L'espace d'une seconde, Sam croirait entendre son grand-père Clarence s'exprimer à travers Sasha. Il semblait toujours rabâcher cette phrase à Alec. T'aurais pu aller tellement loin. Tout ça pour te cloitrer dans la campagne à couper du bois comme un moldu. T'as vraiment gâché ta passion. Sam voit bien, pourtant, combien Alec se plait dans son travail. L'attention qu'il prête à chacun de ses chantiers. La satisfaction évidente de clients qui ne manquent jamais de passer le mot sur ses compétences, et de rester loyal sur plusieurs années.

- J'crois pas que j'aimerais entrainer des gens, elle dément sans animosité.

Entrainer des gens revenait à prendre le lead, à jouer les capitaines. Sam ne se sentait pas la fibre d'une capitaine. Pas plus qu'elle n'était à l'aise à l'idée d'ordonner des choses, ou de faire quelque discours que ce soit.

- J'serais plutôt sur le terrain. J'suis forte sur le terrain. En dehors j'suis juste... elle hausse les épaules, incapable de trouver les mots.

Elle n'a aucun mal en revanche, à imaginer Sasha dans un job en extérieur. Un job similaire à celui d'Alec peut-être, à cause de sa carrure et de sa façon d'esquiver la conversation avec les autres. Un job où il ne répondrait qu'à lui-même. Un rire lui échappe à la mention des voituriers, et elle secoue la tête :

- Ça s'gare pas un balai. Mais y a des gens qui sont payés pour juste les entretenir. Toute la journée, elle souligne comme si elle trouvait ça particulièrement absurde et ennuyeux.

Dans les clubs professionnels, les joueurs ne s'occupent pas eux-même de l'entretien de leur matériel. Un groupe entier de gens n'ont pour seul charge que la tenue correct des vestiaires, la propreté des maillots, l'entretien des manches, des crins, des selles, ou de toute accessoire que le joueur aura planté sur son engin dernier cri qu'il changera sans doute avant la fin de l'année pour un nouveau modèle à plus de mille gallions. Un rêve, selon Ferguson. Sam, elle, déteste l'idée que quelqu'un d'autre qu'elle puisse s'occuper de ses affaires.

- Oh ! Cool, merci, elle récupère le bouquin d'un mouvement zieutant rapidement son sous-titre, et son illustration à moitié effacée. Ah ouais ?

Tête relevée vers Sasha avec un intérêt non dissimulée, elle glisse le livre sous son bras pour continuer à explorer sans vraiment chercher à lire la moindre tranche du rayonnage.

- J'savais pas qu'OCQ embauchait des élèves, elle annonce avec enthousiaste.

Elle aurait sans doute postulé sinon. Au-delà d'y voir un moyen de se faire un peu d'argent de poche, c'est un moyen comme un autre d'avoir l'œil sur toutes les nouveautés, et même de pouvoir les essayer !

- Tu crois pas que Madame Carter te laisserait l'emprunter ? Pour une après-midi ou quoi... ?

Qui ne tente rien n'a rien, et Sam n'a jamais été du genre hésitante quand elle a une idée en tête. Les deux élèves font bientôt marche vers la table sur laquelle ils se sont installés, les quelques livres récupérés étalés autour de leurs parchemins vierges. Sam s'installe d'un mouvement disgracieux, ne tarde pas à se mettre en tailleur sur le siège, sa baguette d'ores et déjà occupée à faire tourner les pages d'un premier livre en quête de l'expression assaut de farfadets. Sans résultat, elle tente de nouveau en cherchant cette fois attaque de farfadets, ce qui lui présente directement les pages du chapitre trois, avec son titre tapageur : SE PRÉMUNIR D'UNE ATTAQUE DE FARFADETS.

- J'connais une fille qui a travaillé pendant un mois chez Honeydukes l'an dernier, et elle avait l'droit de tout goûter, pis parfois elle récupérait des bonbecs pour les refiler à tout le monde dans la salle commune. Après la proprio est super cool. Mais j'crois que Madame Carter est sympa aussi. Ça s'trouve tu verras Owen Carter débarquer un jour !

Sam se retient de tirer la révérence, trop occupée à agiter sa barre de chocolat pour continuer d'attirer l'attention du chaporouge. Ce dernier, cependant, semble bien plus accaparé par Ambrose soudainement, et la sorcière ouvre deux yeux ronds tandis qu'il s'agite comme un forcené devant son ami.

- EH !

Le chocolat, momentanément oublié, chute brutalement entre plusieurs touffes d'herbe. La créature, quant à elle, s'est jetée brutalement contre les barrières pour leur balancer le morceau de bois vraisemblablement taillé comme un genre de lance primitive. Sam a le réflexe de pousser Ambrose, et l'arme improvisée tombe au sol sans un bruit.

- Ambrose, navrée de te l'dire, mais j'crois que tu devrais aller t'planquer pour qu'il se calme, Sam annonce brutalement tandis que le chaporouge s'énerve dans son enclos, en quête d'un autre bâton. T'es trop... elle agite une main devant son propre visage, toi ! Une grimace lui tordant les lèvres, à la limite de se fendre d'un rire stupéfait. Eh mais arrête !

Nouvelle esquive de bâton pour la paire de sorciers, et Sam pousse de nouveau Ambrose, sans ménagement, pour le forcer à se foutre ailleurs. Des yeux, elle recherche le chocolat abandonné, qu'elle brandit victorieusement au bout de plusieurs secondes.

- HA ! Regarde, c'est ça qu'tu voulais, r'garde ici Chapi Chapo, pas là-bas, y a rien là-bas. R'pose ton bâton ! Tranquille. T'as pas faim des fois ? R'garde ça c'est du super chocolat !

Sam reste pas vraiment en place, se bouge pour faire tout le tour de l'enclos histoire de vraiment attirer l'attention de la créature sur elle plutôt que sur son camarade.

- On saura quoi foutre dans la case des trucs à éviter pour amadouer un chaporouge, elle balance à l'intention d'Ambrose. T'as qu'a faire un dessin d'toi sur le parchemin s'tu t'emmerde.

