Femme
31 ans
Sang-mêlé
Britannique






Identité
-
- Diplômé·e
- Surnoms :
- Nationalité : Britannique
Capacités & Statuts

Groupes


Message publié le 17/09/2025 à 17:46
Leslie ne s'attend guère à ce que Lysander s'approche soudainement pour lui montrer comment s'y prendre, plutôt que de le lui indiquer verbalement. Interdite, elle se fige un peu dans ses mouvements alors qu'il prend ses mains et accompagne ses gestes. Sa précision redoutable, elle ne la note pourtant pas, perturbée par sa présence dans son dos ; leurs doigts presque joints ; l'arôme d'un parfum masculin qui la cerne entièrement.
D'un naturel peu tactile, et englué dans un célibat on-ne-peut-plus solide, Leslie n'a pas la moindre idée de la manière dont elle doit réagir. L'instant complètement inattendu. Heureusement, il reste fugace, car Lysander a tôt fait de s'écarter de lui-même, les joues légèrement roses, la gêne visible sur son visage. Elle reste un peu stupide, les doigts toujours figés sur un outil qu'elle n'essaie même plus de manier. Le sorcier est certes avenant et agréable à regarder, il a des manières impeccables.
Ça reste l'investisseur d'un projet essentiel qu'elle couve depuis trop d'années pour le mettre en danger d'une quelconque façon.
- Non. Ce n'est pas... Leslie ne termine pas mieux sa phrase que Lysander, et elle pousse un soupir jumeau du sien.
Soulagée par le changement de sujet, elle ignore la chaleur qui lui monte aux joues alors qu'elle braque son regard sur le ristill, puis sur l'homme. Ses sourcils sont arqués, ses lèvres partiellement étirées :
- Vous êtes certain ?
Lysander ne lui donnait pas l'impression d'un homme incertain, et il serait particulièrement stupide de refuser son cadeau. Une avance, en quelque sorte, sur un investissement qui semblait définitivement ancré dans l'avenir.
- Merci, elle affirma en hochant la tête.
Puis, à la fois timide et assurée, Leslie tendit une main pour serrer celle de l'homme, tandis que l'autre laissait glisser l'outil contre la planche de bois. Il trouverait une place de choix dans son atelier très bientôt, cela ne faisait aucun doute.
- Je crois que notre collaboration sera exceptionnelle, Monsieur Bramblethorn.
La rencontre, en ce qui la concernait, pouvait s'achever là. C'était un franc succès. Bien sûr, hors de question de revenir sur les minutes précédentes, qui déportait bien trop du professionnel : s'ils signaient un contrat et travaillaient ensemble, elle mettrait un point d'honneur à ce que rien de tel ne se reproduise.
Message publié le 17/09/2025 à 15:08
Le visage de Leslie se tord brièvement d'une grimace à demi-désolée, à demi-amusée devant la réaction de Lysander. Les pyrograveurs magiques ne le ravissent guère, visiblement, et sans doute à raison. Les engins sont de l'ordre de l'obsolète, en plus de n'être jamais véritablement capable de suivre un tracé à la perfection. Lèvres pincées entre ses dents, Leslie hoche gravement la tête alors que Monsieur Bramblethorn approuve sa décision de les avoir laissés de côté lorsqu'elle travaille.
C'est avec des yeux intrigués qu'elle suit son geste, avise l'objet qu'il lui présente dans la paume d'une main. Elle n'en a jamais vu de pareil. Sobre et élégant, l'outil est pourvu d'une lame fine et argentée, son manche de bois sombre gravé de runes multiples et parfaitement dessinées. Fascinée, elle dresse brièvement le visage pour l'interroger du regard avant d'enfin saisir le fameux ristill, qu'il l'invite à essayer.
- J'en ai entendu parler lorsque j'étais en formation, elle indique en manœuvrant délicatement l'objet. J'en avais oublié le nom. Il faut dire qu'un tel outil n'était pas nécessaire pour son travail initial, et ne leur avait été présenté qu'au travers de livres, à titre informatif. Je n'en ai jamais manipulé !
Excitée, elle s'écarte pour récupérer une simple planche de bois qui git parmi ses créations. La chute a déjà fait l'objet de nombreux tests, lorsqu'elle ne servait pas directement de support pour la taille, en démontre son usure et ses entailles multiples. Un instant elle hésite, mais l'usage lui parait instinctif. Ça n'a rien à voir avec les pyrograveurs. On est clairement sur une gamme bien au-dessus de cet outillage basique.
- La prise en main est incroyable, elle commente. C'est comme ceci n'est-ce pas ? Dites moi si je m'y prends mal.
Désireuse d'apprendre, Leslie se demande déjà où elle pourra dénicher un tel objet, et elle ne tarde pas d'ailleurs à le demander à Lysander lui-même :
- Où est-ce qu'on peut en trouver ? Il m'en faudra un pour pratiquer, c'est sûr.
Message publié le 02/09/2025 à 15:20
Bien que le ton employé par Lysander ne lui plaise guère, Leslie ne pouvait pas nier qu'il avait raison. Elle-même avait tenté plusieurs fois de proposer de la nouveauté dans les ateliers. On lui avait fait comprendre que tel n'était pas la politique de la maison. L'enseigne n'a pas taillé sa réputation sur l'expérimentation Leslie, mais sur la valeur d'un travail bien effectué selon les traditions. Ils avaient certes l'esprit ouvert sur certaines choses, et l'encourageaient volontiers à voler de ses propres ailes, mais ils refusaient d'altérer quoi que ce fut des procédés ancestraux de l'enseigne quant à la création de ses baguettes légendaires.
Le terme néophyte la fait pourtant grimacer. Mais la flamme passionnée qui s'est éveillé dans les yeux de Lysander suffit à lui faire comprendre qu'il n'est pas critique pour le simple besoin d'être critique. Il s'y connait. Aussi bien sans doute qu'elle s'y connait quant au travail du bois magique, ses gestes techniques répétés des centaines et des milliers de fois depuis l'école. Pour cause, Lysander Bramblethorn est professeur de runes. Un fait qui ne lui avait pas échappé lorsqu'elle avait fait ses recherches sur son potentiel futur investisseur. Pour elle, cette rencontre ne pouvait être qu'un parfait succès, ou une lamentable erreur, sans aucun juste milieu.
Les professionnels de ce domaine n'étaient pas connus pour leur esprit souple, mais plutôt pour leur intransigeance, et il y avait fort à parier que l'homme serait simplement hermétique à l'idée d'un projet trop ambitieusement créatif. Elle était tombé sur la perle rare.
- Je n'en doute pas une seconde, elle acquiesça en réponse au sourire de Monsieur Bramblethorn.
Leslie n'est pas du genre à prétendre s'y connaitre lorsque ce n'est pas le cas. En l'occurence, elle a suivi des cours de runes à Poudlard, et s'est grandement renseigné sur le sujet dans le cadre de ses études supérieurs, et au-delà. Elle sait pourtant reconnaitre ses lacunes face à quelqu'un comme Lysander, doué d'une véritable expertise dans le domaine.
