Harry Potter RPG
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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

- Chut ! Mais chut j'ai dit !

 

Un Sasha catastrophé, les yeux ronds d'indignation, s'évertuait à chuchoter avec énergie tout en tâchant de rester discret. Le pire là-dedans, c'était qu'il ne comprenait rien à ce que disait la petite fille qui gesticulait. Ribbit était sûrement encore un de ces mots écossais que le reste du monde ne partageait pas. Il n'était pas suffisant que le monde entier fisse l'effort de parler leur langue, ces fichus écossais inventaient des mots qui n'existaient pas en anglais !

 

- Mais arrête j'ai dit !

 

Sasha n'y tint plus. Mû par l'inquiétude d'attirer à eux non pas seulement l'Ombrelangue qui s'agaçait en bas, mais aussi d'autres animaux de la Forêt dont la réputation n'était pas volée, il se souleva, les pieds en équilibre précaire sur la branche, pour attraper brusquement la petite fille. Ce faisant, il lui colla fermement une main sur la bouche.

La gamine n'était pas calmée pour autant. Elle continua à gesticuler tout en criant des MMH-MMMH ! dont le son traversait fort malheureusement sa bouche fermée et les doigts - sales d'écorce humide et de boue - de Sasha. Evidemment, Mmh-mmmh était sûrement toujours ce mot absurde : Ribbit.

 

Elle pointa un index vers le ciel, et Sasha suivit son regard, pour apercevoir la créature qui battait des ailes sans vouloir quitter la cime d'un arbre voisin.

 

Une chouette. Bon, et alors ? C'était juste une chouette avec dans les serres...

 

- Un crapaud, grommela-t-il, son nez se froissant. Tout ça pour un crapaud ? Ah ben bravo !

 

C'était donc cela qu'elle avait fait s'envoler avec son malheureux Wingardium Leviosa. Sasha baissa la tête pour la fustiger du regard, ses propres cheveux en bataille lui donnant l'air d'une bête mal léchée. On s'en fichait d'un crapaud ! Au mieux, on le...

 

 

Tssss...

 

 

Le garçon pencha brusquement la tête de côté, avec la vivacité d'un félin ayant aperçu une proie. L'ombrelangue les avait entendus, bien sûr. Dans la brume qui s'épaississait, Sasha ne le distinguait plus et son coeur s'était mis à battre la chamade. Il avait resserré sa prise plus fermement sur la petite fille, comme pour lui faire comprendre que l'heure n'était plus aux jérémiades - sans penser qu'alors il lui faisait peut-être un peu mal.

 

Deux problèmes.

 

Si Sasha avait appris une chose à la guerre, c'était que quand on avait deux ennemis, la façon la plus efficace de procéder était de se débrouiller pour gérer un problème grâce à l'autre. Alors brusquement, il remit la gamine sur ses pieds et la tourna pour qu'elle lui fît face, leur visage à quelques centimètres l'un de l'autre. Il avait libéré sa bouche.

 

- Tu ne bouges pas. Tu ne cries pas. Tu me laisses faire, ordonna-t-il d'une voix grave, insensible aux grands yeux mouillés de la gamine - au visage pourtant étrangement familier.

 

Sasha la lâcha en priant pour qu'elle ne fît rien d'idiot, et il tira sa baguette en levant le nez vers la chouette.

 

- Bestia Domitus ! souffla-t-il.

 

Le sortilège déploya un étrange jet de vapeur en direction du rapace au moment où celui-ci s'envolait. Il percuta la chouette qui émit un drôle de cri de douleur. Désorientée, elle perdit un peu de temps à voler en cercles frénétiques au-dessus d'eux, avant d'enfin obéir comme Sasha le souhaitait. 

 

Le rapace fondit vers l'Ombrelangue, leur jetant au passage le crapaud que Sasha prit en pleine figure. 

 

- Yeurk, gémit-il en décollant l'animal gluant de son visage avant de le mettre d'office dans les mains de la petite fille devant lui pour mieux se concentrer sur le combat, pointant sa baguette sur la chouette.

 

Au-dessous, la tête du serpent était apparue. Enorme, elle émergeait en dessous d'eux comme d'une mer de ténèbres, ses yeux brillants dans la nuit comme deux lasers mortels. La chouette l'attaqua avec un cri sauvage et un combat bref mais invraisemblable s'engagea : l'Ombrelangue referma ses crocs sur le vide, le rapace évitant de peu une mort certaine. La chouette virevolta autour de la tête du serpent, et fonça subitement, tête en avant : elle creva un oeil de l'Ombrelangue qui fit jaillir sa longue langue fendue avec un sifflement de douleur. Il se rétracta dans la brume et disparut, bientôt poursuivi pour une chouette féroce qui l'éloignerait d'ici. 

 

- Fiou, c'était moins une, souffla Sasha, soulagé.

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Pendant quelques instants, Sasha eut peine à croire à la facilité avec laquelle il avait réussi à sauver le crapaud et leur propre peau avec un plan aussi erratique que celui-ci. Mais sa connivence avec le monde animal payait peut-être malgré tout, après des années à s’entraîner. La brume leur ayant caché la suite du combat, Sasha se laissa tomber accroupi, baguette toujours en main, le temps de faire retrouver à son cœur un rythme raisonnable.

 

-    Mieux vaut eux que nous, se contenta-t-il de commenter au sujet de la mort prochaine d’au moins l’une des deux créatures.

 

Il ne lui venait même pas à l’esprit qu’un tel destin eût pu heurter les sentiments d’une si jeune fille : lui qui avait grandi dans la campagne savait que les animaux étaient destinés à mourir, pour la plupart, afin de faire le festin d’une autre créature – y compris lui-même. Il ne percevait pas même qu’on pût en être triste à l’âge de cette petite gamine qui l’appelait par son nom. 
Sasha tressaillit subitement.

 

-    Hein ?!

 

Sasha décrocha sa mémoire en un « HUH » de surprise proprement ahuri pour scruter l’enfant avec des yeux ronds comme des soucoupes. Comment cette gamine qui lui arrivait à peine au-dessus du nombril pouvait-elle connaître son prénom ET son nom de famille ? Un moment, il la regarda comme si ce petit corps d’élève avait pu renfermer quelque vieille Baba Yaga sage prête à se transformer en un serpent pour le dévorer ou le récompenser de ses bonnes actions. Mais ce n’était tout simplement pas possible, alors il repoussa fermement les histoires de son enfance pour froncer les sourcils, suspicieux.

 

-    Comment tu sais d’abord que…

 

Ils avaient parlé en même temps, s’étaient interrompus en même temps.

 

-    Hé !

 

Avec un réflexe idiot, Sasha brassa le vide. C’était trop tard : l’enfant était tombée plus bas, et il la suivit des yeux avec embarras. Elle se prit une branche, puis une autre, avant de se retrouver la tête à l’envers avec sa robe sur elle. L’Ukrainien leva les yeux au ciel en voyant le crapaud et la baguette tombée plus bas.

 

 

 


L’univers visuel de cette enfant devait être bien sombre, à l’instant même. Sasha profita de ce que la vue lui avait été de nouveau dérobée pour descendre tranquillement d’une branche à l’autre, dans un silence feutré. En bas, les coassements du crapaud indiquaient qu’il avait survécu. Il faudrait aller le chercher, lui et la baguette de la petite fille, avant d’essayer de s’orienter pour retrouver le chemin du château. La brume était si épaisse que même pour Sasha, ce n’était pas si facile… En tout cas, pas sous cette forme-là.

 

Entre un index et un pouce, il saisit un pan de la robe de sorcière pour la soulever. Il découvrit un visage qui devenait tout rouge, mais il avait décidé de prendre son temps. Au moins, saisie ainsi, elle ne risquait plus de créer un autre problème. De son côté, elle le découvrit étrangement allongé sur le ventre, soutenu le long d’une branche voisine, comme si c’était là absolument naturel pour lui de trouver un peu de repos dans cette position, les chevilles croisées derrière lui pour assurer un minimum de stabilité.

 

-    On t’appellerait pas Miss Catastrophe, par hasard ? grommela-t-il de son air bougon habituel. Gigote pas, sinon on en a pour une heure.

 

Sasha fit un signe du menton vers la plante qui avait saisie l’enfant par le pied.

 

-    Dyavol'skiye silki, on appelle ça par chez moi. T’inquiète, elle va te lâcher bientôt.

 

Il accrocha le pan de la robe sur une petite branche voisine, pour qu’elle pût garder la vue dégagée, puis il croisa ses mains sous son menton pour faire reposer sa tête sur sa propre branche. A l’envers, la fille avait les mêmes cheveux roux qui dansaient sous sa tête qu’Alison Carter – mais c’était pour lui le seul lien lointain qu’il pouvait faire. 
Sasha resta longuement ainsi : il la regardait tranquillement, avec la même curiosité qu’une araignée attendait qu’un insecte fût enfin assez mûr dans sa toile.

 

-    T’inquiète, on ira les retrouver après, ton Seigneur Kvakva et ta baguette. Comment tu sais comment j’m’appelle ? il finit par demander. Si tu me dis ce que tu sais, je te libère. Et après, tu montes sur mon dos et tu t’accroches à mes oreilles, ok ?

 

Il était on ne peut plus sérieux. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Serre de préparation, Dimanche 15 Octobre 2124

Sasha ne savait pas pourquoi, mais soudain, il avait chaud. Ce devait être cette atmosphère tropicale. Ou la vue du thé fumant. Ou Alison en débardeur dont le maquillage se troublait qui lui rappelait qu'il n'aurait pas dû être autant habillé.

Bref, il finit par retirer sa robe de sorcier épaisse pour la déposer sans précaution sur un établi, avant de passer la main dans son col pour que sa cravate se desserrât ne serait-ce qu'un peu. Il jetait ce faisant quelques regards en biais vers la jeune fille.

 

Ah. Donc j'arrête tout, c'était j'arrête le deal. Il aurait peut-être dû poser la question tout de suite, finalement, grommela sa petite voix intérieure, qui lui reprochait la peine qu'il s'était donnée pour répondre aux exigences de La Fouine. Ce dernier désormais avait développé une obsession pour Alison : le jeune Serpentard bavait depuis quelques jours à la vue de la cadette des Carter, et visiblement était définitivement convaincu que Sasha et elle faisaient des choses pas catholiques dans les placards. Il ne savait pas si Alison s'en était rendue compte. Le boutonneux était déjà bizarre habituellement, sans avoir besoin de l'aide de Sasha.

 

Ce dernier, mal à l'aise - cette atmosphère était si différente des conditions dans lesquelles il avait l'habitude de rencontrer Alison - s'appuya sur le bord d'un plan de travail. Par un mimétisme inconscient, lui aussi se mit à toucher une plante. Elle avait des feuilles rugueuses et épaisses et il n'avait aucune idée de ce dont il s'agissait, sinon que cela occupait ses doigts. Les égratignures de sa chute sur les escaliers avaient déjà complètement disparu.

 

- Mmnon, balbutia-t-il, une moue déçue sur le visage. C'était pas que j'voulais qu'on arrête, c'était juste que j'voulais pas qu'on se fasse remarquer des professeurs. Et tu sais pourquoi, maintenant. Je préfère autant qu'ils s'intéressent pas trop à moi.

 

Ce n'était pas parfaitement vrai. Mais ça l'était partiellement. Ca lui convenait à peu près que les élèves croient qu'Alison se mettait régulièrement sous la table pour s'occuper de son entrejambe. Enfin ça le mettait un peu mal à l'aise comme idée, mais il l'acceptait. C'était une image qu'il pouvait renvoyer, si elle le voulait vraiment. Mais si les professeurs le trouvaient trop entreprenant avec des plus jeunes, et qu'en plus ils découvraient qu'il était un animal, il doutait qu'on le laissât tranquille.

Mais cela voulait-il dire qu'il fallait renoncer au deal ?

 

- Moi je voudrais bien qu'on continue.

 

Il avait parlé à voix basse, un peu comme s'il n'assumait qu'à moitié ses propos. Il regarda la tasse qu'elle avait déposé près de lui maintenant qu'elle s'était rapprochée, et il s'en saisit pour s'occuper les mains. Les odeurs qui s'en échappaient se mêlaient à celles d'Alison, se mariaient d'une manière agréable. Sasha osa la regarder : elle lui paraissait différente. Peut-être que c'était parce qu'il n'y avait aucun autre élève pour les épier, mais Alison n'avait pas l'air obnubilée par sa frange, cette fois. Les ondulations qui s'invitaient dans ses cheveux rappelaient la tignasse plus naturelle de Charlie, dans une version moins épaisse, et le maquillage troublé par l'humidité lui donnait un visage plus naturel, moins apprêté. Il la préférait bien comme ça : un peu plus sauvage. Peut-être que c'était parce qu'elle lui ressemblait un peu plus ainsi, lui qui n'était jamais tout à fait net ? Peut-être que c'était exactement le problème : il ne renvoyait justement pas l'image qu'elle voulait.

Par réflexe, Sasha baissa les yeux sur son accoutrement : en-dessous de sa chemise, un jean et des baskets pas très soignée. Mais au moins, pour une fois, il n'était pas plein de boue. Il releva les yeux vers Alison, plongea ses lèvres dans le thé pour se donner une contenance. Mais il eut un mouvement brusque et secoua une main.

 

- Ah ! Mais c'est trop chaud ce truc !

 

Avec un geste agacé, il reposa la tasse sur l'établi. Il perdait patience. A quoi ça lui servait de jouer constamment les doux agneaux pour elle si elle ne reconnaissait même pas les efforts qu'il faisait ?

 

- Qu'est-ce que tu veux, à la fin ? s'énerva-t-il. Dis-moi ! Sois claire quoi, puis je le ferai !

 

L'écho de sa voix était à demi étouffée par l'atmosphère surchauffée et saturée d'humidité de la serre. Il la regarda, de pied en cap. Ses cheveux défaits, les bretelles de son débardeur qui laissait voir sa peau laiteuse, laissée en évidence. De drôles d'idées lui venaient. Il écarta les bras.

 

- J'peux faire plus évident, dit-il en tâchant d'avoir l'air convaincant. Si c'est c'que tu veux, à la soirée d'Halloween j't'embrasse de façon très... Er, très entreprenante devant tout le monde. J'te dévore, avec les mains sur les fesses et les baisers dans le cou et tout. J'pourrai prétendre que j'avais bu et que j'me contrôlais plus, tu pourras prétendre qu'on est comme ça tout le temps quand personne nous regarde.

 

Sasha tâcha de rester stoïque, mais il se sentait fébrile. Sûr que s'il devait faire un truc pareil devant tout le monde, il faudrait réellement qu'il trouvât de l'alcool.

Il était resté les mains écartées, incertain. La réponse d'Alison mettait beaucoup trop de temps à venir à son goût. Il se passa une main dans ses cheveux en soupirant - les décoiffant plus encore que d'habitude si c'était possible, mais son visage était devenu rouge.

 

- Il fait trop chaud ici. Enfin bref. Si c'est autre chose, on fait autre chose, juste tu me l'expliques, ok ? Tu me dis et je fais, c'est simple. Tu veux que je vienne me planter devant la salle commune des Serpentards tous les jours pour te demander ? Je fais. Que je menace de fracasser les mecs qui t'ont regardée en ma présence ? Je fais. Tu vois ? C'est pas compliqué. Tu dis, je fais.

 

Son coeur tambourinait dans sa poitrine. Ses propos dépassaient un peu sa pensée sous l'effet de la frustration de perdre ce deal qui lui avait sauvé la mise sur quelques-uns de ses cours. Or, maintenant qu'ils étaient déjà à presque deux mois de la rentrée, si Alison changeait de binôme, il serait fichu. Personne n'accepterait de la remplacer parmi les cinquième années et il ne se sentait plus la capacité d'obtenir des bonnes notes par lui-même. 

 

- St'euh plaît, il ajouta avec une mine déconfite, façon léopard-potté. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

- Han-han. Nyet.

 

Sasha avait fait un lent signe négatif du visage. Décidément, la petite fille n'était pas le moins du monde effrayée par la situation. Sasha la trouvait bien plus courageuse que la plupart des élèves ici, qui, au lieu de s'aventurer dans la Forêt Interdite, y aurait abandonné leur animal de compagnie de peur de se salir les chaussures dans la boue. Alors qu'elle, elle était à peine affolée d'avoir failli être le dîner d'un Ombrelangue puis d'être suspendu par le pied par un filet du Diable.

 

- Je ferai de la lumière qu'au dernier moment, il expliqua. La lumière, ça attire tout un tas de bêtes, ici. A quoi crois-tu que sert une plante pareille, sinon à être le garde-manger de je sais pas quel animal ?

 

Effectivement, autour d'eux la brume était toujours là, mais elle s'était étrangement assombrie. Il semblait que les deux élèves étaient enveloppés dans une ouate sombre, comme un cocon humide et froid, et pourtant intimiste. La lumière avait tant décliné que les traits de leur visage allaient bientôt disparaître à leurs yeux, pour ne laisser que les contours de leurs silhouettes.

 

Face aux questions suivantes, Sasha resta tranquillement silencieux. Il avait l'avantage et le savait parfaitement. Il n'y avait pas de malice dans ses yeux. Il avait l'air juste d'attendre, à la manière d'un chat qui attend patiemment le retour de ses maîtres : un peu plus il s'endormirait là, dans le confort relatif de cette branche solide où reposait son menton sur ses mains striées de ses cicatrices noires et inélégantes.

