



Owen Carter Quidditch 24 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété
L'appartement du foyer Carter surplombe la boutique comme un empilement d'étages, sans plan d’architecte ni souci de symétrie. Chaque extension semble avoir été créée sous le coup de l'impulsion, et pour cause. Dès l'installation d'Owen et Kate, il avait fallu s'adapter quand le colosse d'un mètre cinquante s’est cogné partout dans la salle de bain minuscule. Une baignoire démesurée a été installée au centre d'une petite pièce annexe ouverte à la va-vite, suspendue au-dessus de l'arrière-boutique comme un nid d’aigle. En 2100, la naissance de Freya a imposé l’ajout d’une première chambre mansardée. Puis, à chaque grossesse de Kate, les murs ont été repoussés à coup de charmes d’agrandissement, les plafonds rehaussés, les planchers rétrécis par endroits, jusqu'à ce que l’appartement ressemble à une étrange accumulation de souvenirs et de compromis. Ici, un palier penché donne sur un bureau minuscule, là, un couloir en zigzag débouche sur une verrière qui regarde le jardin. Quelques mezzanines accrochées entre les poutres cachent d'autres secrets. Rien n’est droit, rien n’est logique, mais tout raconte l’évolution chaotique de la famille.
Il flotte dans l’air une nostalgie persistante qu’aucun sort de nettoyage ne parvient à faire disparaître. Au mur du premier couloir, les cadres désaxés témoignent de jours meilleurs : un article encadré de La Gazette du Sorcier titrant "La dynastie Carter, balais et boussoles", une photo animée de Kate saluant depuis les dunes de Gobi, un trophée du championnat d’Europe de Quidditch signé d’Owen en lettres flamboyantes.
Les promesses d'un avenir légendaire ont pris la poussière, les couleurs ont pâli, la pendule familiale tourne parfois à vide, et certaines pièces restent fermées des mois entiers.
La cuisine ressemble à une vieille dame côtoyant un vieux monsieur, le salon. Ils s'embrassent maladroitement et forment une scène de casseroles cabossées suspendues au plafond, tasses ébréchées alignées sur une étagère qui penche légèrement, large table de bois rayée par les années, entourée de chaises dépareillées. L’odeur du feu, du café, du cuir mouillé et d'un potage cuit la veille flotte dans l’air. Au mur, la pendule s'essouffle, amputée de deux aiguilles ; celle de Kate, au métal terni, pointe inlassablement vers "En voyage", une mention unique que Freya a elle-même gravée à la baguette quand l'aiguille refusait de se positionner ailleurs. Celle d’Owen a glissé de "En déplacement" à "Inconnu", tremblant comme si elle tentait de retrouver un signal.
Au fond du salon, une grande cheminée en pierre trône, accompagnée d’un vieux tapis râpé où s’entassent coussins fatigués et manuels de Quidditch. Au-dessus du manteau, trois rangées de livres se disputent l’espace avec des trophées rouillés et des cartes du monde annotées à la plume. Le fauteuil d’Owen est usé aux accoudoirs, toujours tourné vers l'âtre, tandis que celui de Kate reste vide, une couverture américaine soigneusement posée dessus.
Sur les meubles bousculés, on peut voir des photos animées d'Owen plus jeune, brandissant un Souafle sous les acclamations du public. D’autres révèlent Kate, casquée, en pleine ascension d’un glacier ou accrochée à un balai survolant une infinie étendue de sable, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Des babioles rapportées d’Amérique ou d’ailleurs - attrape-rêves, pierres gravées, statuettes ou carnets mystérieux, attestent d’un quotidien d'aventures brutalement interrompu.
Pourtant en regardant bien, la vie existe toujours ici. Dans le désordre d'une cape jetée à la va-vite, dans les miettes traînant au sol, Freya et ses sœurs empêchent l'appartement de se figer totalement. Derrière le grand canapé, un trait de rouge à lèvres mal essuyé rappelle les expérimentations audacieuses d’Alison. Sur le rebord d'une chaise, un manuel de sortilèges trahit la manie qu'a Charlie de lire n'importe où. Le plan de travail de la cuisine, lui, n’échappe pas à la routine de Freya : tasses empilées, parchemins annotés, et une boîte à recettes qu’elle consulte rarement. L'aînée est partout sans jamais s'imposer, à l'image des outils proprement alignés contre le mur de l'entrée, d'une boîte à courrier qu'elle seule contrôle, ou du kit de couture en plein raccommodage d'une paire de gants en cuir, ensorcelé pour travailler en autonomie.
— ... -l'idée, c'est la place que tu donnes à la personne au milieu de ta tête, même si tu penses déjà à beaucoup de choses, explique Freya à Charlie qui continue de cogiter sur la signification de la citation choisie par Sasha. Ce faisant, l'aînée lave ses mains et la plus jeune s'empresse de donner des caresses à une petite chouette aux grands yeux ronds perchée en haut d'une maisonnette miniature collée à l'une des fenêtres de l'appartement. Mh-mh, coucou MicMac, ça va ? demande-t-elle affectueuse au rapace gris cendré, strié de plumes crème. Quelques piaillements retentissent alors, et l'animal ébouriffé semble confus, entre raconter sa semaine à la Serdaigle et tendre le cou pour observer curieusement les deux invités. C'est Fanfan et Sasha ! Tu connais Fanfan, et Sasha est cool, commente Charlie en souriant.
— Attends, je t'aide à mettre la table, propose Fenella en voyant Freya qui se lance dans la confection d'un garlic bread improvisé à base de sortilèges lancés sur de la farine et des épices. Les ingrédients s'assemblent, l'eau jaillissant du robinet vers la pâte gonflée et déjà odorante. Sasha, bienvenue chez nous au fait, dit-elle en jetant un œil au Gryffondor. Reste pas planté là, assieds-toi si tu veux, ajoute la rouquine, amusée par l'embarras de l'adolescent. Du bout des doigts, elle allume la gazinière pour y mettre à réchauffer du potage, tandis que les assiettes et les couverts traversent la pièce, guidés à la baguette de Fen'.
Depuis son nid, la chouette continue d'observer l'animagus. Ça se passe comment en Ukraine, pour ta famille restée là-bas ? questionne l'ancienne étudiante.
— Il vit dans un village moldu ! s'écrie Charlie, attirant l'attention de Freya qui vient de mettre le pain en cuisson à l'intérieur d'un petit four surmontant la cheminée. T'as d'autres sorciers dans ta famille ? demande-t-elle en se tournant vers eux, les mains encore blanches de farine.
— Pourquoi ils peuvent pas venir ici ?