- Je suis manumage, elle explique. Je suis d'ailleurs plus à l'aise sans ma baguette magique, à force de travailler avec mes mains.
Cette dernière tenait davantage de l'accessoire qu'autre chose, qu'elle oubliait ponctuellement ici et là.
- Chez Ollivanders, on nous confie des pyrograveurs magiques, mais je n'aime pas du tout la sensation. Je n'ai pas l'impression que ça joue sur la puissance de la rune non plus. Qu'est-ce que vous privilégiez, en tant qu'expert ? Elle demande avec une véritable curiosité.
Message publié le 02/09/2025 à 14:24
Leslie ne peut pas s'empêcher d'hausser un sourcil à la mention du Ministère qui l'aurait couvert. S'il l'a couvert auprès de sa famille de la même façon qu'il l'a couvert auprès d'elle, Eileen risque d'avoir une très mauvaise surprise. Mais soit.
- Oh la la, elle détourne un peu le regard. J'saurais même pas par où commencer !
L'admission est ponctuée de la descente de la fin de son verre, d'une simple traite presque méthodique, puis le contenant est déposé sur la table avec douceur. Les deux femmes règlent leur commande avant de quitter le Chaudron Baveur, pour s'infiltrer directement dans l'étroite rue sorcière bordé de vitrines animées.
- Je travaille toujours chez Ollivanders, elle commence alors qu'elles marchent tranquillement côte à côte. Pour l'instant.
Passionnée par son travail, Leslie le restait, exactement comme Eileen l'avait connue. Davantage passionnée cependant par le travail du bois que par les baguettes elles-mêmes, ou leur vente aux jeunes sorciers qui passaient la porte de la boutique avant chaque rentrée.
- Tu te souviens d'mon projet ?
Eileen faisait partie des rares personnes au fait d'Harrisounds, et ce bien avant que Leslie ne s'imagine la chose réalisable. Elle en parlait alors comme on parlerait d'un rêve. Tenir une boutique d'instruments de musique taillés par ses soins, uniques en leur genre, à l'instar des œuvres façonnées par son père pendant plus de quarante ans de sa vie. Longtemps, Leslie avait lorgné sur la société Sylver, où elle avait décroché un stage lors de ses études. Mais elle la voyait aujourd'hui pour ce qu'elle était : un géant de l'industrie dans lequel ses idées ne seraient jamais prises en compte.
- J'ai trouvé un local, et même un investisseur, elle poursuit avec fierté, sourire mystérieux sur les lèvres.
Cinq ans suffisaient à expliquer cette avancée prodigieuse dans une vie qui jusqu'alors n'avait été que monocorde. Une vie de travail acharné, dont les heures à plancher au-dessus des ateliers de son père, de l'école, puis d'Ollivanders, portaient finalement leurs fruits.
- J'te montrerai tout à l'heure, elle annonce, joyeuse, avant de désigner à Eileen le chariot de Fortarôme, inchangé depuis plus d'un siècle. Glace ?
En dehors de cette nouvelle, Leslie n'avait pour ainsi dire rien à raconter. Se refusait à évoquer un père qui perdait la mémoire un peu plus chaque jour, ou l'absence de partenaire dans sa vie.
- Oh et il y a eu une avancée incroyable : apparemment on va pouvoir faire de la magie autour des machines moldus ! Enfin ça tu dois déjà l'savoir ?
Probablement depuis bien avant elle d'ailleurs, au vu de sa position au département des mystères. Est-ce que sa disparition était liée de près ou de loin à ces découvertes importantes sur la magie ?
Message publié le 19/08/2025 à 14:18
Les yeux de Leslie sont restés sur la poignée, même après que la porte se soit immobilisée. Comme si le simple fait de la fixer suffisait à garder l’intérieur à distance. Elle n’a pas bougé pendant le début de la réponse d’Oonagh. Juste un léger clignement des paupières, presque imperceptible. Les mots tombent comme ils doivent tomber. Doucement. Avec cette forme de délicatesse qui ne cherche pas à atténuer la vérité, seulement à la rendre supportable.
Elle hoche lentement la tête. Pas pour dire qu’elle comprend, pas vraiment. Plutôt parce qu’il faut bien faire quelque chose. Renvoyer un signe à la conversation pour qu’elle puisse continuer. Son regard finit par glisser vers Oonagh. C’est là qu’elle la voit vraiment. Pas seulement la médicomage. Mais la femme. Celle qui se tient debout dans ce genre de couloir depuis bien plus longtemps qu’elle.
- C’est cruel, souffle-t-elle simplement.
Ce n’est pas une plainte. C’est un fait. Une ligne nette dans l’air trop sec. Elle aurait voulu dire autre chose, quelque chose de plus articulé, de plus utile. Parfois, il n’y a que la lucidité qui tienne debout. Elle inspire longuement, puis laisse son dos s’appuyer contre le mur derrière elle. La fatigue n’est pas physique. Elle est là, dans la nuque, dans les cernes sous ses yeux, dans la tension qui ne se relâche jamais tout à fait.
- Je me suis demandé, parfois, s’il aurait préféré qu’on le voit pas comme ça. Dans cet état. Elle tourne légèrement la tête, comme pour s’adresser à une version de lui qu’elle seule pourrait encore distinguer. Il aurait détesté cette fragilité. Il m’a élevée avec des phrases pleines de fermeté. Pas parce qu’il était dur, mais parce qu’il croyait à la force. À la clarté. À la rigueur des mots bien placés. Un silence. Puis un rire court, sans joie mais sans amertume non plus. Il aurait probablement trouvé ça absurde d’oublier le prénom de sa propre fille.
Leslie passe une main sur son visage, chasse la brûlure qui lui picote les yeux avant qu’elle ne prenne trop d’espace. Elle ne pleure pas. Elle ne pleure plus. Les larmes, elle les garde pour les soirs sans visite.
- Merci pour ce que vous avez dit. Elle redresse à peine le menton. J’ai pas besoin de promesse. Juste qu’on continue à le voir pour ce qu’il est au lieu de ce qu’il devient.
Elle marque une pause. La question des essais cliniques reste suspendue dans l’air. Leslie la laisse là, pour l’instant. Elle n’est pas prête à prendre le risque d’accélérer la chute. Pas encore. Pas tant qu’il y a des jours où il se souvient encore.
- J’vous demanderai peut-être un relais, un jour. Mais pas maintenant. Pas tant que je peux encore faire la fin des phrases pour lui. Un dernier regard, cette fois plus clair. Vous êtes la bonne personne. Pour ce travail. Il aurait respecté ça. Moi aussi.
Puis elle se redresse, les mains croisées sur l’avant de sa veste. Le genre de geste qui sert à refermer quelque chose en soi.
- Je vais rentrer. Mais je reviendrai demain.
Tant qu'elle pouvait venir tous les jours, elle le ferait. Un sourire s'étire. Léger. Fatigué. Mais bien présent.