Elle se fout qu'à moitié de sa gueule. Y a vraiment des notes à prendre après tout.

1-5 : Le chaporouge continue de chercher des projectiles pour les balancer sur eux à tour de rôle, comme enragé.
6-10 : Le chaporouge retourne se planquer dans la cabane dans une série de grognements brutaux.
11-15 : Ça marche à peu près. Il cherche plus de bâton, et il a plus l'air de chercher Ambrose des yeux au moins. Mais il a pas l'air de s'intéresser à elle plus que ça non plus. Il reste juste planté sévèrement sur ses pieds.
16-20 : La stratégie de Sam fonctionne. Le chaporouge se décroche complètement d'Ambrose pour la fixer de nouveau, s'approche même de la barrière sans montrer le moindre signe de violence pour venir renifler la barre de chocolat.

L'arrivée de Ryder brise un peu l'instant. Sam capte rapidement l'échange entre les deux garçons, et balance son meilleur coup de coude à Gus tandis qu'Ambrose fait sa piqûre de rappel. C'est sans doute peine perdue. Tant que Gus répondra à la provocation, le Serpentard continuera. Il sait précisément sur quel bouton appuyer, et c'est jamais qu'une question de temps avant qu'il ne parvienne à faire sortir leur ami de ses gonds. Sam pousse un bref soupire, se détourne vers le nouvel arrivant : Sasha se contente d'adresser un signe de tête au professeur avant de s'installer contre le tronc d'un arbre, ignorant visiblement sa présence comme celle de ses amis. Déçue, Sam essaye pourtant de ne rien montrer alors qu'elle répond à une remarque d'Ambrose sur le sujet, le ton bas, les lèvres un peu crispées :

- Il est juste timide c'est tout.

Essaye t-elle de convaincre Ambrose ou de se convaincre elle-même ? Dur à dire. Alison, elle, salue tout le monde, ses lèvres légèrement maquillées ne manquait visiblement pas d'attirer immédiatement l'attention de plusieurs des garçons. Tous, pour ainsi dire, si l'on omet le professeur Bowers et, à son grand soulagement, Ambrose. Poliment, Sam la salue, jalousant misérablement la facilité de la sorcière à se faire jolie sans avoir l'air de faire le moindre effort, et sans avoir l'air d'être quelqu'un d'autre qu'elle-même. Aux propos du professeur, Sam se dresse presque comme une réflexion parfaite de la posture de Ferguson et d'Ambrose, comme parée à passer à l'action. Les cours de Soins aux créatures magiques lui ont toujours plu davantage que les autres, presque autant que les cours de Vol, et elle apprécie particulièrement celui qui les anime.

Elle hoche la tête gravement ici et là, laisse échapper un souffle d'air enthousiaste à la mention du chaporouge, qu'elle n'a pas encore eu l'occasion d'apercevoir. Ce doit être lui que Ferguson cherchait dans l'ombre quelques minutes plus tôt. Elle écoute Monsieur Bowers avec sérieux, puis à la distribution des parchemins, elle cherche Ambrose du regard avec interrogation. Soulagée à l'idée d'être cette fois-ci en binôme avec au moins un de ses amis, elle lui adresse un sourire joyeux. Elle en étire un autre en direction d'un Ferguson qui se retrouve en binôme avec Alison, puis suit Ambrose avec enthousiasme. Ses yeux guettent le parchemin qu'il a entre les mains, histoire de voir à quelle créature ils vont devoir se confronter.

- On a quoi ? Ohw ! Trop bien.

Les chaporouges sont des créatures qu'elle n'a encore jamais eu l'occasion de rencontrer. Leur réputation sanguinaire en font des êtres un brin terrifiants, mais Sam n'est pas du genre à reculer devant le terrifiant. En fait, elle est même plutôt excité à l'idée d'en voir un en face d'elle, et de se confronter à la légende. Des grognements poussent de l'intérieur de la cabane, dans laquelle l'animal semble s'agiter avec brutalité. Dangereux pour les moldus davantage que pour les sorciers, s'y confronter sans baguette magique parait plutôt absurde et harassant, mais Sam n'est pas du genre à baisser les bras facilement. Le parchemin évoque de la stratégie, de la malice, ou de la nourriture. Poufsouffle jusqu'au bout des ongles, la sorcière ne se déplace que rarement sans nourriture à porter de main.

Une barre de chocolat extirpé de sa poche est agitée dans l'air avec triomphe alors qu'elle croise le regard avec son camarade.

- T'as pas faim p'tit chaporouge ? Elle annonce en se tournant vers l'enclos. On t'as gardé l'meilleur. Apparemment c'est un chocolat tellement puissant que ça assommerait des moldus !

1-5 : Les grognements s'amplifient, comme si le chaporouge était à-même de détecter le mensonge, et qu'il en était particulièrement outré.
6-10 : Un crissement lent semblable à l'accrochage d'une griffe contre le bois se fait entendre. Visiblement, il a décidé de les ignorer.
11-15 : Les grognements cessent, la porte grince, mais le chaporouge ne semble pas décider à sortir. Il a cessé d'avoir l'air aussi agressif cependant.
16-20 : Inventée de toutes pièces, l'information fait mouche. Le chaporouge cesse de grogner pour s'extirper de la cabane, curieux, arme abaissée.

Compliqué pour Sam de conceptualiser une situation telle que celle de Sasha. On leur a évoqué plusieurs fois l'existence d'écoles à l'internationale, bien sûr. Elle n'en a pas retenu la moitié, et s'est mis en tête qu'il doit au moins en exister une par pays. Apparemment, ce n'est pas le cas de l'Ukraine. Les enfants sorciers y sont envoyés dans des écoles étrangères, ou se contentent d'écoles alternatives sans vraie bibliothèque, ni beaucoup de professeurs. Peu au fait du conflit entre Russie et Ukraine, Sam se contente d'hocher gravement la tête. Partant du principe que les enfants ukrainiens rejoignent les bancs de l'école à onze ans comme en Grande-Bretagne, ça veut dire que Sasha est parti à la guerre dès l'âge de treize ans. 