Mais son regard se fit soudain plus alerte et il se redressa légèrement.

 

- Quoi ?! T'es la soeur d'Alison ?

 

Maintenant qu'elle le disait, c'était parfaitement évident. Pas seulement les cheveux roux, mais le petit air donneur de leçon quand elle lui expliquait comment s'appelait Lord Ribbit et qu'on disait les épaules, pas les oreilles. Avec un air bougon, Sasha reposa son menton sur ses mains.

Il n'était pas le moins du monde surpris par les raisons précises qu'évoquaient la gamine concernant sa soeur et leur présumée relation. Non, ce qui l'étonnait plus, c'était tout simplement qu'Alison eût une petite soeur et qu'il ne le sût même pas. Après tout, c'était vrai qu'ils n'échangeaient jamais sur leur vie personnelle, et il ne lui était pas venu à l'esprit que la Serpentard eut une quelconque vie qui la rendît plus humaine. Car jusqu'ici, il se l'était imaginée comme une fille unique choyée par deux parents trop bien habillés pour être innocents, qui l'auraient couverts de cadeaux et de compliments. Une espèce de poupée de porcelaine froide et méprisante, qui pleurait parfois.

Sasha haussa les sourcils après un silence, à regarder les mimiques expressives - tellement naturelles comparées à celles d'Alison - de la petite fille.

 

- T'es pas un peu trop jeune pour parler de ces choses-là, toi ? Et c'est quoi ton prénom ?

 

Il n'allait quand même pas l'appeler Miss Carter. Mais enfin, en attendant, Miss Carter posait un sérieux problème : apparemment, les deux filles semblaient partager beaucoup de leur vie personnelle et il pouvait bien sûr décemment craindre que...

 

De discrets bruits se firent entendre à leur droite et Sasha tourna vivement la tête.

Il replia ses jambes sous lui pour s'accroupir au bord de la branche, silencieusement. Elle se plia dangereusement, le rapprochant de la petite fille.

 

- Ecoute, petite soeur trop-gentille, ce que je sais, c'est que tu es beaucoup plus courageuse que ta soeur et que les autres élèves ici. Alors ce serait dommage que tu sois le dîner d'une araignée.

 

Il chuchotait, et ses yeux alertes ne quittaient pas ceux de la petite fille, à la manière d'un hypnotiseur. Etrangement, il avait l'impression d'avoir déjà fait ça : parler à une petite fille pour la convaincre. Et quand faire peur à la petite fille ne fonctionnait pas, il fallait jouer sur d'autres cordes. Une drôle de douleur lui tordit les entrailles, sourde et lointaine, mais il tâcha de se concentrer.

 

- Alors tu as droit à une réponse ou deux, mais seulement en échange de garder le secret. D'accord ?

 

Il attendit d'avoir au moins un mouvement de tête en guise de réponse. Quand il reprit la parole, c'était pour parler un peu plus bas encore, comme si les troncs étaient remplis de créatures trop curieuses qui auraient pu voler leur secret.

 

- Je viens ici parce que je suis pas tout à fait humain. Mon travail, c'est de faire en sorte que les monstres cachés n'aillent pas plus loin que la lisière de la Forêt. Tu vois ? Pour qu'ils n'attaquent pas le château et ses habitants.

 

D'un index, il désigna une direction, probablement celle du château, même s'il n'était pas certain que ce fut cette direction-là.

 

- Mais il n'y a qu'un monstre lui-même qui peut faire ce travail-là. Et pour que je puisse continuer à travailler, pour que les créatures de la Forêt n'envahissent pas les gens du château, les humains, hé bien il ne faut pas qu'il sache qui je suis vraiment. Tu comprends ?

 

Voilà longtemps qu'il n'avait pas inventé de conte. Il faisait ça souvent, quand il était plus jeune, mais il n'en avait plus eu l'occasion depuis longtemps. Ce qui était fort dommage, car il estimait s'être beaucoup amélioré depuis. Sasha vérifia qu'il avait bien toute l'attention de la petite fille.

 

- Alors, Oksana, il faut que tu dises à personne la vérité sur moi. Ni que je viens dans la forêt, ni que je suis une bête, ok ? A personne, et encore moins à ta soeur.

 

Il ne savait pas quel âge elle avait, au fond. Peut-être était-il trop tard pour qu'elle pût croire son histoire. Mais l'effrayer davantage ne marcherait pas et il le savait - sauf à la traumatiser, ce qu'au fond, Alison ne lui pardonnerait sûrement pas. Il capta la mimique dubitative de la petite fille, même à l'envers.

 

- Quoi, tu me crois pas ?

 

Il avait haussé les sourcils dans une expression qui paraissait sincèrement étonné, puis il haussa les épaules.

 

- Tant pis, tu verras toi-même. Il faut qu'on se dépêche, sinon le crapaud que t'as dans le ventre va réveiller toute la forêt. Je vais allumer la lumière et me mettre en dessous de toi. Et toi, tu te rappelles : tu t'accroches à mes oreilles, insista-t-il, sans un sourire. Mais pas trop fort, s't'euh plait. 

 

Sasha fit apparaître sa baguette magique dans sa main. Mais une fois qu'il l'agita, faisant apparaître une faible lumière au bout du morceau de bois, qui éclaira leur deux visage, il coinça la baguette en travers de sa bouche. Et alors qu'il la bloquait avec ses dents, il se laissa tomber subitement, vers la branche d'en-dessous la petite fille, tandis que déjà, le Filet du Diable relâchait doucement sa prise.

 

 

 

 

 

Ce qui atterrit sur la branche d'en dessous n'avait plus rien d'un garçon de sixième année. Des pattes souples et velues s'ancrèrent dans la branche qui ploya légèrement sous le poids de la bête, à l'aide de longues griffes plantées dans le bois. Dans la brume, on distinguait surtout sa silhouette trapue et la longue queue suspendue, qui s'agitait lentement, trahissant une impatience animale, et les tâches sombres d'un pelage marbré. De Sasha, il ne restait qu'une seule chose : deux yeux verts bougons qui fixaient de potentiels prédateurs dans la brume, et des traces noires discrètes entre son pelage marbré.

 

 

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Serre de préparation, Dimanche 15 Octobre 2124

Quand Alison s'était finalement écartée, elle avait laissé un Sasha tremblant de fébrilité poisseuse, qui tâchait de contrôler sa respiration. C'était comme quand il essayait de gérer ses pulsions sous sa forme animale, sauf qu'il était sous sa forme humaine. Garder le contrôle.

Il la regarda partir avec sa cravate, sans avoir un seul instant l'idée de protester pour la récupérer. Ses yeux suivaient attentivement les gestes de la jeune fille - de ses doigts qui enroulaient le tissu autour de son cou à ses bottines qui se balançaient dans le vide, tandis qu'il était resté planté là où elle l'avait laissé. La proximité brève de leurs corps avait provoqué en lui quelque chose d'aussi inconfortable qu'enivrant, et il déglutit pour tâcher de garder une voix détachée.

 

- Ben c'est que j'ai juste... J'ai juste cherché des trucs qui pourraient t'convenir, balbutia-t-il un peu maladroitement pour se justifier - une explication qu'elle n'attendait sûrement pas de toute façon, mais elle avait souri et il jugea que c'était probablement bon signe.

 

Puis vint le jeu des quatre choses qu'ils savaient l'un sur l'autre. Sasha mit ses mains dans ses poches le temps de réfléchir, mais dès qu'Alison commençât il les retira rapidement avec une moue un peu blasée.

 

- C'qu'une habitude, grommela-t-il à voix basse.

 

Même si l'habitude avait effectivement été prise pour cacher ses mains, certes. Il détourna le regard, sentant la chaleur de ses joues qui refusait de le quitter.

 

- Pis j'ai jamais vu tes seins, c'est toi qui t'amuses à les mettre sous mon nez. Et je cours pas après des balles pleines de grelots, t'avises pas de m'en lancer !

 

Parce que le pire, c'était que sous sa forme animale, il pourrait être intéressé. La honte.

 

Mais malgré ses grognements bougons, Sasha s'orienta directement vers elle quand Alison lui tendit la cravate, à la manière d'un animal domestique intéressé par la promesse d'une ration supplémentaire. Il s'immobilisa devant son bras sans prendre le vêtement, indécis. Il avait penché la tête de côté, comme pour évaluer la jeune fille et ses intentions. L'atmosphère lui semblait plus dégoulinante encore, rendant les lèvres d'Alison plus rouges que d'ordinaire, et sa peau plus... vivante. Il était sûr que s'il avait été transformé, il aurait senti l'odeur de la peau de la Serpentard exsudant les vapeurs uniques qui constituaient sa trace olfactive. Ces sensations - à demi réelles, à demi imaginées - rendaient sa réflexion confuse.

Qu'est-ce qu'elle aimait ? Il n'en avait aucune idée, au fond. Il ne s'était jamais posé la question en dehors de ce qu'il devait faire pour elle pour satisfaire les caprices étranges qu'elle avait introduit par leur deal.

 

- Je sais davantage ce que t'aimes pas que ce que t'aimes, il dit à voix basse, haussant brièvement les épaules. Ca compte ? T'aimes pas ne pas avoir l'air parfaite. T'aimes pas que tes copines voient la moindre erreur, la moindre faiblesse.

 

Il leva un instant les yeux au ciel : la regarder l'empêchait de réfléchir.

 

- T'aimes pas que ta frange soit décoiffée.

 

Assise ainsi sur l'établi, Alison paraissait plus grande : son visage était à hauteur du sien ; ses genoux pliés à celle de ses hanches. Et elle tenait toujours à hauteur de leurs épaules cette cravate à la boucle béante qu'elle resserrerait autour de son cou. Il eut une idée, à la fois séduisante et exécrable. Il n'allait quand même pas, finalement, se comporter réellement comme le petit chien que les Serpentards avaient vu en lui. Mais voulait-il sauver ce deal ou non, à la fin ?

Alors Sasha se rapprocha pour poser les mains sur l'établi, de part et d'autre d'Alison, plutôt que de prendre la cravate, et il se baissa un peu. Son torse se glissa contre les genoux entrouverts d'Alison - des jambes toutes fines, blanches et nues - comme pour s'y faire une place. Mais c'était pour mieux baisser la tête sous la main tendue de la jeune fille, glisser son front dans la boucle de la cravate. Ce faisant, sa tempe puis sa joue glissa le long du bras nu d'Alison - cette fois, il en avait toutes les odeurs, même sous sa forme humaine, et il ferma les yeux. Quand il se redressa, la main de la jeune fille fut emportée vers son cou, et il s'était logé le bassin entre ses genoux.

 

- T'aimes bien apprivoiser les mecs sauvages, chuchota-t-il.

 

Le regard de Sasha caressa la silhouette d'Alison - son cou et ses épaules nues, sa poitrine dont il devinait plus précisément que jamais les contours. Sa taille qui se resserrait au-dessus de ses hanches, ses cuisses à demi-dévoilées qui lui enserrait le bassin. Blyad, il jura intérieurement. Il se sentait tout moite. Tout faible, à la merci d'une gamine. Et tout plein d'idées idiotes que le père d'Alison n'aurait sûrement pas approuvé.

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Bibliothèque, Mercredi 27 Septembre 2124

Au moment exact où le bibliothécaire parla, Sasha sut que ce serait compliqué. Il ne se l'expliquait pas : il voyait juste très bien, dans ce regard bon enfant, ces petites tapes dans ces mains, toutes guillerettes, et ce petit sourire léger, qu'ils n'allaient pas s'entendre. Le Gryffondor retint son souffle, interdit, jetant seulement quelques oeillades autour de lui : subitement la bibliothèque changeait complètement d'atmosphère. D'un endroit austère elle devenait soudain quelque chose de plus convivial, semblable à un grand salon de thé où les murmures des conversations réchauffaient les grandes rangées d'étagères. Le regard de Sasha fut attiré par le gramophone qui lévita vers eux, et il ne put s'empêcher de rentrer légèrement la tête entre les épaules comme si un tel objet lui donnait des frissons. Puis il dévisagea le bibliothécaire.

 

- De... De danseurs ? il répéta comme s'il n'était pas sûr d'avoir bien compris.

 

Sasha avait un tout petit espoir : des fois, les anglais utilisaient un mot pour un autre. Par exemple, il avait vite entendu que chick ne désignait pas les poussins, mais... les filles. Alors peut-être que par danseur, mister Beckett voulait dire nettoyeur ou quelque chose de ce genre.

Il l'espérait.

Il suppliait intérieurement les Dieux Ukrainiens, anglais, et tous les autres qui pussent exister.

(Pas les Russes. Il fallait quand même pas pousser. Plutôt danser que de supplier un Russe.)

 

Un rire derrière Sasha le tira de son mutisme. 

 

- Heu... Le bal ?

 

Il savait ce qu'était un bal, même s'il n'avait jamais été à un autre bal que celui qui se tenait dans son village, où on chantait des chansons paillardes et où les adultes finissaient complètement ivres. Mais Sasha se doutait bien que le Bal de Poudlard ne ressemblerait pas à ça. Il imaginait quelque chose de très solennel, avec des centaines d'étudiants silencieux qui regardaient un spectacle avant d'avoir le droit de boire un jus de citrouille. La perspective de devoir danser dans ces conditions lui donna envie de se transformer sur le champ et fuir le plus loin possible du château.

Mais à la place, Sasha secoua la tête en un signe négatif, le visage fermé.

 

- Non, je sais pas danser, mister.

 

Devant l'air surpris du bibliothécaire, Sasha fit un pas en arrière, instinctivement. On entendit quelques élèves pouffer non loin d'eux, témoins heureux sûrement de cette scène incongrue où l'Ukrainien casseur de nez avait peur d'un pas de danse. Ce dernier sentait une confusion nerveuse monter en lui, à mesure que ce destin irrémédiable approchait. Il secoua de nouveau la tête, plus frénétiquement.

 

- Moi, dépoussiérer les bouquins anciens, ça me va très bien, affirma-t-il - non sans faire la liste, intérieurement, de toutes les injures dans sa langue d'origine qu'il aurait pu réserver à l'intention de mister Brooks. Je peux laver par terre, aussi. Ré-étiqueter les vieux livres. Nettoyer les joints des murs entre chaque pierre à la brosse à dents. Ou les toilettes. Ca me dérange pas.

 

Bon, Sasha aurait bien évité de se porter volontaire pour ce genre de tâches, mais dans des circonstances si désespérées, récurer les chiottes pendant plusieurs après-midis toutes entières n'était pas une sentence si lourde. Et tout ça pour un pauvre nez cassé ! Poudlard était une école bien plus cruelle qu'il ne s'y était attendu.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Le félin avait légèrement ployé sous le poids qui avait subitement chuté sur son dos. Il lui fallut quelques secondes pour s'adapter, retrouver son équilibre pour que la petite fille ne glissât pas sur son pelage. Comme un être organique nouvellement créé, après des instants d'inconfort, ils trouvèrent une sorte de synergie : elle avait resserré ses genoux autour de ses reins, et allongé son corps vers l'avant relativement naturellement.

 

A la question de savoir si c'était bien lui, Sasha n'avait pu répondre : une fois transformé, ses mâchoires, sa langue, même sa gorge n'étaient plus pareils et il ne lui était plus possible d'articuler. Même ses pensées étaient différentes ; il comprenait parfaitement, avec un discernement presque plus aigu, ce que disait Charlie.

 

Charlie.

 

C'était un joli prénom. C'était doux quand il l'avait répété dans sa tête, et finalement, c'était sur un détail comme celui-ci qu'il décidait de lui faire confiance.

 

Charlie donc, avait saisi ses oreilles. Par réflexe, il les avait faites frémir, mais finalement il s'habitua à cette drôle de prise. C'était la première fois qu'il portait un humain sur son dos : Charlie était lourde, mais ses muscles les soutenaient bien tous les deux. Certes, il ne pourrait pas sauter aussi loin, ni courir aussi vite, mais quand il avança, ses omoplates roulant entre les bras de la petite fille et ses griffes se plantant stratégiquement pour équilibrer sa prise, il prit une assurance pour aller un peu plus vite. Il sentit Charlie s'accrocher plus fermement, puis plus fermement encore quand il sauta sur la branche inférieure, puis sur la suivante, avec des hoquets parfois de surprise. Les atterrissages étaient certes un peu brutaux, mais Charlie rebondissait sur ses flancs et ils repartaient de plus belle.

 

Tout en bas de l'arbre, les pattes du grand félin s'enfonçaient dans la mousse aux pieds des arbres dans un silence presque absolu. Il louvoyait entre les buissons, grimpait avec aisance sur un rocher sur lequel il s'arrêta quelques instants, le temps de baisser la tête en avant. Son museau humide et frémissant huma la pierre.

 

Le humus, Charlie, la fouine, Charlie, les relents âcres d'un groupe d'insectes, Charlie... et de l'amphibien. Les moustaches de Sasha frémirent.

 

- Raô, fit-il dans un grondement guttural, étrange de profondeur et de discordance avec l'environnement : on aurait dit un bruitage provenant de la jungle là où les bruits de l'Ecosse se cantonnaient aux grillons et au vent dans les feuilles mortes.

