Un nouveau juron lui déborda des lèvres alors que la réserve du garde-chasse lui coupait brutalement la route. Le temps qu'elle mit à contourner le problème, Sasha Shevchen avait disparu.
Maksim Nikitovitch avait enseigné à ses deux enfants l'art de la chasse. Il les emmené de nombreuses fois dans les profondeurs de forêts épaisses, loin de la ferveur urbaine de Moscou, et ils avaient occasionnellement campés plusieurs jours de rang, à se raconter des histoires au coin du feu. Jamais Mara ne manquait de rappeler à son époux comme Anya n'avait guère sa place dans ce genre d'activité, mais c'était bien la seule chose que Maksim ne concédait pas à sa femme. Traditionnaliste dans l'âme, il estimait que sa fille devait malgré tout être tout aussi capable de se défendre que de survivre en pleine nature.
Alors la jeune russe était armée d'autant de patience et de ruse lorsqu'il s'agissait de débusquer un gibier.
Les minutes s'écoulèrent. De sa furie ne persistèrent que quelques pointes orangées dont elle ne se formalisait plus depuis longtemps. Ses iris avaient repris leur teinte sombre originelle. Baguette en main, elle avait ralenti le pas jusque se faire complètement silencieuse, épiant chaque mouvement de branche, tournant la tête au moindre craquement. La furtivité dont elle faisait preuve restreignait l'ukrainien à faire de même, où qu'il soit. Ils s'étaient enfoncés assez loin entre des troncs de plus en plus épais. Elle estimait avoir dépassé les frontières du domaine de Poudlard depuis un petit moment, et il n'y avait plus autour d'eux la moindre barrière pour leur donner même la vague impression d'être encore sur le territoire de l'école.
Ils ne devaient sans doute leur immunité ponctuelle qu'à l'absence du garde-chasse, en mission à l'extérieur de Poudlard depuis déjà plusieurs jours.
Anya ne lâcherait rien sans avoir trouvé Sasha. Il détenait les seuls souvenirs qu'elle avait pu emmener de sa maison. Les derniers vestiges de sa famille. Il avait sans le savoir dévalisé les seuls objets de valeur qu'elle possédait, et pour ça elle ne lui pardonnerait jamais. Ne se pardonnait pas, déjà, de n'avoir pas pensé à les séparer des journaux dès qu'ils avaient commencé à se voir régulièrement pour les lire ensemble. Idiote. Son pas mesuré arpentait une mousse humide dont sortait parfois quelques insectes énormes qui courraient se réfugier dans le creux de souches dévorées par le temps, ou de roches affaissées à leurs pieds.
Des heures passèrent, et Anya maudissait presque que l'on soit un dimanche, et que rien ne force l'ukrainien à s'extirper de sa cachette. Quoi qu'elle était à peu près sûre que même la perspective d'une retenue avec un professeur ne suffirait pas Sasha à se montrer. Il était on-ne-peut-plus déterminé à décortiquer son dernier numéro de l'Unificateur. N'avait-il pas de foutu journal dans son foutu pays ? Devait-il dépendre de nouvelles d'un papier imprimé de l'autre côté de la frontière pour en apprendre plus sur les avancées de ses propres alliés ? Absurde. Il ne voulait que la priver de la seule chose qui la rattachait encore à sa patrie.
Ce n'est que tard, très tard dans la journée, qu'Anya consentit à abandonner. Le déjeuner était passé depuis longtemps, et la forêt s'assombrissait tant qu'elle en devenait plus dangereuse à chaque seconde. Il était évident que l'endroit n'était pas interdit pour rien, et elle n'était pas stupide au point de risquer sa vie pour des photographies. Que l'ukrainien crève pour ses précieux articles si ça lui chantait. Depuis un moment déjà, sa chevelure avait recouvré sa noirceur originelle. Elle leva sa baguette dans une direction aléatoire et ne lança qu'un sortilège, espérant que Sasha était là pour la voir, ou au moins l'entendre. Espérant qu'il resterait planqué des heures encore, jusque se faire dévorer par ce qui se terrait dans les alentours, quoi que ce fut.
- Abstergeo.
Un arbre prend le sortilège de plein fouet, et se trouve entaillé avec force, comme s'il avait été pourfendu d'une griffe monstrueuse. Une nuée d'oiseaux s'élèvent vers le ciel en pépiant bruyamment, et Anya les observe sombrement.
- Crève Schevchen, murmure t-elle simplement avant de repartir en direction du château.
La culpabilité. C'est ce qui avait été le plus dur à avaler. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, n'est-ce pas ? Eut-elle réfléchi en amont, elle n'aurait amené qu'une pochette vide avant de confronter Sasha. Sombre idiote. Anya avait beau n'avoir rien mangé de la journée, elle avait vomi tripes et boyaux dans le fond des toilettes à plusieurs reprises à son retour de la forêt interdite. Aucune âme ne s'était avancé à lui poser la moindre question quant à ce qui s'était passé le matin même. Un regard noir avait suffit à disperser les envies de quelques valeureux qui avaient semblé vouloir lui adresser la parole sur le chemin de la Grande Salle. Anya n'avait aucune envie de se montrer au dîner, mais elle estimait qu'une troisième absence à la table des serpentards commenceraient à éveiller des soupçons.
D'humeur massacrante, elle n'avait bien sûr touché aucun des aliments qu'elle avait empilé pêle-mêle dans son assiette. Elle se contentait de faire rouler certaines boulettes de viande du bout de sa fourchette, et de déplacer les aliments sans logique aucune. Vide. Elle se sentait vide. Vide et stupide. Profondément stupide de son propre manque de jugeotte. Profondément en colère aussi après Shevchen et sa foutue obsession pour l'Unificateur. Alors lorsque sa tête se dressa pour croiser le regard de l'ukrainien qui venait de pénétrer à l'intérieur de la large pièce, ce fut comme si un silence s'installait tout autour d'eux. Le brouhaha des élèves brusquement éteint, Anya ne décolla guère ses pupilles de la silhouette trapue du garçon, qui s'avança directement dans sa direction.
Un réflexe maladif voulu qu'elle porte la main à la poche de sa robe, comme pour chercher à se défendre d'une attaque. Là. Au milieu de tous les autres. Au nez et à la barbe de tous les professeurs. Mais malgré un cœur battant, elle se retint, tant l'idée était absurde. La pochette claqua vivement contre le bois, à quelques centimètres à peine de son assiette pleine, et elle ne la regarda même pas. Non son regard était relié à celui de l'ukrainien pour ne plus s'en décrocher. Elle ne s'en décrocha que lorsqu'il lui tourna le dos, mais resta longuement ciblé sur lui, comme incapable de même ciller. Puis, enfin, le bruit des élèves autour d'elle fut de nouveau présent, avec une puissance remarquable, et elle affaissa son attention sur ce qu'il avait apporté. Sa main attrapa la pochette avec vivacité.
Autour d'elle, quelques chuchotements glissés d'une oreille à l'autre. Là des regards qui trainaient sur ce qu'elle agrippait avec des jointures blanches. Le visage fermé, elle se leva brutalement et se décida à quitter la table. À quitter la pièce. Sans un regard vers Sasha Shevchen, ou quelqu'autre membre du clan rouge et or. Ses pas la menèrent au bas des escaliers, l'enfoncèrent dans les cachots, la laissèrent rejoindre la salle commune, puis le confinement de son dortoir entièrement désert. Là, elle jeta la pochette sur son bureau, l'ouvrit avec une précipitation terrible avant de feuilleter l'intégralité du contenu dans des gestes erratiques. Lorsqu'enfin elle trouva ce qu'elle cherchait, elle avait le visage inondé de larmes, et des couteaux qui lui transperçaient le cœur à répétition. Idiote. Idiote. Idiote.
- прощение, прощение, прощение. Pardon, pardon, pardon.
Elle n'adressait ses paroles à personne en particulier. Ses mèches avaient pris une teinte d'un bleu sombre abominable, et elle rassembla l'intégralité des photos pour les serrer contre sa poitrine, répétant son mantra avec une voix qui se brisait un peu plus à chaque instant. Bien avant qu'aucune des autres filles du dortoir n'ait reparu, Anya avait rangé l'intégralité de ses affaires, les avait scellé dans le fond de sa malle à l'aide d'un puissant sortilège. Les rideaux tirés autour de son lit, elle était demeuré assise, les yeux dans le vide, et les lèvres étirées en une ligne fine, chargée d'une haine viscéral. Sasha lui avait rendu ses possessions, et pourtant elle ne parvenait pas à ressentir autre chose que de la haine à son encontre.
De la haine pour s'être fait passer pour ce qu'il n'était pas.
De la haine pour avoir abusé d'une confiance qu'elle ne donnait à personne. De la haine pour avoir souillé les photographies de ses doigts sales
De la haine pour avoir posé les yeux sur une chose qu'elle tenait secrète, et qu'elle avait eu la stupidité d'étaler au grand jour.
De la haine pour elle-même, finalement, qu'elle enfonçait de ses ongles sous la chair d'une peau molle, pâle et absurdement fragile.
La porte de l’auberge s’ouvrit avec fracas, projetant un sillage de vent froid dans l’atmosphère chaleureuse des lieux. Les conversations se turent quelques secondes, le temps que l’étrange silhouette qui venait d’apparaître se découpe dans l’encadrement, éclairée par la lueur des chandelles. Un long manteau noir, un chapeau haut-de-forme tordu sur le côté, une main gantée de rouge posée sur le cœur, et un visage tordu par l’affliction. L’homme – ou plutôt, l’étrange créature qui venait de franchir la porte – avança lentement, d’un pas mesuré et tragique, comme un roi déchu pénétrant dans une ville en ruines. Puis, la voix tonna :
- Isaya Bergame !
Le silence se fit immédiatement. Une table de Gryffondor échangea un regard inquiet, un habitué reposa sa chope avec précaution, un elfe de maison en pause recula lentement sous le comptoir, par pur instinct de survie. L’homme dégaina un mouchoir noir, le porta avec solennité à son visage, puis déclara avec toute la détresse du monde :
- Ah… Si seulement vous saviez ce qui me pousse aujourd’hui… en ces lieux maudits par les souvenirs !
