Tes doigts se figent autour de ta tasse quand il sort cet appareil. Pas un bête appareil photo de touriste moldu qu’on achète au Chemin de Traverse avant de partir en vacances, non. Un truc vivant, avec ses rouages dorés qui bougent tous seuls, ses cliquetis précis, son objectif qui tourne comme un œil qui cherche une proie. T’en oublies de boire, carrément scotché à le regarder faire, à voir l’appareil se poser, se déplier, s’animer comme un animal docile dans ses mains.
Puis il sort ses photos. Et là, t’es plus qu’ahuri. T’es bluffé.
Tu les attrapes délicatement quand il te les tend, tes doigts se posant sur les bords pour ne pas les tacher. T’en prends une, puis une autre, les observant longuement, une ride de concentration entre tes sourcils. Pas un mot ne sort tout de suite, parce que même toi, t’es pas assez con pour balancer une blague dans un moment pareil.
Un piaf en plein vol, les ailes ouvertes, prêt à se poser. Un rayon de lumière qui éclaire la poussière dans l’air, dessinant des formes que tu pourrais fixer pendant des heures sans te lasser. Une vue du château avec le ciel qui s’étale derrière, si grand qu’on dirait qu’il pourrait tout avaler. Ça t’attrape quelque part dans le ventre, sans que tu saches vraiment pourquoi.
Tu relèves les yeux vers lui, et tu réalises qu’il te regarde, un peu nerveux, comme s’il regrettait déjà de t’avoir montré tout ça.
— Putain…
Tu poses les photos sur la table avec précaution, le regard fixé sur lui, sincère.
— Basil, c’est… c’est vraiment incroyable. J’veux dire, t’as capté un truc, là.
T’indiques le rayon de lumière du bout du doigt, hochant la tête.
— C’est pas juste une photo, c’est genre… on dirait que le temps s’est arrêté. Comment t’as fait pour avoir ça ?
Ton attention se reporte sur le Mekapteur, tes yeux pétillent d’une curiosité brute.
— Et ce truc… comment il marche ? Il bouge tout seul, sérieux ? T’as enchanté le truc toi-même ou c’est un modèle spécial ? C’est de la magie ou de la mécanique ?
Tes questions sortent sans filtre, tellement le truc t’intrigue.
— Franchement, j’crois que t’as trouvé ton truc. C’est mille fois mieux que de risquer ta peau sur un balai.
Tu reprends ta tasse, bois une gorgée pour calmer l’excitation qui monte. Puis, un sourire en coin, tu hausses les épaules.
— Moi ?
Tu fais mine de réfléchir, la tasse levée, avant de la reposer.
— J’sais pas si ça compte vraiment, mais j’bricole des trucs. Des gadgets, des serrures, des pièges, ce genre de trucs. Et je me débrouille pas trop mal pour fouiner où faut pas, même si ça tourne pas toujours bien…
Tu le fixes, amusé.
— Genre, ouais, en dehors des braquages de bonbons, j’passe mon temps à chercher des conneries à démonter ou des salles à explorer.
Puis tu te penches légèrement vers lui, posant ton coude sur la table.
— Mais j’te jure, j’crois que t’es le premier que je vois qui est capable de montrer le temps qui s’arrête. Ça, c’est fort.