 

Evidemment, Charlie ne pouvait pas comprendre. Elle empestait, brouillant ses pistes olfactives avec ses odeurs de shampooing, de peau humaine, et toutes les touches qu'elle apportait avec elle, y compris celle de graisses provenant du dîner de Poudlard et même quelqu'odeur qui lui rappelait Alison. Mais il pouvait quand même discerner l'odeur de Ribbit qui était passé par là.

 

La baguette, elle, fut très simple à trouver. Elle avait roulé au bord de la rivière, là où les odeurs les avaient amenés, et Sasha se baissa pour que Charlie pût tendre la main et l'attraper sans glisser. Il en profita pour s'allonger quelques instants, pour reposer ses pattes un peu endoloris par l'effort inhabituelle. Puis il étira soudain sa mâchoire dans un grand bâillement, dévoilant une longue série de crocs pointus, sa longue langue passant rapidement ensuite sur ses babines avant de retrouver une expression plus calme.

 

- Raaaaô.

 

Il se redressa lorsqu'elle eût récupéré sa baguette, puis ils avancèrent encore, le long de l'eau. C'était par là que l'odeur s'en allait. Ribbit avait dû être attiré par l'eau. Il étaiit vraisemblablement dissimulé quelque part sous un buisson, terrorisé par les malheureuses aventures qu'il avait vécu. Aussi Sasha prenait-il son temps : il approchait son museau des plantes, reniflant ici et là, poussant parfois un gros soupir qui, vu sa cage thoracique énorme, provoquait un souffle chaud et grave qui soulevait les feuilles mortes. Ils déambulèrent ainsi longuement, et Sasha ne réfléchissait plus vraiment, porté par son esprit animal - dans lequel Poudlard s'effaçait peu à peu, ainsi que tous les soucis du château et des nouvelles du front qui venaient au compte-goutte.

Quelques insectes fuyaient à leur approche, et d'autres amphibiens plongeaient dans l'eau avec de discrets plouf! qui résonnaient à leurs oreilles. Le son du vent chuintait aux oreilles du félin, d'une manière si différente de lorsqu'il était sous sa forme humaine qu'il avait l'impression que les bourrasques étaient chargés de chuchotements.

D'autres chuintements provenaient d'ici et là, des ultrasons qu'il ne percevait que sous cette forme. D'ailleurs, qu'entendait-il ?

 

Il releva subitement la tête.

 

Oublié, Seigneur Kvakva, quelque chose de beaucoup plus intéressant était à portée.

Sasha avança en baissant le dos, presque à ras du sol. Contourna rapidement un tronc malgré la charge inconvenante de Charlie sur son dos, puis il s'immobilisa. Un rongeur passa si vite qu'il n'eut que le temps d'abattre un patte - sur la terre. Le lapin fila devant eux, indemne. En une impulsion, Sasha s'élança à sa suite, emportant avec lui tout son poids qui retomba avec lourdeur devant un arbre - juste en dessous, la queue du lapin venait de disparaître dans son terrier. Le félin plongea le museau dedans - l'odeur, AH, L'ODEUR ! Et les petits couinements tout au fond !

Il ressortit le museau, y inséra sa patte. Ses griffes mordirent la terre, sans succès.

 

- RRRRRrrrrrrrrrrrrrr... gronda-t-il, mâchoire fermée.

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Sasha Shevchen

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A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

La réalité était confuse, et pourtant parfaitement claire : l'odeur du lapin était forte, il y avait peut-être même plusieurs petits au fond de ce terrier : il le devinait par la chaleur des effluves qui en émanaient, par cette odeur musquée qui se mélangeait à la fragrance des feuilles mortes humides qu'il écrasait sous ses grosses pattes. Mais au-delà de l'excitation que provoquaient en lui toutes ces senteurs alléchantes, il entendait les cris étranges qui venaient d'au-dessus de lui : Arrête Sasha. Sasha. Redeviens Sasha.

 

Mais il était parfaitement Sasha, protestait son esprit : ces grosses pattes velues striées de cicatrices noires, ces griffes qui se plantaient dans la terre et la balafraient, ce grondement guttural qui faisait vibrer tout son corps, c'était bien Sasha.

 

Il savait pourtant ce que Charlie voulait dire : elle voulait la version humaine, que ses griffes meurtrières se rétractent, que ses dents rétrécissent, que sa colonne se rigidifie et que sa queue disparaisse.

 

Alors, quand elle tomba devant lui, à contrecoeur, il s'exécuta. Le grondement du fond de ses entrailles devint moins intense, et son corps vêtu d'un jean et d'une chemise épaisse et humide, apparut subitement sous dans un pull à fermerture éclair restée ouverte qui tinta quand il bougea. Ses mains aux ongles incrustés de terre se dégagèrent tandis qu'il émettait un soupir. Son jean était trempé aux genoux et il accusa un instant les douleurs qu'avait laissé pendant plusieurs longues minutes le poids d'une gamine de 13 ans et demi sur son dos.

Pendant quelques instants, son esprit ne retrouva pas tout de suite le chemin des mots. Les odeurs alléchantes s'évanouissaient, et il cherchait à ne pas les perdre - pourtant elles disparurent, comme de l'eau qu'il aurait voulu tenir entre ses doigts. Sa vision s'assombrit - soudain il réalisa qu'ils étaient dans une nuit épaisse. La brume n'était plus un écran gris, mais un écran noir opaque, qui les enveloppait au pied d'un arbre mort, sinistre. Que fichait-il là avec une enfant ? Ils étaient partis beaucoup trop loin.

 

- Blyad, croassa-t-il, la voix enrouée, et il jeta à Charlie un regard hagard en basculant sur son séant.

 

Bizarrement, il pensa à sa mère, qui l'aurait grondé d'avoir émis un tel juron. Avec l'humidité qui avait imprégné une partie de ses vêtements, le froid lui mordait soudain les membres et il frissonna. Pauvre gamine, où l'avait-il emmenée ?

 

- Quoi ? 

Les mots de Charlie faisaient enfin à peu près sens. Elle avait posé une question, un peu plus tôt. C'était entré dans son esprit sans qu'il avait pu y répondre. Il se passa une main sur le visage, qu'il frotta un peu sèchement, comme pour se faire violence. 

 

- Les monstres des cauchemars, il se souvint soudain et il ramena ses jambes sous lui, prêt à se relever. Ca m'connaît, figure-toi.

 

C'était bien qu'il lui parlât d'autre chose que de cette foutue nuit qui ne lui inspirait soudain rien qui vaille. Si elle n'était pas en mesure de se rendre compte du danger dans lequel ils se trouvaient, autant continuer à parler comme si de rien n'était. Pour l'occuper, elle. Et peut-être lui, aussi.

 

- T'auras qu'à penser que t'as un léopard dans tes cauchemars pour te défendre, ok ?

 

Mais à la place de la réponse de Charlie, cli-clic, entendirent-ils discrètement.

 

Sasha se figea. Il leva lentement les yeux, et ils purent voir le bout d'une patte pointue et velue qui se posait sur le tronc au-dessus.

 

Oups. Une Acromentule.

 

Une autre patte s'allongea pour approcher, et bientôt ils virent le début d'une tête d'arachnée. Immense. Elle était pourvue de deux grosses mandibules noires et frémissantes, de quatre yeux dont deux plus gros que les autres, parfaitement lisses et sans pupille : pourtant Sasha eut la certitude que les quatre yeux les fixaient intensément. Le garçon déglutit, et il se leva doucement pour faire disparaître Charlie sous lui. Elle se retrouva bloquée sous ses vêtements humides - et légèrement transpirants, mais au moins, elle était protégée par son corps. Charlie gémissait. De fatigue, de protestation ou de terreur, il ne savait pas : lui-même ne pouvait détacher ses yeux de l'insecte immense. Beaucoup trop immense.

 

Allons, ce n'était qu'une bête, comme une autre. Mais même en léopard, la taille de cette araignée l'aurait effrayé. Il ne se serait jamais aventuré à attaquer une créature trois ou quatre fois plus grosse que lui comme celle-ci - surtout sans l'appel d'un sang juteux entre ses crocs comme récompense à la clé.

Une drôle de langueur s'était emparée de lui, mais il se cramponna contre l'arbre et Charlie pour qu'elle n'eût pas l'idée de s'enfuir - déclenchant alors certainement l'instinct de chasseuse de l'acromentule. De son autre main libre, il parvint à retrouver sa baguette. Il suffisait de la manipuler, comme la chouette. Mais elle était bien plus grosse qu'une chouette.

 

- B-bestia Domitus, s'entendit-il dire d'une voix blanche. 

 

De la pointe de sa baguette s'échappa un fin jet de vapeur, qui frappa la tête de l'acromentule de plein fouet. Elle eut un mouvement de recul, ses pattes tintèrent, désordonnées, quand elle bougea sous la confusion. Mais bientôt, elle sembla retrouver ses esprits. 

 

AIors, elle continua vers eux sa descente, indifférente au sort qu'il avait essayé de jeter. Sasha esquissa un geste pour s'extirper, mais trop tard : l'acromentule fit un mouvement de balancier avec son corps et envoyer vers eux un large filet visqueux, plein de filaments blancs qui les englua tous les deux contre l'arbre, incapables de bouger. 

 

 

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Sasha Shevchen

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Gryffondor
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A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Sasha avait senti la masse de Charlie disparaître entre lui et le tronc, lui laissant légèrement plus d'espace. Un moment, il paniqua légèrement : elle allait s'enfuir ! Il aurait voulu la retenir, mais ses bras et son torse étaient coincés dans la toile.

 

- Charlie ! glapit-il à voix basse, persuadé que la fin de la petite fille était proche si elle s'enfuyait.

 

Mais la petite fille était rudement intelligente : non seulement elle s'était glissée hors de sa robe pour s'échapper de sa prison, mais en plus elle trouva un sortilège à sa portée pour tâcher de ralentir la bête. Sasha jura à voix basse. Il fallait qu'il prît le relais. Et si Charlie avait pu se libérer en se glissant dans ses vêtements...

 

Sasha s'accroupit en gigotant, faisant des efforts pour se désolidariser de ses propres vêtements. A demi-humide, ils lui collaient chaudement à la peau, mais il parvint à glisser sur ses genoux, laissant au-dessus de lui son pull et sa chemise. Il tomba à quatre pattes à côté de la petite fille épuisée, torse nu. Il lui sembla que le froid dévorait sa peau humide et un frisson parcourut son dos. Sasha était musclé, mais tout comme ses mains, sa poitrine, son dos et ses épaules étaient par endroits striées de longues lacérations noires et anciennes, mal cicatrisées. Mais à cet instant, ça n'avait aucune importance : si Charlie mourait dans la Forêt Interdite, les agents du château auraient tôt fait de retrouver... leurs vêtements ensemble. Qu'est-ce qu'ils allaient s'imaginer ? Il faudrait revenir nettoyer ça, songea-t-il étrangement, comme pour se détourner, avec ces considérations techniques, du vrai danger qui aurait paralysé sa pensée autrement.

 

- Charlie, accroche-toi. Accroche-toi à moi, ok ?

 

Au-dessus, la créature avançait au ralenti, savamment influencée par le sortilège lancé par la petite fille. Sasha jeta un coup d'oeil vers elle, et constata avec une boule au ventre qu'elle avait ses quatre yeux fixés sur sa toile qui bougeait encore légèrement quand lui-même se mouvait, son jean encore à demi-accroché. Quand ils sortiraient, l'Acromentule aurait deux choix : les poursuivre, ou bien capturer ce qu'elle penserait être dans la toile, à savoir un tas de vêtements. Or, Sasha était suffisamment dans la peau d'un chasseur pour savoir que ce qui l'attirerait, ce serait ce qui gigoterait le plus : il faudrait donc dissimuler leur propre mouvement... Et au contraire activer celui de la toile. Sasha resserra ses doigts sur sa baguette, prêt à agir, mais Charlie n'avait pas bougé.

 

- Charlie ?

 

Il fut obligé de la secouer avec un peu de fermeté, comme il la voyait étrangement fermer les yeux. Blyad, le sortilège avait dû l'épuiser au point qu'elle frôlat l'inconscient. Il secoua son épaule un peu plus fort encore.

 

- Charlie ! Accroche-toi vite ! la pressa-t-il.

 

Sasha la prit contre lui, contre son torse, priant pour qu'elle eût le réflexe de le prendre dans ses bras. Enfin, il sentit les doigts froids de Charlie se croiser dans son dos, et ses jambes s'arrimer à ses hanches. Alors, il agita sa baguette, pour jouer leur dernière chance d'échapper au prédateur.

 

Il attrapa son pull pour le secouer vivement un instant, tandis que de son autre main, il agita sa baguette.

 

- Atramento !

 

 

De la baguette de Sasha jaillit un nuage d'encre épais, sous lequel ils se glissèrent, en même temps que le pull de Sasha tremblotait encore dans la toile, captivant suffisamment l'attention de l'Acromentule. 

 

Alors, dissimulé dans les ombres, Charlie sentit la peau de Sasha se garnir de son pelage, son torse s'arrondir, son cou s'épaissir... La toile de l'araignée colla un peu à la jambe de Sasha tandis qu'il se transformait, et il y laissa une touffe de poils en s'en arrachant.

 

Alors, ils jaillirent hors de leur cachette pour détaler dans la nuit.

 

 

L'instinct de survie du léopard reprit immédiatement le dessus. L'adrénaline inonda ses veines, et son acuité visuelle et olfactive l'orientèrent immédiatement vers le chemin qu'ils avaient pris pour venir ici. Sasha galopa ventre à terre, en prenant garde à ne pas trop frôler le sol pour ne pas que Charlie fusse percutée par une racine, même si le voyage devait être rude pour elle.

 

Lancé à pleine allure, il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre la lisière. Soudain, la brume parsemée d'arbres et de buissons laissa place à la brume sans obstacle, et sous ses pattes griffues défilait l'herbe verte du parc. Bientôt, ils atteindraient l'allée de gravillons, mais...

 

- Raowhrrk !

 

Il trébucha avec un couinement, car Charlie venait de le lâcher, probablement d'épuisement. Il roula lui-même dans la terre, s'empressa de faire demi-tour pour revenir près d'elle. Il dérapa dans l'herbe - et instantanément reprit sa forme humaine.

 

Encore une fois, l'obscurité, les sens désorientés, le froid qui lui mordit la peau. Il avait le souffle court.

 

- Charlie !

 

Elle chouinait.

 

- Charlie, on y est presque. Viens. Viens là.

 

Il la reprit dans ses bras, s'efforça de la remettre debout. Elle chancelait, alors il la souleva de terre pour la tenir contre lui. Son propre coeur battait douloureusement à ses tempes, le pressant d'échapper encore au danger même s'il devait être loin, maintenant. Au moins, elle lui tenait chaud. Sa peau à nue le transirait de froid s'ils restaient ici. Les températures nocturnes frôlaient le négatif.

Alors il se remit à trotter, avec cette lenteur terrible de ses jambes humaines, pour atteindre l'allée de gravillons, et bientôt, ses pieds gravirent les escaliers de pierre. Mais Charlie était lourde, et lui-même venait de se fatiguer terriblement à cause de ce sprint chargé. La tête lui tournait. Alors il reposa la petite fille sur les marches, le temps de reprendre son souffle. Des appliques de part et d'autre de la grosse porte en bois surmontaient des bougies magiques qui jetaient des lueurs orange, les éclairant enfin un peu, eux et la brume, d'une lumière diffuse.

 

- On y est, glapit-il entre deux respirations sifflantes. Tu vas pouvoir rentrer jusqu'à ta salle commune, Charlie ? Ou je te ramène ?

 

S'ils croisaient quelqu'un, il était dans la merde. Gravement. Mais il n'avait plus l'énergie que de les traîner jusqu'à leurs dortoirs respectifs, certainement pas de lancer de nouveaux sortilèges. Mais il était probablement aussi perdu qu'elle. Il s'agissait juste de ne pas le montrer, pour ne pas l'effrayer davantage.

 

- Charlie ?

 

Elle tremblait. Elle avait les larmes aux yeux. Il ne savait pas quoi faire, et la culpabilité lui nouait l'estomac. Il déglutit. Il tremblait aussi, de froid. Alors il appliqua ses mains sur les épaules de la gamine, pour les lui frotter un peu, dans l'espoir de la réchauffer.

 

- Ca va aller, Charlie. On retournera trouver ton crapaud quand il fera jour. Ok ?

 

Il s'accroupit pour être à sa hauteur, sur la marche inférieure à celle sur laquelle elle s'était retrouvée assise, inconscient de sa propre apparence - des feuilles dans les cheveux, son torse abimé de ces lacérations noires et disgracieuses - probablement repoussante. Ses yeux, étrangement, étaient exactement ceux de la panthère : des pupilles rondes et vertes comme les feuilles qui fonçaient à l'automne.

 

- Charlie, il faut que ça reste notre secret, d'accord ? Personne nous croira, et on sera punis tous les deux très sévèrement si quelqu'un sait qu'on a été dans la forêt. Tu diras rien, ok ? 

 

Il déglutit, cligna de ses yeux épuisés.