Fin du RP, on pourra tester les essais cliniques dès le prochain !
Message publié le 19/08/2025 à 14:07
Les silences sont bavards dans cette boutique. Leslie les connaît tous. Ceux qui suivent les mauvaises nouvelles, ceux qui précèdent les bonnes. Ceux qu’on laisse traîner pour ne pas dire les mots trop vite, ou trop fort. Celui de Rowan en fait partie. Dense, tendu, plein d’un monde intérieur qu’iel ne verbalise pas encore. Leslie ne comble rien. Elle attend. Laisse la pièce respirer. Laisse le temps se poser comme une couche de cire sur le bois. Elle sent que quelque chose est en train de se passer, là, entre la baguette, l’air ambiant et la silhouette raide de Rowan. Elle ne force pas. Puis : un souffle. Une parole. Minime. Mais ancrée.
Merci. Je voudrais essayer.
La réponse est sobre, mais Leslie l’accueille comme une promesse. Pas parce que c’est la bonne. Parce que c’est la leur. Parce que c’est celle que Rowan formule après avoir pris le temps. Et surtout : parce qu’iel le fait sans détourner les yeux. La blonde acquiesce d’un simple mouvement de tête, puis tend la main pour effleurer Aon une nouvelle fois. Pas pour l’examiner. Pour la saluer.
- L’harmonisation, elle reprend doucement, c’est pas une baguette qu’on corrige. C’est une relation qu’on retisse.
Elle se redresse, contourne l’établi pour attraper un carnet en cuir tanné, qu’elle ouvre en silence, laissant apparaître des schémas complexes : tracés de runes, symboles de concentration, matrices de vibrations magiques.
- On travaille sur deux plans. L’un pratique : des exercices guidés, des gestes répétés, des sortilèges de résonance. L’autre… plus subtil. Elle lève les yeux vers Rowan. On va chercher les dissonances. Voir où ça frotte, où ça bloque. Pas pour juger mais pour comprendre.
Elle tourne une page. Plusieurs symboles s’y imbriquent : des cercles concentriques, reliés par de fins filaments qui semblent pulser au rythme de la lumière. L’un d’eux est annoté d’un mot unique : Souche. Leslie y pose l’index.
- Votre baguette est liée à votre magie. Mais votre magie évolue au même rythme que vous, et si vous avez changé brusquement, sans préambule, votre baguette peut avoir eu du mal à suivre. Il faut apprendre à relier les deux. Comme un greffon. Une constellation à redessiner.
Elle marque une pause, puis referme doucement le carnet. L’atelier s’est rempli d’une lumière tiède, celle qui filtre entre les stores, douce et poussiéreuse.
- En général, c’est un travail en plusieurs séances. Trois, parfois quatre. Ça dépend. On travaille avec la baguette, jamais contre elle. C’est important. Son regard glisse un instant vers Aon. J’ai vu des baguettes s’accorder à nouveau après quelques semaines. D’autres, refuser parce que leur propriétaire ont changé de façon trop radicale, changé de chemin. Elle hausse les épaules. Même ça, ce n'est pas un échec. C’est un tournant. On a le droit de ne plus être celui ou celle qu’on était à onze ans. Comme les baguettes ont le droit de ne pas suivre leur propriétaire où qu'ils aillent.
Elle laisse quelques secondes filer.
Message publié le 19/08/2025 à 13:53
Les doigts de Leslie pianotent contre sa chope. Ele a l’air ailleurs, mais son attention entière est vissée sur le visage d’Eileen. Un accident, c’est vague. Inquiétant. Les mots sont pesés, filtrés par des couches de silences obligés. Leslie les reconnaît pour ce qu’ils sont : des limites imposées, des secrets qui pèsent encore sur les épaules de son amie. Elle ne répond pas tout de suite. Elle hoche juste lentement la tête, le temps de ranger ses émotions dans quelque chose de digeste.
- Je vois, elle murmure, comme si elle se l’adressait à elle-même.
Elle secoue la tête, l’esquisse d’un rire dans la gorge. Amer et tendre à la fois.
- Moi qui pensais que t’étais partie quelque part à élever des sélénophores au milieu d'une forêt.
La vérité, c'est que Leslie en avait imaginé des choses. Des dizaines de scénarios expliquant la disparition soudaine de son amie. Tout plutôt que de la penser morte. Une grimace lui tord un peu les lèvres alors qu'elle guette le visage d'Eileen, étrangement si inchangé. À l'humour précède le sérieux, baigné d'un soulagement vivace.
- Merci d’être venue me voir. J’pensais pas… j’pensais pas que j’te reverrais. J’t’en veux pas, si tu veux savoir. Je crois que j’ai trop espéré pour ça. Son dos vient se poser contre le dossier, bras croisés. Je vais avoir du mal à m'y faire j'crois.
La présence de la sorcière lui faisait l'effet d'un miracle. Elle n'imaginait pas l'effet que ça ferait à sa famille, qu'elle n'avait visiblement pas encore revu.
- Mais toi aussi tu vas avoir du mal à t'y faire j'suppose. Cinq ans bordel...
Comment on pouvait rester bloqué cinq ans quelque part ? Est-ce qu'Eileen avait tout manqué du monde pendant ce temps là ? Leslie s'avance subitement pour tendre une main sur la table :
- On va aller faire un tour ok ? T'as l'droit non ? Revisiter Londres. Le Chemin de Traverse. Manger une glace chez Fortarôme, comme avant. Tu veux ? Leurs glaces changent pas alors tu s'ras pas dépaysée.
Le silence, cette fois, est doux, tandis que Leslie fixe son amie.
- Et si t'as besoin de soutien pour aller voir ta famille après... tu sais que tu peux compter sur moi.
À la douleur de l'absence pallie l'assurance, tangible, qu'Eileen va bien. Qu'elle est de retour. Leslie est encore secouée, mais surtout soulagée.
Message publié le 15/08/2025 à 14:59
Leslie entre au Chaudron Baveur sans se presser. Comme toujours, elle s’adapte à l’ambiance du lieu, aux sons étouffés de la clientèle, à l’odeur de bière tiède et de soupe du midi qui baignait l’air. Elle balaye la salle d’un regard rapide, à la recherche d’un visage qu’elle n’est pas certaine de reconnaître du premier coup. Elle se fige lorsqu'elle la voit. Il y a, dans cette silhouette en coin de salle, quelque chose d’évidemment déplacé.
Eileen Hilswood.
On aurait pu croire à un mirage. Il y a cinq ans, Leslie a cessé d'attendre des réponses. Elle a fini par ranger cette absence dans une case pratique de son esprit : perdue dans les méandres de l'inexplicable. Ses yeux posés sur la silhouette familière, son cœur ne peut s'empêcher de rater un battement. C'est bien elle. Pas une copie. Pas une photo. Pas un souvenir. Eileen. Pas changée d’un cil. Un frisson discret remonte le long de sa nuque tandis qu’elle traverse la pièce d’un pas presque automatique. Ses doigts ont lâché la hanse de son sac, comme si elle craignait de faire trop de bruit en s’asseyant. Elle glissa sur la banquette en face de son amie et resta là, muette quelques secondes.