Il avança encore d’un pas, se tourna vers un pauvre client pris au hasard, et lui saisit brusquement l’avant-bras.
- Vous, oui, vous ! Dites-moi… Comment fait-on pour survivre, lorsqu’on a tout perdu ?!
Le garçon, un pauvre étudiant de Serdaigle venu boire une simple infusion, fige son regard sur celui du comédien improvisé, avant de bégayer :
- Euh… ben… je suppose qu’on avance… ?
- Avancer ! s’écria l’homme en jetant son chapeau à terre. Mais comment avancer quand son honneur est piétiné, quand son nom est souillé, quand tout ce qu’on a construit… a été anéanti par la main impitoyable du destin ?!
Il pivota dramatiquement, balayant la salle d’un regard trouble, puis posa une main tremblante sur sa poitrine.
- Moi, Salomon J. Van Der Wickensworth III du Duché de Catzbury, j’ai autrefois eu TOUT. Les terres, les honneurs, les pièces d’or sonnantes et trébuchantes… et aujourd’hui…
Il recula, s’appuya sur le comptoir, soupira comme si son âme venait de se détacher de son propre corps, et poursuivit d’une voix lourde de douleur :
- Aujourd’hui, je n’ai plus rien.
Une table au fond étouffa un rire, mais Salomon J. Van Der Wickensworth III ne se laissa pas démonter. Il continua sa lamentation, s’agrippant maintenant au premier tabouret venu, les yeux levés au ciel.
- Et tout cela, à cause d’une seule erreur… une seule…
Il porta un regard perçant vers l’assemblée, suspendit son souffle, et murmura d’une voix rauque :
- J’ai confié ma fortune à un gobelin clairvoyant du nom d’Alfred-Orius Le Grand.
Un silence de plomb. Puis, un éclat de rire. Puis un autre. Puis toute une tablée qui explosa. Mais Salomon J. Van Der Wickensworth III ne vacilla pas. Il posa une main sur son torse, hocha la tête avec gravité, et poursuivit comme si personne ne venait de rire de son infortune.
- Oui… Vous riez, mais… un jour, vous verrez ! Vous comprendrez ce que cela fait d’être un homme brisé, de supplier pour un simple gobelet d’hydromel, d’être dépossédé de tout, jusqu’à son titre…
Il tendit un bras vers l’horizon invisible, comme s’il appelait un fantôme du passé, et déclama :
- Oh, mon duché de Catzbury ! Mon royaume ! Mon honneur perdu !
Il bascula en arrière. Heureusement, un tabouret amortit sa chute. Le rire devint général. Et enfin, comme un acteur qui s’offre un dernier instant de gloire, il bondit sur ses pieds, enleva son chapeau, et tournoya avant de s’écrier :
- Ah ! Quand on a du talent, on se doit d’en tirer profit !
Il fit une révérence théâtrale, balaya la salle d’un sourire éclatant, et annonça tout en élégance et en absurdité :
- C’était une modeste représentation des Blues Biscottes ! Merci, merci !
Et, comme un souffle de vent soudainement aspiré hors de la pièce, Horace disparut, cape au vent, laissant derrière lui un Trois-Balais conquis… ou profondément perplexe.
Alec soupire. Un bruit bref, rauque, sans fioriture. Il n’a pas besoin d’un putain de débat philosophique pour justifier ce qu’il a fait. Il prend le temps de la regarder, cette femme qui semble tout analyser sous une loupe, comme si le monde était un putain de laboratoire d’expérimentation humaine. Son regard est froid, détaché, et quelque chose dans cette façon de questionner l’évidence lui file un goût amer. Il jette un regard vers les Aurors qui s’activent, vers le mec à terre qui renifle bruyamment en retenant des sanglots. C’est fini. Le bordel est géré. Mais elle, elle est encore là. Et elle l’interroge comme si c’était lui le problème. Son expression se ferme légèrement. Pas de colère, pas de mépris. Juste de lassitude. Il a l’habitude qu’on questionne ce qu’il fait, pourquoi il le fait. Mais il n’a jamais eu de patience pour ceux qui intellectualisent ce qui ne mérite pas de l’être.
- Vous réfléchissez beaucoup trop.
Le ton est sec, mais pas agressif. C'est ni une insulte, ni une provocation. Juste un constat, lancé sur un ton brut et factuel.
- J’l’ai fait parce que j’ai vu les Aurors se barrer y’a cinq minutes, et qu’on avait pas l’temps d’attendre qu’ils rappliquent.
Il laisse un silence, juste assez pour que ça percute. Elle l’agace, avec ses foutues questions à côté de la plaque.
- Les gens meurent tous les jours, ouais. Mais quand on peut éviter qu’ça arrive, on le fait. C’est tout.
Sa voix est toujours calme, posée. Il hausse les épaules, et son regard devient un brin plus acéré.
- Pis vous savez quoi ? Ma fille aurait été fière. Pas parce qu’j’ai voulu jouer les héros. Juste parce qu’j’ai empêché un gosse de voir son père massacrer un type sous ses yeux.
Il la fixe, appuie chaque mot avec la certitude de quelqu’un qui sait qu’il a raison.Son regard glisse sur sa posture trop rigide, son sourire trop froid, sa façon de se tenir comme si elle était en dehors du monde, au-dessus du bordel.
- Pis si vous trouvez qu'vous perdez du temps dans votre journée, peut-être bien que vous devriez le passer ailleurs.
Alec ne bouge pas tout de suite. Il lui laisse le poids de cette remarque. Puis il ajuste la sangle de son sac, son regard ancré dans le sien un quart de seconde de plus que nécessaire, avant de finalement annoncer :
- Alec Chadwick. S’ils ont des remarques, dites-leur qu’c’est moi qu’ils doivent emmerder. J'serais là-haut en train d'renouveler mon foutu passeport.
- Fuuuuuuuck.
Il l'a vu trop tard. Genre le gars était pas là, pis soudain le gars était là. Voyez. À peine Jimmy a essayé de choper le pétard pour en faire Merlin-sait-quoi que le bordel s'est retrouvé entre les doigts de Brooks comme par magie. Il reste un moment là à le mater en battant des cils, mate à gauche à droite histoire de. De quoi il sait pas bien, mais histoire de, quoi. Les mains enfoncées dans les poches, on croirait facilement que ça lui fait ni chaud ni froid. Sans doute parce qu'en vrai ça lui fait vraiment ni chaud ni froid. Même qu'il tente un smile, on sait jamais, des fois que ça marche. L'a pas l'air bien impressionné, Brooks.
- Tss. Daryl j'ai vraiment rien j'te jure, fin vraiment mate ça, il sort son paquet de tabac pour lui montrer le reste de verdure qui reste à l'intérieur. Fin vraiment c'est ridicule, t'vois bien. T'vas pas m'coller pour ça quand même ?
Jimmy avait pris l'habitude de tutoyer l'ensemble de ses professeurs. Pas qu'on lui ait accordé ce droit d'une manière ou d'une autre, mais voyez ça tombait comme ça, une habitude. Il continue de vider ses poches quand même. Y a pas grand chose, faut savoir. Déjà y a pas sa baguette. Y a des miettes de trucs, il sait pas trop de quoi. De tabac probablement, pis peut-être bien d'autres trucs aussi. Deux trois bonbons. Pis ce foutu parchemin. Même qu'il a beau faire genre, en le dépliant et en l'repliant tel le magicien moyen, Brooks le récupère pour le zieuter. Jimmy affaise le regard sur le bout de ses chaussures usées, mate partout sauf là où s'trouve son professeur de potions.
- Bah j'sais pas Daryl, déjà j'sais pas bien quoi faire de moi. P't-être tu peux faire genre t'as rien vu et m'laisser aller chiller dans les serres, par exemple. Fin c'est qu'une suggestion ! Ça resterait entre nous, tranquille. D'une main il a enfoncé un peu le bonnet vissé sur sa tête, de l'autre il fait un geste un peu vague entre Brooks et lui. J'peux être une pierre quoi. J'porte bien mon nom, pis pas qu'pour le truc dont-on-doit-pas-prononcer-l'nom. Il tape son meilleur clin d'œil avant de faire un patpat sur l'épaule du type, décidément toujours aussi peu impressionné.
Faut dire qu'il en faut pour impressioner un type comme Daryl Brooks.
- J'peux heu... récupérer ma lettre ? Il a deux doigts qu'on déjà chopé un coin du parchemin pour lentement le tirer vers lui.
Il a froncé le nez sans trop s'en rendre compte. Bart. C'est qui, Bart ? Pis ça lui vient. M'sieur Beckett. Lord Beckett, qu'il se plaisait à leur rappeler parfois en se donnant des airs faussement importants. Devaient être vachement proches de Charlie pour qu'elle l'appelle comme ça. Il arrive pas à s'imaginer un monde où il appelerait le bibliothécaire Bart, ou n'importe quel professeur par juste son prénom. Ça doit quand même faire un peu bizarre. Quant à la mention du bal de noël de l'année précédente, ça lui fait juste afficher un genre de sourire un peu crispé. Aussi amusant que ce soit d'imaginer Ryan Hedgecombe se faire repousser par les filles à cause de son haleine de tartare de dragon, ça reste un moment dont il ne garde pas le meilleur des souvenirs.
Voyez, Basil Banks n'avait pas pu assister au bal de noël, car il avait passé toute la soirée enfermé à double tour dans un placard à balai du quatrième étage.
- Few, c'était moins une, il chuchote une fois le concierge reparti.
Les yeux de Basil se posent alors sur la paume teintée de Charlie et il étouffe un rire derrière la sienne. Il jette un œil à Monsieur Milbourne, qui s'est affaissé plus loin pour répondre aux interrogations de plusieurs étudiants de sixième année, avant de braquer sa baguette sur Charlie.