 

- Charlie... ? 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
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Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Le cours n'avait pas encore commencé que Sasha avait rouvert les yeux, troublé dans sa recherche vaine d'un peu de quiétude au soleil à cause des discussions dont certaines subtilités lui échappaient. Enfin, pas au point de ne pas saisir les allusions qui le concernaient lui, ainsi qu'Alison et leur supposée activité sexuelle. Etrangement, il ne s'en sentait pas plus que cela offusqué : il avait juste rempli ses poumons d'air, gonflant la poitrine, histoire d'être prêt si Ryan franchissait la ligne invisible qui déclencherait son courroux, qui avait moins à voir avec le respect que l'on accordait à Alison qu'avec les allusions avec les Russes et les Ukrainiens qui, ce jour, n'avaient pas encore émergé dans les discussions. Sasha s'en félicitait : peut-être que Ryan et ses copains avaient compris qu'il valait mieux éviter ce terrain-là avec lui. C'était d'ailleurs sur cette réflexion que le Gryffondor avait sagement suivi Alison au fond de la classe pour rejoindre leur plan de travail - en dessous duquel Alison jugea bon de cacher une petite provision pour plus tard.

 

- Mais je suis caaal...

 

La fin du mot s'était évanoui au fond de sa gorge. Son envie de protester contre les suppositions d'Alison concernant son état intérieur avait fondu comme neige au soleil quand elle avait eu cette subite idée absurde d'ouvrir sa robe devant lui pour lui présenter sa poitrine. Il n'avait pas d'autre choix que de regarder, non ? Trop tard, de toute façon. Sasha ouvrit la bouche en haussant les sourcils, l'air de réfléchir deux minutes - mais il constata vite qu'il ne trouverait rien de pertinent dans son cerveau à cet instant et referma les lèvres aussitôt.

 

- Mmh.

 

Silence. Sasha fut pris d'un frisson et il s'ébroua brièvement.

 

- Ouais, tâcha-t-il d'approuver avec un air convaincu.

 

Il mima une grande inspiration, puis une grande expiration. Aussi incroyable que cela pût lui paraître, la stratégie fonctionna : Alison sembla satisfaite, et elle se plongea dans les directives que la professeure donnait pour qu'ils débutassent le travail. Sasha attendit derrière elle, hébété quelques secondes, avant de retrouver ses esprits.

 

- ... cinq plantes par groupe, à classer en fonction de la taille des bourgeons. Commencez par leur préparer un petit nid que vous chaufferez avec des galets tiédis à l'aide d'un petit Calidum ! claironnait-elle.

 

Il régnait dans l'air une petite odeur de fraise dont il ne savait plus si elle provenait d'Alison ou des fleurs, mais Sasha se concentra sur l'ordre implicite simple qui était donné : ramasser des galets. Alors il partit en quête des grands bacs où étaient stockés les galets en question. Déjà, quelques élèves se pressaient pour en ramasser quelques uns. Sasha empila les siens en tendant son pull devant lui.

 

- Hé Sasha, t'as cru qu'il fallait construire un barrage ou quoi ?

 

Des élèves pouffèrent de rire, faisant redescendre Sasha du nuage où il s'était drôlement perdu dans ses pensées.

 

- Quoi ?

- Ben laisses-en pour les autres, hé !

 

Il baissa les yeux sur son pull et constata qu'effectivement il l'avait tant rempli que celui-ci formait un gros sac lourd et rempli. Il haussa les épaules en décidant de les emporter quand même, le bout de sa cravate enfouie dans les pierres disparaissant dans son chargement.

 

- Arrête il va les revendre au marché de Pré-au-Lard le pauvre ! entendit-il dans son dos, et les ricanements reprirent.

 

Sasha sentit revenir sa haine pour le groupe de Serpentard, mais il s'efforça de serrer les dents pour revenir à pas lourd vers leur plan de travail. Il versa les galets qui s'empilèrent brusquement dans un coin, non loin des trois premières orchidées qu'Alison avait choisie. De petites étiquettes plantées dans leur pot indiquait les couleurs prédites pour les fleurs et le garçon avait bien évidemment pris le soin de laisser Alison se charger de tels détails esthétiques. Son pull accusait désormais une légère déformation, mais il avait l'air de n'avoir rien remarqué.

 

- Ils m'énervent, il dit subitement. J'suis plus trop calme.

 

Bon, il se maîtrisait quand même. Mais un peu d'aide ne faisait jamais de mal, non ?

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Sasha Shevchen

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Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Sasha n'avait encore jamais entendu le mot weirdo, mais il en saisit malgré tout approximativement le sens, ses épaules se tassant tandis qu'il renfonça ses mains dans ses poches - qu'elle se débrouille avec ses fleurs si Madame avait les talents de ses ambitions. Il laissa promener son regard morne sur le reste de la classe : pour une fois, on les oubliait peu à peu, principalement parce que les discussions sur les orchidées allaient bon train et que les élèves étaient inquiets de mal faire. Ils se concentraient maintenant sur leurs propres nids, tandis qu'Alison annonçait qu'elle ne voulait pas être transparente.

Sasha haussa les sourcils en lui jetant un coup d'oeil.

 

Comment ça, ne pas être transparente ? C'était une maladie magique, ça ? Par défaut, ne pas poser la question. Les propos sur le père d'Alison l'avaient dissuadé de toute façon de poursuivre dans cette direction, pour mieux se concentrer sur l'essentiel : couvrir ses petites sorties nocturnes, dont il craignait que récemment, elles eussent été remarquées.

 

En effet, sortir des salles communes n'était pas excessivement difficile. Ce qui l'était davantage, c'était bien sûr de déjouer la surveillance des portraits qui ne dormaient pas ainsi que les rondes du personnel. Mais sous sa forme animale, l'exercice était presque pour lui un entraînement un peu trop facile : sa vitesse et la trace olfactive des surveillants lui permettaient d'emprunter régulièrement des chemins différents sans jamais se faire prendre pour atteindre une sortie ; et même si un portrait l'apercevait, il ne verrait qu'une ombre furtive et féline, sans pouvoir reconnaître l'élève en question pour le dénoncer. La traversée du parc était encore plus simple : dans la nuit, Sasha se fondait totalement.

 

Mais les erreurs survenaient toujours quand l'on se sentait trop en confiance, et même si Sasha le savait, il avait fini par en commettre une. Une nuit au cours des jours précédents, il s'était aventuré dans les cachots sous sa forme animale - principalement attiré par les odeurs de cuisine, parce qu'à cause d'une nouvelle retenue à la bibliothèque, il était arrivé trop tard au dîner pour profiter des principaux plats et manger à sa faim. Il n'avait eu dans l'idée que de voler une petite carcasse de poulet - ou peut-être bien le rôti auquel la table des Serpentards n'avait pas touché - quand il s'était retrouvé, à l'entrée des cuisines, nez à nez avec...

 

- AAAAAH ! UN ANIMAAAL SAUVAAAAGE !

 

Sasha avait glissé sur ses coussinets pour freiner sa progression et exécuter un demi-tour instinctif. En quelques bonds, il avala les escaliers pour remonter vers le hall, mais Peeves, dénudé de toutes les frictions du monde réel, traversa les murs et les palliers pour le retrouver en train de gratter de ses griffes maladroites le loquet de la grosse porte extérieure. Un coup de patte un peu plus virulent le vit sauter et la porte s'entrouvrir suffisamment pour que Sasha y coinça son museau, puis son cou, et enfin son corps tout entier pour détaler dans la nuit.

 

Cette fois, Peeves ne l'avait pas suivi. Un fantôme pouvait-il s'éloigner tant que cela des lieux où il était mort ? Probablement pas. Son fantôme devait s'affaiblir, ou bien Peeves avait peur des autres fantômes qu'il pouvait rencontrer à l'extérieur. Toujours était-il que Sasha avait passé la presque intégralité de la nuit dehors, craignant de se retrouver de nouveau face au fantôme s'il revenait trop tôt. Mais pendant toute cette journée, il n'avait cessé de penser aux conséquences de cette rencontre : Peeves allait-il parler de l'animal qu'il avait vu à la Direction ? Et le croirait-on ? Y allait-il avoir une enquête pour découvrir qui était l'animagus en question ?

Et s'il était pris, que se passerait-il quand le personnel saurait qu'il se transformait en cette bête sauvage ? On lui interdirait certainement ses escapades. Pire, on lui interdirait ses transformations sans surveillance. Personne ne devait savoir.

Mais... Il était trop tard. Charlie savait.

 

Aussi, quand entre un sortilège et une apparition de la professeure, Alison lui demanda s'il voyait quelqu'un, Sasha pensa immédiatement à la petite soeur rousse. Ses oreilles se mirent à rougir, tandis qu'il s'intéressa brusquement à la préparation d'un second nid pour la deuxième orchidée, le temps que l'enseignante s'éloignât vers la paillasse suivante - décidément, elle avait décidé de les suivre de près, ce jour-là.

 

- Ben... c'est à dire que ça m'arrive de... De croiser quelqu'un, pourquoi ?

 

Charlie avait-elle cafté ? Etait-ce pour cela qu'Alison posait la question ? Sasha se mordit la lèvre en sélectionnant au hasard d'autres galets. Il essayait de réfléchir à toute allure : si Alison savait, pour Charlie, il valait mieux éviter de mentir. Mais s'il se faisait des idées, alors il ne devait pas vendre Charlie à son tour.

 

- Mais pas souvent, hein, il précisa précipitamment, à voix basse. Et puis, rarement des petites, elles ont trop peur de sortir, tu vois. Elles sont sages !

 

Parce que les petites filles, elles, devaient rester en sécurité dans leur dortoir, et d'ailleurs si on en trouvait une la nuit dans une forêt interdite, on ne jouerait pas à la suivre en filature comme un ennemi ; pas du tout, on la ramènerait immédiatement en sécurité au château, comme un homme responsable, et ce bien avant que la situation ne pusse devenir dangereuse.

Sasha sentit une bouffé de culpabilité l'envahir, et il eut l'impression qu'il était devenu cramoisi au niveau des oreilles et du cou. A la hâte, après avoir rassemblé ses galets, il sortit lui aussi sa baguette pour imiter Alison, histoire de s'occuper les mains, l'esprit, et celui d'Alison si possible.

 

- Calidum.

 

Le sortilège fonctionna correctement, et Sasha plaça la seconde orchidée au centre du nid improvisé, faisant mine d'être concentré sur sa tâche. 

 

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Sasha Shevchen

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Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Sasha avait haussé un sourcil, interloqué par la question étrange d'Alison.

 

- Hum, ben... J'sais pas, douze ans ?

 

Il n'avait aucune idée de l'âge de Charlie. Lui avait-elle dit ? Peut-être. Ses souvenirs de la nuit où il avait trouvé la petite Carter étaient confus, mélangés avec mille sensations et la seule chose qui lui revenait facilement en mémoire, c'étaient ces odeurs multiples qu'il avait senti sur elle et dont certaines lui avaient rappelé Alison elle-même. Pourquoi son cerveau animal ne se souvenait-il jamais des choses importantes ?

Il sentait son coeur battre la chamade : c'était sûr, Alison savait. Sinon, elle ne lui aurait jamais demandé jusqu'où il allait, non ? Peut-être que Charlie lui avait dit qu'elle l'avait rencontré la nuit, sans lui en dire plus. Sasha secoua la tête.

 

- Ah non mais pas loin. Pas loin du tout. Genre dans le parc, quoi, rarement plus loin ! Comme tout le monde tu vois ?

 

Il haussa les épaules en pinçant les lèvres, histoire de rattraper les prochains mots qui lui étaient venus à l'esprit et qui mentionnaient la Forêt Interdite. Il ne pouvait pas mentir, au cas où elle savait déjà. Mais Alison semblait s'être désintéressée de lui. Avec un peu de chance elle ne relèverait pas qu'il n'y avait justement pas tout le monde qui sortait la nuit. Avec un soupir de dépit, il lâcha un dernier galet vers l'une des orchidées pour obéir et s'en aller chercher deux autres pots de fleur. Il préférait vachement ça : quand elle donnait des ordres, plutôt que quand elle lui posait des questions. Il s'en sortait beaucoup mieux sur les exercices pratiques qu'à l'oral - ça c'était clair, songea-t-il les mains enfoncées dans les poches tandis qu'il s'immobilisa devant la rangée d'orchidées pleines de boutons. Il n'avait strictement aucune idée de la couleur à choisir. Et il n'avait pas non plus la tête à ça. Un élève lui parla à sa droite et il mit un moment avant de réaliser ce que le garçon était en train de lui dire.

Il tourna la tête vers lui : c'était un petit roux qui avait sagement décidé de garder un mètre de distance avec l'ukrainien. Derrière l'élève, deux filles se tenaient, comme mal cachées derrière lui, jetant vers Sasha des oeillades intéressées. Le Gryffondor les regarda tour à tour.

 

- Tu m'suis ? aboya-t-il vers le Serpentard.

 

Ce dernier eut un mouvement de recul et un petit sourire mauvais. Ca lui rappelait encore les garçons avec Dmitri quand il était gosse. Cette fois c'était sûr : Alison et lui avaient réussi à se mettre la classe à dos et un nouveau nez cassé ne suffirait pas.

 

- Tu m'as suivi ? Quand ça ? répéta-t-il plus agressivement, comme il n'obtenait pas de réponse.

 

L'une des filles plaqua une de ses mains contre sa bouche.

 

- T'as vu comment il réagit ? lui glissa sa voisine en faisant une moue dégoûtée, comme si Sasha était incapable de les entendre. C'est vrai qu'c'est une brute. Comment elle peut lui faire confiance pour choisir les bonnes couleurs ?

 

Sasha lui jeta un coup d'oeil mais ne réagit pas. Il serrait les dents à s'en faire mal aux mâchoires, tâchant de se concentrer sur le Serpentard qui avait perdu un peu de son sourire et avait tant de mal à trouver une réponse.

 

- P'tet bien, finit-il par laisser entendre d'une voix geignarde. Et bientôt tout le monde va l'savoir.

 

Sasha haussa les sourcils, interrogateur. Comment avait-il pu être aussi aveugle ? Il était généralement sur ses gardes, mais quand il se promenait avec la main d'Alison dans la sienne, il était vrai qu'il devenait tête en l'air. Devant l'air dépité de Sasha, le Serpentard retrouva son sourire qui s'élargit en fendant un champ de tâches de rousseur moins élégant que celui qui décoraient les visages des Carter.

 

- Et pourquoi ?

- Dis donc la fouine, tu t'dépèches d'en ramener une ?! entendit-on un peu plus loin - le binôme du Serpentard qui tenait le crachoir à Sasha s'impatientait effectivement.

- Parce que tu dis pas qu'c'est faux, fit-il comme s'il n'avait pas entendu.

- Ben c'est faux.

- Trop tard !

 

Le Serpentard hoqueta en un rire si désagréable que Sasha n'avait qu'envie de le gifler. Mais il ne pouvait décemment pas se retrouver en retenue systématiquement, sinon il ne repasserait jamais rapidement en sixième année comme il l'espérait.

 

- Pourquoi ils t'appellent La Fouine. T'aimes fouiner ?

 

Le Serpentard se tortilla d'une drôle de manière, toujours avec ce sourire étrange. Il avait l'air de jubiler à avoir cette conversation saugrenue, tandis que les deux filles avaient fini par les contourner pour aller choisir des orchidées en prenant garde à ne pas s'approcher trop près de l'Ukrainien, mais il voyait bien qu'elles traînaient pour suivre leur conversation.

 

- Ouais, finit par admettre le petit roux. Et j'suis le meilleur pour faire passer les rumeurs.

 

Cette fois, Sasha comprit l'attitude bizarre du garçon, et ne put empêcher une grimace.

 

- Qu'est-ce tu veux ? il gronda en baissant la voix, espérant que les filles ne l'entendraient pas - et aussitôt les yeux du petit roux flamboyèrent.

- S'tu me ramènes un de ses sous-vêtements, j'dis que vous baisez comme des bêtes. Que j'vous ai vus et entendus.

- Tsss, siffla Sasha, mais c'était à son tour d'avoir un petit sourire en coin sans joie, et cette fois il se pencha vers le Serpentard pour lui faire une confidence. J'vais t'ramener beaucoup mieux. Et tu verras que t'auras pas besoin de mentir : on baise comme des bêtes et t'auras la preuve en échantillon.

 

La Fouine entrouvrit la bouche, dans un mélange d'espoir et d'étonnement, tandis que Sasha lui faisait un clin d'oeil en retournant vers les pots. Il les sélectionna au hasard.

 

 

 

 

 

- On a un problème chef, annonça Sasha très sérieusement en déposant Rose Chewing-Gum et Bleu Néon sur le plan de travail devant lui. Il y a des élèves qui mettent en doute notre... Hum. Relation.

 

Fini, les oreilles rouges : le Gryffondor semblait avoir complètement oublié leur précédente conversation. Il avait même l'air d'avoir trouvé une nouvelle assurance tandis qu'il poursuivit :

 

- T'inquiète pas, je nous ai fait gagner du temps, mais il va falloir être plus convaincants les jours prochains.

 

Sasha se concentra sur les pierres devant lui, préparant un troisième nid sans paraître se rendre compte de la posture froide d'Alison.

 

- Je te propose qu'on disparaisse ensemble dans un placard une fois de temps en temps. Et si tu veux, j'peux te prêter un pull pour dormir.

