Les sœurs Carter ont très tôt partagé leur enfance entre la boutique et l'appartement, ce dernier situé au-dessus du magasin installé dans la rue principale de Pré-Au-Lard depuis la naissance de Freya. Être bébé derrière le comptoir force à une sociabilité précoce, acquise au fil des rencontres avec les clients toujours nombreux, et souvent intrusifs. Chacune à sa manière, les filles d'Owen ont développé le goût d'aller vers l'autre, d'apprendre à connaître les gens.
Ce soir, Alison se prend à son propre jeu du date de St Valentin, et oublie la gelée verte qui engluait ses cheveux une heure auparavant. Pas qu'elle envisage sérieusement Ferguson, mais elle apprécie curieusement d'en savoir plus sur lui, au-delà des interactions de classe, et de ses nombreuses provocations.
La rouquine croise le regard attentif du Poufsouffle et sourit en retour à son expression bête, flattée malgré-elle d'être capable de fumer sans tousser, aussi débile soit la performance. Elle porte encore le joint à ses lèvres en espérant secrètement commencer bientôt à ressentir les premiers effets de l'herbe- autant y aller carrément. Un peu anxieuse d'entendre l'opinion de Ferguson sur elle, Alison le fixe avec insistance en soufflant un nuage moins dense que les siens.
Puis la sentence tombe, et elle acquiesce, même surprise du sérieux dont il fait preuve. Mh-mh, se contente d'abord de commenter la sorcière en lui rendant son cône de papier à moitié consumé. Une fossette s'installe au coin de sa bouche, qui se transforme en un bref rire quand son camarade de classe joue des sourcils. Oui tu m'fais marrer, répète-t-elle sans quitter son sourire, obligée de mordre l'intérieur de ses joues pour retrouver un semblant de réflexion. C'était quoi la question ? L'adolescente inspire un peu d'air frais en tournant la tête, les jambes à nouveau pliées l'une contre l'autre- elle a froid.
— J'pense que ça t'arrange qu'on croit que t'es un branleur. Comme ça, on t'en demande pas trop, tu vois ? Ses cils papillonnent en direction du cinquième année. Elle sait que Sam porte sur lui un regard différent des airs qu'il se donne. T'as sûrement peur qu'on te sollicite, tu préfères rester tranquille et déconner plutôt que d'affronter le côté sérieux des choses. Du coup, ouais, t'es drôle. Mais ça va deux secondes d'être le con-drôle, t'auras bien envie qu'on change d'avis un jour, nan ? Alison rassemble ses lèvres du bout des doigts pour les essuyer et ôter son gloss à moitié enlevé par le joint. Elle sent vaguement sa langue pâteuse. Elle a soif, et continue d'observer les réactions de Gus en ressassant ses derniers mots. C'est marrant, j'pensais qu't'allais dire que j'suis superficielle. Les gens pensent que j'suis superficielle- qu'elle manque de valeurs, qu'elle ne s'intéresse qu'aux apparences.
Peu importe, la rousse se lève et retire sa cape pour mieux enfiler la veste de Ferguson.
— On fait quoi après ? Ah ouais, on vole de l'alcool aux cuisines ? Occupée à retirer ses cheveux pris sous le col de la veste d'un geste familier, la jeune femme jette un œil au cinquième année. On aurait pu en avoir chez moi, au village, signale-t-elle en fermant quelques boutons. Ma sœur doit être toute seule ce soir, ça m'étonnerait qu'on l'ait invitée pour la Saint Valentin. Comme chaque joueur de Quidditch à Poudlard, Gus connaît OCQ, et s'est déjà trouvé plusieurs fois face à Freya, ne serait-ce qu'à l'école où elle passe entretenir le matériel régulièrement.
Alison recouvre la veste avec sa cape chaude avant d'approcher du brun et de s'asseoir de profil sur ses cuisses en ignorant son air ahuri. On lui aurait fait croire qu'on sort ensemble, elle aurait rien compris. Elle rit et saisit la fin du joint sans quitter les genoux du Poufsouffle.
— T'es confortable, remarque-t-elle avant d'aspirer lentement le cône devenu si minuscule qu'elle craint de le lâcher. Un simple regard à la taille des mégots abandonnés au sol lui indique que c'est la fin. La cadette Carter laisse tomber le bout de papier avec les autres et tourne son visage vers celui de Ferguson. Elle touche ses cheveux en souriant. T'as mis du gel, c'est mignon. Mais le froid continue de la faire frissonner et l'étudiante se redresse, impatiente de rentrer à l'abri des brises hivernales. Debout, elle sent un léger vertige l'envahir. On rentre au château ?