- Bouge pas hein.
C'était un sort qu'il n'avait jamais testé que sur lui-même, et sans grand succès, mais il avait peut-être un peu envie d'impressionner sa camarade. Alors avec application, il prononça la formule, la voix basse et les yeux braqués sur sa cible.
- Encaustum Corpus !
La paume reste désespérément violette, et Basil en devient rouge jusqu'au bout des oreilles.
- Zut. Ça marche d'habitude, il murmure avant de chercher un mouchoir dans la poche de son uniforme. Tiens, essuies là à la main si tu veux.
Absurde héritage de la bonne éducation de sa mère : toujours avoir sur soi de quoi nettoyer de potentielles bêtises. Basil se pince les lèvres avant d'affaisser le regard sur son parchemin, honteux de son échec.
Ça a défilé toute la journée. Des notes froissées avec plus ou moins d'élégance, projetées au travers des couloirs pour atterrir entre les mains des uns ou des autres, provoquant parfois des rougeurs, parfois des éclats de rire, parfois des larmes cruelles, d'autres fois encore ne provoquant rien de plus qu'un haussement de sourcil perplexe et vaniteux. La plupart de ces notes étaient accompagnées de leur petit effet, bien sûr. De certaines jaillissaient des chansons - de la plus romantique à la plus paillarde ; d'autres surgissaient sa flopée d'étincelles - parfois brûlantes et nécessitant l'intervention d'un membre du personnel exaspéré ; d'autres encore émanaient de larges pétales de fleurs - roses, rouges, violets vifs, verts marécageux ; plus occasionnellement, certaines échappaient des odeurs absurdes - allant des orangeraies du sud de la France aux fonds de poubelles de quelque allée obscure de Londres.
Aux sorciers les plus aguerris, les plus belles déclarations - ou les plus belles farces.
Les envolées lyriques arrivaient parfois au milieu d'un cours, certaines beuglant avec brutalité dès l'arrivée à la manière de leur consœurs éponymes, imposant le chaos d'heure en heure. Fergus s'était étranglé dans son rire quand Barney, au beau milieu du cours de métamorphose, s'était fait caresser le visage par une énorme plume de paon avant qu'elle ne commence à le picorer du poignet jusqu'à l'épaule. Au déjeuner, quelques courageux avaient osé venir déclarer leur affection directement au damoiseau ou à la demoiselle concernée, dont une timide Mathilda Bloom, qui s'était adressé à nul autre que le professeur Brooks au devant même de la table des professeurs. Le cours de vol avait carrément du être écourté à cause d'incidents réguliers entre les nuées de notes et les balais. Seul le cours de soins aux créatures magiques s'était déroulé comme à son habitude, si l'on omettait le grand discours de Jimmy envers l'ensemble de la végétation environnante.
Bref.
Ferguson s'était bien marré, et il avait, bien sûr, participé très activement au bordel ambiant. Il avait fait parvenir plusieurs lettres de sa propre main, des propositions toutes plus indécentes les unes que les autres, adressées à plusieurs filles parmi les plus prudes de l'école. Il n'avait pas signé, et s'était contenté de regarder les concernées rougir brutalement. Il avait aussi envoyé un crapoquet chanter un hymne pauvrement romantique ponctué de rots tonitruants à la grande Viviane Valcourt, ce qui lui avait valu pas mal de tapes dans le dos. Il avait passé l'intégralité du cours de métamorphose à ensorceler des dessins sur les tables de ses voisins, illustrant ce bon vieux Edwin Pope dans des situations ridicules qui ne tendaient qu'à prouver combien le professeur se devait, pour le bien de tous, de rester célibataire. Ça avait bien fait rire la galerie, et c'est bien là tout ce qu'il avait escompté.
Le calme ne s'est pas forcément imposé après dîner, puisqu'exceptionnellement les élèves ont eu le droit de trainer plus tard que prévu, s'enfonçant pour certains dans le parc, ou pour d'autres dans les coins les plus tranquilles du château. Ça et là, ça s'était donné des rendez-vous, que les membres du personnel s'efforçaient de chaperonner à l'aide des fantômes et tableaux postés dans tous les couloirs. Ferguson ne faisait pas exception, même si son rendez-vous à lui s'était clôturé plus rapidement encore qu'il n'avait commencé. C'est-à-dire qu'il ne s'était pas attendu à ce qu'une fille ne prenne au sérieux son message du matin, ou même ne devine qu'il venait de lui. Il en s'était non plus attendu à ce qu'elle lui foute une claque magistrale sitôt arrivée sur le lieu du rendez-vous, histoire de lui remettre les idées en place, sale pervers. Honnêtement, il soupçonnait Sam ou Ambrose d'avoir cafté.
Pas plus déphasé que ça, et même plutôt bienheureux, Fergus fait donc route inverse, les mains enfoncées dans les poches d'une veste qui s'est substituée pour l'occasion à son uniforme de Poudlard, mais qui n'a rien d'un réel vêtement habillé qu'on aurait pu attendre d'un garçon en plein rencard. Les mèches en pagaille sur le crâne et la peau de la joue encore un peu rouge, c'est dans les escaliers du hall qu'il croise nulle autre qu'Alison Carter, apprêtée comme pour aller au bal, des jambes trop longues remontant sous une jupe trop courte achevant d'attirer son attention. Les yeux éclairés, la gueule béate, il peut pas empêcher le sifflement qui s'extirpe d'entre ses lèvres, juste avant de constater l'état réel de la sorcière. Le genre d'état qui pue le rendez-vous raté, si vous voulez son avis. Le sifflement s'arrête brutalement pour faire place à l'éclat d'un rire gras qui résonne, attire des regards sur eux.
- Ben alors Carter, elle s'est pas bien passé ta Saint Valentin ?
Il fait mine de s'écarter brutalement quand elle arrive à sa hauteur.
- Ah, dégouline pas sur mes shoes neuves. Putain la gueule !
Stagiaire au Département de la Justice Magique 25 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété
- De q... quoi ?
Leo cligne des yeux, pas bien certain d'avoir enregistré l'intégralité des questions posés par son père. C'est que y en a eu beaucoup. En plus qu'il gueule. Leo aime pas bien quand il gueule. Alors dans l'doute, il lâche l'oignon. Ça c'est dans ses cordes voyez. Pas qu'il comprenne vraiment ce que ça veut dire que d'être dans des cordes. C'est pas comme on pouvait rentrer dans une corde. Quoi que y a des gens qu'ont essayés, et ils ont eu des problèmes.
- J'touche à rien.
Même qu'il laisse tomber l'couteau, aussi. Pas dans la poubelle lui hein, juste sur le plan de travail. Même qu'il le laisse pas tomber d'ailleurs, il le pose délicatement. Un couteau ça se pose délicatement Leo, on lui répète souvent. Depuis l'accident du pied ça. Les bras en l'air, il regarde son père avec des yeux ronds, comme s'il était en état d'arrestation un peu.
- C'est Victor heu... Pellman. Spellman. J'crois. Un truc en man. Mais pas comme les mites là. C'est quoi d'abord ça. Mitoman ? Il a baissé les bras un peu, pour s'installer sur un tabouret, labourer du bout d'un ongle le comptoir.
Franchement de visu comme ça, on croirait un genre de super-héros. Mais avec des mites. Alors vraiment il voit pas. Enfin de visu, s'entend. C'est plutôt à l'oreille. Leo est un gars qui fonctionne vachement à l'oreille. Des fois y a des sons qui sonnent tout pareils, tu les mets ensemble et paf tout fait sens. Pis d'autre fois comme là, bah ça en fait pas. Alors il cligne des yeux bêtements plusieurs fois avant d'accélérer, la cadence, parce que Papa a décidé d'faire la gueule d'un coup alors que jusqu'ici tout allait bien en fait. Merde.
- Il a fait l'armée moldue quoi. Les bérets verts, il a dit. Il sait pas c'est quoi. C'est comme un do. Maman lui a montré c'est quoi un do, sur un piano. Ce qui n'explique pas les bérets verts. Mais bref. Il raconte des histoires de l'armée quoi. Fin tu vois. Faut espérer, parce que Leo il voit pas vraiment, à part à travers les histoires de Victor. Quand ils dorment dehors et tout, pis quand on les a envoyé à des endroits pour s'battre et tout. Scriiiitch. L'ongle attrape un morceau de bois qui se retire du meuble, et Leo plaque une main dessus. J'te jure c'est un type cool ok ? L'emmerde pas. Elle va m'tuer si elle sait j't'en ai parlé p'pa !
Yo !
Tout pareil que l'mois dernier, mais cette fois j'gagne ok ?
1 - 2 - 4 - 8 - 18
Bon chance à toutes et tous, mais surtout à moi, bwahahaha
Ollivander’s - Fabriquant de Baguettes Magiques 30 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété
Leslie attrape le flacon tendu par la médicomage sans un mot, ses doigts se refermant dessus avec une fermeté mesurée. Elle secoue légèrement la tête pour indiquer que non, elle n'a a jamais entendu parler d'Amotio Memoriae. Elle écoute attentivement les explications, le regard fixé sur la baguette d’Oonagh lorsqu’elle lui montre le mouvement à reproduire. Un sort délicat, qui demande de la concentration, de la précision. Pas d’approximation possible. Elle hoche doucement la tête, plus pour elle-même que pour l’autre femme.
- Non. Pas de légilimancie, elle déclare simplement sur un ton neutre qui ne laisse pourtant aucune place à la négociation.
Son espace personnel lui a toujours été vital. Aussi bien physiquement que mentalement. Cela dit, il lui est très étrange de se dire qu'elle est sur le point de se retirer un souvenir. Elle a l’impression d’aller contre son instinct le plus profond. On est censé s’accrocher à nos souvenirs, pas les arracher. Elle souffle discrètement par le nez avant de répondre à la question d’Oonagh :
- C’estt la première fois que mon père m’a fait faire le tour de son atelier.
