Basil resserre un peu son écharpe, geste machinal qui ne répond à aucun vrai besoin. Le vent est léger, l’air presque doux, mais le tissu autour de son cou lui donne une impression de contenance. Il marche à un rythme calme, l’herbe trempée s’infiltrant dans ses baskets sans qu’il y prête attention. Ses yeux cherchent Amanda parmi les silhouettes rassemblées, mais c’est la voix de Charlie qui le tire de sa concentration. Il s’arrête, relève un peu la tête. Son sourire est timide, sincère. Il a encore du mal à croire qu’elle a su pour son anniversaire. Il ne l’a pas fêté. Il n’en parle jamais. Et pourtant, elle lui a offert ce vieux grimoire transformé en planque à photos. Il ne sait pas comment elle a deviné, ni comment il pourra lui rendre la pareille sans que ça paraisse fade.
- Salut Charlie, répond-il simplement, un sourire sur les lèvres.
À la gratitude s'était additionnée une angoisse étrange : il n'avait aucune idée de la date d'anniversaire de Charlie Carter, et n'osait pas lui demander. Quand elle le taquine sur ses courbatures, il hoche lentement la tête, un amusement planté dans le fond des pupilles :
- J'repousse mes limites, il parait que c'est comme ça qu'on devient plus fort.
Son regard glisse jusqu’à Nikolaï. Il est là, figé comme une statue de marbre, comme toujours. La réponse à sa question est tombée, rude, tranchée. Pas si surprenant quand on y pense. Basil baisse légèrement la tête, mais curieusement, c’est un mince éclat de fierté qui passe dans ses yeux. Nikolaï n'est jamais ni dans la moquerie, ni dans l'encouragement. Il lance des ordres, et s'attend à ce que Basil les applique, parce qu'il croit Basil capable de tout en y mettant assez d'effort.
- Je vois, il se contente de répondre.
Amanda survient alors, et Basil l'accueille d'un sourire elle aussi, son ton joyeux débordant immédiatement d'entre ses lèvres :
- Salut Amanda ! C’est pas tout à fait ce que j’attendais non plus, mais ça a l’air... intéressant.
La voix du professeur Pope fend l’air. Basil écoute, silencieux, attentif. Chaque mot semble pesé. Il y a une forme de solennité dans la façon dont il décrit l’objectif du jour. Transformer pour s’adapter. Changer pour avancer. C’est tout l’inverse de ce que Basil fait d’habitude. Lui, il observe, il capte, il reste en retrait. Il ne change rien. Mais peut-être qu’aujourd’hui, il peut essayer. Il hoche la tête quand son nom est associé à celui d’Amanda, et il échange un regard complice avec elle. L'entrainement à deux, ils connaissent. Elle n'a pas l'intransigeance de Nikolaï, mais elle matche son énergie quand il s'agit de lancer des sorts. Ne se moque jamais de lui s'il échoue bêtement, d'ailleurs.
Puis, tandis que les autres commencent à se préparer, son regard est attiré ailleurs. Nikolaï retire sa chemise avec la même rigueur qu’un soldat en mission. Et ce qu’il dévoile est tout simplement... étrange. Fascinant. Des cercles, des lignes, un motif qu’on dirait vivant, comme gravé par magie. Basil reste figé quelques secondes, la bouche entrouverte. On dirait un vieux rituel de protection ou un sort scellé… Il ne sait pas ce que ça signifie, mais ça ne ressemble certainement pas à un tatouage décoratif. Est-ce que ça a un rapport avec la guerre dont il a été extirpé ? Osera t-il jamais lui poser la question ? La curiosité, vibrante, le voit observer son camarade un peu trop longtemps avant qu'il ne détourne enfin les yeux.
- Hum. Est-ce que... tu veux y aller en première ? Ou je commence ? demande-t-il simplement, en sortant sa baguette.
Il respire un bon coup. L’incantation lui est familière en théorie, mais ça reste délicat. Il vise le cou d’Amanda avec précision, et prononce doucement :
- Branchia Ventosa !
Des branchies ? Non. Amanda se retrouve avec une corne de narval qui lui pousse au milieu du front. Basil hausse les sourcils en l'observant avec de grands yeux :
- Oh. Wah. Je heu... Professeur ?