Devant leur insistance à tous les deux, Alison abdique. Les lèvres pincées, Sam se tourne vers Ferguson alors qu'il suit des yeux la sorcière, dirigée vers les vestiaires. Elle réprime un rire quand elle croise enfin son regard à travers les lunettes :

- Bon bah t'es fixé au moins.

- Yup.

- Bien vu hein.

Il a l'air beaucoup trop content d'sa connerie. Des s'maines qu'il veut confirmer la rumeur qu'Alison porte des piercings aux tétons. Sam secoue la tête et lui balance le souaffle rien qu'pour l'emmerder. Gus le lui renvoie avec la même énergie, et ils commencent une pseudo-battle en attendant le retour d'Alison. L'type arrête d'être bon enfant dès qu'il capte l'mouvement dans les gradins, et Sam jette son attention sur ce qu'à l'air de l'accaparer, soudainement. L'un des français est descendu pour rejoindre Alison, avec laquelle il est visiblement en pleine discussion.

- Décroche. Je jure.

- Quoi ?
 

Ferguson redresse la tête vers elle, un peu con, la mâchoire serrée, le souaffle sous l'bras. Pris sur le fait, il s'contente d'échapper un grognement mécontent. Sam lève les yeux au ciel, et l'approche pour récupérer la balle d'un mouvement sec alors qu'il est de nouveau vissé sur la scène, en bas.

- Elle est v'nue là pour s'entrainer ou pour s'faire allumer ?
- Souviens toi de c'que t'as dit, Sam siffle entre ses dents. Joue pas au con.

Ferguson se contente de lever les mains en guise d'appel de balle en se donnant un air qui trompe personne - et certainement pas Sam. Elle lui fait quand même la passe.

- Elle t'a emballé une fois, r'mets toi. C'est pas ta meuf, Gus.

Alison se remet sur son balai et redécolle pour les rejoindre. Sam lui adresse un sourire. Ferguson la calcule même pas et se contente de suivre des yeux le français qui repart s'installer dans les gradins, tape ses meilleurs check à tous ses potes.

- Ok ! On va pouvoir y aller. T'es prête ?

- 'Parti !

Ferguson a pas attendu d'savoir la réponse. Stratégiquement placé derrière Alison, il balance le souaffle dans la direction de Sam, la tête de la Serpentard en plein milieu.

Sam hoche la tête. Pope est cool, et c'est pratiquement sûr qu'il sera ok de leur prêter du matériel d'école s'il sait que c'est pour s'entrainer. C'est justement le genre à encourager ce genre d'initiative. Sam regarde Alison s'essayer au sortilège protéiforme. Ils ne l'ont jamais pratiqué en cours encore, mais il fait partie de la liste que Gus et elle ont révisés pendant l'été, avec celui de modelage. Alors quand la Serpentard reste dubitative devant sa mise en pratique, Sam s'avance :

- Nah c'est pas les mêmes. Fin... presque en vrai, mais pas exactement, elle tend Babsi vers le bouclier pour lancer à son tour un sortilège : plasticinum !

L'objet reste inerte, le sortilège visiblement parti en congé sabbatique. Fronçant les yeux, Sam réitère, avec plus de détermination cette fois, et le bouclier se décide enfin à se déformer. Bon. C'est subtil. Pis elle galère vachement. Mais bon au moins bientôt, ça ressemble plus à rien.

Rapidement, Sam est forcée d'admettre qu'elles sont loin d'avoir les connaissances du professeur Pope, et que métamorphoser une salle de classe entière relève de l'impossible. Alison a certes su faire pousser du feuillage à même la pierre, et il a le mérite d'être particulièrement réussi, il n'est pas plus haut qu'une poignée de centimètres, et demeure loin - très loin - d'une véritable forêt. Il faudrait connaître des formules capables de faire pousser des arbres entiers, ou au moins de larges arbustes aux tiges longues et entremêlées, prêtant un aspect autrement plus impressionnant que des murs couverts de pelouse.