Sa voix est posée, mais elle prend une demi-seconde de plus avant d’ajouter :
- Je devais avoir sept ou huit ans. C’est ce jour-là que j’ai su que je voulais faire ce qu’il faisait. J’ai passé des heures à l’observer, à toucher le bois, à poser un millier de questions… Il était fier. Leslie aussi.
Elle pince les lèvres, le regard brièvement tourné vers Quinten Harrison. Elle resserre sa prise sur sa baguette et prend une inspiration avant de l’élever, reproduisant avec application le mouvement enseigné. Amotio Memoriae. Une seconde de flottement. Rien. Elle fronce légèrement les sourcils et recommence, plus concentrée. Cette fois, elle sent un léger frisson parcourir son échine quand le fil argenté du souvenir s’étire hors de son crâne. L’espace d’un instant, elle a l’impression de le revivre : l’odeur du bois taillé, la poussière en suspension, la voix grave de son père lui expliquant comment reconnaître un bon morceau de frêne.
Puis c’est fini.
Elle dépose doucement le fil de mémoire dans le flacon, le regard fixé sur le liquide miroitant qui ondule doucement. Son esprit tangue une fraction de seconde, comme une note manquante dans un accord parfait. Ce n’est pas douloureux. Juste… vide. Elle referme le bouchon et pose le flacon près de la pensine, avant de glisser un regard vers Oonagh.
-Ça ira comme ça ?
Son ton est neutre, presque professionnel, mais elle évite soigneusement de regarder son père.
- C'est qui Jeff ? Avait t-il demandé plus tôt d'une voix un peu perdue avant de reprendre son observation méticuleuse du paysage.
Joueur de Quidditch Professionnel 25 ans Né·e Moldu·e Britannique Notoriété
Fatalement qu'il capte pas tout ce qu'elle raconte. C'est loin d'être un ingénieur. N'empêche qu'il écoute tout pareil, parce que Freya a cette façon de balancer les infos avec un genre de passion qui donne juste envie de l'écouter, peu importe ce qu'elle raconte. Pis bon. Ça l'intéresse en vrai. Même s'il capte pas tout. C'est carrément révolutionnaire, des balais reliés à leurs joueurs comme des baguettes magiques. C'est pas de comprendre le concept qui va changer ça. C'est excitant en fait. Vachement plus qu'un simple nouveau modèle, le bordel deviendrait une partie d'eux, complètement rattaché à leur propre expérience de vol, et à leurs préférences dans le domaine. Alors évidemment il a des yeux grands ouverts, Elliot, pis il balance des ah ouais ? ici et là, et des han ! et des nice ou des putain trop stylé parce qu'en fait ça l'est, juste. Trop stylé.
- Jun ? C'est pas toi qui va m'faire mon balai ?
Il sait pas c'est quoi un synthétiste, ni c'est qui Jun, mais il a eu un smile énorme à la perspective d'avoir sa version bien à lui. Un truc taillé pour appartenir à Elliot Blackburn. Ça en jette à peu près autant que le premier maillot qu'on lui a tendu avec son blaze dessus. N'empêche que le smile s'est métamorphosé en rictus à l'idée que ce soit pas Freya Carter elle-même qui lui taille le balai.
- Là ?
C'est large comme espace, faut dire. Mais il avait imaginé qu'ils iraient tester ça quelque part dehors, histoire de tester de la vraie voltige. Cela dit c'est clair que ce serait le genre de truc qu'attirerait un peu l'attention, alors c'est peut-être mieux comme ça. Il va pas s'faire prier en tous cas. Il enfourche le bordel :
- J'espère ça fait comme les baguettes si c'est pas l'bon, il balance juste avant de s'élancer, sans plus sembler s'en inquiéter que ça.
Très vite, il s'avère que le balai est caractériel. Elliot a aucun problème pour esquiver le mobilier - qui semble par moment se déplacer de lui-même pour le laisser voler comme bon lui semble -, et il enfonce les talons sur les étriers pour chercher la pleine vitesse du modèle. Y a du fuel à revendre. Ça le balance vers l'avant avec puissance, et il pousse un hurlement joyeux avant de tenter une bifurcation serrer entre deux étagères. Le virage est net, aussi fluide que brutal. Alors il s'essaie vite à d'autres trucs, cherchant les limites de l'objet. C'est pas comme s'il en avait jamais crashé. Elliot a toujours aimé les phases de tests de nouveau balai, parce que c'est à peu près le seul moment où on les laisse faire ce qu'ils veulent s'en inquiéter qu'ils niquent l'équipement. C'est presque le but.
La seule différence c'est qu'habituellement y a des types payés pour mater ces entrainements délirants et s'imposer dès que ça commençait à sembler dangereux pour les joueurs.
1. Au bout d'un moment, le balai a l'air de complètement fusionner avec tout ce qu'il décide de faire, comme s'il avait qu'à penser vouloir faire un truc pour qu'il le fasse. C'est carrément galvanisant, et Elliot a du mal à s'arrêter tellement il prend son pied. Mais quand enfin il le fait, il a un sourire d'une oreille sur l'autre, les mèches en bordel sur le dessus de la tête, et les yeux brillants. Putain c'est génial.
2. Le vol est plus qu'agréable. Clairement plus fluide que tout ce qu'il a pu expérimenter sur le modèle précédent. Mais il a pas l'impression que ce soit si différent d'un balai normal. Pas comme ce à quoi il s'attendait en entendant Freya parler du lien entre un sorcier et son balai. Comme si finalement y avait pas de lien entre lui et ce balai. Ça reste un bon balai, mais c'est à peu près tout. Alors dès qu'il en redescend, Elliot réclame : Bon le mien on s'met dessus quand ?
3. Elliot fond sur un obstacle, dans le but de braquer au dernier moment, mais le balai se met à bifurquer tout seul sans demander son avis bien avant qu'il atteigne la cible. Alors commence un véritable match entre Elliot et le modèle, qui semblent complètement se disputer l'itinéraire de vol. De loin c'est possiblement très fun. De près ça le frustre complètement, et il finit par redescendre avec un air boudeur de vrai gamin. Putain bah ça s'voit c'est pas l'mien hein.
4. Franchement ça va super bien. Jusqu'à ce que subitement le balai se mette à vouloir le désarçonner pour absolument aucune raison. En plein rodéo à plusieurs mètres du sol, Elliot s'accroche des deux mains en poussant un juron, mais l'objet se met carrément à se balancer avec brutalité d'un bord à l'autre de la pièce dans le but de l'éjecter de la selle. Ce qui finit par arriver en quelques secondes à peine, quand le balai freine brusquement sans prévenir, envoyant Elliot directement dans le mur d'en face. Il a tout juste le réflexe de jeter ses bras vers l'avant pour pas se fracasser dessus la tête la première.
Joueur de Quidditch Professionnel 25 ans Né·e Moldu·e Britannique Notoriété
Le type est bonne vibe franchement. Alors Elliot se marre bien en le voyant l'imiter en train d'imiter Malika. C'est putain de bluffant la métamorphomagie. Ça le refait rien que d'imaginer la gueule de Terrence devant ça, pis devant la vraie quand il sera persuadé qu'il peut enfin se la taper.
- Des fr... ouais merde, nan elle se sape pas comme toi. Il a un reniflement hilare. On a qu'a les méta, mec, attends. Elliot a déjà sorti sa baguette, mais à peine il l'a pointé sur le type que l'autre lui lance un regard équivoque. Nan t'as raison, mauvais bail. Attends.
En quelques mouvements, le sorcier a ouvert plusieurs casiers à la suite avant de tomber sur celui de Percy.
- Tada. R'garde moi ça. Jackpot t'vois ?
Percy était du genre prévoyant. Extrêmement prévoyant. C'est-à-dire que le gars avait l'équivalent d'une armoire entière dans son casier, ou presque. L'avait la même chose chez lui, et probablement chez ses parents, voire chez son mec. C'était le genre de type qu'avait une fringue pour chaque occasion, un peu différent de tous les autres mecs de l'équipe. Peut-être pour ça qu'il s'entendait mieux avec les meufs.
- Il verra pas la diff j'te jure, il énonce vaguement à Spike.
Percy était plus blindé que lui. Pas pour quelque différence de salaire que ce soit. Juste parce que le type avait des darons complètement blindés eux-mêmes, et qu'ils le rinçaient plus abondamment que la putain de Thaïlande sous la mousson. Elliot agrippe un tee-shirt un peu au hasard, et aussi un jean, pis une veste, avant de les poser sur un banc.
- Suffit d'changer la forme et basta.
Il est pas bien sûr de savoir précisément ce que porte Malika, honnêtement. Il a jamais trop regardé. Mais probablement que ça doit ressembler de près ou de loin à ce que portent beaucoup d'autres nanas qu'il a pu croiser. Alors il se les passe en image mentale avant de braquer de nouveau sa baguette, s'attentant au projet avec un genre de nonchalance concentré. C'est-à-dire que ce qu'il pratique à peu près tous les jours, c'est les sortilèges d'illusions pour passer inaperçu des paparazzis, pas franchement les sorts de remodelage de fringues pour en faire des trucs de meuf.
- Plasticium !
Chacune des fringues est métamorphosée. Mais alors y a rien qui va. Ça reste des fringues de mec, et probablement que personne voudrait porter. D'ailleurs Elliot les mate avec un air circonspect avant d'hausser les épaules et de braquer un regard vers Spike :
- Nan mais sinon j'vais d'mander à Kylie t'sais quoi.
Sam reste un peu con à regarder Ambrose, à se demander s'il se foutrait pas, à tout hasard, de sa gueule. Il a pas pris sa baguette ? Il a pas pris sa baguette, ce con. Nan mais un jour faudrait qu'elle pense à faire les même. Ne serait-ce que pour éviter de la perdre ici ou là. Bordel, ça craint. La voix de son camarade fait pas grand chose pour l'apaiser, mais la vague de chaleur qui la gagne alors qu'il parvient à les sécher tous les deux d'un sortilège, déployée de ses deux mains sur ses épaules, aide grandement. Un frisson la parcourt, qui a tout à voir avec leur proximité, le contact initié par Ambrose, rompu dans la seconde suivante. Redressée malgré elle, Sam se retourne pour pousser un soupir et croiser le regard de son ami :
- Merci.