 

Il décocha un regard vers la Serpentard retranchée derrière sa frange. Il eut l'air déçu que sa proposition ne fisse pas mouche. C'était pourtant un truc de couple, de dormir avec les vêtements de l'autre, non ? Mais Alison paraissait froide comme la pierre. Qu'est-ce qui lui prenait tout à coup ? Sasha lui donna un petit coup de coude, comme pour la réveiller.

 

- Dis donc, Lu'eńka - et le mot roula dans la bouche de Sasha plus légèrement et naturellement que de l'anglais. T'as perdu ta langue ?

 

Mais la plaisanterie ne lui attira visiblement aucune indulgence de la jeune fille, aussi le Gryffondor se renfrogna-t-il à son tour en se préoccupant de ses pierres, de nouveau.

 

- Ben quoi, tu voulais un surnom ukrainien, non ?

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Sasha Shevchen

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Gryffondor
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Sur les marches qui mènent à la porte principale., Dimanche 08 Octobre 2124

J'arrête tout.

 

Ca voulait dire quoi, au juste ? Alison arrêtait ses efforts pour qu'ils ressemblassent à un couple ? Ou elle arrêtait totalement le deal ? Ou bien c'était une de ces expressions anglaises qu'il avait du mal à comprendre, comme quand ses voisins de chambrée disaient qu'ils prendraient a rain check concernant les devoirs ? Sasha avait mis à peu près un mois à comprendre qu'il n'y avait rien de littéral dans cette expression, et il avait régulièrement des expériences similaires avec cette langue dont il avait pourtant vite maîtrisé, au demeurant, les formes les plus argotiques.

Toujours était-il que sur le moment, il n'avait pas osé poser la question à la Serpentard. Après s'être renfrogné dans le silence à son tour, Sasha s'était résolument convaincu qu'Alison lui en voulait simplement pour des sottises : parce qu'il avait mal choisi les couleurs des orchidées, par exemple. Après tout, elle-même lui avait dit qu'il était coupable par défaut, même s'il ne savait pas pourquoi.

 

Malgré tout, les jours qui avaient suivi, Sasha s'était surpris à s'inquiéter de temps à autre. Le deal pouvait-il faire partie du tout ? Non, non, elle avait dit ça comme ça, c'était juste une formule pour dire qu'elle boudait. Systématiquement, il repoussait soigneusement la désagréable pensée en se concentrant sur autre chose. Son dîner, par exemple. Mais assis à la table des Gryffondors, il n'avait pu s'empêcher de jeter un oeil vers la table des Serpentards, où Alison ne se montrait guère. Encore sa lubie de sauter les repas.

 

Comme leur absence de nouveaux échanges ne pouvait lui permettre de trancher véritablement, Sasha avait fini par décider une bonne fois pour toutes ce soir-là, en dévorant des crevettes, qu'il fallait continuer à investir dans le projet qui devait consister à lui faire accéder aux cours de sixième année intégralement. Il n'y avait bien sûr pas que l'intérêt des cours qui le poussait à poursuivre ce but : il craignait que s'il ne validait pas les cours de sixième année à la fin de l'année, on ne le considérât pas comme majeur à 17 ans, comme les autres. Et tant qu'il était mineur ou considéré comme tel, les adultes décidaient de son destin - et surtout de sa présence au château, loin de là où il devait être. Aussi décida-t-il de ne pas remonter à la salle commune, histoire d'enfin donner à la Fouine ce qu'elle rêvait d'avoir sans le savoir.

Le Serpentard l'avait en effet déjà croisé deux fois depuis le cours de Botanique, et commençait à craindre que Sasha ne fisse juste traîner l'échéance - au risque de perdre la primeur de cette information visiblement capitale pour les cinquième années : Sasha et Alison ne formaient pas un vrai couple.

Demain au plus tard, il lui donnerait ce qu'il devait.

 

 

 

 

 

 

L'air était frais. Chaque soir, il devenait un peu plus froid, au point qu'au coeur de la forêt, des flaques s'étaient gelées, déjà, à cause des températures nocturnes qui chutaient en Ecosse bien plus tôt qu'en Ukraine. Sous sa forme animale, Sasha ne redoutait pas vraiment les surfaces glacées. Il les préférait même à cette pluie battante qu'il avait dû subir à l'aller, avant de recevoir le couvert des arbres. Il avait vagabondé assez longuement, dès la tombée de la nuit. Ce qui était bien, lorsqu'il était transformé, c'était que son esprit ne s'attachait plus à s'inquiéter outre mesure ni du passé, ni de l'avenir. Tout était instantanément important : ce mulot qui couinait sous un buisson, le vent qui chuintait dans les feuilles, une goutte qui tombait sur son pelage. L'effet apaisant de sa propre langue rugueuse sur ses pattes quand il se nettoyait par automatisme après s'être tâché de résine en grimpant un sapin malade. Et puis les odeurs, ah !, les humains ordinaires ne savaient ce à quoi ils n'avaient pas accès. Les sécrétions des insectes sous l'écorce poivrée qu'il grattait avec ses griffes ; les senteurs terreuses des champignons qui poussaient dans la mousse suave ; l'odeur fraîche de l'eau qui bruissait dans son lit sauvage, où un rongeur avait laissé la marque de ses phéromones, auxquelles se mélangeaient les effluves âcres d'un...

 

... crapaud.

 

 

 

 

 

 

Plif, plof, plif, plof.

 

La pluie avait cessé, mais Sasha avait retrouvé sa forme humaine et traversait dans la nuit la pelouse inondée et boueuse qui le ramenait vers les portes du château, son pull drôlement roulé en boule dans ses bras. Sa chemise était humide et ses cheveux trempés au point qu'ils gouttaient sur son visage et ses épaules - signe qu'il n'avait pas dû vraiment pouvoir s'abriter avant la fin de l'averse. A l'extérieur du château, de grosses torches appliquées sur les murs de pierre sombre éclairaient le parc, lui-même baigné de la lueur blanche qu'offrait une Lune presque pleine entre deux nuages épais. Certaines grandes fenêtres du rez-de-chaussée et des étages étaient encore colorés par les lustres montés de bougies, aux lueurs chaudes et vacillantes, qui indiquaient que Poudlard ne s'était pas encore tout à fait endormi. Il ne devait pas être très tard, encore. Il n'aurait qu'à monter directement dans les étages, et il prétexterait avoir dû sortir en catastrophe après avoir oublié quelque chose d'important dehors.

 

Plof-plif.

 

Sasha s'était immobilisé subitement à la vue d'une silhouette assise sur les marches. Son coeur s'était mis à battre durement mais se calma aussitôt : ce n'était qu'une élève à la longue chevelure rousse détachée. Il s'élança en avant.

 

- Alis...

 

Sa voix mourut tandis qu'il ralentit aussitôt l'allure. Idiot. Alison ne sortirait jamais par un temps pareil : elle ne se montrerait sûrement pas en pyjama. Mais finalement, il jugea que ce n'était pas une mauvaise nouvelle. Il soupira en s'approchant des marches, et bientôt la lumière des torches l'inonda lui aussi, réchauffant même vaguement la chemise mouillée qui lui collait à la peau.

 

- Charlie ? C'est marrant, parce que j'allais justement monter te...

 

Il s'interrompit de nouveau en s'immobilisant devant la petite fille recroquevillée sur les marches. Un instant, il la revit quand il l'avait ramenée ici après une nuit qui avait dû être la pire qu'elle avait dû vivre ici - du moins, c'était ce que Sasha s'imaginait. Après ça, elle n'aurait sûrement plus jamais voulu ressortir la nuit et se retrouver là, surtout par un temps pareil. Et les marches de l'escalier sur lesquelles elle était assise qui étaient trempées.

 

- Qu'est-ce qui se passe ? il demanda, quelques marches sous elle.

 

Mais Charlie restait derrière un rideau de cheveux roux, beaucoup plus sauvages et entortillés que ceux d'Alison. Décidément, les filles étaient jamais claires. A moins que ce ne fut spécifiquement les Carter.

Sasha exécuta un pas pour grimper, puis il s'accroupit pour poser un genou sur la marche suivante, tendant son pull roulé en boule devant lui.

 

- Hé, il souffla. Regarde qui j'ai ram'né.

 

Dans l'amoncellement de tissu épais et usé, un gros crapaud était tassé, à demi caché par une capuche dont il ne voulait pas sortir, terrifié par le voyage qui venait d'être le sien. Sasha haussa les épaules avant de se laisser tomber séant sur la marche en dessous de Charlie.

 

- Enfin, j'suis pas sûr que c'est lui en fait... Mais il ressemble nan ? A l'odeur, on aurait dit...

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Sasha Shevchen

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Sur les marches qui mènent à la porte principale., Dimanche 08 Octobre 2124

Sasha avait fini par déposer son pull en boule sur les marches - quand bien même il était un peu déçu de s'être trompé de crapaud. Il ferait l'affaire quand même, s'était-il dit, avant d'assister, l'air désemparé, aux grosses larmes qui noyaient le visage de Charlie.

 

Mais le chagrin de la petite fille secouée par les sanglots était pour lui beaucoup moins impressionnant qu'Alison et ses remontrances glacées. Sasha afficha une simple grimace désolée, et il lui avait tendu un bras avant même qu'elle se pendît à son cou. Le geste lui semblait tout naturel, comme celui de refermer ses bras sur son corps de fille miniature, de l'accueillir même s'ils étaient tous les deux à moitié trempés. Au contraire de ces moments où il avait approché Alison, Sasha ne se sentait pas comme un ours hirsute au contact de Charlie, ou comme une créature odieuse dont les autres élèves de Poudlard ne voulaient pas s'approcher. Mais quand la petite fille gémit sur son épaule, mouillant sa joue de ses larmes salées, un flot brutal de souvenirs l'envahit - et il ne put rien faire d'autre que la serrer contre lui un peu plus fort.

 

Un instant, sous les lumières vacillantes des torches et les quelques gouttes qui fuyaient les rebords des fenêtres pour s'écraser autour d'eux, Sasha resta le souffle coupé, les yeux grand ouverts. Son coeur battait la chamade, à tel point qu'il lui semblait que les propos de Charlie ne voulaient plus rien dire.

 

Il hoqueta.

 

Aussitôt, comme elle s'écartait, se reprit. Fit mine de s'essuyer la joue d'une revers de manche, s'essuya le nez en même temps. Quelques gestes pour gagner quelques secondes, le temps que tous les mots prissent leur sens dans sa tête. Puis ses yeux verts croisèrent ceux, encore tous remplis de larmes, de la petite fille à la marque rouge sur la joue, et malgré la découverte piteuse que représentait la trace de la dispute, il s'efforça d'avoir un sourire rassurant.

 

- C'est pas ta faute Charlie, c'est moi qui lui ai dit que j'sortais la nuit, dit-il en haussant les épaules, l'air résigné.

 

Il passa le revers de l'index sur la joue de la petite fille, là où la trace rouge s'étendait, et son sourire se transforma en une grimace brève, comme s'il était pris d'un frisson.

 

- C'est moi qui suis désolé. Ca aurait pas dû retomber sur toi.

 

Il fronça les sourcils et sa main retomba sur la pierre froide et humide. Le silence les enveloppa tous les deux quelques secondes pendant lesquelles il pinça les lèvres. Le vent aux rafales discrètes secouait de temps à autre les grands arbres près de l'allée, donnant l'impression que les végétaux s'ébrouaient après la pluie, pour se débarrasser du surplus de gouttes laissées par l'averse. L'air était saturé des odeurs du gazon humide, et le château demeurait froid et silencieux. A être assis là, sur les grosses marches centenaires, Sasha avait l'impression que Charlie et lui étaient soudain aussi minuscules que des fourmis insignifiantes.

 

En réalité, la possibilité qu'on pût le virer de Poudlard ne lui était pas vraiment venue à l'esprit. Il avait imaginé bien des sanctions - d'une nuit passée pendu par les pieds dans les cachots du château au redoublement de sa sixième année, en passant par les odieux cours de danse du bibliothécaire en guise de retenue - mais il n'avait jamais réalisé qu'on pouvait tout aussi bien le mettre à la porte.

Ca ne pouvait pas être une bonne nouvelle. Un instant fugace, il s'était dit qu'il serait alors libre de s'envoler vers l'Ukraine - mais c'était une chimère et il le savait bien. S'il était viré de Poudlard, il serait envoyé, au mieux, dans un collège de moldus ; et au pire, dans une institution réservée aux sorciers délinquants. Ni l'une ni l'autre de ses alternatives n'étaient alléchantes, et aucune des deux ne lui permettrait probablement facilement de se transformer la nuit venue pour soulager ses drôles de pulsions animales.

Comment n'avait-il pas pu réaliser qu'on pouvait le virer ?

 

- T'es pas bête, il murmura comme pour lui-même. T'es même vachement plus intelligente que moi.

 

Sasha finit par secouer le tête, comme pour retrouver pied dans la réalité. Charlie était toujours là, à le regarder avec des yeux mi-interrogateurs, mi-désespérés, et il ne put s'empêcher de sourire de nouveau devant la naïveté de la petite fille. C'était étrange, de sourire sincèrement. Il lui semblait que ça n'était pas arrivé depuis des années. Les traits de son visage s'étiraient d'une façon qui lui était presque douloureuse.

Il frictionna ses mains contre les épaules de Charlie.

 

- T'inquiète, je vais aller lui parler. Avant qu'elle aille voir la direction demain. J'suis sûr que j'vais pouvoir la convaincre. Ou presque sûr. Ok ? Comment tu fais pour la voir, toi, tu vas dans la salle commune des Serpentards ?

 

Il jeta un coup d'oeil, instinctivement, vers les fenêtres basses qui faisaient office de puits de lumière pour les cachots et donc, s'imaginait-il, la salle commune des Serpentards. Son regard revint à la petite fille.

 

- Alison t'a donné le mot de passe ? il souffla à voix basse. Tu crois que tu pourrais me faire rentrer chez les Serpentards sous ma forme animale ? Ou bien on la fait venir dans un endroit isolé ?

 

Sasha fronça les sourcils, haussa les épaules.

 

- Si t'as un plan meilleur que le mien vas-y, c'est toi le cerveau de l'équipe ! Bon. Un gros câlin pour effacer cette mauvaise dispute et après on y va, ok ?

 

Il aurait pu dire une dernière minute du film avant d'aller se coucher, ou bien une dernière cuillère d'épinards avant le dessert que son encouragement n'aurait pas sonné différemment. Et d'un geste il l'entoura de nouveau de ses bras, pour l'étreindre contre son torse trapu.

Il la serra fort.

Aussitôt, la sensation qu'il avait ressenti plus tôt rejaillit presque comme si quelqu'un avait appuyé sur un interrupteur à l'intérieur de ses entrailles : son coeur qui se remettait à battre follement, sa poitrine qui s'écrasait d'une douleur sourde à lui en couper le souffle, à tel point que Sasha devait fermer les yeux pour ne pas oublier de respirer.

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Sur les marches qui mènent à la porte principale., Dimanche 08 Octobre 2124

Sasha n'avait eu le temps que d'ouvrir les yeux pour voir en face de lui l'éclat lumineux qui jaillissait de la baguette magique d'Alison. Le sortilège le percuta en pleine poitrine et même si l'impact n'était pas douloureux, le choc le fit basculer brutalement en arrière et il s'étala dans les marches avec un glapissement de surprise. Il se hâta de rouler pour se remettre debout, comme pris d'un réflexe - ses sens lui hurlaient de se transformer et de courir, son coeur tambourinait à ses tempes, mais non, non, tu es à Poudlard, se raisonna-t-il, les joues rouges et la respiration haletante.

Les cris de Charlie le rappelaient à l'instant présent - saugrenu et étrange.

 

Un animal.

 

Voilà, elle savait. Et à la façon dont elle le disait, c'était évident : elle trouvait cela dégoûtant.

 

 

Dans les longues heures qu'il passait étendu dans le parc ou dans les arbres, à profiter du soleil sur son visage humain ou félin pour fermer les yeux indolemment comme il aimait le faire, il s'était parfois imaginé qu'un jour, il rencontrerait une fille, avec des belles formes comme celles d'Anya Niktalova, mais avec l'intelligence d'une ukrainienne, le sourire d'une chanteuse américaine et la gentillesse enveloppante de sa propre mère. Et cette fille-là s'étendrait dans l'herbe avec lui, et quand elle apprendrait qu'il était à demi une créature prédatrice et sanguinaire, elle le cajolerait quand même.

 

Mais quel con il était.

 

 

Sasha ne pensa pas à riposter - sa baguette était dans son pull de toute façon. Il serra les dents - ces coups-là, on ne pouvait que les encaisser. Il avait levé les mains - des paumes incrustées de petites égratignures héritées de sa chute dans les escaliers qui n'étaient rien à côté des balafres noires qu'elle avait déjà vu de toute façon. A quoi bon les cacher, maintenant qu'il savait ce qu'elle pensait de lui ?

 

- O-k, il articula lentement, et ces deux syllabes lui coupèrent les lèvres en passant la barrière de sa bouche.

 

Malgré les protestations de Charlie, il capitulait en soutenant le regard furieux d'Alison, en dépit aussi du gouffre noir qui semblait se creuser dans sa poitrine et menaçait d'anéantir ses entrailles. Il aurait peut-être réagi pareil, à sa place.