À treize ans, les problèmes de Sam se résumaient à l'angoisse de rater les essais pour rentrer dans l'équipe de Quidditch, et le fait de dissimuler ses premières menstruations à un groupe de garçons qui n'avaient jamais vu en elle une fille, ou de s'adapter aux rires gras de Jimmy, Balthazar et Ferguson pendant qu'ils s'échangeaient des images qui n'avaient rien à voir avec leurs collection de chocogrenouilles. Les seules guerres qu'il y avait alors étaient celles qui se jouaient à la bombamousses, ou aux cartes explosives. Sam n'a pas la moindre idée de ce que ça veut dire concrètement que de partir se battre contre les russes. Pas plus qu'elle ne comprend vraiment pourquoi Poudlard héberge des réfugiés des deux camps.

- Ouais, ok, j'comprends, elle répond immédiatement à la question de Sasha. C'est comme j't'ai dit hein, t'as envie d'en parler t'en parles, et si t'as pas envie... t'en parles pas !

Qu'est-ce que ça implique, concrètement, que Sasha Shevchen se soit battu contre les russes ? Sam n'a jamais vu de sorciers se battre pour de vrai. Elle n'a jamais vu que des duels, dont les règles sont dites à l'avance. Elle a vu Gus. Elle a vu Gus se jeter sur des adversaires plus grands et plus forts que lui, juste parce qu'ils avaient mal prononcé son nom. Mais elle n'a jamais vu des sorciers se battre comme on se bat à la guerre.

Lorsque Poudlard a reçu les réfugiés russes l'année précédente, elle en a parlé avec Alec au travers de lettres, puis en tête-à-tête pendant les vacances. Il lui a dit que les enfants n'ont rien à faire dans une guerre, et que c'est une bonne chose qu'ils aient été envoyés à Poudlard. Fidèle à ses principes, Sam a tenté d'être avenante avec eux. De les accueillir comme elle accueillerait n'importe qui, aussi différent soit-il. Les russes ne se sont pas mélangés. Ils sont restés entre eux, en groupe fermé, malgré les différences d'âges. Certains ne font même pas partie du groupe, mais plutôt que de se mêler à eux, ils ont préféré rester seuls. À l'arrivée annoncée de nouveaux réfugiés de guerre en début d'année, la chose s'est répétée.

Nikolaï Polianski ne dort même pas dans sa salle commune.

Mais elle l'a parfois vu courir en compagnie d'un autre Gryffondor de son âge. Comme elle a vu Sasha discuter à plusieurs reprises avec cette autre russe, puis avec Alison Carter. Ils se mélangent plus que tous les autres. Sasha lui a même parlé en cours, alors qu'elle pensait qu'il allait l'ignorer. Sam n'est pas quelqu'un qui juge les gens hâtivement, au contraire. Son idée se base sur les actions des autres. Ça a été le cas pour Alec, ça a été le cas pour ses amis, et c'est encore le cas pour Sasha, qui n'a jamais été qu'amical envers elle. Qu'il ait fait la guerre ou non, elle le voit pour l'instant comme quelqu'un de gentil, qui veut bien étudier avec elle. Quelqu'un de souvent seul, alors qu'il n'a pas l'air de vraiment le mériter.

- Oh la la, elle réagit immédiatement à la question de Sasha alors qu'elle s'avance entre les rayons en quête de la section des maléfices. J'sais pas. C'est la question que tous les profs nous posent depuis le début de l'année, à cause des BUSE et tout ! 

Sam angoisse parfois à la perspective qu'un jour elle devra quitter Poudlard, et évoluer loin de son groupe d'amis. Elle n'a pas la moindre idée de ce qu'elle voudrait devenir. Elle sait qu'elle aime voler. Elle sait qu'elle aime s'occuper des créatures magiques. Elle aime les duels, aussi, et passer du temps avec ses amis. Cuisiner, parfois, avec Alec.

- J'en sais rien, elle admet. Du Quidditch p't-être ? Elle est pas sûre d'avoir le niveau, et l'ombre d'un Spike Ryder qui a déjà réussi là où tous auraient espéré arriver n'aide en rien. J'suis plutôt douée pour voler. Pour m'battre en duel aussi. J'suis pas assez douée pour devenir auror ou quoi, mais bon on sait jamais. Ça s'trouve j'vais juste finir par faire un job moldu !

C'est dit sur le ton de la plaisanterie, mais ça reste un chemin qu'elle s'imagine parfois. Alec a l'air heureux, à jouer les charpentiers. Elle saura sans doute jamais pourquoi il a décidé de couper les ponts avec le monde magique, et elle serait bien incapable de faire de même, mais qui sait. Arrêtée dans la bonne allée, elle parcoure distraitement les tranches des livres pour s'arrêter sur quelques titres qu'elle extirpe des étagères. L'Éclipse sur vos maléfices. Sorciers mal lunés, premier cycle.

- Tu sais toi ? 

La plume trace le contour du cercle avec paresse, une seconde fois. Les yeux froncés, Sam peine à comprendre la vie de Sasha. La scolarité y semble terriblement différente, s'il n'a suivi que deux ans dans une école alternative. Alternative à quoi  d'abord ? Où a t-il été avant ça ? Ou après ? Est-ce que la guerre l'a empêché de continuer les cours, ou est-ce que les enfants de son pays ne rejoignaient leurs écoles sorcières que très tard ?

- Je... heu... préoccupée par les mille et une questions qui lui surgissent, Sam réalise qu'elle a formé un énorme pâté sur le bord droit de son parchemin à force d'y passer, et elle éloigne sa plume d'un geste. De repli ? Ah ouais. Ouais c'est une bonne idée.

Sous le titre, Sam tire un trait pour dessiner un grossier I- à côté duquel elle inscrit organiser une zone de repli. Aussitôt, la plume arrête d'écrire pour venir frapper le parchemin du bout de ses crins abimés à plusieurs reprises, comme un signe d'impatience. Son visage rond dressé vers son camarade, elle lève un poing pour soutenir son menton, se mort un peu la lèvre avant d'enfin demander :

- C'est quoi une école d'alternative ? Vous avez plusieurs écoles ? T'as fait tes autres années ailleurs ?