Puis :
- Bordel, c'est vraiment toi.
Elle la regarde. Avec ce mélange rare d’incrédulité, de soulagement, d’émotion contenue qu’on n’exprime que dans les moments vraiment absurdes. Jusque se tenir devant elle, Leslie n'arrivait pas à croire à cent pourcent que c'était bien son amie qu'elle allait revoir ce jour là. Que le courrier pouvait dire vrai, après tout ce temps.
- T’as... t’as pas changé. T’as pas du tout changé, en fait. Elle aurait voulu rire, mais c’était trop étrange.
Sur son visage, on ne lit pas que cinq années sont passées. Pourtant, ça fait bien cinq ans, sans la moindre nouvelle, sans la moindre idée même vague de ce qui a pu lui arriver. Leslie se redresse, les coudes posés sur la table, un sourire en coin aux lèvres.
– Tu sais que j’ai essayé de te retrouver ? Au début. J’ai contacté le Ministère. Envoyé des courriers. Un ou deux hiboux sont revenus sans réponse. Les autres jamais.
Elle baisse un instant les yeux, mais ne laisse pas le silence devenir lourd.
- T’étais censée bosser dans un service ultra secret, ouais, j’avais bien capté que t’pouvais pas trop parler… mais de là à disparaître comme ça. Sans un mot. Une lettre. Une initiale sur un coin de parchemin j'sais pas !
Elle relève les yeux, et cette fois, c’est plus doux. Moins désorienté.
- J’crois que j’ai fini par me dire que tu voulais qu’on t’oublie. Que tu voulais tout couper. T’as pas idée de ce que ça me fait de te revoir.
Elle lâche un très léger rire, un peu sec, mais vrai. Puis, avec un brin de malice :
- J’vais te laisser expliquer ça à ton rythme. Mais j’te préviens, Eileen. Si tu me dis que t’étais simplement partie à l’étranger pour un stage, j’te renverse ta Bierraubeurre direct sur la tête.
Message publié le 22/07/2025 à 14:39
Il est aussi terrifiant qu'excitant de faire passer l'instrument entre les mains de Lysander. Pas que Leslie ait le moindre doute quant à la qualité de son travail. Cependant, elle garde toujours cette réticence pudique à céder des semaines de travail pour le laisser se faire jauger par autrui. Monsieur Bramblethorn est après tout un futur investisseur, qui occupera une place majeure au sein de la compagnie. Qu'il s'y connaisse ou non dans l'art de sculpter le bois magique n'importe pas vraiment. Tout ça a l'air de beaucoup lui plaire, et c'est avec soulagement que Leslie étire un sourire large à sa question presque rhétorique.
- Bien sûr. De ça, et du travail de mon père. Il a travaillé pour la compagnie Sylver. Vous connaissez sans doute.
L'entreprise, dont la renommée n'étestait plus à faire, tient clairement le monopole du marché des instruments de musique magique. Pionniers en la matière, ils sont la première inspiration de Leslie pour monter la compagnie Harrisounds. Ollivanders n'a jamais été qu'une étape parmi les autres dans son apprentissage rigoureux de l'enchantement du bois. Ce projet, c'est un rêve d'enfant. Nourri par des années de réflexions et de pratiques, dans un domaine où n'ose se battre qu'une poignée. Pour cause, il faut une patience magistrale pour parvenir au terme d'une seule création, et une imagination relativement fertile.
- C'est exactement dont je ne vous ai pas encore parlé, Monsieur Bramblethorn, elle admet en échappant un rire surpris. Les runes sont au cœur de mes recherches pour la gamme de créations uniques et exclusives de Harrisounds. Une manière de se démarquer de notre seul concurrent.
Initialement, Leslie se contentait d'imiter ses idoles, en suivant les traces de son père. Il s'est avéré qu'une autre voie s'ouvrait à elle. Une découverte qu'elle ne doit qu'à son expérience dans le domaine de la fabrication de baguettes magiques, et des récentes avancées créatives.
- J'ai toujours adoré les runes, elle explique en se dirigeant de nouveau vers la réserve. On vend pas mal d'objets qui en comporte chez Ollivanders. Des holsters, des boîtiers, plusieurs produits d'entretien automatisé qui plaisent à nos clients. Je sais qu'il existe un potentiel bien plus grand. Tout le monde le sait. Elle est loin d'être la seule à plancher sur le sujet. J'ai fait quelques tests sur mon temps libre. Inséré quelques runes à la base de certaines de mes créations. C'est pas encore exactement au point, mais je crois que je tiens quelque chose.
Leslie extirpe du placard une flûte à la taille fine et à l'aspect simple. Le long du manche, une série de signes incrustées, qui semblent capturer la lumière. Elle se contente de la tendre à Lysander :
- Si vous me posez cette question, c'est que vous vous y connaissez vous aussi. J'vous laisse me dire ce que vous en pensez.
Message publié le 04/06/2025 à 12:03
Leslie ne manquait pas apprécier la façon qu'avait Monsieur Bramblethorn de la prendre au sérieux. Elle avait vécu son lot de rencontres avec plusieurs investisseurs potentiels avant lui, alors que le projet n'en était qu'à ses prémices. Des déceptions amères qui expliquaient sans doute la façon dont elle menait aujourd'hui la conversation. La sorcière avait eu le temps de réfléchir à ce qu'elle attendait précisément d'un investisseur. Elle avait également compris que faire appel à un tiers invoquerait certes quelques sacrifices. D'aucun venait à injecter de l'argent dans toute l'affaire serait amené à saisir une partie de cette dernière. Avoir l'œil sur ses décisions, les faire ployer dans l'une ou l'autre direction. C'est pourquoi le choix de cet investisseur était si capital.
Aussi glisse t-elle un sourire sincère à l'intention de Lysander alors qu'il avance la nécessité d'une clause impliquant son droit de regard sur les stratégies mises en place à l'avenir. Ce n'est pas inattendu. C'est même parfaitement logique.
- Les conseils sont la raison pour laquelle j'en suis où j'en suis aujourd'hui, elle affirme en hochant la tête.
Bien sûr, rien n'est acté encore. La proposition d'une démonstration n'est pas simplement là pour illustrer la conversation. Monsieur Bramblethorn est peut-être là pour jauger de l'aboutissement de son projet, de son potentiel de bénéfice, mais Leslie le jauge lui. Car si l'investisseur se fait conseiller, il parait évident qu'il doit montrer d'un véritable intérêt pour Harrisounds, et pour ce qu'Harrisounds inclue tout entier. Peut-être en demande t-elle trop. Mais c'est l'aboutissement d'un rêve, et elle refuse de s'y lancer d'une façon qui pourrait, tôt ou tard, la décevoir à cause d'un piètre choix financier. C'est un bel homme dans un beau costume, mais s'il reste fade et sans-âme, Leslie n'est pas certaine de vouloir qu'il siège au sommet décisionnaire de l'entreprise.