Y avait de quoi être impressionné, en vérité. Ils avaient beau suivre des cours de magie sans baguette depuis deux ans, Ambrose restait le meilleur dans le domaine, et dans son état Sam aurait même pas réussi à lancer un lumos. Son attention porté sur le lac, elle se mord les lèvres avant de secouer la tête, secoué d'un rire nerveux.
- Putain c'est toujours sur moi qu'ça tombe j'te jure.
C'est-à-dire que c'est presque devenu un running gag dans le groupe. La plupart du temps ça reste des fausses-alertes, et Sam retrouve sa baguette aux endroits les plus absurdes. À plusieurs reprises, elle l'a juste pas retrouvé. Faut espérer que ce cas-ci tombe plutôt dans la première case. Y a pas dix milles endroits où chercher. Juste deux. Mais pas des moindres. Le lac, le parc.
- Ok. On s'sépare ? J'ratisse le parc, et toi t'essaies d'attirer ma baguette du fond du lac avec tes mains magiques là, elle balance en le désignant du menton, bien consciente qu'il a vachement plus de chance qu'elle de s'en tirer dans ce genre de domaine. Esssais juste de pas faire remonter l'calmar ?
À la panique s'est substituée le pragmatisme, merci au sort d'Ambrose, et au calme olympien de ce dernier. Les yeux de Sam se mettent à balayer le sol avec intensité, de la manière la plus méthodique possible. Elle attendra bien trente minutes avant de paniquer pour de bon. Y a moyen elle la retrouve. Pas vrai ? La danse est un peu ridicule, ses chaussures élancées en genre de pas chassée chaque fois qu'elle change de coin, sa silhouette à moitié pliée pour mieux observer les recoins les plus dissimulés par la végétation, ou les quelques rochers plantés sur le rivage.
1 : Sam retrouve sa baguette, étendue dans l'herbe, grésillant son mécontentement. Elle la saisit avec une exclamation, la brandissant au-dessus de sa tête en hélant Ambrose avec un sourire large étalé sur la gueule.
- J'AI !
2 : Bredouille, Sam se met à pousser des jurons alors que l'agacement recommence à pointer le bout de son nez.
- Ha ! Ouais, ouais, nan.
C'est sorti comme ça, un peu random, un peu con. Pas bien sûr que ce soit un rire, ou juste une exclamation. Jimmy a refroissé la lettre pour l'enfoncer dans le fond de sa poche, zieuté vite fait la main de Daryl que son épaule avant de lui accorder un regard aussi énigmatique qu'un zébu au milieu de sa savane. C'est-à-dire qu'il est pas bien sûr que le mec se foute pas de sa gueule, dans le fond. Dans la forme non plus d'ailleurs. Certes ils s'entendent bien, mais est-ce que le mec peut pas juste le laisser aller chiller dans les serres ? Genre déjà qu'il vient de désintégrer la fin de son stock inexistant, ce serait presque la moindre des choses. Sauf que pas du tout. Le mec lui demande de venir avec lui, et il a beau dire c'est pas une retenue, ça y ressemble fort. Alors Jimmy y va à reculons. Pas littéralement parce qu'il est pas l'dernier des cons. Mais quand même.
- Ah ouais ? Chais pas si c'est nécessaire Daryl, t'sais.
Les mains dans les poches, il marche d'un pas à la limite du serein, la gueule qui cherche quelque chose du regard, partout sauf dans l'dos du type qu'il est forcé de suivre. Parce que s'il suit pas ça parait évident que là il va partir en retenue, et pour de vrai, pas vrai ? L'est pas le dernier des cons on a dit. Alors il suit, pis pas à reculons, mais presque, dans un silence qu'à l'air plus mordant qu'le froid de novembre encore. Y a encore du bordel dans la Grande Salle quand il passe devant, pis encore ce silence qui les double alors qu'ils s'enfoncent dans les escaliers qui les mènent au cachot. Sa voix résonne étrangement quand il se met à rire, pis qu'il balance :
- T'fais ça bien Daryl. Les cachots ça a toujours été mon rêve pour passer du temps qualitatif avec les gens qu'j'apprécie. L'froid, la pierre, tout ça, ça fait rêver vraiment.
Jimmy a toqué ladite pierre d'un poing avant de trotter pour rattraper le professeur, le chercher du regard, le reporter ailleurs encore en continuant de marcher, de sa démarche étrange, le dos courbé, l'air de balancer les jambes d'un côté et d'un autre sans réelle logique. Puis bientôt, le professeur ouvre une porte familière, et Jimmy le suit à l'intérieur sans ajouter un seul mot. Il fait pas cas de faire la visite, se laisse juste tomber dans le premier siège qui vient avant de visser son regard sur les tonnes d'ingrédients sur les étagères, grimaçant en reconnaissant quelques trucs immondes.
- Bon et maint'nant ? Il demande en cherchant de nouveau le professeur du regard, un regard lointain et un peu vitreux.
Les lèvres tendues, Anya ne réagit guère ni à Brooks, ni à Pope. Ce serait bien son dernier recours. Brièvement, elle fronce les sourcils à la réaction de Spike devant le départ de ses camarades, mais ne relève pas. Le comportement social de ses pairs britanniques n'a clairement rien de celui qu'elle connait de Koldostoretv. Le sujet ne l'intéresse que très peu, aussi se focalise t-elle plutôt sur les réponses apportées par le garçon au sujet de sa métamorphomagie. Des réponses qui par ailleurs, la prennent entièrement de court.
- Spécial c'est pas au-dessus, elle énonce fermement. C'est juste différent.
Personne a envie d'être différent. Pas là d'où elle vient. C'est le meilleur moyen de devenir une cible. Ici cependant, Anya n'a pas manqué remarquer l'étrange habitude de chacun de vouloir par tous les moyens se faire remarquer. Sortir du lot, pour ne pas faire partie de la masse. Pas d'unité, sur le territoire britannique. Un vaste paysage d'hommes et de femmes plus excentriques les uns que les autres, ne manquant ironiquement pas de lui sembler similaire en tous points. Son pays représentait une puissance unifiée, où celui des Royaumes Unis se montrait morcelé, incapable d'avancer dans une même direction sans qu'une majorité de son peuple ne se révolte pour le simple plaisir de se révolter, et de se faire remarquer.
- Je sais je suis pas normale. Mais d'habitude je maîtrise assez pour qu'on le devine pas. Je veux pas utiliser la métamorphose, et je veux pas qu'elle m'utilise non plus.
Son visage est brièvement agité d'une grimace. L'admission est terrible. Elle perd le contrôle. Le sait pertinemment. Ça la terrifie, au point d'être prête à partager l'information avec un garçon qu'elle ne connait assurément pas, et qui semble se complaire d'être une tare de la société, armé d'un don qui fait de lui quelqu'un de spécial. Que croit-elle ? Il n'aura aucune solution à lui apporter. Il aime sa métamorphomagie. S'en sert ouvertement, comme s'il devait en éprouver de la fierté. En rit. Ne voyait-il pas la malédiction que c'était ? En Russie, certains sorciers nommaient les métamorphomages des sans-visages. Ceux qui sont tout le monde à la fois, ceux qui ne sont personne.
Parfois, devant le miroir, Anya se demandait si ce qu'elle était naturellement n'était pas une tromperie en soit. Un visage qu'elle s'était créé de toute pièce.
- Je demanderai aux professeurs, elle conclut d'elle-même, ne laissant transparaitre aucune émotion malgré ses boucles rougeoyantes. Merci pour tes conseils, elle ajoute avec éducation.
Un instant, Basil reste observer Nikolaï avec des yeux ronds, la bouche un peu entrouverte. Il n'est pas bien certain du lien étiré par le russe entre les autres garçons se moquant ouvertement de lui, et sa mort. Il faut dire cependant qu'extirpé de la guerre, l'on tire souvent une mentalité dure comme celle-ci. Il l'a lu dans diverses archives d'articles de presse, et même dans plusieurs romans. Sa fascination pour ce genre de phénomène est loin de dater d'hier. Pratiquement incollable sur la première guerre mondiale qui a ravagé le monde moldu, ainsi que sur celle qui a suivi, Basil est au fait de nombre de leurs conséquences désastreuses sur les populations. Alors, sa bouche se referme bientôt, et il se contente d'un simple mmh qui n'approuve ni ne désapprouve les dires de son camarade slave.
Il hausse par ailleurs les épaules lorsque l'autre refuse de comprendre que ses visions se produisent systématiquement, que ce soit ou non de la volonté de ses protagonistes. Nikolaï le verrait bien par lui-même, comme tous ceux qui ne l'avaient pas cru auparavant.
- Ok...
Peu certain des conseils prodigués - même la tête haute, il en faisait bien une de moins que l'ensemble de ses camarades -, Basil se contente de froncer les yeux en s'imaginant les suivre : parler fort n'est pas dans sa nature, et il serait probablement tétanisé rien que d'entendre le son de sa propre voix faire écho dans les couloirs en réponse aux provocations. Nikolaï n'avait, qui plus est, pas répondu à sa question. Alors, un instant passe. Pas tant gênant que silencieux. Étrange. Peut-être absurdement long, à moins qu'il ne dure qu'une poignée de secondes. Basil n'est sûr de rien. Simplement qu'il reste observer Nikolaï, puis le couloir, Nikolaï de nouveau, avant d'émettre un genre de raclement de gorge, et d'élaborer un geste flou qui se veut peut-être illustrer un salut.
Quelque chose comme ça.