Aucun jugement ne se glisse dans ses paroles. Juste un genre de confusion qu'elle ne peut de toute manière pas cacher. Peut-être cette école avait-elle été construite à la va-vite pour en remplacer une autre, et peut-être était-ce la raison pour laquelle elle accueillait si peu d'élèves.

- On a que Poudlard ici. Enfin que Poudlard. C'est une école géniale. Super vieille aussi, mais c'est cool. On a plein d'fantômes. J'crois que la bibliothèque a été tenue par un fantôme y a des années d'ça ?

Des rumeurs sur le château courraient d'une génération à l'autre, certaines plus absurdes que d'autres. Beaucoup vérifiables pour qui prendrait le temps de jeter un œil à la série sobrement intitulé L'Histoire de Poudlard, d'autres à jamais anecdotiques, jamais retranscrites sur quelque livre que ce soit. Sur le parchemin, sa plume reprend son travail pour simplement souligner son sous-titre.

- J'crois que je devrais dessiner un plan. J'vais dessiner un plan. Oh, t'as besoin d'un coup de main pour trouver des livres sur ton sujet ? Elle demande soudainement. J'ssuis pas super douée pour la théorie non plus mais j'connais bien l'arrangement des rayons, elle sourit en reposant sa plume, déjà prête à se lever.

Le visage de Sam se fend d'un sourire simple, sincère, alors que Sasha se décide à accepter la proposition.

- Cool !

Transportés par les escaliers, ils parviennent rapidement au palier de l'étage où se situe la bibliothèque.

- Ah ouais, ça a l'air super fun, elle commente à l'intitulé du devoir.

Le fait que le slave s'y prenne à la dernière minute ne la surprend pas plus que ça, habituée qu'elle est à faire exactement de même depuis déjà sa première année. Sans doute est-ce le point commun le plus majeur de tout le groupe d'ailleurs, qui se contente globalement du strict minimum. En dehors des cours, ils préfèrent tous de très loin profiter de leur temps libre pour trainer ensemble dans le château et en dehors.

Se lancer dans des débats stupides ; faire des batailles de cartes ou de bombamousses ; s'infiltrer dans les cuisines pour y rafler de quoi remplir leurs estomacs insatiables ; emprunter les balais de l'école pour s'improviser un match contre d'autres camarades de leur propre maison ; balancer des défis à la con qui les pousse à braver les divers règlements de l'école à tour de rôle.

Autant d'activité qui ne laisse que peu de place aux devoirs. Ils ne s'y mettent sérieusement qu'à la perspective d'un examen. Occasionnellement cependant, Sam comme Ambrose zappent un instant de fumette près des serres pour venir clôturer leurs recherches à la bibliothèque. Les autres finissent bien sûr inévitablement par copier en partie leurs parchemins.

- J'suis sensée structurer un plan de défense plausible face à une invasion de farfadets dans un environnement clôt, elle récite dramatiquement. C'est vrai que ça pourrait arriver tous les jours !

Plusieurs d'élèves sont éparpillés ça et là alors qu'ils entrent dans la bibliothèque. Peu nombreux, ils ne semblent guère s'intéresser plus que ça à leur arrivée, et Sam suit Sasha jusqu'aux tables d'études disposées en longueur dans le fond de la pièce. Elle dépose sa sacoche sur la table d'un geste, en extirpe rapidement le nécessaire : Le livre des sorts et enchantements niveau cinq de Miranda Fauconnette, un encrier à moitié vide, une large plume peu entretenue et vraisemblablement mâchouillée par endroit. Sa pointe a tendance à faire des pâtés abominables, mais Sam préfère utiliser son argent de poche pour s'acheter les confiseries d'Honeydukes ou les farces de chez Zonko que d'investir dans du matériel d'école flambant neuf.

- Bart ? Ouais il est génial. Horace était à Poufsouffle, mais lui c'était un Serdaigle, elle explique en se laissant tomber sans grâce sur sa chaise. Plus détendus tu meurs. Sont potes depuis Poudlard, imagine. 

Sam veut croire qu'avec Ambrose, Jimmy, Feguson et Balthazar, ils seront aussi proches dans cinquante ans. Mais des jours comme aujourd'hui participent à faire germer le doute dans son esprit. Elle n'en laisse rien paraître. Son manuel est ouvert d'un seul mouvement sec, la couverture claquant contre le bois, puis elle feuillète le bouquin pour retrouver le chapitre qui l'intéresse.

- Y a pleins de gens cool dans cette école. Dans toutes les maisons, elle insiste en haussant les épaules. T'as pas du rencontrer les bonnes c'est tout.

Depuis le début de l'année, Sam ne se souvient pas vraiment d'avoir vu avec qui avait trainé Sasha, en dehors d'Alison Carter. Des rumeurs ont circulé sur une relation entre eux. Des rumeurs auxquelles Sam n'a pas vraiment prêté attention. Alison est typiquement le genre de fille qui s'assume, auxquelles elle ne ressemblera jamais. Le genre de fille qu'attire l'attention des garçons. Gus a un crush dessus depuis ses treize ans par exemple. Personne aura jamais de crush sur Sam.

- Ils étaient comment les gens, dans ton école à toi ? Elle demande tout en étalant son parchemin devant elle. Y a des maisons comme ici ? 

Sur la page, elle inscrit vaguement un titre. Plan de défense contre des farfadets en environnements clôt, qu'elle encercle d'un geste sans plus de conviction que ça.

Bien sûr que Sasha n'était pas au courant. Sam a du mal à se faire à l'idée qu'il ne soit là que depuis six mois. Il faut dire que ça fait plus de quatre ans que Poudlard est pour elle comme une seconde maison. Son arrivée n'avait pas été son premier changement d'école, loin de là. Mais elle est loin d'avoir même une vague idée du sentiment qui animent les réfugiés directement extirpés à leur pays, à leur famille. Si sa curiosité prévalait sur la gêne qu'elle redoutait de lui faire ressentir, Sam le questionnerait sur les raisons de son arrivée tardive dans l'école. Bien après l'ensemble des russes dispatchés entre Gryffondor et Serpentard. 

