avez apprise ?)
Un instant, il se tendit, releva les yeux vivement vers le visage de Bartholomew, qui devenait pourtant peu à peu familier.
- У вас російська сім'я ? (Vous avez de la famille russe ?)
Message publié le 07/05/2025 à 12:08
Langage cru
- Mais j'ai rien fait ! rétorqua vertement le Gryffondor, même si plus il le martelait, plus il se sentait coupable. Et toi c'est les points qui t'inquiètent là maintenant, sérieusement ? MAIS NAN elle est pas morte !
Déjà qu'il n'avait pas une grande estime de certaines des filles de la Brochette, Sasha décréta cette fois intérieurement qu'il s'agissait de la pire sorte d'élèves du château - peut-être même après les russes, c'est pour dire.
- Je lui ai RIEN donné, gronda-t-il encore en se redressant, emportant avec lui le corps d'Alison dans un mouvement de recul - mais il décida bientôt d'ignorer la baguette de Gwen pointée sur lui.
Malgré tout, il décida d'obéir. Peut-être plus pour prouver aux deux autres que lui pouvait parfaitement la soulever, mince ou pas. Sasha eut quand même un grognement en se remettant sur ses jambes. Il avait passé un bras sous les genoux d'Alison pour la soulever et suivit sans un mot les deux Serpentards. Ils réussirent à dénicher une petite pièce qui, vu le décor, avait dû être plusieurs fois occupé par des élèves en vadrouille clandestine au vu des mégots et autres fioles qui traînaient au sol. Gwen avait utilisé un sortilège pour allumer quelques bougies, qui jetaient sur l'endroit des lueurs tremblotantes, vaguement inquiétantes. Sasha jeta un coup d'oeil derrière lui, mais les couloirs assombris restaient désespérément silencieux.
Sasha obéit une nouvelle fois ; mais au lieu de déposer Alison simplement, il s'assit avec, la gardant contre lui en laissant les jambes nues de la Serpentard reposer sur le reste de la banquette - il avait suffisamment connu des situations dangereuses pour savoir que garder un otage avec soi était toujours sage quand on n'avait pas l'avantage numérique. Gwen gardait tendue sa baguette vers lui, pas encore consciente qu'il lui serait difficile de lancer le moindre sortilège sans risquer de toucher Alison. Il régnait une odeur de tabac froid, peu agréable, et le Gryffondor regardait les deux Serpentards qui lui faisaient face, tour à tour. Le garçon sembla réfléchir un instant - ses yeux coulèrent sur les jambes d'Alison, dont les genoux blancs, sans conscience, gisaient vaguement écartés. Sasha les rassembla d'une main, sans quitter des yeux le Serpentard.
- Finis ce que t'avais commencé, il dit.
- Quoi donc ?
- Défais-lui la robe.
- Je vois pas trop à quoi...
- Il faut qu'on vérifie qu'il lui a rien fait, coupa le Serpentard vertement. Tu peux lui faire confiance toi ?!
- Nan, nan, minauda Gwen timidement.
Sasha refusa d'un mouvement de tête négatif gardant ses mains sur le corps d'Alison. Le silence se tendit. Le serpentard sourit.
- Regarde, il veut la garder pour lui. Dommage qu'on n'a pas de quoi faire une photo pour prouver à tout le monde.
- On a nos souvenirs ! fit Gwen. On pourra toujours les extraire. Ca se fait.
- Bien vu, fit le garçon, même s'il ne connaissait pas le sortilège pour récolter sa propre mémoire, et son sourire s'élargit. Soit tu la déshabilles, Shevchen, soit Gwen te raccompagne à ton dortoir. Dans les deux cas, on a des souvenirs de toi avec elle inconsciente sur les genoux, et on pourra les partager aux profs pour t'accuser si t'obéis pas. Tu pourras rien nier.
Sasha serra les poings et les mâchoires, un moment paralysé. Il tourna son regard vers Gwen.
- Le laisse pas faire, c'est lui qui veut en profiter !
- Moi ?! s'offusqua l'autre. J'suis de sa maison !
Mais Gwen avait tourné vers lui un regard incertain. Le serpentard afficha une moue dépitée en retour.
- Tu vas quand même pas croire ce qu'il dit ! Alison est le genre de fille qui suce sur demande, elle attend que ça, tous les mecs le disent et tu l'sais très bien, j'vois pas pourquoi j'aurais besoin de profiter d'elle quand elle est inconsciente s'il m'avait suffi de lui demander dans les toilettes !
- Quoi ?!
- Ben oui Shevchen, y'a des gens qu'ont pas besoin d'empoisonner les filles pour pouvoir les tripoter ! T'sais quand t'es un mec propre les filles sont naturellement d'accord pour s'laisser sauter !
- Connard !
Tout se passa très vite. Sasha s'était levé brutalement, laissant glisser Alison sur le sofa mollement tandis qu'il se jetait sur le Serpentard. Gwen s'était mise à émettre des petits bruits paniqués, n'osant d'abord pas intervenir.
- Ah ! A-Arrêtez ! fit-elle en agitant sa baguette sans sortilège, comme une menace inutile.
Les deux garçons ne la regardaient pas : Sasha avait fait basculer le Serpentard au sol dans un crissement de fioles écrasées, et celui-ci avait perdu sa baguette tombée par terre, insuffisamment réactif pour s'en servir. Il tâcha de se défendre avec ses pieds et poings, mais en vain - le poids du Gryffondor empêchait tout coup puissant tandis que Sasha écrasa son poing large sur la pommette du garçon, lui arrachant un cri de douleur - tirant Gwen hors de sa torpeur.
- Stupéfix ! cria-t-elle.
Le sort frappa le dos de l'ukrainien - il fut projeté contre le mur avec une grimace de colère et de confusion. Le Serpentard se hâta de se libérer en gémissant, et Gwen se précipita sur lui pour l'aider à se relever.
- Oh my God, Lucian, ça va ?! Tu as mal ?