Mais alors qu'il commence à s'en aller, pensant planter là le russe et sa posture militaire, Nikolaï commence à le suivre. Les yeux ronds de nouveau, Basil se sent étrangement soulagé de le constater, et il se pince brièvement les lèvres en ce qui ressemble peut-être vaguement à un sourire. Pour lui-même, pour le monde. Un garçon marche à ses côtés, un garçon dont personne n'oserait se moquer. Nikolaï Polyanski. Le garçon qui se tient plus droit que la tour Eiffel. Sans vraiment s'en rendre compte, Basil se redresse, les épaules vers l'arrière, le menton haut, les yeux non plus vissés sur la pointe de ses souliers, mais vers le bout du couloir. Son pas s'adapte à celui, plus rapide et plus assuré, de Nikolaï. Le silence se prolonge, et aucun d'eux ne semble vouloir le briser.
Quelques regards les suivent, lui semble t-il. Planqués dans les alcôves, entre deux armures. Sur le palier des escaliers de l'étage suivant. Dans le recoin d'un couloir. Mais la magie opère, car personne ne lui adresse la parole, ni ne tente de lui lancer le moindre croque-jambe, ni ne lui lance de boulette de papier, ni ne l'asperge d'encre, ni rien. Basil se sent comme une confiance terrible qui le pousse vers l'avant avec davantage de vigueur, jusque bifurquer vers l'escalier qui s'enfonce dans les sous-sols, les mènera en salle de potions. C'est-là, dans la semie obscurité d'un couloir sombre, que parait un groupe de serpentards, visiblement décidés à lui barrer la route. Ils n'ont pas l'air de même calculer la présence du russe à ses côtés, peut-être persuadé qu'ils ne font que marcher côte à côte, et non ensemble.
C'est là que le doute survient, dans l'esprit de Basil. Marchaient-ils seulement côte à côté depuis tout ce temps ? Ou simplement dans la même direction...
- Basilic...
- T'as zappé tes manières ou quoi ?
- T'as pas un truc à nous donner ?
- De quoi ? N... Nan.
La seconde qui suit le voit dresser le menton, tâchant de faire face tandis que les trois garçons, de son année, forment une véritable barrière entre lui et le reste du couloir. Déjà-vu. Des dizaines de fois, en réalité. Il sait pertinemment ce qu'ils veulent. Comme chaque lundi : les sous que lui envoie sa mère par courrier pour profiter de Pré-Au-Lard.
- Bah si Basil. On t'apprend rien qu'tu sais pas déjà quand même.
- L'mec voit que ce qu'il veut en fait.
- Laissez-moi passer ! Il s'exclame subitement, d'une voix forte, le menton toujours relevé.
Sauf que ça le surprend plus que les autres, qui se mettent plutôt à rire bêtement, se balançant des coups de coude.
- Laissez-moi passer ! L'imite Foley d'une voix aigüe.
- T'vas faire quoi si on t'laisse pas passer, nous photographier ?
- J... Nan...
- N... Nan...
- P'tain mais quelle grosse victime. Bon file c'que t'as là, on a pas qu'ça à foutre.
Le violet est la couleur préférée de Charlie Carter. Allez savoir pourquoi, l'information se range dans le crâne du jeune Banks, dont le sourire s'étire en creusant une fossette sur sa joue. Il se redresse brusquement lorsqu'elle le prévient qu'il reste de l'encre sur son parchemin, et la laisse œuvrer en silence, guettant les alentours de quelques brèves œillades.
- Bien joué ! Il la félicite à voix basse, les oreilles rouges de réaliser que ça fait de lui le seul des deux à avoir échoué.
Au moins elle ne s'est pas moqué de lui. Conforté dans sa première impression de Charlie, Basil a bien du mal à se concentrer pour le reste de l'étude, la jeune fille continuant de lui offrir de larges sourires par-dessus leurs deux manuels. Autant dire que les parchemins ne se remplissent guère. À la levée de l'heure de travail, Basil se lève avec l'ensemble de ses camarades, rangeant sans grande méthode ses affaires au fond de sa sacoche de cuir. La question de la sorcière le fait ouvrir des yeux ronds, et il acquiesce avec timidité.
- Si tu veux, Charlie Carter.
Amusé par sa simple initiative de l'imiter dans sa façon de prononcer son nom au complet, il pouffe bêtement avant de l'entrainer à sa suite dans les couloirs. Oubliés les groupes d'élèves qui pourraient à tout instant briser leur bulle de complicité, et le prendre à partie dans l'un de leurs stupides jeux consistant globalement à Rob a Bank. Sa main s'est liée à celle de Charlie comme par réflexe pour mieux se mettre à courir sans raison aucune. Ils n'étaient pourtant poursuivie d'aucune menace, ni d'aucune obligation scolaire.
Le second étage est vite atteint, et avec lui le laboratoire de photo, devant lequel il s'arrête net. Un index posé sur ses lèvres, il pousse la porte avant de se mettre à chuchoter.
- Faut pas faire trop de bruit, sinon ça peut altérer les bains ok ? Les photos sortiraient à moitié effacées.
La pièce n'était guère spacieuse. Elle était même plutôt étroite, ses parois envahis de plans de travail sur lesquels s'enfonçaient des bacs larges et peu profonds. Tous étaient emplies de liquides de couleur et d'aspect différents, qui semblaient pour certains mijoter, pour d'autres ne pas bouger du tout. Obscur, l'endroit n'était éclairé que par une simple lanterne rougeâtre suspendue au plafond. Aux murs étaient accrochés de nombreux fils sur lesquels étaient pendues des photographies. Certaines n'avaient pas finies d'être développées. Celles qui l'étaient étaient majoritairement des portraits des élèves expatriés de Russie. Plus occasionnels étaient les paysages pris dans le parc de Poudlard, et pour certains aux alentours de Pré-Au-Lard, et quelques rares clichés représentaient des créatures que Basil y avait rencontré. Un botruc dans le creux d'un énorme chêne. Un écureuil volant qui saute du toit de Zonko pour venir se percher au sommet d'un platane. Toutes les photographies sont en mouvement, ou presque.
- On est que quatre à utiliser l'endroit tu vois. Mais les autres sont tous plus âgés. Ça par exemple c'est une photo d'Amaya. Et ça c'est à Victor.
Les autres sont de lui, Gregory ne laissant jamais aucun cliché trainer dès lors qu'il était développé. Basil envahissait largement l'espace, et pour deux raisons : d'abord il prenait davantage de photographies que les trois autres réunis, mais surtout il avait peur de les emmener dehors et de se les faire détruire par des élèves mal intentionnés. Ça n'aurait rien eu de nouveau, voyez. Agité, Basil passe d'un bac à l'autre pour vérifier l'avancement du développement, s'arrête au devant d'une étagère accrochée au mur pour extirper une photographie parmi toute une pile qui siège là.
- Celle-là c'est ma préférée. C'était l'année dernière.
C'est Poudlard, vu de derrière le lac. Plusieurs chouettes semblent quitter la volière à tire-d'ailes, tandis que dans le parc on voit plusieurs élèves en pleine bataille de boules de neige.
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N'ayant jamais mis les pieds dans les sous-sols de quelque boutique de Pré-Au-Lard, Elliot ne sait guère à quoi s'attendre en s'engouffrant à la suite de Freya à l'intérieur du large mobilier. Cela fait bien longtemps cependant qu'il a appris qu'avec la magie, tout est possible ou presque : il ne serait pas tant surpris de découvrir qu'Owen Carter avait un terrain personnel quelque part sous les fondations du village, empaqueté par enchantement entre de vastes parois de pierre. Ce qu'il découvre n'a pourtant rien d'un terrain, puisqu'il s'agit d'un réseau de tunnels filant dans diverses directions, sur des distances apparemment considérables.
Visiblement, ce n'est pas le premier tour de circuit de la jeune femme, puisqu'elle file sans la moindre hésitation. Les yeux vissés sur elle, Elliot se contente de rester dans son sillage. Une pointe d'adrénaline l'accompagne : avec l'ignorance de la topographie des lieux, l'évident risque d'une mauvaise manœuvre qui l'enverrait valser dans le décor. Faut-il espérer que la création du modèle OCQ 500 ne soit bien affublé de sortilèges d'urgence pour un tel cas de figure. Très probablement, en vérité, ou Freya ne l'aurait pas entrainé voltiger sous les fondations du village. Il y a quelque chose de parfaitement galvanisant de se trouver là à l'insu des habitants, comme un goût d'interdit qui n'est pas pour lui déplaire.
- D'la dope Carter, rétorque sa voix puissante.
C'est au détour brusque d'une énième coudée dans les tunnels étroits qu'Elliot perçoit la trappe immense qui leur fait face. Il a déjà commencé à ralentir pour parer au choc pratiquement inévitable, mais devant lui Freya lève un bras, actionnant l'ouverture par magie. Secouant la tête en étouffant un rire, il affaisse les talons sur les étriers pour reprendre de la vitesse. Immédiatement, une tractation violente à son mollet le fait glapir de surprise, et dans la seconde suivante, il est désarçonné de son balai avec une force prodigieuse. Son prototype continue de filer droit devant tandis qu'il se retrouve projeté au sol : l'impact n'est pas violent, cependant. Le sol, mouvant, est en réalité un mur, recouvert de lianes épaisses.
Un filet du diable.
Un filet dont Freya l'extirpe sans difficulté l'instant suivant, et c'est un Elliot particulièrement sonné qui se laisse être redressé par la sorcière.
- Woh.
C'est à peu près la seule chose qui lui traverse l'esprit avant qu'il ne croise le regard paniqué qui lui fait face.
- Quoi ?
Le vacarme seul lui répond, juste au-dessus de leurs têtes, et il capte à retardement qu'il s'agit probablement du propriétaire de l'habitation dans laquelle ils viennent de pénétrer parfaitement illégalement. Pourquoi d'autre Freya aurait-elle du user de magie sinon ? Pourquoi même y aurait-il eu un filet du diable prêt à choper n'importe quel personne essayant de s'infiltrer à l'intérieur ? Il n'a guère le temps de réfléchir, chope Freya par la main en cherchant des yeux une issue. Cette dernière se résumant à une porte derrière laquelle ils se planquent tous les deux. Le cœur battant, Elliot tend l'oreille alors que des grommellements parviennent au travers du bois.