- Moi j'pense que t'as toutes tes chances. C'est pas les notes qui comptent, vraiment.

Pour avoir vu le slave s'entrainer pendant les cours de soutien, Sam pouvait voir qu'il ne manquait ni de détermination, ni d'inventivité. Peut-être était-ce dû à l'éducation sorcière qu'il recevait dans son pays avant d'arriver à Poudlard. Peut-être était-ce dû au conflit qui l'avait envoyé ici, un conflit qui le poussait à apprendre à se battre avec davantage de volonté que d'autres. Peut-être était-ce simplement dans son caractère que d'être si frontal dans ses lancers de sortilèges. Toujours est-il que Sam n'imagine pas avoir la moindre chance, elle, face à quelqu'un comme Sasha Shevchen.

- Fergus aussi. Son ton, défensif, prend le pas tandis qu'elle se redresse inconsciemment.

Personne ne pensait jamais grand bien de son ami, encore moins qu'il pourrait un jour accomplir des choses exceptionnelles. Gus non plus, ne pensait pas en être capable. C'est pourquoi Ambrose et elle l'avaient tellement poussé à les suivre aux cours de soutien. Pour se prouver à lui-même comme à tout le monde combien il avait de la valeur, davantage que juste à leurs yeux.

- On a tous envie d'participer. Pis le tirage est aléatoire et tout. Mais en vrai j'pense que ceux qu'ont l'plus de chance de s'en tirer seront ceux qu'ont le plus d'expérience. C'est quand même cool de pouvoir s'entrainer comme ça. Vachement plus intéressant qu'les cours.

Enthousiaste, Sam tourne brièvement la tête pour constater que les escaliers ne vont pas tarder à arriver à leur hauteur. Elle se décroche de la balustrade, son cœur loupe un battement à la réplique de Sasha. Elle se mord les lèvres, incertaine. Qu'est-ce qu'elle peut répondre à ça ? Sam ne connait pratiquement rien de cette guerre qui se déroule à des milliers de kilomètres de là. Elle sait juste qu'il y a une guerre. Elle sait que Koldostoretv est tombée, et que c'est pour ça que beaucoup d'élèves de cette école les ont rejoint l'an dernier. Elle sait aussi que d'autres ont été rapatriés d'ailleurs, sans vraiment savoir d'où.

Le troisième année à la posture militaire, qui a ses propres quartiers en dehors de la salle commune, et qu'une femme aux traits sévères semble suivre comme une ombre. Sasha. Elle secoue la tête alors qu'elle embarque sur les marches, invitant l'autre à la suivre d'un vague signe de la main.

- C'est normal que t'en parles. Ça fait partie d'ta vie, elle expose avec bienveillance. J'sais juste pas trop quoi répondre. J'suis pas... j'sais pas ce que c'est. Mais t'as bien le droit d'en parler autant que tu veux.

Loin d'avoir ignoré la proposition de Sasha, Sam y songe plutôt hâtivement. C'est elle qui est allé vers lui, mais elle réalise que l'incorporer aux quelques sessions qu'ils s'organisent parfois Ambrose, Gus et elle, ce n'est pas quelque chose qu'elle peut décider seule. S'il est rare qu'il refuse la compagnie d'autres gens au sein de leur groupe, leurs sessions d'entrainement reste un truc particulier qu'ils ne font de base qu'entre eux.

- J'en parlerais aux garçons ok ? J'pense que ça pourrait être cool. Sam est plutôt persuadé qu'avoir Sasha avec eux pour ces occasions serait un avantage non négligeable : il connait sans doute des sortilèges qu'eux n'ont jamais appris. J'vais à la bibliothèque pour terminer mes devoirs de sortilèges, elle indique finalement en se tournant vers Sasha du haut de l'escalier. Des cours de cinquième année ça va pas être super intéressant pour toi, mais si t'as envie de réviser à côté ou quoi, tu peux. T'es pas... forcé d'rester tout seul tout le temps.

Son sourire est sincère, loin d'un jugement quelconque. L'invitation ouverte, les escaliers choisissent cet instant pour s'ébranler dans un grand bruit qui s'en va résonner dans les étages. Sam n'y réagit même pas, habituée qu'elle est aux évènements pittoresques du château.

Arrivée de Sam et de Gus dans un seul poste pour faire plus simple !

- Mais il fout quoi ? C'est dingue.

Agacée, Sam secoue la tête en quittant le fauteuil dans lequel elle s'était enfoncée peu après le petit-déjeuner. C'est l'impatience qui enfle sa frustration ce matin, pas forcément parce qu'ils sont en retard - ils ne le sont pas - mais parce que Sam déteste être statique. Ambrose est tout aussi prêt qu'elle, accueille ses regards blasés avec un amusement non feint.

- J'jure s'il est pas là dans la minute on s'barre sans lui hein !

Le vacarme de pas lourd dans les escaliers du dortoir des garçons tandis que parait la gueule débile de Ferguson Decker, son uniforme froissée sur les épaules, la cravate lâche sous un col encore relevé.

- T'as pas fini d'te plaindre Chadwick ?
- Mais t'es même pas prêt j'rêve !
- Si si j'suis prêt là.
- Ta cravate, elle désigne tandis qu'Ambrose se lève sans faire cas de l'apparence de Gus. T'vas encore te faire virer Fergus.
- Mais nan, là.

Le type balance le bout du vêtement dans une boucle improvisée d'un geste auguste, et la remonte pathétiquement vers le haut tandis que Sam lève les yeux au ciel. Théâtralement, il rabat le col de ses deux mains.
 

- T'as ta baguette au moins ?

- Sir, yes sir. C'est quoi déjà ?

- SACM. Bouge. Tu m'épuises.

La bretelle de son sac jeté sur son épaule, Sam décide de laisser tomber toute l'affaire en emboitant le pas d'Ambrose. Les rires ne tardent pas à ponctuer le petit groupe qu'ils forment alors qu'ils gagnent le hall, et bientôt les larges portes du château les expulsent au dehors. La pelouse, soigneusement entretenue, est baignée d'un soleil tranquille, presque paresseux, et des arbres s'élèvent le piaillement de plusieurs oiseaux éveillés depuis bien avant eux. Les théories vont bon train quant à ce que le professeur Bowers a prévu de leur faire voir - Ferguson espère contempler des dragons, pendant qu'une Sam plus réaliste se fait l'idée d'une course à dos d'abraxans.