Sa silhouette fine se transporte jusque l'autre bout de la pièce pour déverrouiller la porte d'une réserve plutôt minuscule, dans laquelle s'entasse plusieurs créations qu'elle n'a pas la place de conserver chez elle. Elle en extirpe le manche joliment taillée d'une large guitare en chêne blanc. Ses cordes semblent s'iriser sous les quelques rayons de soleil traversant la pièce. Très tôt, bien avant de s'essayer à la taille du bois avec les outils de son père, Leslie voulait devenir une artiste. Une artiste, alors que son nez n'atteignait pas encore le dessus du plan de travail où s'amassaient la sciure de bois, cela voulait dire une musicienne, car elle était tombée amoureuse des notes qui s'échappaient des instruments taillés par son père. On l'avait inscrite pour prendre des cours.
Ça avait pris plusieurs années avant qu'elle ne réalise que la création d'instruments magiques la passionnait davantage encore que d'en jouer.
- Vous faites de la musique Monsieur Bramblethorn ? elle demande sur le ton de la conversation alors qu'elle fait passer la sangle par-dessus sa tête. Celle-ci est en chêne blanc. Trois semaines de travail. Je vais vous la passer après, vous pourrez voir ce que ça fait de la porter.
Le chêne blanc était un bois fidèle, qui pouvait donner l'impression d'une familiarité étrange dès lors qu'on l'avait entre les mains. Chaleureux, mais aussi étrangement grave, le son tiré de son cœur était marqué d'une puissance sage, qui ne s'accordait qu'avec des musiciens armés de patience et de volonté. La musique s'en extirpe, d'abord parfaitement naturelle, acoustique, puis la magie fait son œuvre. La résonnance. La répétition d'un premier rythme martelé par les mains expertes d'une Leslie focalisée sur ses geste. Elle essaie de démontrer l'immense panel de possibilité offert par sa création. Le lien qui peut se créer à mesure que l'on joue. Les enchantements qui s'enclenchent comme d'instinct alors qu'arrive ici un refrain, là un pont, ici encore une brusque pause avant la reprise plus dense et plus accélérée.
Lorsqu'elle s'arrête, elle retire immédiatement la sangle pour mieux la tendre vers Lysander :
- Tenez. Faut la toucher pour se rendre compte.
Message publié le 03/06/2025 à 19:49
Oonagh prend les choses en charge, tandis que Leslie se contente d'assister à la scène, impuissante. Ce n'est pas habituel pour elle. Même lorsque son père oublie son visage, son nom, elle parvient à garder la tête froide, à ne pas se laisser dépasser par ses émotions. Mais cerné d'un tel souvenir ? Cerné d'un tel souvenir elle se sent comme la petite-fille qu'elle était alors. Se remémore un homme différent. Un homme fort, passionné. Un homme que personne n'avait jamais besoin de rassurer, car il c'était son rôle à lui au sein de leur famille. Son reflet, de plusieurs dizaines d'années plus jeune, sourit distraitement alors qu'il sélectionne un nouvel outil, se penche pour en expliquer le fonctionnement, démontrer les gestes avec un sourire patient, un regard flamboyant.
L'autre, fragile, deux pupilles affolées perchées sur la médicomage, guette chaque mouvement comme s'il craignait qu'on ne le brusque. Hoche lentement la tête comme un enfant. Leslie se mord la lèvre et détourne le regard pour embrasser une dernière fois le décor avant qu'il ne s'estompe. En sus et place de la chaleur du bois, la blancheur immaculée d'une chambre devenue trop familière. L'odeur insipide indissociable de l'endroit vient remplacer celles de l'atelier. L'instant s'étire inutilement tandis que Quinten reste accroché à Oonagh, comme une tentative de ne pas chuter davantage. Peut-il seulement tomber plus bas ? Se demande occasionnellement Leslie. Le pire n'est pas de constater les ravages de la maladie. Le pire est de savoir combien son père lui-même détesterait se voir ainsi.
Dans ses rares moments de lucidité, c'est la colère qui prend le dessus sur la confusion. Des répliques sèches qui résonnent des jours après que Leslie les a entendues. Devraient m'finir, ça serait mieux comme ça. C'est pas une vie, ça, c'est pas une vie. Leslie s'est installée dans le siège au coin de la pièce, étirant l'espace entre elle et l'ombre d'un père pratiquement disparu. C'était un bon jour, mais c'est déjà terminé, n'est-ce pas ? Bientôt, la fatigue prend le dessus. Quinten demande à ce qu'on le laisse tranquille. L'expédie d'un geste de la main agacée comme on chasserait une mouche, sans un regard pour elle. Leslie vient tout de même le prendre par les épaules, l'embrasser sur les deux joues, le serrer brièvement contre elle avant de quitter la pièce.
Elle ignore cet instant où la chaleur de son corps semble glacer Quinten dans sa robe de chambre d'hôpital.
- Je vais vous attendre dehors, elle annonce à la médicomage avec un sourire poli.
Dans le couloir, un silence blafard, immergé sous des lumières qu'aucun photographe ne voudrait capturer. Leslie s'assied. Patiente. Se perd dans des pensées brutales qui ne font que neutraliser les expressions de son visage une à une, jusqu'éteindre la lueur au fond de ses iris. Lorsque Oonagh sort, Leslie se lève, ce même sourire poli sur les lèvres.
- Merci pour... enfin merci pour ce que vous faites. Elle n'hésite qu'un instant bref avant d'enchainer une phrase qui lui brûle les lèvres, mais qu'elle ne pouvait imaginer échapper entre les murs de la chambre : c'est pire, non ? Son état. C'est pire qu'avant.
Message publié le 22/03/2025 à 15:12
Un léger sourire ourla les lèvres de Leslie lorsque Lysander affirma que sa préparation faciliterait leur collaboration. C’était le genre de commentaire qu’elle ne prenait ni comme un compliment, ni comme une flatterie : c’était simplement factuel.
- Je ne laisse pas beaucoup de place au hasard, c’est vrai. Je suppose que c’est la nature même de mon métier. Une imperfection de quelques millimètres dans une baguette, un enchantement mal calibré sur une guitare, c’est toute l’harmonie qui s’effondre Monsieur Bramblethorn.
Elle s’était adossée au rebord d’un futur établi, ses bras croisés avec une décontraction apparente. L’éclat de ses yeux démontrait pourtant qu'elle était en terrain connu ici. Son terrain. Elle y était parfaitement à son aise.
- Concernant le carnet d’adresses… j’ai déjà quelques musiciens qui me suivent de loin depuis mes premières créations. Rien de tapageur, mais des passionnés. Des clients fidèles. Certains me réclament des ajustements réguliers, ce qui est bon signe. J’ai aussi l’avantage d’avoir fréquenté pas mal de scènes indépendantes. Mon idée, c’est de ne pas me limiter à un public élitiste ou institutionnel. Ce que je propose doit pouvoir toucher les passionnés de rue comme les virtuoses de salle de concert.
