



Direction de Serdaigle 50 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété
Je laisse le silence s’installer après ses paroles. Je comprends mieux maintenant, du moins en partie, ce qu’elle traverse. Ce n’est pas seulement une perte de contrôle sur son don ; c’est une lutte contre quelque chose de plus profond, de plus insidieux. Elle se sent envahie, dépassée par sa propre magie, comme si elle ne lui appartenait plus, comme si son propre reflet était devenu celui d’une inconnue.
Je la regarde, observant cette rigidité dans sa posture, cette façon presque militaire qu’elle a de maîtriser ses émotions. C’est une maîtrise que j’ai vue chez d’autres élèves avant elle, mais jamais avec autant de détermination et de résistance. Pour Anya, céder à ce chaos qu’elle décrit serait comme abandonner une bataille qu’elle se refuse à perdre.
Je me redresse légèrement et incline la tête, adoptant un ton calme et réfléchi, pesant chaque mot pour ne pas rompre ce moment fragile.
— Je comprends, Anya, que tu ne considères pas ce don comme quelque chose de naturel, encore moins comme un don que tu aurais choisi. Il est exigeant, capricieux, et il impose ses règles sans te laisser de répit. Et pourtant, cette magie fait partie de toi. Elle n’est pas un adversaire, même si elle te donne l’impression d’en être un.
Je marque une pause, pour lui laisser absorber mes mots. Elle doit savoir que ce n’est pas elle contre sa métamorphomagie, mais elle avec elle-même.
— Tu as déjà exploré différentes solutions, dis-je en m’appuyant sur les nombreuses tentatives qu’elle a mentionnées, mais chacune de ces tentatives partait du principe qu’il fallait la contrôler, la soumettre. Et si nous envisagions les choses autrement ?
Je me lève et vais chercher une plume sur mon bureau, jouant distraitement avec elle avant de poser mes yeux sur elle.
— La métamorphomagie est profondément liée aux émotions, aux souvenirs, à tout ce qui compose ton être intérieur. Plutôt que de lutter contre elle, je te propose de travailler avec elle. Des exercices de visualisation, de relâchement émotionnel, qui permettront d’explorer ce que ta magie essaie de te montrer, sans que tu aies besoin de la maintenir sous un contrôle absolu.
Je pose la plume, m’assurant qu’elle capte la suite de mes paroles.
— Cela va prendre du temps, Anya. Mais cette approche pourrait te permettre de te réapproprier ta magie, de l’accepter pour ce qu’elle est, avec toutes ses nuances, ses contradictions. Je ne dis pas que ce sera simple, et cela nécessitera probablement de revisiter certains souvenirs ou sentiments que tu as parfaitement compartimentés.
Je me rapproche légèrement, posant une main réconfortante mais légère sur le bord de mon bureau, un geste d’encouragement.
— Si tu es prête, nous pourrions commencer dès que tu le souhaites. Je t’accompagnerai pas à pas, et nous irons à ton rythme. En fin de compte, ton don ne devrait pas être une entrave ; il a le potentiel de devenir une force, un moyen d’expression et de liberté.
Je recule doucement, lui laissant tout l’espace nécessaire pour réfléchir. Elle n’a pas besoin de répondre immédiatement ; cette démarche ne se fait pas en un claquement de doigts. Mais elle doit savoir que cette porte restera ouverte, et que, quelle que soit la route qu’elle choisira, elle ne sera pas seule pour l’affronter.