 

- Laisse, Charlie, ta soeur peut pas compr...

 

Il s'interrompit, ses yeux subitement attirés par une fenêtre qui venait de s'éclairer non loin de la grande porte.

 

- Chut ! souffla-t-il. Mais taisez-vous !

 

Une deuxième fenêtre s'alluma, un peu plus près. Le coeur de Sasha se remit à tambouriner dans sa poitrine. Alors soudain, il se jeta sur son pull pour en extraire sa baguette - puis il jeta le vêtement en boule dans les fourrés à côté de l'escalier.

 

- Collaporta ! s'écria-t-il.

 

 

Le sortilège frappa la grande porte de Poudlard et un léger bruit de succion se fit entendre - désagréable, mais caractéristique d'un sortilège de scellement qui avait à peu près fonctionné : le double-battant du château était particulièrement imposant et Sasha doutait que cela ne tînt plus de quelques secondes. Précieuses, malgré tout.

 

 

- Si on nous trouve ici, on aura tous des ennuis, ok ? Alors on se tire. J'connais d'autres endroits pour entrer dans le château en faisant le tour. Vite !

 

En deux enjambées, il grimpa les marches pour attraper la main de la petite fille - mais si l'on pouvait s'attendre à ce que Charlie coopérât, ce n'était pas le cas de la grande soeur.

 

- Alison !

 

Sasha la supplia du regard - une seule et unique seconde. Au-delà, il ne pouvait pas attendre. Alors il lâcha Charlie pour attraper la grande soeur par le coude - le bras qui tenait sa baguette - et l'embarquer brutalement en la poussant devant lui. Il plaqua son autre main sur la bouche de la jeune fille.

 

Ils dévalèrent les escaliers, trébuchèrent et manquèrent de tomber, mais se rétablirent dans les gravillons humides aux pieds des vieilles marches.

 

- Psst, par ici ! indiqua Sasha à Charlie.

 

Ils longèrent le grand mur froid. L'ombre d'une petite fille qui courait maladroitement à cause de ses chaussons s'étirait devant eux, ainsi que celle étrange d'un monstre à quatre pieds et deux têtes - dont l'une n'avait pas l'air de franchement apprécier le voyage. Ils coururent néanmoins jusqu'à l'angle, Sasha veillant à ce qu'ils marchassent tous dans les copeaux de bois qui couvraient les plates bandes, histoire de ne pas laisser la trace de leurs pas dans la boue. Puis ils contournèrent la courbe de la tour Est et cette fois, privés de la lumière des torches, ils furent engloutis par une obscurité presque totale.

Sasha progressait un peu à l'aveugle, peu dérangé par la noirceur fraîche de la nuit - mais il percuta vite la silhouette de Charlie qui s'était figée après quelques pas dans l'obscurité.

Il ne pouvait guère la réconforter : Alison résistait entre ses mains - mais Sasha avait bien derrière lui bien des entraînements qui rendaient les efforts de la jeune fille inutiles. La proximité de leurs corps, d'une nature si différente de leurs baisers factices, lui arracha un soupir.

 

- J'vais t'lâcher, grogna-t-il à son oreille. Mais tu fais pas d'bruit, ok ? Parce qu'avec la trace de tes doigts sur ta soeur, t'es autant dans la merde que moi. Ok ? il répéta.

 

Il attendit un signe d'assentiment quelconque avant de la relâcher précautionneusement, prêt à l'empêcher de crier ou de s'enfuir si l'envie lui prenait.

Peu à peu, leurs yeux s'habituaient à l'obscurité : on devinait maintenant le contour des visages et des corps entre des arbustes qui les frôlaient de caresses iirégulières, poussés par le vent. Sasha scrutait Alison.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Sur les marches qui mènent à la porte principale., Dimanche 08 Octobre 2124

Les yeux de Sasha allaient de l'une à l'autre, tel le regard d'un chat suivant une balle de ping-pong. De temps à autre, il jetait quand même un regard en arrière : à ce moment, quelqu'un avait dû réussir à ouvrir la porte - en espérant que cette personne crût seulement que la porte avait gonflé avec la pluie, comme chez lui quand il faisait trop mauvais temps et qu'il fallait donner des coups de pied dans la porte du garage pour pouvoir sortir les balais. Avaient-ils laissé derrière eux des indices ? Que dirait-il si quelqu'un retrouvait son pull ?

La conversation étrange la ramena à écouter les propos des deux filles.

 

- Heu, c'est pas vrai hein, la plupart du temps j'suis tout seul, le parc est vide la n... essaya-t-il de caser, mais les filles parlaient vachement plus vite que lui et il laissa tomber. J'suis là, hein.

 

Mais quelles pipelettes. Enfin...

 

- Alison !

 

Il s'était insurgé, en essayant toutefois de garder la voix basse, les sourcils froncés en une expression exaspéré. Par réflexe, il avait ramené Charlie près de lui d'une main sur son épaule. Il faudrait quand même pas qu'Alison se mît à lui maquiller l'autre joue.

 

- Arrête de crier, tu veux vraiment qu'on nous trouve ou quoi ? Et puis, comment tu parles à ta soeur ? Elle a dit qu'elle sortirait plus le soir, ça te suffit pas ? Tu devrais déjà être contente que j'étais là pour m'occuper d'elle quand elle l'a fait, même si c'est vrai que j'aurais dû la ramener tout de suite plutôt que de jouer avec elle.

 

Il y eut un silence chargé d'accusations réciproques. Visiblement, Alison ne s'attendait pas à ce qu'il reconnût son erreur. Mais Sasha n'arrivait pas à décrypter l'expression de son visage : pourquoi n'était-elle pas toujours pas satisfaite ? A la place, il avait l'impression qu'elle avait eu un mouvement de recul dégoûté, même s'il avait peu d'indices dans l'obscurité quant à l'expression du visage de la jeune fille. Il comprenait qu'elle le trouvât repoussant, mais pourquoi se mettait-elle dans une colère pareille ?

 

- Charlie a rien fait de mal. Si elle sort la nuit, c'est probablement parce que personne d'autre s'occupe d'elle à ce moment-là, tu vois, grommela-t-il un peu vexé du mouvement de recul d'Alison, qui enfonçait dans sa poitrine les fléchettes qu'elle avait planté plutôt de ses mots accusateurs. Espèce d'animal. Au pire, j'pourrai surveiller moi-même le parc pour le vérifier et te tenir au courant si je l'ai vue elle ou un autre élève. De toute façon il faudra que je sorte, je pourrai pas faire autrement ! Je...

 

Il chercha ses mots un instant. Mais rien ne paraissait tout à fait approprié. D'une main, il balaya l'air en détournant le regard, puis son bras retomba le long de son corps. Il déglutit et sa main sur l'épaule de Charlie se serra un peu, involontairement, bien qu'il s'adressa à Alison.

 

- Je... J'en ai besoin, tu comprends ? C'est pas ma faute, c'est... C'est plus fort que moi, croassa-t-il d'une voix blême.

 

Mais il savait déjà qu'elle ne comprendrait pas. Pas vu la façon dont elle l'avait regardé, un peu plus tôt. Tes pulsions, là. Il scella ses lèvres en un pincement amer, à la pensée soudaine que même s'il se sortait de cette situation épineuse, il n'aurait plus jamais l'autorisation de s'approcher de Charlie. Ce n'était pas tout à fait juste. Et en même temps, c'était sûrement mieux pour la petite, se raisonna-t-il avec dépit. Mais quel deal accepterait Alison pour au moins ne pas le dénoncer ? Que pouvait-elle bien tirer de tout ça ?

Une drôle de pensée lui traversa tout à coup l'esprit.

 

Mais bien sûr. Il y avait un malentendu. Il comprenait, maintenant. Evidemment, les querelles entre soeurs. C'était parfaitement logique. Pourquoi ne l'avait-il pas compris plutôt ? Ca n'avait pas tant à voir avec sa forme animale, finalement. Une bouffée d'espoir lui emplit la poitrine.

 

- Attends...

 

Un voile de stupéfaction avait habillé le visage de Sasha, qui se vit même dans la nuit à ses yeux arrondis comme des soucoupes.

 

- T'es... T'es pas jalouse de ta soeur, quand même ?

 

Silence.

 

- Parce que si c'est ça, heu... Bon, j'peux... On peut sûrement trouver un arrangement, tu vois.

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Sasha Shevchen

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Bon, hé bien ce n'était visiblement pas ça. Au moment où il croyait enfin avoir une solution, la situation se montrait encore plus désespérée. Sasha avait pris la tête de la compagnie, en s'imaginant déjà toutes les conséquences de ce qu'il se passerait lorsqu'Alison annoncerait qu'il rôdait comme un prédateur autour du château toutes les nuits et qu'il n'avait pas ramené Charlie directement quand il l'avait rencontrée. Il avait entendu dire que l'un des élèves de Russie, lui aussi revenu de la guerre, avait été isolé dans une chambre à part en plus d'avoir été fait prisonnier d'un sceau magique. Serait-ce le sort que lui réserverait le Ministère, à lui aussi ? Est-ce qu'on pouvait l'empêcher à tout jamais d'être la bête qu'il devenait la nuit ?

 

Ces pensées lui donnaient le vertige, et il lui semblait que l'énergie le quittait. A quoi bon fuir les professeurs, maintenant qu'il était fichu ?

 

- Charlie, non !

 

Il n'avait eu d'autre choix que de suivre les deux soeurs quand la plus petite des deux avait pris la fuite. Pour une fois, il était d'accord avec Alison.

 

- Qu'est-ce qu'y te prend !

 

Sasha s'était courbé pour passer sous les branches, mais il jeta tout de même un regard en arrière. Aucune lumière ne s'approchait. Le couvert des arbres leur dissimulait maintenant une grande partie du château, et la boue noyait leurs chaussures. Il pesta à voix basse sur les traces qu'ils laissaient. Il faudrait repasser pour les effacer. Un petit sortilège d'oblitération suffirait, s'il avait le temps de s'appliquer pour ne laisser aucun indice. Mais pour l'heure, il ne fallait pas perdre Charlie de vue.

 

Heureusement, la petite avait enfin décidé de freiner des quatre fers et les deux autres adolescents en firent autant. Sasha attrapa le premier tronc venu pour s'y appuyer, prêt à repartir s'ils étaient poursuivis. Mais le silence répondit aux échanges de deux soeurs, charriant seulement les cliquetis des branches autour d'eux.

 

- Quoi ?

 

Le garçon les regarda tour à tour, puis ses yeux se fixèrent sur Alison et sa frange décoiffée.

 

- Tu croyais QUOI ?! répéta-t-il, outré.

 

C'était bien la première fois qu'il était si en colère contre Alison. Sur l'instant, il lui semblait que c'était pire que d'être intolérante envers les animagus.

 

- Quel genre de type est-ce que tu crois que je suis ? Pour toi les Ukrainiens sont des pédophiles, c'est ça ?! Tu crois la propagande russe maintenant ?

 

Il s'efforçait de ne pas crier, mais il avait pointé un index dans une direction aléatoire, censée désigner la Russie et ses méchants dirigeants qui tordaient la vérité pour les faire passer pour des sauvages. Mais Charlie le pressait encore, et il sentait bien, à la voix tremblante de celle-ci, que des trois, c'était elle qui vivait le plus mal la dispute. Alors il laissa retomber sa main le long de son corps, non sans un dernier regard déçu pour Alison.

 

Sasha soupira.

 

Il lui suffisait de se transformer.

 

Un instant, Sasha se sentit comme quand il devait faire pipi dans les toilettes lors de sa toute première année à l'école : s'il y avait un autre petit garçon à côté de lui, il n'arrivait pas à faire pipi. C'était idiot.

 

Alors il préféra regarder ailleurs histoire d'échapper à leurs yeux rivés sur lui. Il fit quelques pas en fermant les paupières - le processus était devenu simple, avec le temps. Il lui suffisait de se rappeler les sensations qu'il avait lorsqu'il était félin : le sol froid et dur sous ses coussinets, les milles odeurs qui chatouillaient son museau, l'air qui flattait agréablement sa fourrure...

 

... subitement ses vêtements fusionnèrent avec sa peau tandis qu'il se courbait en avant, des poils apparaissant sur toute la surface de son corps quand ses pattes avant touchèrent le sol. Sa poitrine enfla et s'arrondit, des griffes poussèrent et s'ancrèrent dans le sol en même temps que son visage s'allongeait bizarrement...

 

Pour laisser place à un léopard énorme, plus gros qu'un chien, aux pattes massives. Pourtant, en hauteur, il ne dépassait pas le coude de Charlie derrière laquelle, pris d'une pudeur subite, il était parti se cacher. Il frotta son corps à ses jambes sans réfléchir, à la recherche d'une forme de protection maintenant qu'il ne pouvait plus rien dire pour sa défense. Sa tête apparut derrière la petite rousse - une gueule massive surmontée d'oreilles tâchetées de noir.

 

De Sasha l'adolescent, il ne restait plus que deux yeux verts dont les pupilles fixaient Alison, guettant sa réaction.

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Sasha Shevchen

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Soudain, les voix des deux filles le surplombaient. Se mélangeaient à des sons parasites, plus aigus et discrets, que l'oreille humaine ne pouvait pas détecter. Il remua d'ailleurs une oreille, la tournant légèrement vers le château, lorsqu'il capta un bruit lointain - mais ce n'était qu'une fenêtre au troisième étage dont l'espagnolette grinçait quand quelqu'un avait dû l'ouvrir pour aérer une pièce. L'attention de la panthère revint à Alison et Charlie. Sasha avait fini par s'asseoir, et son corps trapu avait cette posture tranquille qui tranchait avec son allure intimidante : il était une masse de muscles dotée de griffes et de dents si tranchantes que les pointes de ses longues canines se dévoilaient lorsqu'il bougeait le museau. Et de la créature émanait un grondement régulier, des vibrations gutturales et profondes : Sasha ronronnait depuis que Charlie s'était mis à le caresser entre les oreilles.

 

Il n'aurait certainement pu décrire cette sensation une fois redevenu humain : son crâne, son museau, ses moustaches et ses babines étaient extrêmement sensibles lorsqu'il était sous cette forme, et leur stimulation provoquait une sensation relaxante qu'il ne maîtrisait pas vraiment. Cela lui déclencha un baillement bref mais terrible : il dévoila des dents et énormes et une longue langue qui s'enroula avant de refermer sa gueule avec un claquement sonore.

 

Sasha se sentait soudain beaucoup plus détaché de la situation. Alison lui semblait beaucoup moins méprisante et insultante - mais c'était peut-être parce que malgré la nuit, il la voyait désormais beaucoup mieux. Il distinguait les traits fins de son visage, son expression contenue malgré ses bras croisés. Les yeux de Sasha continuaient de la fixer même pendant que Charlie s'adressait à lui : la voix de la benjamine était une musique douce à ses oreilles, et pour tout signe d'acquiescement, il se contenta de cligner doucement des yeux.

 

La panthère se leva lourdement pour repartir, non sans frôler une dernière fois les jambes frêles de Charlie : pas trop fort ; avec sa carrure, il l'aurait aisément renversée. Puis il se faufila doucement dans les ronces, ses pattes étonnamment silencieuses tandis qu'il quittait le chemin - et leur champ de vision. La seconde suivante, il n'y avait plus aucune trace d'une telle créature, si bien qu'on eût pu croire qu'elle n'avait jamais existé.

 

 

 

Sasha, lui, se laissait fondre dans son environnement minéral et végétal. Se glissait entre les racines à pas de fauve, contournait les troncs en résistant à l'envie d'y planter ses griffes pour soulager ses bouillonnements intérieurs. 

Alison pouvait bien ramener Charlie. Il y veillerait de loin, certainement, avant de contourner le château dans l'espoir de récupérer le vêtement laissé à proximité du grand escalier.

 

Mais pour cette nuit, il avait eu son lot de confrontations humaines. Il serait bien mieux dans sa peau de félin, à tout oublier sinon les mouvements et les odeurs de la forêt.

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Sasha Shevchen

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Serre de préparation, Dimanche 15 Octobre 2124

Il avait bien entendu le balbutiement d'Alison. Elle était gênée et il en profita pour la regarder d'autant plus - comme s'il avait voulu pousser à bout cet embarrassement qu'il faisait naître en elle très visiblement - un peu en miroir de ce qu'elle produisait chez lui en cet instant. Elle voulait jouer ? Il pouvait jouer.

Ainsi donc, Mademoiselle voulait avoir tout l'air d'une fille qui se faisait sauter tous les soirs, mais elle devenait toute hésitante à l'approche d'un garçon comme lui. Il avait du mal à décider si c'était toute la gente masculine qui lui faisait cet effet, ou bien lui personnellement.

 

Sasha la regarda néanmoins s'éloigner sans insister, restant une main appuyée sur l'établi avec une frustration qu'il ressentait de ses mâchoires serrées à son pantalon encombré, mais il ne regretta pas un instant son geste : maintenant Alison savait. S'il trouvait qu'elle se faisait trop remarquer, il pouvait donc tout à fait entrer dans son jeu et elle se rétractait presque instantanément. Ca commençait à être trop compliqué pour lui.