Elle s’approcha d’une des fenêtres pour en dégager un peu la poussière d’un revers de main, dévoilant un rai de lumière sur les murs.
- Je miserai effectivement sur le bouche-à-oreille au début, mais avec une vitrine solide : des instruments de démonstration, une plateforme magique de visualisation, quelques partenariats bien choisis. J’ai déjà commencé à discuter avec deux groupes, dont un duo de violonistes de Birmingham qui cherche un son plus organique.
À la question du timing, elle se redressa un peu, ramenant une mèche de cheveux derrière son oreille.
- Si tout va bien, j’aimerais ouvrir pour la rentrée prochaine, début septembre. Ce qui me laisse cinq mois pour tout mettre en place, aménagement compris. Je garde encore mon poste chez Ollivanders pour l’instant - question de stabilité - mais je commence à basculer mes priorités petit à petit. Elle s’autorise un sourire plus doux, presque nostalgique. Travailler là-bas m’a beaucoup appris. Sur les matériaux, sur la précision, sur les attentes des clients… J’ai mis assez de temps à savoir ce que je voulais faire de tout ça. Maintenant que je le tiens, je n’ai pas l’intention de lâcher.
Harrisounds serait un aboutissement. Son regard se planta dans celui de Lysander avec une assurance tranquille, sans provocation, mais avec la fermeté d’une vision claire. Elle marqua une brève pause, puis ajouta d’un ton plus léger :
- Ce que je veux bâtir ici ne sera pas juste une boutique. J’aimerais en faire un lieu vivant, avec des démonstrations, des soirées d’essais, des vitrines sonores. Permettre à des artistes de tester des prototypes, de collaborer sur des ajustements, voire de faire des performances intimistes. Elle s’approche d’un espace encore vide, esquisse un geste circulaire. Je pensais aménager un petit coin scène ici. Rien de tape-à-l’œil. Juste de quoi accueillir un duo ou un soliste. Et si la sauce prend, pourquoi pas lancer des captations ou des retransmissions enchantées pour toucher un public plus large.
Elle s’interrompt, puis reprend avec plus de pragmatisme :
- Bien sûr, tout ça a un coût. Et c’est là que j’en viens à vous. J’ai budgétisé l’aménagement global à environ 8 000 gallions. J’en prends une partie à ma charge, avec mes économies et un prêt modéré, mais j’aurais besoin d’un apport complémentaire de 3 000 à 4 000 gallions pour ne pas devoir rogner sur les finitions - surtout dans l'atelier. Elle marque une pause. En échange, je suis évidemment prête à négocier une participation sur les bénéfices pendant les deux premières années, ou à intégrer une clause de visibilité pour vous dans la communication autour de l’ouverture et des premiers événements. Si vous avez d’autres types d’arrangements en tête, je vous écoute. Je veux que ce soit une collaboration intelligente, pas juste un chèque et un sourire. Elle étira d'ailleurs le sien en haussant un sourcil vers son investisseur. Si vous avez besoin de voir mes prévisions, mon échéancier ou même les retours de mes clients tests, je peux tout vous transmettre dès demain.
Un silence bref, puis elle ajoute avec un petit sourire en coin :
- Et si vous voulez entendre ce que donne une guitare Harrisounds en main… je peux vous faire une démonstration.
Message publié le 14/03/2025 à 10:02
Leslie relève la remarque murmurée sur les instruments de musique et, cette fois, son sourire s’élargit légèrement.
- Pas si loin de la vérité. Elle tapote doucement du bout des doigts sur le bois du comptoir, comme si un rythme invisible y résonnait déjà. Les instruments et les baguettes ont beaucoup en commun. Ce sont tous les deux des catalyseurs. Une extension du sorcier, ou du musicien. Ils traduisent une intention en vibration, en onde. L’un par la magie, l’autre par le son. Mais dans les deux cas… si le lien est brisé, si l’harmonie est perdue, alors rien ne fonctionne comme il faudrait. Elle observe la jeune femme un instant, curieuse de voir si ces paroles trouvent écho chez elle, puis reprend, plus terre-à-terre : mais bon, je digresse.
Elle revient à l’étui ensorcelé, le soulevant légèrement d’une main avant de le poser devant Jennifer.
- Celui-ci est légèrement plus lourd que le premier, oui, mais rien d’excessif. Le sort de verrouillage rajoute un peu de densité, mais si vous êtes habituée à garder votre baguette sur vous, ça ne devrait pas poser de problème.
Elle laisse Jennifer tester la prise, voir si l’objet lui convient, avant de se concentrer sur l’enchantement de protection. Quand la cliente évoque l’éclair faible produit par un autre sorcier, Leslie acquiesce lentement.
- Un bon signe. Elle vous reconnaît bien comme sa seule véritable propriétaire. Elle n’a pas accepté l’emprunteur, mais elle ne l’a pas rejeté non plus violemment. Elle hésite une fraction de seconde, puis ajoute : le bois de sycomore aime l’énergie et le mouvement. Vous avez une pratique artistique ?
Un léger sourcil arqué, une question posée avec l’aisance d’une conversation naturelle, sans forcer. Elle n’attend pas nécessairement une réponse immédiate et reprend, se saisissant délicatement de la baguette pour commencer l’enchantement. Son geste est précis, maîtrisé. Elle trace dans l’air une succession de runes d’un bleu spectral, qui tournent lentement autour du bois de sycomore. Les mots de l’incantation sont murmurés, presque imperceptibles, tandis que les runes se fondent une à une dans le bois, disparaissant sans laisser de trace visible. Un léger frisson parcourt l’air, une vibration subtile, comme un souffle de magie réajusté. Puis, le silence retombe. Leslie tend la baguette à sa propriétaire.
- Voilà. Désormais, si quelqu’un d’autre essaye de l’utiliser sans votre consentement, elle refusera de réagir correctement. Elle produira des sorts instables, avec une intensité moindre. Elle croise les bras, son ton léger mais assuré : essayez.
Elle laisse Jennifer retrouver sa prise, tester le ressenti.
- Normalement, vous ne devriez rien sentir de différent. Mais si elle semble plus réactive ou plus présente dans votre main, c’est simplement qu’elle sait désormais qu’elle vous appartient sans condition. Puis, dans un élan mi-sérieux, mi-détendu, Leslie ajoute : Et si les instruments vous intriguent autant que les baguettes… vous devriez passer chez Harrisounds quand ce sera ouvert. Un clin d’œil complice, parce qu’elle sait déjà que ce projet ne restera pas qu’un rêve. Vous jouez d’un instrument, ou c’est juste une réflexion en passant ?
Elle ramène ses mains sur le comptoir, l’air détendu mais curieux.