- Foutus gamins. C'est toujours pareil. Z'auraient du effondrer ces tunnels depuis longtemps.
Elliot se pince les lèvres, glisse un œil vers Freya. Il se sent vraiment comme un môme qui viendrait de faire une connerie, et toute la situation est un peu ridicule. Le truc c'est que maintenant qu'ils sont planqués là, il se voit pas ressortir comme une fleur. Alors il secoue la tête, réprimant un rire en regardant Freya avec de grands yeux, agitant les lèvres pour énoncer une phrase parfaitement silencieuse : c'est ta faute ! Le type a l'air d'incanter des sortilèges, de l'autre côté, et pendant plusieurs longues secondes Elliot s'imagine qu'il va ouvrir la porte en grand. Il n'en est rien cependant. Bientôt, les pas s'éloignent rapidement tandis que les grommellements continuent, résonnent dans les tunnels jusque s'éteindre complètement.
- Il s'est tiré j'crois, il annonce inutilement.
Dans l'espace étroit, difficile de ne pas avoir les mains qui trainent. Pas qu'il se prive. C'est pas sa faute s'il fait sombre et qu'il a pas la place.
- J'en r'viens pas qu'tu m'entraine à commettre des crimes, Carter. Il ouvre la porte d'une main pour jeter un œil dehors. Puis il grimace en réalisant : l'modèle s'est tiré aussi putain.
C'est pas tant le bordel ok ? Ou alors c'est un bordel organisé. Ça va, c'est pas comme si quelqu'un d'autre devait partager l'espace. Partager l'espace. Blague d'astronome. Vous l'avez ? Bref. Quand, même, c'est un peu le bordel. Ça fait un moment qu'Aldebert s'étale dans tous les coins des trois seules pièces de son appartement sans vraiment faire attention, et ça commence à se sentir. Il passe plus de temps à chercher des choses qu'à en accomplir. Alors depuis ce matin, il s'occupe à faire du tri.
Dans les montagnes de parchemins aux notes éparses en patte de mouche, dans les études reçues des divers abonnements aux Observatoires du monde, dans les bouquins empilés qui parfois sont empruntés depuis si longtemps qu'il n'est plus vraiment certain que les bibliothèques dont ils proviennent soit encore en service. Dans les cartes du ciel, dont certaines se font obsolètes, et trouvent une nouvelle place dans des archives qui commencent à devenir ventripotentes dans leur placard dédié. Dans le matériel empilé au hasard également, parce que certaines optiques sont cassées, leurs engrenages distribués à leurs voisines, leurs restes déposées en tas sporadiques sur les fauteuils et canapés.
C'est long et fastidieux, mais une fois dedans, Aldebert ne sait plus vraiment s'arrêter. N'a grignoté qu'un vague sandwich dont les miettes se sont insérées dans quelques entre-pages et autres recoins de ses affaires présentement étalées sur le sol et sur l'intégralité du mobilier. Si c'était pas tant le bordel avant, c'est le bordel maintenant, on va pas se mentir. Pour sûr que c'est pas le moment de recevoir un visiteur. Alors quand ça sonne à la porte, les sourcils se froncent absurdement fort, le regard perçant scrutant l'entrée comme s'il s'agissait d'un ennemi personnel. Dressée, la silhouette s'avance d'un pas ferme, les lèvres scellées en une moue désapprobatrice. Il ouvre la porte sur une paire qu'il ne regarde même pas avant de répondre comme un réflexe qu'ils sont au mauvais endroit, leur claquant la porte au nez.
Ça sonne de nouveau. Les gens sont comme ça. Têtus. Incapable de lire entre des lignes pourtant parfaitement claires. Il rouvre plus sèchement encore que la première fois.
- J'ai dit non !
Les yeux ronds comme deux billes, tel un dégénéré, Aldebert est pourtant forcé de reconnaitre l'un des deux envahisseurs comme étant l'un de ses élèves à Poudlard, et c'est bien malgré lui qu'il demeure figé dans l'embrasure de sa porte à zieuter l'un et l'autre des visiteurs impromptus. Les explications le laissent interdit. Silencieux. Avant de tout bonnement refermer la porte avec brutalité. Non. C'est non. N'importe quoi. Un enfant illégitime. Hériter d'un enfant illégitime. Lui ? Et de cet enfant illégitime là ? Non. C'est non !
- Monsieur Wickerson !
Le cirque dure bien trois quart d'heure avant que la réalité ne lui agrippe la gorge avec une force digne de celle de coriolis. Un premier test à été fait, un second est en cours et ne nécessite qu'une partie de lui-même, mais il ne fait aucun doute réel qu'il est le père de cet individu. Diantre. Fichtre. Foutre merde, même. L'assistant social se tire, laissant Balthazar Grimfire au milieu de son salon, avec son allure de punk et sa crête impossiblement verte. Laïka. Il a pas connu de Laïka. Si ? Bordel de merde.
- Sans doute, oui.
Voilà la seule réponse qui le traverse alors que le silence se prolonge, en laisse passer un autre plus lourd encore. Le garçon reste ahuri au milieu de l'appartement, et Aldebert l'observe d'un coin de la pièce comme s'il s'était agit d'un prédateur subitement surgit par sa fenêtre. À ceci près qu'il s'agirait d'un prédateur se situant au bas de la chaîne alimentaire. De tous les élèves de Poudlard, Balthazar Grimfire était le spécimen le moins enthousiasmant pour un professeur aussi passionné qu'Aldebert. non seulement était-il complètement con, mais en prime il était d'une maladresse telle qu'il créait toujours les pires incidents. Toujours est-il que le spécimen venait de perdre sa mère. Alors.
- Thé ?
Oui, voilà la réponse, voilà la solution. Un thé. Rien de plus britannique que cela, mais Aldebert n'attendit pas la réponse pour se jeter en cuisine. Tout pour s'évader de la vision de Balthazar Grimfire dans son salon, avec un sac de voyage qui augurait l'emménagement. Les doigts tremblants se mirent à lancer la chauffe d'une casserole d'eau, et à fouiller une boîte fort lourde en bois sombre cerné de gravures qui formaient une constellation.
- Qu'est-ce que v... quel thé je vous sers, Monsieur Grimfire ? Et ne foutez pas l'feu au salon.
Merde, merde, merde. C'est à peu près le seul mantra qui peut bien lui traverser l'esprit alors que l'index bouscule de multiples verveines en sachet. Agité, il s'imagine déjà le pire. Le type est capable d'avoir déjà bousculé au moins deux téléscopes hors de prix.
Plop,
J'ai foutu ça par ici !
Pour le prochain :
Droit devant soi, on ne peut pas aller bien loin
Le petit prince
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Évocation de violence envers un animal
Joueur de Quidditch Professionnel 25 ans Né·e Moldu·e Britannique Notoriété
- Crois moi qu'non, Elliot rétorque du tac au tac en creusant une fossette.
Même qu'il aime bien s'dire que de balancer combien il est pas sage plante des idées bien spécifiques dans la tête de Freya Carter. Ça a toujours été super facile de la faire rougir comme pas permis. À l'époque scolaire, il avait tendance à croire que c'est parce qu'elle était bien trop timide. Aussi prude qu'une vierge dans un bordel. L'truc c'est que maintenant qu'il sait qu'elle l'était plus, vierge, à la fin d'sa dernière année ? Ça a changé sa perspective. Peut-être bien qu'elle rougit parce qu'elle voit précisément d'quoi il parle. Se l'imagine tellement bien qu'elle va réussir à oublier. Ça rend le jeu vachement plus drôle qu'à l'origine.
La zone libre est pas bien complexe à atteindre, le transplanage d'escorte rapide et efficace. Le problème c'est l'atterrissage.
- Putain j'te l'fais pas dire, il grommelle en se dépêtrant comme il peu pour suivre Freya vers l'extérieur.
Déployé de toute sa hauteur dans le jardin des Carter, il s'étire et fait craquer quelques os avant de réaliser qu'ils sont pas tout seul. La bouille d'une mini-Freya leur fait face, suspendue par les jambes à la branche d'un arbre. Un simple signe de main dans la direction d'une gamine qu'il peut que reconnaitre comme était Charlie Carter, et qu'il a jamais croisé qu'une demi-douzaine de fois.
- Salut ?
Étrange ? Ouais, la gamine l'est. Mais la ressemblance absurde avec sa sœur aînée rend la scène carrément comique, et Elliot fronce les sourcils avant d'étirer un sourire hilare. Il a pas le temps de faire le moindre commentaire que Freya hurle avant de choper un truc au sol qui ressemble étrangement à une énorme pomme de terre. Un gnome. Il s'attend ni à sa présence, ni au soudain emportement de la môme pour la défense de la créature que s'apprête à balancer Freya par-dessus la haie. Il lève les deux mains en signe de reddition. Honnêtement lui ça l'a jamais choqué que les sorciers fassent un truc pareil. Parce que genre ça s'appelle pas étourdissement pour rien. Le truc part faire sa vie ailleurs sans grande séquelle. Son opinion en faveur de la sœur aînée n'a cependant pas le temps de traverser ses lèvres que la conversation bifurque, et il se décide à juste enfoncer les mains dans ses poches en silence.
Alison Carter. Il l'a vu un peu plus souvent que Charlie Carter, mais pas tant non plus. Alors quand il croise l'expression de Freya, il se contente de hausser les épaules en lui emboitant le pas.
- Hello, il annonce en réponse à l'adolescente qui lui fait face.
Aussi rousse que les deux autres. Visiblement beaucoup plus maquillé surtout. Il s'attend pas franchement à la dispute qu'éclate en deux secondes et demi entre les deux sœurs, et cherche du regard le plus jeune de la famille. Probablement partie en quête du gnome balancé par Freya cela dit, parce qu'elle est portée disparue. Ça lui rappelerait presque l'ambiance de la maison Blackburn, si y avait quatre ou cinq enguelades en plus sur les côtés. Au moins il capte un peu plus le désespoir de Freya quand elle parle de sa sœur. Par chez lui, la tarte serait partie depuis un moment déjà. Genre deux semaines de salaire dans un jeu de runes pour ça ? À cet âge, chez les Blackburn, on fermait sa gueule et on prenait le cadeau en se barrant la queue entre les jambes pour être sûr que l'autre changerait pas d'avis.
