Alors que mon frère s'éloigne pour retrouver son sérieux et son professionnel, je vois des bouilles bien connues s'approcher dans ma direction.
Ma soeur Nahid est bel et bien venue, accompagner de sa marmaille : Victoria, 14 ans, Samir, 10 ans, Devon, 8 ans. Et le tout petit dernier dont on ne connaît pas encore le nom et qui arrondit son ventre de mois en mois -voire de jour en jour. Je n'ai jamais compris la passion qu'elle et son mari porte aux enfants. De nous trois, elle est bien la seule à rêver famille nombreuse et petites têtes blondes -brunes dans son cas- qui courent dans tous les sens. William est trop absorbé par son boulot pour penser enfants et moi... ben pas pratique d'arnaquer les Moldus en paix si je dois rentrer avant telle heure parce que Truc n'a que deux ans et sait pas s'occuper seul et que le co-parent n'en peut plus de tout gérer seul.
Je salue ma soeur, tape un check à Victoria qui fait son ado peu contente d'être entre sa mère et sa tante, ébouriffe les cheveux des deux autres. Nahid m'annonce que son mari Farid n'a pas pu se libérer pour venir. Elle a donc fait le déplacement seule avec les enfants. Secrètement, je me demande si l'utilisation d'un portoloin est réellement recommandé en cas de grossesse. Mais écoutez, elle n'a pas l'air de s'en inquiéter et c'est quand même le quatrième.
Faisant office de famille heureuse, nous rejoignons les gradins où vont se dérouler toutes les festivités.
Samir jubile. Il n'a jamais vu de coupe du monde et proclame que, quand il entrera à Poudlard, évidemment qu'il fera partie de l'équipe de Quidditch de sa maison ! Victoria, en bonne ado, laisse seulement échapper un ricanement avant que sa mère ne la foudroie du regard.
Le spectacle commence, les gens s'excitent, les balais s'envolent en même temps que les balles.
Le match peut commencer.
Samir est à fond. Il a décidé qu'il soutenait les Japonais parce qu'il adore les sushis. Alors il exulte à chaque point marqué, brandissant son poing en l'air d'encouragement.
Je m'amuse de le voir tellement à fond. Pour ma part, je ne soutiens personne en particulier. Mais j'aime l'ambiance. Et le fait d'être en famille.
Le match terminé, Samir répète pour la énième fois que les Japonais ont été top du top et qu'il veut être comme eux plus tard. Nahid lui réplique qu'il a encore le temps de voir venir, s'entraîner et se perfectionner.
-Faudra déjà que tu apprennes à éviter les cognards, glisse Victoria.
Samir lui réplique en lui tirant la langue. Apparemment, c'est la bonne période de l'amour fraternel. Devon, de son côté, n'a peut être pas tout compris mais il sourit béatement. Les sorties un peu exceptionnelles, c'est toujours sympa. Surtout que sa mère lui a promis l'achat de chocogrenouilles sur le retour.
Tout à coup, nous entendons des cris et captons un mouvement de foule.
Instinctivement, Nahid saisit ses enfants pour les rapprocher d'elle et se fige. Je fais de même, sens tout aux aguets. Mes yeux parcourent la foule pour comprendre ce qu'il se passe tandis que les gens semblent vouloir revenir à l'intérieur du stade.
Des personnes nous contournent, certaines courent tandis que nous entendons une annonce du directeur des transports magiques nous incitant à revenir dans le calme vers les gradins où des portoloins nous attendent.
Nahid me lance un regard paniqué plein d'incompréhension.
Je ne peux pas lui en dire plus : je suis tout aussi perdue qu'elle.
J'attrape le bras d'un jeune homme qui fuit en direction du stade :
-Qu'est-ce qu'il se passe ? je demande, pressante.
-Je sais pas, y'a des fous je crois, ils ont attaqué le stade ! me répond-il d'une voix rapide où pointe une forme de panique.
Il n'en dit pas plus et dégage son bras pour se précipiter vers les gradins.
Je regarde ma soeur qui a, elle aussi, entendu les propos de l'homme.
Devon commence à pleurer tandis que Samir et Victoria sont sous le choc.
Il n'est plus temps de réfléchir, il faut agir. Ce n'est pas le moment de jouer les héroïnes. Face à ma soeur enceinte et les trois enfants, je sais que ma priorité est de les mettre en sécurité. Déjà que sans leur présence, je ne suis pas certaine que je serais aller me mêler aux quelques braves gens voulant jouer les héros, alors avec elles, autant dire que l'idée ne me traverse même pas l'esprit.
Je prends une seconde de plus pour sonder la foule, cherchant éventuellement mon frère. Mais dans la cohue, je ne le vois pas. Il est fort à parier qu'il a d'autres chats à fouetter que nous retrouver, même s'il doit se faire un sang d'encre pour nous.
Je saisis Devon que je soulève tandis que ma soeur agrippe les mains de Victoria et Samir. Sans un mot, nous suivons la foule qui fait marche arrière. Nous ne courons pas car le directeur des transports magiques a appelé à se rendre dans le stade dans le calme. Et courir ne résoudrait rien à part bousculer des gens moins vaillants que soi et éventuellement les écraser. Mais il n'est pas facile de ne pas céder à la panique, surtout quand je sens les petites mains de Devon s'agripper fortement à mon col et que je l'entends renifler dans mon oreille.
Nous finissons par retrouver l'enceinte du stade tandis que les employés du Ministère de la Magie commence à condamner et sécuriser les portes.
De nombreuses familles sont réunies. Certaines personnes tremblent, murmurent des propos inaudibles pour elles-mêmes.
Nous trouvons une place sur un gradin. Je dépose Devon, essuie ses larmes d'un revers de manche.
-Ca va aller, je dis doucement, on est en sécurité ici. On va repartir en portoloin.
-Et Tonton William ? demande Devon entre deux hoquets.
-Il est fort, répond Victoria, d'un ton qui, pourtant, laisserait entendre le contraire.
Sautant sur l'occasion, je réplique :
-Elle a raison. Il va s'en sortir. Il n'est pas né celui qui fera plier Tonton William !
Je fais un sourire qui se veut rassurant tandis que Nahid hoche vigoureusement la tête. Je ne sais pas si elle tente de rassurer ses enfants ou elle-même. Sans doute les deux.
Lorsque les portoloins sont proposés par les employés du département des transports magiques, nous sautons sur l'occasion. D'un même geste, nous touchons tous les cinq la vieille botte en caoutchouc qui nous est désignée et nous disparaissons.