- Mh. J'crois que j'me suis emballée, admet Sam du bout des lèvres. J'pensais un peu au délire des écosphères de Terranima tu sais ?

Il n'était pas rare que leur professeur de vol en fasse l'usage, en cours comme pour les entrainements de Quidditch, mais également certains autres membres du personnel pour leur enseigner certains sortilèges en conditions réelles. Elles n'étaient pas mises à disposition des élèves cependant, et il était clairement peu probable qu'elles parviennent à en reproduire les effets telles qu'elles étaient parties.

- Peut-être on pourrait d'mander à un prof de nous en prêter une pour une prochaine fois, t'en dis quoi ?

En attendant, mieux valait sans doute se cantonner à ce qu'elle faisait depuis le début, avec les moyens du bord. Sans grande conviction, Sam tâche toutefois de reproduire l'effort d'Alison - sur un malentendu ça double la mise ok ?

- Folivolus !

Ça pousse bien. Bon c'est pas si fou hein, même moins haut que la pelouse d'Alison. Ça reste une fucking pelouse. Un peu éparse. Un peu jaune.

- Yes. Nan mais oublie les salamandres et tout on va rester sur les mannequins, se marre subitement Sam.

Possible que le stress du tournoi coupe l'appétit d'Alison. N'empêche que Sam a du mal à imaginer un monde dans lequel elle devrait sauter des repas. L'stress, elle, ça la fait bouffer d'autant plus. La batteuse secoue la tête devant la réplique d'Alison, échappant un rire un peu étranglé :

- D'quoi tu parles ? J'suis comme tout l'monde hein.

Même qu'elle ferait pas d'Quidditch, probablement qu'elle paierait pour tous les soirées à se taper tout ce qui traîne en salle commune avec les gars. Pis y en a un paquet de trucs qui trainent dans leur salle commune ok ? Peut-être bien qu'Alison a raison et qu'elle a d'la chance quand même, parce que c'est vrai qu'elle se bouffe, à côté de ça, d'énormes plâtrées à tous les repas. Ben dis donc, mieux vaut l'avoir en photo qu'à table était une phrase qu'elle avait entendu régulièrement depuis qu'elle était gosse.

Rapidement, Sam transite vers les manuels sans réaliser la sensibilité du sujet pour l'autre sorcière :

- J'me disais, bon on peut clairement pas tout faire mais on fait quand même l'impasse sur un truc massif d'puis le début. Parce qu'on a parlé d'épouvantard tout à l'heure, mais imagine on tombe sur d'autres genre de créatures, dans des environnements qui les avantages de fou. Une salamandre au milieu d'un terrain volcanique, ou un dirico au milieu d... non bon, pas un dirico, mais t'as capté. Tu crois on s'rait capable de recréer un environnement pour essayer d'jouer dessus au lieu d'se focus sur les sorts d'attaque et tout ?

Peu concentrée sur les conversations pendant le repas, Sam avait davantage réfléchie à des manières d'améliorer un entrainement qu'elle trouvait déjà terriblement prometteur. D'un geste, elle fouille dans sa sacoche et en extirpe une large plume à papote aux reflets irisés. Interdite pour prendre note pendant les cours ou pour réaliser les devoirs, Sam l'utilisait majoritairement pour gagner du temps dès lors qu'elle devait coucher sur le papier des idées qui fusaient dans la seconde.

- Ça nous permettrait d'bosser nos sortilèges de métamorphose, parce que ça impliquerait de modifier plein d'trucs, mais en plus ça nous mettrait en condition pour réagir à un environnement super spécifique tu vois ? On pourrait lister des endroits et des ambiances qu'on imagine possible pendant les épreuves et s'y préparer, tout ça... ?

Ça prend le temps que ça prend - et Ferguson fait preuve d'une patience plutôt surprenante, mais finalement Alison semble enfin se détendre. On est pas sur une maîtrise incroyable, et y a fort à parier qu'il soit encore trop tôt pour retenter un ventus - Sam s'en veut encore d'avoir voulu aller beaucoup trop vite pour ce premier entrainement -, mais la sorcière est clairement prête pour l'étape suivante. La batteuse acquiesce à sa question, un sourire sur les lèvres :

- Tu gères ! On va r'commencer à s'lancer le souaffle si t'es ok Alison.