Message publié le 12/03/2025 à 20:40
Leslie observe la baguette un instant de plus, comme si elle écoutait quelque chose que Rowan ne peut pas entendre. Il y a une énergie qui palpite encore en elle, mais désaccordée, brouillée, comme un instrument dont les cordes auraient perdu leur justesse. Quand le client parle, sa voix est plus posée cette fois, teintée d’une résolution nouvelle. Leslie ne commente pas immédiatement. Elle laisse un bref silence s’installer, un silence utile, celui où les vérités flottent avant de se figer. Elle finit par poser ma baguette sur une étoffe de velours, le geste mesuré, précis.
- C’est bien.
Un simple constat. Pas un compliment. Pas une évaluation. Juste un fait. Elle tapote légèrement du bout des doigts le bois de sorbier, testant sa résonance sous la pulpe de son index.
- Si vous êtes prêt à explorer ce qui a changé, alors Aon vous suivra. Pas immédiatement, peut-être. Pas sans effort. Mais une baguette ne se détourne pas d’un lien sans raison. Elle redresse légèrement le menton, évaluant le sorcier en face d’elle avec cette lucidité perçante qui trahit son métier. Je vais effectuer une lecture énergétique.
Son ton est calme, technique, mais pas dénué d’une certaine gravité. On ne manipule pas une baguette en crise avec désinvolture.
- Cela va me donner une idée plus précise de son état, de ce qui la perturbe.
Elle récupère la baguette avec délicatesse, son pouce glissant sur les veines du bois, comme on sentirait le grain d’un instrument ancien avant de l’accorder. Puis, elle lève sa propre baguette et, dans un mouvement mesuré, trace un cercle lumineux autour de Aon. Un fil d’énergie argentée s’élève, tissant un motif délicat, révélant les pulsations invisibles de la baguette. À mesure que les filaments s’étirent, Leslie perçoit. Des résistances. Des fluctuations. Une baguette qui n’est pas brisée, mais en tension. Comme un pont entre deux rives qui ne se comprennent plus. Elle plisse légèrement les yeux, analysant les entrelacs subtils qui révèlent des réponses que son client ne peut pas voir lui-même. Puis, enfin, elle parle :
- Elle ne vous rejette pas. Elle incline la tête, croisant le regard de Rowan avec sérieux. Mais elle ne vous reconnaît plus entièrement. Un léger silence suit, puis elle ajoute, d’un ton légèrement plus bas : Quelque chose dans votre magie a changé. Son regard glisse sur Aon, toujours entourée de son halo vibrant. Je vais devoir affiner ma lecture.
Un sourire discret vient alléger la tension dans son visage. Pas de panique. Pas d’alarme. Juste une vérité à découvrir. Elle enchaîne immédiatement, poursuivant son analyse comme une musicienne qui ajuste un accord. Elle serre légèrement Aon entre ses doigts, canalisant son propre flux magique, et trace un nouveau motif lumineux autour de la baguette. Cette fois, les filaments argentés réagissent différemment. Certains frémissent, d’autres oscillent, hésitants, comme s’ils cherchaient un équilibre perdu. Il y a du tiraillement. Ce n’est pas une rupture nette, ce n’est pas une cassure. C’est une dissonance. Une disharmonie entre deux forces qui s’éloignent l’une de l’autre. Leslie touche à peine la baguette du bout de l’index, et un frisson ténu lui remonte l’avant-bras, juste assez perceptible pour qu’elle comprenne. Elle expire lentement, analysant la réponse.
- Elle vibre encore avec vous. Ce n’est pas un rejet, c’est… Elle cherche le bon mot, le bon parallèle. Puis, son regard se pose sur son client, et elle comprend. C’est une résonance en décalage.
Elle laisse les filaments énergétiques onduler encore un peu, puis referme le cercle lumineux, dissipant l’aura qui entourait la baguette. D’un mouvement fluide, elle la repose sur le velours. Son regard ne lâche pas celui du sorcier.
- Votre magie n’a pas disparu. Elle s’est affinée, transformée. Et Aon tente de suivre le mouvement. Elle tape légèrement du doigt contre le bois, réfléchissant à voix haute. Quand une baguette ne répond plus comme avant, ce n’est pas qu’une question de perte. C’est aussi une question d’évolution. Il y a quelque chose en vous qui cherche un autre équilibre. Quelque chose qui a changé…
Elle laisse la phrase en suspens. C’est à lui de combler ce vide. Elle sait que ce qu’elle dit ne parle pas uniquement de magie. Elle laisse quelques secondes défiler avant d’exposer les options.
- Je peux procéder à une harmonisation. Ce serait une sorte de réajustement énergétique entre vous et Aon. Cela pourrait améliorer votre connexion, au moins temporairement, et vous permettre de mieux ressentir ce qui cloche. Elle tapote doucement du bout des doigts sur le bois de la baguette, pensive. Mais si la source du problème vient d’un changement profond en vous, ce ne sera qu’un pansement sur une fissure plus grande. Son regard se fait plus perçant. L’autre option, c’est d’explorer votre propre magie. Voir si elle a changé au point qu’une autre baguette pourrait mieux vous correspondre. Elle laisse un silence planer, mesuré. Mais je ne vous ferai pas essayer une autre baguette tant qu’on n’a pas tout tenté pour Aon.
Message publié le 12/03/2025 à 11:08
Le silence s’étire quelques secondes alors que Leslie observe le flacon entre les doigts d’Oonagh. Le liquide argenté miroite sous la lumière artificielle, ondulant avec une douceur presque trompeuse. Voir un fragment de sa propre mémoire ainsi encapsulé lui provoque une sensation étrange, un léger creux dans l’estomac qu’elle ne s’attendait pas à ressentir. Elle se redresse légèrement lorsque la voix de Quinten s’élève. La question flotte un instant dans l’air, comme un grain de poussière suspendu avant de retomber au sol. Leslie tourne instinctivement la tête vers son père, mais ne dit rien. L’inconnu est omniprésent dans ses phrases, les visages effacés, les repères dissous dans un temps qu’il ne maîtrise plus. Oonagh répond d’un ton fluide, maîtrisé, et Leslie l’observe du coin de l’œil. Une routine bien rodée, une réponse calibrée pour ne pas heurter, mais aussi pour ne pas attiser trop de doutes. Un équilibre délicat.
Son regard revient vers Quinten. Il n’a pas l’air perturbé par la réponse, pas plus que par la situation dans son ensemble. Il accepte ce qui lui est donné sans chercher à le confronter. C’est peut-être ça, le plus troublant. Lorsque la médicomage effleure son dos, l’invitant à avancer vers la pensine, Leslie inspire légèrement par le nez. Une part d’elle hésite. Pas par peur. Pas par malaise. Juste… une seconde de flottement. Elle n’a jamais revu cette scène autrement qu’à travers les souvenirs épars de son père, à travers les miettes qu’il lui en laissait au fil des années. Mais maintenant, elle va plonger dans une version figée, immuable, préservée d’une manière qu’aucun récit oral ne peut l’être. Elle glisse un regard vers Oonagh. Pas besoin de mots. D’un geste fluide, elle pousse légèrement ses manches, comme si elle s’apprêtait à manipuler un bois précieux ou à travailler un enchantement délicat. Puis, elle s’avance et pose une main sur l’épaule de son père, le contact léger mais assuré.