- Bonjour professeur, énonce-t-elle joyeusement à leur arrivée tandis qu'à ses côtés, Gus se contente d'un b'jour agrémenté d'un bref signe de tête. 

Leurs yeux se posent immédiatement sur les enclos, et si Sam reste plutôt contempler l'hippogriffe majestueux qui les observe en biais, Ferguson semble intrigué par une cabane de bois sombre sous laquelle on ne perçoit pas grand chose. 

- Y a quoi là-dedans professeur ?
- Pas un dragon c'est sûr, balance Sam en chuchotant à l'intention d'Ambrose, hilare. Ou alors c'en est un tout p'tit.

- Tranquille.

Réponse automatique au sein du groupe, finalement, avec un check du poing qu'ils ne s'accordent qu'entre eux. Sasha a l'air étonné de la trouver seule, mais Sam se contente de hausser les épaules.

- J'avais envie de pisser, j'ai pas besoin d'eux pour me la tenir, elle rit.

Le mensonge passe tout seul, parce qu'il pourrait être vrai. Les rares fois où Sam se détache de l'intégralité de ses amis n'ont pas vraiment d'autres raisons. Ambrose est celui qui l'accompagne le plus souvent pour étudier, tandis que Ferguson reste à jamais partant pour les séances de vol improvisées d'entre-cours. Balthazar est celui qui ne loupe jamais une occasion de prendre l'air. Non, Sam n'a pas pour habitude de se promener seule dans les couloirs de Poudlard, presque depuis le premier jour, sauf pour aller aux toilettes où récupérer en courant un bouquin oublié dans une salle de classe.

C'est la première fois qu'on le lui fait ouvertement remarquer.

Attirée comme Sasha par le coup de sifflet qui vient de retentir, Sam détourne le regard pour guetter le terrain au travers de la fenêtre. Aujourd'hui, les Serpentard accaparent le terrain, comme eux l'ont fait le dimanche précédant. Le tournoi a beau avoir été annulé, chacune des équipes continue de suivre un planning méticuleux qui les voit réserver les lieux tour à tour depuis septembre. Tous espèrent la même chose bien sûr : que les professeurs reviennent sur leur décision. Peine perdue, au vu des six derniers mois passés sans le moindre indice d'un tel revirement. En fait, certains parlent d'improviser des matchs en fin d'année, dans un mini-tournoi improvisés par les capitaines.

Sam affiche un air surpris avant d'éclater de rire. Sasha n'est Gryffondor que depuis six mois, mais il a vraisemblablement déjà adopté le côté compétitif de la maison, notamment envers les Serpentard.

- Ouais j'suis batteuse, elle affirme en souriant, puis soupire. C'est vraiment naze pour la coupe. Tout ça à cause d'un prank de merde. Sam perçoit rapidement la confusion dans le regard de Sasha. Des débiles ont ensorcelés des cognards pour qu'ils attaquent tout l'monde, y compris l'public. C'est à cause de ça que les profs ont annulé pour cette année.

La sorcière reprend sa marche, poursuivant sur un ton plus emporté soudain :

- J'ai détesté l'discours de Harrison tu sais. Les évènements qui ont entachés la finale ? Sérieux ? C'est un prank qu'a mal tourné, ça arrive ! Personne est mort. Enfin si, mais ça c'était encore une autre histoire. C'est pas une raison pour supprimer la compétition et punir tous les joueurs tu crois pas ?

Les bras de Sam retombent contre ses flancs alors qu'elle croise le regard de Sasha, esquisse une moue gênée.

- Désolée. J'trouve ça tellement débile c'est tout. En prime on aura pas d'coupe l'année prochaine non plus à cause du tournoi. Comme si ça changeait quelque chose d'avoir des matchs le weekend, c'est pas comme si tout le monde allait y participer en vrai.

Sasha, peut-être bien. Malgré le fait qu'ils suivent occasionnellement les cours de cinquième année, le garçon a bien seize ans. Ce n'est sans doute pas pour rien qu'il s'est inscrit à tous les cours de soutien organisés par les professeurs. Ils ont atteint le palier du deuxième étage, et les escaliers peinent à traverser l'immense pièce. Sam s'accoude simplement à la balustrade pour l'observer.

- Tu vas t'inscrire toi non ?

- Bah quoi, t'as tes règles ?
- Putain c'que tu peux être lourd Decker.

- Elle a ses règles ! 

Sam regarde tour à tour Balthazar, Ferguson, Jimmy, Ambrose, d'un air qu'elle veut le plus blasé possible, même si dans le fond elle est blessée. Il se rend pas compte, Fergus, mais Ambrose si, parce qu'il tarde pas à faire fermer sa gueule à leur pote en lui balançant le stock de fizbizwiz jusque là ouvert sur le sol.

- Bro !
- J'vais prendre l'air.

- On est déjà dehors t'sais !
- Sam reste c'est bon.

- J'ai des d'voirs à rattraper.
- Woh, les gars, j'crois j'en ai un explosif...

- Sérieux ? Montre !

Ignorant le regard insistant d'Ambrose, Sam récupère son sac pour se tirer, laissant l'ensemble des garçons à leur trouvaille. Sur le sentier qui la ramène au château, elle croise plusieurs groupes d'élèves qui profitent également du soleil. Des rires ponctuent des conversations sans doute légères, comme ils en ont régulièrement avec les gars. Ces groupes cependant, sont plus variés. Des garçons et des filles à part presque égales, ces dernières plus resserrées entre elles, comme si le fait d'être des filles faisait d'elles une entité à part entière. Sam observe, de biais, leurs cils maquillés, leur posture, leur façon de s'habiller, de parler, de rire.