- J'suis sûr il est super sexy comme pyjama, il balance avec une nonchalance extrême, en train d'imaginer Freya Carter dans un tee-shirt avec sa gueule dessus. Obligé Alison invente, pas vrai ? Bon mais elle est comment ? La question a l'air de prendre la cadette de court alors qu'Elliot la mate sans sourciller. Ta culotte, Carter. T'as l'air ultra fière. J'suis grave intriguée. Mal à l'aise la meuf ? Il s'en tape. Lui se marre bien jusque là. Même s'il est pas venu pour ça.
La vérité, incisive, est noyée sous le sarcasme latent, leurs rires impulsifs se joignant devant l'absurdité de leur situation respective.
- Tu es discret, assure finalement Aldebert en reposant son verre. Je suppose qu'en dehors de Harrison et de moi-même, personne ne sait ce qu'il en est.
Tous les sorciers étaient liés, d'une manière ou d'une autre, à la lune. Astre d'importance capitale dans la préparation de plusieurs potions, aussi bien que nombre d'enchantements et sortilèges, elle faisait après tout pièce maîtresse d'un ciel que l'on apprenait à observer dès l'âge de onze ans. Peu pourtant se perdaient à sa contemplation en dehors d'irréductibles comme lui-même. Il fallait au moins une passion virulente pour l'astronomie, voire travailler dans le domaine, pour se perdre en habitudes absurdes du genre. Qui plus est, Aldebert avait toujours eu un don certain pour fourrager son nez où on ne l'attendait pas.
- En fait, ça fait un bail que je cherchais le bon moment pour t'en parler, il admet en jetant son regard alentour, comme perdu dans ses pensées.
Ses longs doigts enroulés autour de son verre, les jambes juchés sur la barre du tabouret tel un oiseau perché, l'on pourrait le trouver brusquement figé, comme pesant le pour et le contre de sa prochaine action. Estimant que Daryl ne souhaitait vraisemblablement pas dévoiler sa nature de loup-garou à tout le monde - auquel cas le personnel aurait depuis longtemps été réuni et briefé à ce sujet -, Aldebert s'était muré dans le silence, ne cherchant aucunement à mettre mal à l'aise le professeur de potions. Le fait qu'il avait récemment mis la main sur un objet certainement très utile.
La mise en branle est soudaine, le regard vif subitement planté sur son interlocuteur alors qu'il commence à s'agiter.
- J'ai longtemps exercé le métier d'astronome avant de venir enseigner, comme tu le sais. J'ai encore de nombreux contacts dans le domaine. L'un d'entre eux travaille sur une thèse depuis des années, une thèse incroyable sur certains des phénomènes les plus irréguliers du cosmos. Je t'épargne tout un charabia, mais il a fait plusieurs découvertes vraiment très intéressantes. Notamment en ce qui concerne les régulations d'Alpotrophe, la constante de Hubble, mais aussi et surtout sur les mesures distrophiques des cratères d'Alpha du Centaure. Aldebert croise le regard de Daryl et comprend brusquement qu'il s'emporte en divergence, se recentre tout en se replaçant correctement sur son tabouret. Bref. Il a fait une découverte récente dans un domaine qu'il ne recherchait pas. C'est toujours comme ça finalement, on a le regard vissé sur quelque chose, et tout se passe dans la périphérie. Il m'a envoyé ceci.
La réplique met fin au monologue infernal tandis qu'Aldebert porte la main à sa poche, pour en tirer une pierre simple et visiblement polie, d'un bleu pâle. Au plus près, on peut constater du mouvement sur sa surface, pratiquement imperceptible mais pourtant bien présent. Cerclée d'un anneau aux écritures fines, mais aux traits durs, elle est rattachée à une cordelette. Un pendentif. L'astronome l'a récupéré plus tôt, avant de rejoindre Daryl, voyant là l'opportunité qu'il attendait depuis un temps certain. Dans la paume de sa main, l'artefact semble plutôt petit, et sans importance aucune.
- C'est trois fois rien, hein. Juste un concentré d'régulation cosmique. Un morceau d'équilibre dans l'immensité chaotique de l'univers. Aldebert dépose la pierre sur le comptoir pour la faire glisser en direction de Daryl. Tout est une question de gravité, tu vois ? Ce moment où la lune est au plus près de la Terre, où elle a le plus d'influence. Trop, parfois. C'est là qu'ça déraille pas vrai ? C'est tout un travail d'ondes, minutieux, vraiment, pire que des fourmis ces machins là. Mais ce truc là ? Il canalise, il lisse, il absorbe. Le genre qui t'évite d'avoir envie d'arracher la tête du concierge trois jours avant la pleine lune, ou de bouffer trois steaks au petit-déjeuner le lendemain. Le genre qui te foutra en paix avec toi même en dehors du jour fatidique de ta repousse de poils.
Aldebert s'écarte un peu pour boire une gorgée de son rhum avant de plaquer le verre dramatiquement sur le comptoir.
- Il l'a trouvé l'caillou. Trouvé, manipulé, enchanté. Un accident académique finalement, parce qu'il pensait avoir complètement autre chose entre les doigts. Alors ça a rien d'officiel d'accord ? Ça bosse encore de partout pour déterminer les limites du bordel. Mais j'ai eu droit à mon échantillon, et j'dois dire que maintenant que j'en ai fait l'tour une bonne demi-douzaine de fois, j'vois pas à qui d'autre il pourrait revenir.
- Qu'est-ce qu'une journée de travail, Lyle ? Mon ton condescendant devrait suffire à te rappeler ce pourquoi tu es là. Les conditions ont été posées dès le départ, on-ne-peut plus claires. Tu rencontres ton précieux piston dans les hautes sphères, ton corps est à la disposition de la marque. Une transaction vieille comme le monde, tu ne trouves pas ? Mon sourire est presque amusée lorsque je me tourne vers toi gracilement, te surplombant d'une marche. Ce sera terminé quand j'annoncerai que c'est terminé. Ah, oui, je ne te l'ai pas dit ? Ma satisfaction est primordiale aujourd'hui. C'est moi qui ai dessiné plus de la moitié des modèles, alors bien sûr on me lègue certaines responsabilités. Mais ne t'en fais pas, même si on doit faire des prises de vue en extérieure, on sera chouchouté. On est les stars du show ! Enfin. Moi plus que toi. Bref.
Si Gary doit passer pendant que tu t'étends sur un long sofa dans mon fabuleux boxer glamour, c'est la vie mon chéri.
L'intérieur de l'ambassade est prestigieux. Ornée de multiples moulures dorés, de boiseries en chêne foncé, d'un parquel ancien qui craque subtilement sous les pas, elle est immense. Des lustres en cristal ensorcelés sont suspendus au plafond, vertigineusement haut. Plusieurs tapisseries mouvantes parent les murs, représentant là le duel célèbre de Dary Levison contre le géant Ulrich, ou encore ici la rencontre qui aura scellé la première collaboration entre le ministre de la magie britannique, et celui de la France. Bien sûr, nous ne sommes pas laissés à nous-même dans ce décor imposant qui ne me fait finalement ni chaud ni froid.
- Poppy, darling ! Je feins l'enthousiasme comme personne. Papa m'a bien appris. La bise que j'offre à la directrice artistique Valcourt, que je sais arrivé là par son talent naturel pour le léchage de pompes, est purement aérienne. Mon regard ne demeure pas bien longtemps sur son visage, et c'est sans attendre mon camarade de tournage que je commence à m'avancer vers la pièce, en véritable propriétaire des lieux. Je suis cependant arrêté par ta main terrifié, et ton regard m'aurait échappé un rire s'il ne m'avait pas tiré une grimace de mépris. La lingerie, Lyle. Ce sont les articles que tu portes sous tes vêtements, au niveau de tes parties intimes ? Mon explication a tout de celle d'un professeur à un élève particulièrement lent, et j'esquisse un fin sourire indulgent avant de rejoindre Penelope. Gary est arrivé ?
L'effervescence de l'endroit est effroyable pour quiconque n'a jamais mis les pieds sur un plateau de shooting. Moindre qu'une scène moldue dans laquelle on aurait vu courir des fils d'un bord à l'autre de la pièce, on peut toutefois percevoir la présence de nombre de projecteurs enchantés qui flottent occasionnellement dans l'air, leur luminosité ajutée par quelques techniciens à la pointe de leur domaine. Les appareils, tous cernés de runes complexes qui leur permet de capturer les instants dans une qualité parfaite au visuel léché, sont déjà en place face à ce que l'on peut décemment supposer être le premier endroit dans lequel nous allons devoir nous installer, Lyle et moi.
- D'abord vous filez vous changer, Assia est là pour le maquillage et les enchantements corporels. On va commencer par la pièce maîtresse, évidemment.
- La robe caméléon. Oui, c'est ce que j'avais conseillé. Les sortilèges sont complexes, il faut profiter que les équipes soient au meilleur de leur forme.
- Exactement.
- Miss Valcourt.
- Bonjour, sourire polie, de circonstance. Baya, je suppose ?
- Oui, Miss Valcourt. Est-ce que ça vous ennuie si je commence par votre collègue ?
- Pourquoi n'a t-on qu'une maquilleuse ? Cordial mais ferme. Mon regard perçant se tourne vers une Penelope soudainement tendue.
- La... Nous en avons deux. L'autre ne devrait pas tarder. Un problème de transport apparem...
- Je vois.
- Elle sera là bientôt, Miss Valcourt.
- J'espère pour elle.
Je m'installe dans le siège qui jouxte celui sur lequel est inscrit le nom de Sørensen en toutes lettres, croise une jambe sur l'autre avant de rencontrer mes yeux dans le miroir.