 

Il tâcha d'inspirer et d'expirer lentement. Il avait soudain tant de mal à se concentrer. Alison avait resserré la cravate, enfermant son col près de sa peau suintante. Elle avait aussi frôlé son pantalon, et il était presque sûr qu'elle avait senti la protubérance qu'il ne maîtrisait guère. Il s'en sentait à demi-honteux. Pour l'autre moitié, il ne savait pas ce que c'était : une espèce d'espoir, de revendication, peut-être, qu'elle avait décidé de laisser lettre morte.

 

Pourtant, malgré la chaleur ambiante, les derniers mots d'Alison lui firent l'effet d'une douche glacée.

 

- Quoi ?

 

Il fronça les sourcils et son visage se peignit d'une grimace désabusée.

 

- J'aime pas Anya Nikitovna ! rétorqua-t-il d'une voix qu'il aurait voulu plus nonchalante, moins alarmée, mais c'était trop tard.

 

Certes, il avait passé des moments étranges auprès d'elle. Elle était russe, mais elle avait une attitude mature, qui la montrait sous un jour profondément féminin à ses yeux et qu'il ne s'expliquait pas. Elle avait beau représenter tout ce qu'elle détestait, il avait le souvenir de ses poils qui s'étaient dressés sur ses bras quand elle l'avait frôlé en ouvrant les pages de son dossier remplis de journaux. Il voulait pourtant s'appliquer à la détester, maintenant plus que jamais ; mais quand il pensait à elle, c'était son regard profond et sévère, devant lequel il se sentait minuscule, et ses courbes suggestives qu'elle arborait sans même y penser qui s'imposaient à son esprit. Il se morigéna intérieurement : c'était comme si son corps le trahissait avec ces sensations de désir pour une femme du camp adverse.

 

- J'l'ai manipulée, il décréta sur un ton vindicatif. J'lui ai fait croire que j'étais russe et j'l'ai faite sortir tous les matins pour qu'elle m'apporte ses petites coupures de journal. Ses journaux russes dans lesquels il y a les nouvelles du front, et j'ai même vu les membres de sa famille sur ses petites photos idiotes, des gens laids qui sont morts à la guerre et c'est bien fait pour eux !

 

Il avait persiflé plus qu'il avait parlé, comme si de la bile avait envahi sa bouche, et il s'en voulait de vomir ces paroles-là subitement, dont il savait très bien qu'elles n'étaient pas tout à fait raisonnable. Surtout, il savait parfaitement qu'Alison ne pouvait pas comprendre. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher. C'était comme si ces mots avaient tourné en pensée comme en vase clos dans sa tête depuis des jours, et qu'enfin quelqu'un avait ouvert une valve : désormais, ils s'échappaient comme une fuite irréparable.

 

- Et j'l'ai pas baisée, si c'est que tu t'demandes. Si j'l'avais fait ça aurait été pour me soulager comme un chien.

 

Dans sa main s'écrasa subitement une motte de terre et de plastique et il baissa les yeux : sans s'en rendre compte, il avait saisi un pot dans lequel une plante naissante peinait à sortir du terreau noir. Le pot avait été littéralement broyé par sa poigne furieuse, et fâché, Sasha s'en débarrassa d'un geste rageur sur l'établi. Il renfonça ses mains dans ses poches et s'éloigna de quelques pas.

 

La serre n'était pas très grande ; mais suffisamment pour qu'on pût y arranger plusieurs établis les uns à la suite des autres, pour pouvoir travailler à la chaîne, avec de grandes surfaces. La plupart des plantes matures étaient proprement organisées le long des parois de verre, là où elles bénéficieraient d'un maximum de lumière. Sasha circula, laissant le lierre lui caresser parfois les épaules tandis que ses yeux ne voyaient rien des gros bourgeons qui menaçaient d'éclore, odieusement indifférents à ses tracas.

 

Ce n'était pas bien, ce qu'il avait dit. Puis Alison n'avait rien à voir là-dedans. Oui mais c'était elle qui amenait une russe dans la conversation.

Des voix dans la tête de Sasha se disputaient. L'une d'entre elles faisait sournoisement la liste des choses obscènes qu'il pouvait faire à Anya pour la punir s'il la trouvait isolée. Mais c'était son érection qui le faisait penser comme ça. Il le savait bien. Il revint sur ses pas, bougons. Alison était toujours là, avec ses jambes nues, ses bras nus. Il fallait qu'il pensât à autre chose. Pourquoi était-il venu ici, déjà ?

 

- Tu sais mieux c'que tu veux pour le deal, maintenant ? il gronda. Si tu veux qu'je parle à un mec en particulier pour lui dire que t'es un bon coup, je peux.

 

Oui, Alison Carter. Qui est le type pour qui tu fais tout ça ?

Car si elle ne voulait pas aller plus loin avec lui, c'était qu'il y en avait un autre. Non ?

Dis-nous qui.

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Sasha expira un soupir, ses épaules semblèrent s'affasser. Elle savait pas mieux. C'était sûr qu'il venait de tout gâcher, en même temps. A peine s'était-il mis en colère qu'il le regrettait aussitôt. Le regard sombre, il se tourna vers l'établi. Ses doigts jouèrent pensivement avec une bille d'engrais. Il la faisait rouler sous son index. Dans un sens, dans l'autre, en l'observant sans la voir, la mine déconfite.

Il n'avait pas eu un coup d'oeil pour les fleurs et il haussa les épaules. Clairement, les orchidées étaient le cadet de ses soucis. Alison les aimait et il aurait pu en prendre soin juste pour cette raison-là, mais à quoi servait d'être loyal à Alison si elle décidait de rompre le deal ? Il lui jeta un regard vexé.

 

- J'raconterai jamais un truc pareil à Charlie, rétorqua-t-il sombrement, sur la défensive. En même temps moi j'l'aurais jamais giflée non plus.

 

Il avait parlé tout bas, comme à lui-même, incertain qu'elle eût pu ou non entendre ce dernier commentaire.

 

Se raccrocher à l'image de la petite fille aux cheveux sauvages l'apaisait au moins un peu. S'il n'avait aucune idée de ce qui se tramait chez les Carter, il sentait que la tension entre les deux soeurs ne datait clairement pas de la sortie de Charlie dans la Forêt Interdite. Ce qui voulait dire qu'elles avaient leurs propres histoires, desquelles il restait étranger. Comme une peluche neutre, témoin privilégié sur une étagère des disputes familiales. Paradoxalement, cette faille qu'il percevait était comme une preuve que, tout sauvage qu'il était, Alison ne pouvait pas l'empêcher de voir Charlie à l'occasion : parce que parfaite, elle ne l'était pas. Alors comment aurait-elle pu interdire cela au prétexte que lui ne correspondait pas à l'idéal qu'elle se faisait d'une fréquentation pour elle ou pour Charlie ?

Sasha étira ses lèvres en une moue lasse, abandonna la bille sur le plan de travail en la faisant rouler une dernière fois, un peu plus loin. La bille percuta un pot encore intact avant de s'immobiliser, et le garçon releva les yeux.

 

- Si je m'assure qu'ils y croient, sans que t'aies rien à faire. Ca fonctionne ou ça fonctionne pas ?

 

Ses yeux étaient redevenus neutres. Malgré la chaleur qui gardait ses joues rouges et la lisière de ses cheveux vaguement suintante, la colère ne semblait plus l'animer. Ses jambes lui semblaient engourdies, et il demeurait dans son corps un vague écho de la convoitise que lui avait inspiré la proximité du corps féminin d'Alison.

 

Ce serait probablement sa dernière proposition. Il n'avait plus d'autres cartes en main. N'avait-il pas déjà assez supplié ?

 

- Si tu veux tu peux réfléchir. Je peux m'en aller, si tu préfères ça, et tu me dis plus tard.

 

Il ne savait, lui, où il irait. Peut-être se perdre aléatoirement vers le fond du parc, puis la forêt. Guetter les crapaux un à un au bord du ruisseau, en espérant que l'un d'entre eux lui rappelât quelque chose. Alors il pourrait aller voir Charlie pour lui montrer sa trouvaille.

 

Histoire de rencontrer quelqu'un qui serait content de le voir, pour une fois.

 

Comme elle tardait à répondre, il prit de lui-même la direction de la sortie. Mais une fois la poignée sur la porte, il jeta un coup d'oeil en arrière.

 

- J'fais pas ça aux filles. J'ai dit ça comme ça.

 

Une vague de fraîcheur s'engouffra dans la serre lorsqu'il ouvrit la porte.

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Sasha Shevchen

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Dans les couloirs, Mardi 31 Octobre 2124

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Langage cru

- Mais j'ai rien fait ! rétorqua vertement le Gryffondor, même si plus il le martelait, plus il se sentait coupable. Et toi c'est les points qui t'inquiètent là maintenant, sérieusement ? MAIS NAN elle est pas morte !

 

Déjà qu'il n'avait pas une grande estime de certaines des filles de la Brochette, Sasha décréta cette fois intérieurement qu'il s'agissait de la pire sorte d'élèves du château - peut-être même après les russes, c'est pour dire.

 

- Je lui ai RIEN donné, gronda-t-il encore en se redressant, emportant avec lui le corps d'Alison dans un mouvement de recul - mais il décida bientôt d'ignorer la baguette de Gwen pointée sur lui.

 

Malgré tout, il décida d'obéir. Peut-être plus pour prouver aux deux autres que lui pouvait parfaitement la soulever, mince ou pas. Sasha eut quand même un grognement en se remettant sur ses jambes. Il avait passé un bras sous les genoux d'Alison pour la soulever et suivit sans un mot les deux Serpentards. Ils réussirent à dénicher une petite pièce qui, vu le décor, avait dû être plusieurs fois occupé par des élèves en vadrouille clandestine au vu des mégots et autres fioles qui traînaient au sol. Gwen avait utilisé un sortilège pour allumer quelques bougies, qui jetaient sur l'endroit des lueurs tremblotantes, vaguement inquiétantes. Sasha jeta un coup d'oeil derrière lui, mais les couloirs assombris restaient désespérément silencieux.

 

Sasha obéit une nouvelle fois ; mais au lieu de déposer Alison simplement, il s'assit avec, la gardant contre lui en laissant les jambes nues de la Serpentard reposer sur le reste de la banquette - il avait suffisamment connu des situations dangereuses pour savoir que garder un otage avec soi était toujours sage quand on n'avait pas l'avantage numérique. Gwen gardait tendue sa baguette vers lui, pas encore consciente qu'il lui serait difficile de lancer le moindre sortilège sans risquer de toucher Alison. Il régnait une odeur de tabac froid, peu agréable, et le Gryffondor regardait les deux Serpentards qui lui faisaient face, tour à tour. Le garçon sembla réfléchir un instant - ses yeux coulèrent sur les jambes d'Alison, dont les genoux blancs, sans conscience, gisaient vaguement écartés. Sasha les rassembla d'une main, sans quitter des yeux le Serpentard.

 

- Finis ce que t'avais commencé, il dit.

- Quoi donc ?

- Défais-lui la robe.

- Je vois pas trop à quoi...

- Il faut qu'on vérifie qu'il lui a rien fait, coupa le Serpentard vertement. Tu peux lui faire confiance toi ?!

- Nan, nan, minauda Gwen timidement.

 

Sasha refusa d'un mouvement de tête négatif gardant ses mains sur le corps d'Alison. Le silence se tendit. Le serpentard sourit.

 

- Regarde, il veut la garder pour lui. Dommage qu'on n'a pas de quoi faire une photo pour prouver à tout le monde.

- On a nos souvenirs ! fit Gwen. On pourra toujours les extraire. Ca se fait.

- Bien vu, fit le garçon, même s'il ne connaissait pas le sortilège pour récolter sa propre mémoire, et son sourire s'élargit. Soit tu la déshabilles, Shevchen, soit Gwen te raccompagne à ton dortoir. Dans les deux cas, on a des souvenirs de toi avec elle inconsciente sur les genoux, et on pourra les partager aux profs pour t'accuser si t'obéis pas. Tu pourras rien nier.

 

Sasha serra les poings et les mâchoires, un moment paralysé. Il tourna son regard vers Gwen.

 

- Le laisse pas faire, c'est lui qui veut en profiter !

- Moi ?! s'offusqua l'autre. J'suis de sa maison !

 

Mais Gwen avait tourné vers lui un regard incertain. Le serpentard afficha une moue dépitée en retour.

 

- Tu vas quand même pas croire ce qu'il dit ! Alison est le genre de fille qui suce sur demande, elle attend que ça, tous les mecs le disent et tu l'sais très bien, j'vois pas pourquoi j'aurais besoin de profiter d'elle quand elle est inconsciente s'il m'avait suffi de lui demander dans les toilettes !

- Quoi ?!

- Ben oui Shevchen, y'a des gens qu'ont pas besoin d'empoisonner les filles pour pouvoir les tripoter ! T'sais quand t'es un mec propre les filles sont naturellement d'accord pour s'laisser sauter !

- Connard !

 

Tout se passa très vite. Sasha s'était levé brutalement, laissant glisser Alison sur le sofa mollement tandis qu'il se jetait sur le Serpentard. Gwen s'était mise à émettre des petits bruits paniqués, n'osant d'abord pas intervenir.

 

- Ah ! A-Arrêtez ! fit-elle en agitant sa baguette sans sortilège, comme une menace inutile.

 

Les deux garçons ne la regardaient pas : Sasha avait fait basculer le Serpentard au sol dans un crissement de fioles écrasées, et celui-ci avait perdu sa baguette tombée par terre, insuffisamment réactif pour s'en servir. Il tâcha de se défendre avec ses pieds et poings, mais en vain - le poids du Gryffondor empêchait tout coup puissant tandis que Sasha écrasa son poing large sur la pommette du garçon, lui arrachant un cri de douleur - tirant Gwen hors de sa torpeur.

 

- Stupéfix ! cria-t-elle.

 

Le sort frappa le dos de l'ukrainien - il fut projeté contre le mur avec une grimace de colère et de confusion. Le Serpentard se hâta de se libérer en gémissant, et Gwen se précipita sur lui pour l'aider à se relever.

 

- Oh my God, Lucian, ça va ?! Tu as mal ?

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Bibliothèque, Mercredi 27 Septembre 2124

Tu réfléchis trop.

 

Sasha fronça les sourcils, mais tâcha de balancer ses bras en rythme en refaisant les pas indiqués, l'esprit un peu perturbé.

 

Tu réfléchis trop, c'était ce qu'on lui disait lorsqu'il peinait à prendre sa forme animale. Avec le temps, le processus était devenu parfaitement naturel : il se remémorait les sensations d'être félin et aussitôt, son corps suivait son esprit pour prendre cette forme animale. Mais les premiers jours après avoir réussi tout le procédé pour devenir animagus, les transformations, en plus d'être douloureuses, n'étaient pas aussi fluides : il pensait à l'animal, serrait les poings et tendait son corps pour encaisser la soufffrance induite, mais rien ne se produisait la plupart du temps. Il lui avait fallu du temps avant d'accepter de ne pas contrôler parfaitement le processus, de laisser faire quelque chose en lui de plus spontané, plus instinctif.

Ce devait être pareil avec la musique, supposa-t-il donc, mais ce constat ne lui permit néanmoins pas de devenir instantanément un bon danseur. Il soupira, jeta un oeil circonspect vers le vieil homme que semblait être le bibliothécaire.

 

  • - Peut-être, admit Sasha du bout des lèvres, peu désireux de prendre un engagement ferme pour avoir d'autres leçons de danse - et en même temps, mieux valait s'infliger ça et ne pas ressembler à un épouvantail le fameux jour de la représentation.

 

Quelques pas supplémentaires, et la démarche de Sasha devenait plus naturelle. Pas encore le rythme dans la peau - ce serait sûrement difficile d'obtenir cela de lui, mais c'était au moins un peu plus acceptable. Le garçon accueillit avec soulagement la fin de l'exercice. Il opina positivement du chef pour accepter le jus de citrouille, se rendant compte qu'il avait soif, soudain. Il avait en effet transpiré - moins à cause de l'intensité de l'intensité de l'exercice qu'à cause de sa nervosité de réaliser des mouvements qui lui étaient si inconnus.

Sasha s'empara du verre pour le boire presque d'un trait, puis le reposa aussitôt en arrondissant soudain ses yeux devant le sourire malicieux du bibliothécaire. Le garçon eut un sourire gêné, pris de court, et passa d'un pied sur l'autre - comme s'il devait lui-même faire un effort pour passer d'une langue à l'autre. Il haussa les épaules, indécis.

 

  • - Як сказала б мені моя мама, "якщо у вас ще є чоботи, значить, ви не зовсім голі на снігу", il ironisa, avant de secouer la tête. Це вислів з нашої країни, це означає, що ми завжди могли скаржитися на гірше. (Comme ma mère m'aurait dit, "si t'as encore tes bottes, c'est que t'es pas tout nu dans la neige". C'est une expression de chez nous, ça veut dire qu'on pourrait toujours se plaindre de pire.)

 

Il reposa le verre près du pichet : celui-ci s'activa aussitôt pour lui servir un deuxième verre, que Sasha accueillait volontiers. Il fit tourner le liquide orange dans le contenant, comme pour en observer la surface mousseuse, pour s'occuper les mains plus qu'autre chose.

 

  • - Англійці рідко розмовляють моєю мовою, il reprit. Як ви про це дізналися ? (C'est rare les anglais qui parlent ma langue. Comment ça se fait que vous l'avez apprise ?)