Toujours semble t-il, Sam s'était battu pour ne pas ressembler à une fille, se noyant dans des vêtements bien trop amples, riant fort comme les garçons, et les battant à plates coutures au sport d'école. Elle était fière de faire partie d'un groupe de gars qui lui parlait comme à n'importe quel autre gars. Fière d'être celle qu'ils cherchaient dans les couloirs pour aller échanger des passes de cognard sur le terrain, ou pour s'entrainer aux sorts de duel. Parfois cependant, parfois Sam aurait voulu qu'on la voit différemment. Qu'un certain garçon, au moins, la regarderait différemment. Mais ça n'arrivait jamais, parce qu'elle était l'un des gars.

Aujourd'hui, Sam avait dessiné un trait d'eye-liner sous ses yeux. Un trait discret, presque invisible, que tout le monde semblait voir immédiatement comme le nez au milieu de la figure. Il ne manquait qu'un Ferguson pour lui faire remarquer que c'est chelou t'as un nouveau délire Sam ? T'vas mettre du gloss et tout bientôt ? Dans le fond, peut-être que Sam ne voulait pas être vu comme une fille parce qu'elle était simplement incapable d'être une fille. Ses baskets, usées jusque la semelle mordent la terre avec paresse, l'entrainent jusqu'au château.

Elle ne se dirige pas vers la salle d'études, mais plutôt vers la salle de bain du deuxième étage, dans laquelle elle ne trouve heureusement personne.

Puis, alors que son reflet dans le miroir lui renvoie le visage d'une Chadwick inversée, elle secoue la tête. D'un geste sec, elle ouvre le robinet pour faire couler une eau tiède, dont elle s'asperge abondamment pour enfin effacer chacun des traits. Tant et si bien qu'il ne reste plus rien. Le pire ? Le pire c'est que Gus avait raison. C'est chelou, sur sa tête, des traits d'eye-liner. Ça lui va pas. Elle le savait déjà en le mettant ce matin. Elle soupire avant de quitter l'endroit, quelques mèches encore humides lui gouttant sur un sweat large aux couleurs de sa maison, et marquée du symbole de l'équipe de Quidditch.

Une silhouette familière, devant elle, attire immédiatement son attention.

- Sasha !

Plusieurs fois déjà, Sam a aperçu le slave au loin. Systématiquement seul. Plusieurs fois, elle s'est dit qu'ils pourraient lui proposer de trainer un peu avec eux. Juste pour qu'il ne soit pas tout seul. Chaque fois, elle s'est ravisé à la dernière seconde sans trop savoir pourquoi. Mais sans ses copains autour pour la distraire, Sam prend l'initiative, et accélère pour arriver à sa hauteur :

- Hey Sasha, salut. Ça va bien ?

Joyeuse, Sam affiche un large sourire vers Ambrose alors qu'il déboule, sa baguette levée en l'air comme un trophée. La réplique de son ami lui fait tirer une langue puérile, mais n'entache rien de sa bonne humeur soudaine. Puis, alors qu'Ambrose menace d'engluer l'instrument à sa main, elle hausse un sourcil en l'agitant d'un air faussement menaçant :

- Avise toi et c'est ta belle gueule que j'dégomme, avec ma batte ou avec ma baguette ça s'ra tout pareil !

Possiblement que Sam a pris trop de cours avec Gus, mais c'est pas comme si quiconque la croyait capable de faire preuve d'autant de violence avec qui que ce soit - et encore moins ses meilleurs amis. C'qui est loin de vouloir dire que Sam est incapable de se défendre. Elle abaisse son arme pour l'essuyer d'un revers de vêtement, distraitement, l'observant en secouant la tête.

- En vrai j'aurais pas du la prendre. On va r'mettre le broomsurfing à plus tard hein ?

Sam empoche la baguette d'un seul geste avant de courir en direction de son balai pour le récupérer. Le vent s'est définitivement levé, et la brume s'est éparpillée sur la surface du lac et sur certaines portions du parc, lui donnant plus que jamais l'air mystérieux. Bientôt, le soleil glissera sur l'horizon et les laissera plongés dans l'obscurité. Un instant bref avant que les spots magiques du terrain de Quidditch ne les illuminent de nouveau.

- J'ai faim. On s'rentre ? Elle annonce de but en blanc alors qu'elle revient près d'Ambrose.

La salle commune jouxtait les cuisines, voyez, et il n'était pas rare que les blaireaux fassent des incursions pour compléter des réserves qui occupaient pas mal d'étagères des placards de plusieurs de leurs dortoirs. Aussi, les grignoting improvisés de fin de journée était monnaie commune. Sans doute retrouveraient-ils Balthazar, Jimmy et Gus, peut-être même Dylan.

- T'sais qu'tu fais un bon broomsurfer. Potable quoi. Quand tu tombe pas la tête la première dans l'lac noir quoi, elle balance en le bousculant sur le retour.

Sam approuve d'un mouvement de tête. Cassiopée. Vrai que la constellation a air de ressemblance frappant avec Sowilo.

- Bien vu. Trop. Déjà une. On fait une bonne équipe ! Elle énonce joyeusement

Un poing se lève par pur réflexe pour essayer d'en trouver un autre dans lequel cogner.

- Ok alors la suite. Celle-là a pas l'air trop loin, elle pointe du doigt un point peu éloigné du leur sur la carte.

Quelques mètres à peine, si on en croit l'échelle indiquée tout en bas du papier. 

Avec leurs multiples allers et retours qu'ils ont fait dans les plaines tout à l'heure, Sam doit cependant bien admettre ne plus très bien savoir dans quel sens la tenir. Considérant que c'est un moment comme un autre de s'entrainer à lancer l'enchantement des quatre points, elle extirpe sa baguette de sa poche pour l'installer sur sa paume, et formule le sortilège à haute voix :

- Pointe-Au-Nord !

 

La baguette pivote… puis frémis… puis s’immobilise. Enfin, non. Elle pivote encore. S'immobilise de nouveau. Sam fronce les sourcils, tourne la carte.
 

- Euh… c'est par là du coup !

Confiant ils prennent la direction indiquée, avançant une bonne dizaine de minutes avant que Sam s’arrête net, la carte à la main.
 