- Lets go, t'vas faire ça comme une pro !

Un bref instant, Sam secoue la tête dans la direction de Gus l'air de dire n'en fais pas trop non plus, et il se contente d'hausser les épaules. Branleur. D'un geste, Sam laisse filer l'objet dans la direction d'Alison, et les passes reprennent. Y a une nette amélioration par rapport à tout à l'heure, même si clairement la sorcière a du mal à trouver l'équilibre entre lâcher prise sur le manche, surveiller le souaffle, et gérer sa direction.

Pour l'instant, ils se contentent de faire des tours de terrain, mais à un moment donné, ils se détacheront de l'exercice de base pour qu'elle apprenne à gérer ses passes même lorsque tous les joueurs n'avancent pas au même rythme, ou à la même hauteur. Chaque chose en son temps, doit se rappeler Sam alors que, pour l'heure, Alison se contente de reproduire leurs gestes, encore et encore, prenant plus d'assurance à chaque réussite. Le rythme est parfaitement régulier.

Sam - Alison - Ferguson - Sam - Alison - Ferguson.

- C'est cool, tu t'démerdes hyper bien, l'encourage Sam.

Ferguson se tourne vers elle, interrogateur, et elle acquiesce discrètement. Il récupère le souaffle et laisse Sam s'éloigner tandis que, sans prévenir, il le rebalance dans la direction d'Alison, rompant le cycle installé depuis plusieurs minutes. Au même instant, Sam lève un bras pour tenter une nouvelle bourrasque, moindre que la première, mais qu'elle espère assez perturbante pour vérifier qu'Alison a de meilleurs réflexes, et une réaction mieux adaptée.

Le coup frappe précisément comme elle le voulait, et une vague d'air plutôt naturelle vient déborder du côté droit d'Alison. Il ne se combine pas exactement à la réception de balle car trop tardif, mais il permettra au moins de savoir si la sorcière est prête à recevoir ce genre d'inconvénient en plein vol.

Le bâillement d'Alison contamine Sam, qui l'imite immédiatement, étouffe un rire derrière sa main. T'inquiète. Puis de répondre à l'interrogation de la sorcière :

- Nan j'cherchais à les natter entre elle pour faire un genre de table, mais ça a loupé. Fin c'est pas allé au bout de c'que j'avais en tête quoi.

De nouveau, la Serpentard s'essaye au sortilège, mais la tentative se solde d'un cuisant échec.

- Mh. J'crois on force trop en vrai. Tu sais c'qu'il nous faut ? D'quoi recharger les batteries. L'expression, parfaitement moldue, n'a pas l'air de faire tilter Alison. Ça t'dit on reprend après l'dîner ? J'ai vraiment la dalle en prime. Pas toi ?

Étonnement, la Serpentard ne semble pas du tout prête à rejoindre le repas. L'appel du ventre n'est pas quelque chose que Sam peut ignorer, et elle ne tarde pas à plier ses affaires, non sans promettre de revenir dès le service terminé. Qu'Alison décide de manger ou non, ça ne la regarde pas vraiment. Qui plus est, ses amis risquent de commencer à s'inquiéter de ne pas la voir revenir - encore moins à l'heure du repas. Une dernière salutations pour sa camarade, et Sam prend le départ, rejoint une Grande Salle bondée et particulièrement bruyante. Elle y retrouve Jimmy, Ferguson, Ambrose, et Balthazar, bienheureux de leur fin d'après-midi sous le soleil, et pas franchement intrigué par ses révisions de début d'année.

- Sérieux t'y retourne après ?

- On fait une bataille explosive à la salle commune et tout.

- On en fait tous les soirs. Et J'ai promis à Alison ok ?

- D'où tu t'entraines avec elle d'abord ?
- J'suis tombée d'ssus par hasard, mais c'était cool. Elle a des fiches de malade dans toutes les matières, un truc de dingue.