 

Un instant, il se tendit, releva les yeux vivement vers le visage de Bartholomew, qui devenait pourtant peu à peu familier.

 

  • - У вас російська сім'я ? (Vous avez de la famille russe ?)

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Dans les couloirs, Mardi 31 Octobre 2124

Sasha mit un moment à réussir à sortir de la torpeur que le sortilège avait abattu sur lui. Il roula sur les fesses, les lueurs des bougies dansant dans ses cheveux châtains quand il secoua la tête pour essayer de reprendre conscience, après quoi il réserva à Gwen un regard mauvais pour toute réponse à la menace qu'elle proférait. Au moins, une chose était sûre : la Serpentard était finalement capable de passer à l'acte, et ragaillardie par le succès de son sortilège, et le fait qu'elle était désormais la seule qui pouvait physiquement tenir la route, elle avait pris une mine supérieure ; le menton haut, le regard couvant les uns et les autres tour à tour comme si elle était en contrôle de la situation. Sasha émit un sifflement entre ses dents en secouant la tête.

 

Pendant ce temps, Alison avait repris ses couleurs d'automne : son visage disparaissait à demi derrière de grosses mèches qui ondulaient de façon désordonnée - bien loin de la coupe raide et propre qu'elle arborait d'habitude. Sasha croisa son regard, mais il le fuit en même temps qu'elle. Lucian avait essayé d'attraper le bras de la jeune fille, ravivant subitement l'énergie du Gryffondor qui se remit sur ses pieds à son tour.

 

- Putain mais lâche-la, malenʹke layno ! s'énerva-t-il, non sans ressentir une pointe de satisfaction de voir qu'Alison ne faisait pas plus confiance à Lucian qu'à lui-même.

 

Ce dernier jeta un regard noir vers Sasha.

 

- Qu'est-ce t'as dit là ? Ca veut dire quoi ton truc ?

- Rien, éluda l'ukrainien, avant de désigner Alison du menton, à l'attention de Gwen. Il faut qu'tu la soutiennes, elle peut reperdre connaissance à tout moment.

- Parce que t'es médicomage maintenant ?

 

Gwen leva les yeux au ciel avant de lâcher un soupir en direction des deux garçons.

 

- Vous êtes chiants, là, les mecs. On va chacun rentrer à nos dortoirs. Ali tu viens avec nous, et toi là, tu retournes dans ta tour, t'avises pas de nous suivre.

- Non.

 

Gwen avait fait un pas vers Alison mais elle s'interrompit.

 

- Quoi, non ?

- J'la laisse pas rentrer avec ce porc.

- Parce que c'est moi l'animal ?

- Mais ta gueule avec ça !

 

Lucian allait pourtant rétorquer, mais sa bouche s'ouvrit sur un silence qui les glaça tous : un bruit était venu des couloirs - comme un cliquetis aigu. Ils se figèrent, les yeux ronds. Gwen et Lucian se consultèrent du regard, et la fille agita rapidement sa baguette avec un murmure : aussitôt toutes les bougies furent soufflées, et ils se retrouvèrent dans une obscurité chargée de l'odeur douceâtre du souffre.

 

- Ca doit être le concierge.

- Ou un fantôme.

- Anh la la, si jamais c'est... Une créature qui ne devrait pas être ici ?

- Arrête Gwen. C'est sûrement un préfet ou le concierge. S'il nous trouve on dit qu'on est venus chercher Alison et qu'on a eu peur de lui. Je vais pas perdre des points pour ce connard.

 

Sasha, lui, n'écoutait déjà plus. Il s'était glissé vers l'angle du couloir, pour jeter un coup d'oeil, mais il n'y vit goutte - la nuit était devenue trop épaisse. Sous sa forme animale, il aurait pu, mais... La proximité des Serpentard rendait l'opération trop risquée. Il s'engouffra de nouveau dans l'espace restreint qui accueillait les élèves - mais il percuta Gwen de plein fouet.

 

- Aouh ! Mais qu'est-ce tu f... Il essaie de m'agresser ! Lucian il es-saie... !

- Mais arrête putain, grogna Sasha en levant les paumes, pour montrer - inutilement vu qu'on ne le voyait pas - qu'il ne faisait rien du tout. J't'ai pas vue c'est tout !

- Chut ! les reprit Lucian. On avance !

 

Sasha s'écarta juste à temps pour les laisser passer. Gwen avait attrapé le poignet d'Alison et il la sentit passer devant lui plus qu'il ne la vit. Shampooing, sueur, parfum. Signature. Lucian leur emboîta le pas et Sasha suivit.

Après quelques pas dans le couloir, ils purent discerner les contours de quelques fenêtres, que la nuit éclairait pauvrement - et de nouveau, le cliquetis se fit entendre, plus proche. Ils se figèrent tous de nouveau : qui que ce fut, créature ou humain, quelqu'un se rapprochait, exactement dans cette direction. Il y eut des murmures confus comme Gwen faisait demi-tour, percutant Lucian et Sasha, emportant toujours Alison avec elle.

 

- Où tu vas ?! chuchota Sasha à Gwen. C'est bouché par là !

- On va trouver un autre chemin.

- Mais pas par là, tu vas nous foutre dans une impasse et...

- Shht !

 

Gwen, tremblante, s'élança dans un couloir voisin. Tandis que Lucian percutait maintenant Alison.

 

- Ali avance ! Ali ?

 

Pas de réponse. Sasha s'alarma - voyant vaguement la silhouette découpée dans l'obscurité de la Serpentard qui s'amollisait contre Lucian. Sasha la rattrapa brusquement pour l'arracher au garçon qui battit l'air des mains, ne comprenant pas ce qu'il se passait.

 

- Vous allez nous faire repérer ! s'énerva Gwen quelques pas plus loin. C'est encore Ali qui veut pas bouger ?

- Elle ... Elle a disparu, fit bêtement Lucian qui la cherchait en tendant les bras à l'aveugle autour de lui.

 

Sasha avait reculé de plusieurs pas, l'emportant avec lui. Elle était à demi-consciente, supposa-t-il, alors il la plaqua dos contre un mur.

 

- Fais-moi confiance. J't'en prie fais-moi confiance, lui chuchota-t-il avant de la lâcher.

 

Alison glissa contre le mur. Avec un réflexe à demi-inconscient, elle tendit les mains vers le sol - chuta sur une grosse masse velue qui s'ébranla aussitôt au petit trot.

Derrière eux, les Serpentard paniquaient avec force de murmures indignés.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Grande Salle, Vendredi 15 Décembre 2124

Un mois et demi s'était écoulé plus vite que Sasha ne s'y était attendu : entre les cours de 5ème année qu'il essayait de rattraper - péniblement - et ceux qu'il devait suivre en sixième année, et des nuits écourtées par des escapades nocturnes qui étaient devenues incontournables, Sasha occupait ses rares temps libres en trois activités essentielles : manger, dormir et... danser.

Contre toute attente, être guidé par Bartholomew Beckett avait rendu la première épreuve plus facile qu'il ne s'y était attendu, et la perspective du bal de Noël avait rendu à Sasha le goût d'atteindre un objectif : s'il devait se retrouver habillé comme un pingouin pour danser en guise de punition infligée pour avoir quelques fois abimé les beaux visages des Serpentards, autant qu'il ne se ridiculisât pas et dansât correctement. Alors, il s'était investi. Bouger sans trop réfléchir, c'était finalement quelque chose d'accessible. Il avait bientôt découvert que les autres danseurs du groupe, pour certains, n'étaient pas bien plus assurés que lui - et même, qu'au beaucoup d'un certain temps, il appréciait certaines répétitions : les mouvements simultanés réussis, la légèreté de la musique qui faisait oublier certains soucis, et l'humour sans cesse renouvelé des deux aînés qui menaient le cours de danse faisaient finalement une expérience hors du temps, légère, comme si ni la guerre, ni Poudlard, ni ces élèves qui le trouvaient pauvres ou sauvages n'avaient existé.

 

Il n'en restait pas moins que le jour du bal, il s'était senti nerveux comme à son tout premier jour d'école quand sa mère avait dû le pousser en avant pour qu'il suivît le troupeau d'enfants. Howard et Bartholomew avaient fait en sorte qu'ils aient chacun un costume qui leur allât correctement - aussi, au lieu de se retrouver en robe de soirée - tenue qu'il ne possédait pas de toute façon - s'était-il retrouvé engoncé dans une chemise blanche et une veste noire, avec un noeud papillon qui lui serrait le cou. Sa tête avec ses joues rougies et ses cheveux en bataille qui sortaient de ce costume lui paraissaient, dans le miroir, tout à fait déplacés et inappropriés, aussi avait-il essayé de mettre de l'ordre avec ses doigts dans ses mèches - sans grand succès : des épis se redressaient toujours automatiquement sur son crâne.

 

 

A cause de l'ouverture du bal, à laquelle il participait avec la fameuse carioca, Sasha fut à l'avance dans la Grande Salle, et passa de longues minutes ébahi devant les décors grandioses de l'école : si Poudlard l'avait impressionné lors d'Halloween, les décorations de Noël étaient plus sensationnelles encore, et la variété des mets battaient tous les records de ce qu'il avait jamais pu rêver dans ses périodes les plus affamées. Pourtant, une fois n'était pas coutume : Sasha n'avait pas faim. Son estomac lui donnait l'impression d'avoir avalé un boule de bowling au déjeuner sans avoir pu la digérer depuis. Alors il restait planté là, un jus de citrouille à la main, à côté d'une certaine Lina - troisième année, dans le groupe de danse, qui n'arrêtait pas de tirer sur sa robe en demandant à sa voisine si elle n'était pas trop courte.

Les élèves affluaient peu à peu. Pour Sasha, les filles étaient toutes belles : c'était un arc-en-ciel de robes et de chevelures, de parfums et de peau dévoilée qui lui aurait donné l'envie de les renifler l'une après l'autre s'il en avait eu le loisir - plus que jamais il aurait voulu que son animal d'animagus fut un chat pour pouvoir se promener entre elles et recueillir les caresses des unes et des autres - mais la panthère aurait fait fuir tout le monde, aussi chassa-t-il cette drôle d'idée de son esprit.

De toute façon, Alison était arrivée : à peine aperçut-il sa chevelure flamboyante qu'il détourna le regard, comme si cela aurait pu trahir quelque chose de lui-même.

 

 

Quelques instants plus tard, les lumières de la Grande Salle changèrent. Les arbres de Noël s'assombrirent, et des projecteurs illuminèrent le centre de la pièce. Bartholomew, puis Howard, ouvrirent le bal sous des applaudissements tonitruants. Et puis, c'était au tour de Lina et d'Alicia de les rejoindre. Quentin, Erik et Miles suivirent. Et alors, ce fut au tour de Sasha.

 

 

Ne pas réfléchir. Le corps sait mieux que l'esprit. C'était vrai pour la panthère, c'était vrai aussi pour la danse.

 

 

Il ne vit pas la foule : ses repères étaient les autres danseurs, le poids de son pas, l'air qui filait entre ses doigts, ses muscles qui réagissaient d'eux-mêmes, en rythme - à peu près. Sasha ne serait jamais le danseur parfait et léger qu'étaient les deux hommes aux cheveux gris qui semblaient tant dans leur élément, mais il croisa le regard de Lina qu'il devait soulever à la fin de la danse : elle s'était retournée vers lui, le regard plein de détresse et d'espoir, alors pour la rassurer, il lui sourit. Elle répondit d'un sourire et courut se jeter dans ses bras, comme le firent les autres filles avec leur porteur, et il la souleva pour la figure finale.

 

 

Tonnerre d'applaudissements. Sueur qui dégoulinait sous la chemise. Lumières aveuglantes. La main de Lina dans la sienne tandis qu'il saluait la foule en se penchant en avant avec les autres.

 

 

Et puis la musique et les lumières changèrent de nouveau, enchanteresses, pour illuminer la salle. Sasha fuit du regard tous ces élèves qui le regardaient, pour battre en retraite au milieu des autres danseurs, dans le fond de la pièce. Il entendit à peine, le coeur battant, les félicitations des adultes, et rendit seulement une bourrade de Miles qui clamait qu'ils avaient fait leur meilleure prestation : Sasha sentait ses genoux sauter sous son pantalon, et prétexta avoir besoin de boire pour s'éclipser vers les grandes tables chargées de mets et de boissons.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Boutique OCQ, Samedi 16 Décembre 2124

- Ah, fit-il, la voix légèrement déçue.

 

Sasha s'en retourna au sac de Vifs d'Or, en resserra la fermeture pour éviter d'en perdre un autre. Il s'accroupit pour observer ce qu'il y avait au bas de l'étagère, pour y trouver des affiches enroulées sur elle-même. Probablement les versions miniatures de celles qui étaient exposées à côté du comptoir, dont les protagonistes baillaient en attendant d'avoir un public digne de ce nom avant d'enfourcher leur balai et faire leur numéro impressionnant.

 

- Heu, ouais, ouais.

 

Chez toi. Bon, elle avait donc deviné. Il ne servait à rien de se cacher. Et chez lui, il s'était intéressé au Quidditch, en effet. Comme tous les gamins sorciers, probablement. Mais alors qu'accroupi, il s'intéressait à la grosse malle remplie de morceaux de cuir - une étiquette indiquait : Enchanté pour une meilleure prise du manche. Prix et fixation sur votre balai à déterminer en fonction de la taille et du modèle - il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule pour observer la gérante.

 

- Hum... Carter comme vous ? demanda-t-il d'une petite voix.

 

L'envie de donner une image de valeur à la jeune femme se disputait à la nécessité d'être honnête. Sa mère n'aimait pas qu'il mentît, et il ne savait pas pourquoi il pensait à elle subitement. Peut-être parce que Freya avait cette autorité naturelle malgré sa gentillesse, qui lui rappelait un peu les manières de sa propre famille.

Alors il finit par secouer le nez de gauche à droite.

 

- Désolé. Mais je me renseignerai. Chez moi la star, c'est Yuriy Zaitsev. Vous connaissez ? On l'appelle la... Tornade, en anglais je crois. Il joue dans l'équipe nationale bulgare, mais c'est un ukrainien à l'origine !

 

Il n'avait pas pu s'empêcher de préciser. Il fallait dire que les joueurs de Quidditch ukrainiens célèbres à l'international étaient aussi rares que des hyppogriffes roses, et l'équipe nationale de son pays faisait figure d'amateurs maladroits lors des rencontres internationales. Sasha baissa la tête sur la grosse malle aux morceaux de cuir. Il se mit à essayer de les regrouper en fonction des tailles et des motifs, mais il y en avait beaucoup et il fronça les sourcils. L'instant suivant, cependant, son visage s'éclaira.

 

- Vous l'avez sûrement déjà vu, c'est celui qui se met des flammes vertes sur la tête à chaque fois qu'il attrape un Vif d'Or !

 

Le monde du Quidditch était aussi un monde de spectacle. Sasha se souvenait des soirées à commenter les résultats de la gazette sportive à laquelle était abonné son voisin sorcier du village, Bohdan, sur lesquelles de grandes images représentaient les joueurs en pleine action. Ils lisaient à voix haute des paragraphes entiers des descriptions, en particulier quand Yuriy mettait fin à un match de façon toujours spectaculaire. Alors Bohdan montait sur son lit en imitant l'action, clamant qu'il serait lui aussi un jour un joueur professionnel, et Sasha riait aux éclats parce que Bohdan avait le vertige dès qu'ils montaient pour marcher en funambule sur les barrières avec lesquelles les moldus enfermaient leurs vaches.

 

- J'connais pas trop mal les équipes roumaines, polonaises et turques. Mais j'ai quand même quelques notions des autres équipes avec le dernier championnat du monde il y a deux ans.

 

Ca, c'était quand il était dans son tout premier camp sur le terrain des Veilleurs de l'Aube, avec d'autres jeunes comme lui, qui ne trouvaient pas le sommeil une fois tassés dans leurs tentes savamment masquées dans le paysage. Jusque tard dans la nuit, laissés seuls avec les perspectives terrifiantes du lendemain, ils s'occupaient en discutant à bâtons rompus des résultats des matchs. Finalement, deux de ses camarades de fortune avaient fini par se fâcher au sujet de ce qu'il fallait ou non soutenir la Lettonie plutôt que l'Irlande, et le sujet du Quidditch avait été évité pour les jours suivants.

Finalement, c'était peut-être dommage que les matchs de Poudlard fussent annulés cette année ; peut-être que cela lui aurait mis du baume au coeur. Ou pas. Il haussa les épaules comme pour lui-même, et continua à organiser les cuirs pour occuper ses mains un peu fébriles.

 

- Ils viennent à quelle heure, vos employés ?

 

Sasha jeta un coup d'oeil vers la porte, vaguement inquiet soudain de voir débarquer d'autres élèves de Poudlard qui travailleraient déjà ici. Peut-être que bien d'autres élèves plus mordus de Quidditch que lui s'étaient présentés des semaines plus tôt. C'était clair qu'ils étaleraient alors leur science et qu'on verrait que lui n'avait qu'une connaissance superficielle. Et si c'était pour vivre ici les mêmes regards qu'il avait à Poudlard...

Il baissa les yeux vers le travail qu'on ne lui avait pas donné, silencieux subitement.