- On tourne en rond merde.
 

Ouais. Clairement, ils sont perdus. Retour à la case départ.

Tel est pris qui croyait prendre. C'est ça qu'on dit, non ? Sam secoue la tête, même si dans le fond la proposition d'Ambrose fait que balancer du fuel sur la fausse compétition dans laquelle elle les a balancé. Même que c'est à double-sens, pas vrai ? Alors si c'est elle qui réussit, ce Ambrose le foutu majordome.

- Dans tes rêves, Rosendale, elle réplique du tac au tac alors qu'il se place pour contrer les projectiles.

L'échec la fait particulièrement marrer. Elle sait pas trop pourquoi le professeur Pope s'amuse à faire d'Ambrose un plan de travail de cuisine, mais elle a envie d'approuver.

- Bah faute de maîtriser la métamorphose avancée t'vas peut-être apprendre à faire des pancakes ! Ça te servira pour me faire mon petit-déjeuner quand tu seras à mon service.

L'insolence lui fait tirer la langue, dans une imitation d'un certain Ferguson Decker. C'est bon enfant, et ça fait un bien fou de retrouver ce genre d'ambiance après le bordel du début de cours. Sam voit Sasha tenter sa chance sans grande conviction, et s'approche alors qu'il affiche une gueule complètement dépitée pour prendre sa place, lui offrant un sourire compatissant.

- La prochaine s'ra la bonne ! Elle lui assure. Bon, Rosendale, mate ça.

Nan parce qu'on sait jamais, sur un malentendu elle réussi vraiment, et elle un Ambrose à son service pour vingt-quatre heures. Ce serait carrément le pied.

Les fragments de nouveau se désagrègent sur la protection du professeur Pope, retombant mollement aux pieds d'une Sam qui ne perd pas son enthousiasme malgré l'essoufflement.

- La prochaine sera la bonne pour moi aussi, elle indique à l'intention de Sasha, puis d'Ambrose.

Excitée ? Sam l'était sûrement. Pas qu'elle éprouve un enthousiasme débordant pour l'astronomie ou les runes, bien qu'elle suive les deux cours avec une certaine application, mais la perspective d'un cours en extérieur avait de quoi ravir n'importe quelle élève, qui plus est lorsqu'il se déroulait après le couvre-feu. Tout ça avait un goût d'interdit, mêlé de liberté. Le fait que ça se déroule dans le cadre de l'entrainement pour le tournoi aidait aussi. Tout comme la présence d'un Gus qui n'aurait normalement pas du avoir droit d'être là, si ça n'avait tenu qu'au professeur Bramblethorn. Très vite, ils sont briefés sur ce qui les attend. Il faut dire que le professeur Wickerson n'est pas connu pour tergiverser.

Si Sam déchante de réaliser qu'elle ne sera une fois de plus pas groupé avec ses amis de toujours, elle réalise rapidement le potentiel compétitif de la course annoncée, et elle échange un regard bref avec ses coéquipiers. Les deux sont des élèves plus âgés, bien que Sasha participe à plusieurs cours de cinquième année pour combler des lacunes, mais surtout pour les avoir vu opérer lors du cours de métamorphose, elle les sait au moins aussi déterminés qu'elle à tout donner pour gagner. Sam repère Gus en train de lui faire un signe avec ses mains, comme un flingue qu'il pointerait entre ses deux yeux, et elle agite la tête puérilement pour lui faire comprendre qu'il lui fait pas peur. Euphémisme de l'année.

Le groupe entier se déploie dans le parc, puis au dehors de Poudlard, et bientôt au milieu de nulle part. Sam se sent un peu idiote de se sentir aussi excitée à l'idée de s'éparpiller sur tout un terrain inconnu, pratiquement livrés à eux-mêmes, alors que près d'elle ses équipiers ont l'air parfaitement imperturbables voire blasés par toute l'affaire. Elle se pince les lèvres, se concentre sur une Julian qui prend clairement la direction. Normal. Le professeur Wickerson l'a désigné comme cheffe. Ce dernier, d'ailleurs, ainsi que le professeur Bramblethorn, semblent avoir disparus dans la nuit. Sam acquiesce avant de jeter un regard alentour, cherchant à s'orienter par rapport à ce qu'elle voit sur la carte tandis que Julian lance une lunette astrale.

- Vous avez entendu c'qu'a dit M'sieur Wickerson ? Tout n'est pas ce qu'il semble être. Doit y avoir des pièges de partout, elle commente alors qu'ils s'avancent d'un bon pas.

Tentative un peu pataude de faire la conversation. Certes. Mais bon. Elle se voit mal évoluer dans le silence le plus complet, quand bien même la course nécessite le maximum de leur concentration. Leurs trois paires d'yeux scrutent les bosquets alentours, les ombres déformées de branches nues formant parfois d'étranges glyphes sur des roches alentours. Rien de tel pour leur faire perdre un temps incroyable d'ailleurs, car à plusieurs reprises, Sasha est persuadé d'avoir repéré la balise alors qu'il n'en est rien. Ils errent plus qu'autre chose. Toujours groupés, parce qu'il serait probablement idiot de se séparer même quelques instants sachant que le terrain n'attendait que de les cueillir pour leur faire perdre davantage de précieuses minutes.

- Attendez attendez, j'vois un truc, elle annonce brusquement en plissant les yeux. Là-bas ! Son index tendu vers l'avant, elle se met bien sûr à accélérer dans cette direction, plutôt sûre de sa trouvaille.

Entre les feuillages hirsutes, la pointe d'un pieu partiellement dégagé sur lequel est incrusté une marque familière. La rune brille dans la nuit, et Sam n'a aucun mal à la reconnaitre, car elle fait partie de celles qu'elle a tout récemment révisé.

- C'est Sowilo ! Elle annonce avec excitation avant de procéder à son déclenchement d'un simple geste, permettant à la constellation associée, similaire en tous points, d'apparaitre sur la carte. La rune de l'énergie. Mais aussi du succès, et du soleil. Sam reste un instant songeuse avant d'indiquer : aucune idée de quelle constellation c'est par contre. Vous la reconnaissez vous ?