- Ça va aller, papa, souffle-t-elle doucement. Un automatisme.
Son regard reste un instant suspendu au-dessus de la surface argentée. Elle se demande comment elle va réagir en revoyant cette scène. Si elle s’y reconnaîtra. Si lui se reconnaîtra. Elle plonge. La transition est fluide, mais vertigineuse. Une sensation de chute douce, comme une plume portée par un vent invisible. Le décor change d’un battement de cils, et soudain, Leslie n’est plus dans la chambre d’hôpital, mais ailleurs. Ailleurs dans le temps, ailleurs dans l’espace. L’odeur du bois envahit l’air. C’est la première chose qu’elle remarque. Un parfum sec et chaleureux, où se mêlent la poussière des copeaux fraîchement taillés et l’essence résineuse des planches empilées contre les murs. L’atelier. Leur atelier. Les étagères croulent sous le poids des outils et des morceaux de bois en cours de travail. Rien ne semble être à sa place, et pourtant, tout ici respire une forme d’ordre méthodique. Elle reconnaît l’endroit immédiatement.
Lui aussi.
À quelques pas d’elle, Quinten Harrison, plus jeune, d’une dizaine d’années au moins, se tient devant un établi, les manches retroussées, une gouge en main, sculptant minutieusement le manche d’une guitare. Son regard est concentré, habité d’une patience infinie, celle des artisans qui savent que chaque coup doit être précis, mesuré. Ce n’est pas encore un instrument, mais une promesse. Et puis, il y a elle. Une version d’elle-même, plus jeune, à peine sept ans. Les cheveux encore plus clairs, attachés à la va-vite, les yeux grands ouverts, buvant chaque mouvement de son père comme si c’était la chose la plus fascinante du monde. Leslie adulte reste figée une seconde, observant cette scène qu’elle croyait avoir oubliée.
- Pourquoi t’utilises celui-là et pas l’autre ?
Sa propre voix. Plus aiguë, curieuse, sans filtre. L’enfant pointe un outil sur l’établi, et Quinten relève les yeux vers elle avec un sourire indulgent.
- Parce que celui-ci permet de travailler plus en finesse. Tu vois, le bois, c’est comme une baguette : il faut le comprendre, pas le forcer. Si tu y vas trop fort, il se fend. Si tu l’écoutes, il te guide.
Il lui tend le manche en cours de sculpture. Elle hésite, puis le prend avec précaution, comme si elle craignait de mal faire.
- Regarde les veines. Elles te montrent où aller. Un bon artisan ne sculpte pas contre le bois, il suit son histoire.
Leslie sent quelque chose se nouer dans sa gorge. Ce n’est pas juste un souvenir. C’est l’instant où tout a commencé. Là, entre ces murs, dans cet échange. Le premier moment où elle a su. Elle connaît chaque seconde de ce souvenir par cœur, elle sait comment il va se dérouler, ce que son père va dire ensuite. Mais le revoir ainsi, avec l’innocence intacte de l’instant, sans l’altération des années… C’est autre chose. Elle baisse les yeux vers son père, ici, à Sainte-Mangouste. Quinten. Il est là, juste à côté d’elle, plongé lui aussi dans son propre passé. Son visage est figé, immobile, ses yeux gris errant sur les murs qu’il connaît par cœur, les outils qu’il a maniés mille fois. Il regarde ses propres mains d’aujourd’hui, ridées et tremblantes, puis celles du souvenir, fermes et habiles, sculptant avec la maîtrise d’un artisan qui ne doute jamais. Un battement de silence.
- C’est mon atelier, souffle-t-il enfin, la voix lente et troublée. Une prise de conscience.
Ce n’est pas un vague décor sorti de nulle part. Il le sait. Il le reconnaît. Son regard oscille entre le souvenir et le présent, comme s’il essayait de superposer les deux réalités, de trouver où il s’est perdu entre elles. Puis, ses yeux tombent sur la fillette. Son souffle se suspend un instant. Il fronce légèrement les sourcils, penche la tête comme s’il essayait de mieux voir.
- C’est toi…
Ce n’est pas une question. Il sait. Ses traits se figent d’une émotion difficile à nommer. Une reconnaissance pure, mais teintée d’un trouble qu’il ne sait pas formuler. Leslie ne bouge pas, ne dit rien. Elle observe. Parce qu’elle sait que c’est dans ces instants qu’on voit ce qui reste, ce qui tient encore debout derrière le voile des années perdues.
Quinten fixe la scène, mais son regard brille d’une lueur presque effrayée. Puis, tout à coup, il recule. Ses doigts tremblent alors qu’il les passe sur son front, comme si quelque chose en lui vacillait, comme si son propre esprit se fragmentait sous la pression. Son souffle devient saccadé, sa poitrine se soulève plus vite.
- Je… Je dois aller travailler. Je suis en retard.
Son ton n’a plus rien de calme. Sa voix tremble. Il détourne les yeux du souvenir comme s’il le brûlait, cherche une sortie qui n’existe pas. Il se ferme. Le moment lui échappe, trop violent dans sa clarté. Leslie serre instinctivement les poings. Elle aurait aimé qu’il tienne un peu plus longtemps. Mais une part d’elle savait qu’il en serait autrement. Leslie ne bouge pas, ne parle pas. Pas encore. Elle attend. Elle attend de voir jusqu’où il va fuir, si elle peut encore le rattraper. Elle a connu ces moments. Ceux où les mots ne servent plus à rien, où la réalité bascule trop vite, trop violemment. Mais cette fois, ce n’est pas une confusion ordinaire. Cette fois, il lutte.
- Ce n’est pas vrai. Il secoue la tête, refuse ce qu’il voit. Ce n’est pas mon atelier. Ce n’est pas… Ça ne peut pas être maintenant. Il cherche quelque chose dans sa poche, sur lui, dans l’air, comme si un objet, un repère pouvait lui prouver qu’il est bien là où il pense être. Son regard se perd, il vacille. Où est ma montre ?! L’angoisse monte en flèche. Il tâte ses poignets, fouille son veston imaginaire, et son regard paniqué se pose sur Leslie. Où est-elle ?! Je l’ai laissée ici ce matin, j’en suis sûr. Jack va me tuer si j’arrive en retard. C’est quel jour ?! Son désarroi est palpable, presque trop douloureux à voir. Leslie ouvre la bouche pour parler, mais il ne la laisse pas faire. Pourquoi tu ne réponds pas ?!
Il fait un pas vers elle, et l’espace d’une seconde, elle voit son père tel qu’il était avant la maladie.
Fougueux, impatient.
Mais cette fois, il est perdu. Ses doigts se crispent sur son propre bras, son regard oscille entre le souvenir et le vide. Il perd pied.