- Elle a qu'ça à foutre ?

- Au moins elle prend l'tournoi au sérieux.
- Il a même pas commencé encore l'tournoi. On s'est pas assez entrainé cet été ? Aux cours d'soutien d'l'an dernier ?

- J'me sens pas prête. Vous devriez pas non plus.

Clairement, elle est la seule à l'penser, et c'est en solitaire qu'elle grimpe de nouveau les marches pour rejoindre la salle de classe où elle espère retrouver Alison, près de quarante minutes plus tard. Peut-être a t-elle changé d'avis ? Peut-être a t-elle rejoint ses amis pour dîner, avant de décider de repartir en salle commune histoire de se changer les idées ? Mais Sam ne l'a pas vu dans la Grande Salle, ni dans le hall, et lorsqu'elle ouvre la porte, Alison est bien là. Exactement où elle l'a laissé. Elle toque rapidement à la porte :
 

- Hey ! T'as pas mangé du coup ? La question est rhétorique. J'sais pas comment tu fais. J'peux rien foutre quand j'ai la dalle c'est un délire. T'en es où ? Elle demande en reposant son sac sur la table, parée à reprendre, armée d'un véritable regain d'énergie.

Difficile avec elle-même, Alison ne semble pas se satisfaire pleinement de sa réussite. Sam reconnait là le comportement qu'elle peut avoir aux entrainements de Quidditch, alors qu'elle essaye d'imiter les figures des garçons, et qu'elle sait qu'elle n'a guère de marge d'erreur. Intransigeante envers des faiblesses dont ses amis ne l'accusent pourtant jamais, la batteuse connait la volonté de vouloir toujours faire mieux dans un domaine. Celui du sport. 

Ce dépassement de soi ne se retrouve pas forcément dans le reste de son apprentissage scolaire, ou la compétition n'a pas vraiment sa place - en dehors des duels. Est-ce une tare vis-à-vis du tournoi à venir ? Peut-être. Alison, elle, semble bien déterminé à maîtriser l'ensemble de ses sortilèges à la perfection avant de se lancer dans la course, et jeter son nom dans la coupe. Sagement placée près de la sorcière, Sam décide de prendre exemple sur elle et persévère, baguette pointée sur la chaise pour une seconde tentative qu'elle espère plus prometteuse :

- Plasticinum !

De nouveau, un pied part en spirale, puis les deux autres, plus nettes que la précédente. On est loin de la vision qu'en avait Sam, mais ça reste une réussite, marquée d'une certaine évolution. Certaine de devoir persévérer encore, elle resserre la prise sur sa baguette et se décide à ne rien lâcher malgré la fatigue.

Amusée par la réaction de sa camarade, Sam échappe un rire bref. Elle hoche gravement la tête aux propos d'Alison, fière et plus que satisfaite elle aussi d'un entrainement dont elle n'attendait finalement pas tant. Il ne lui était pas vraiment venu à l'idée de pratiquer sa magie en dehors de son cercle d'amis - à moins d'être seule -, mais ce n'était peut-être pas un mal de profiter d'un avis extérieur, et de l'expérience d'une sorcière aussi organisée que la Serpentard.

- Carrément.

La batteuse rejoint Alison près des tables où s'étalent encore leurs fiches : les siennes, brouillonnent et tâchetées d'encre, font un contraste saisissant avec les parchemins parfaitement rédigés de sa camarade. Les deux mannequins se sont figés dans leurs mouvements après que les deux filles aient mis fin à leur animation. Arrêtée sur l'idée du modelage, Alison fait une tentative qui se solde d'un échec, et Sam hausse les épaules.

- J'crois que c'est ton geste.

Rendre la pareille à Alison lui semble juste, et elle pointe du doigt le dessin qui orne la page, face à sa formule.

- Ça fait un genre de spirale, mais le coup final doit être sec, elle se remémore, récupère sa baguette pour illustrer son propos : Comme ça ? Plasticinum !

Évidemment, le sortilège n'a rien de parfait, mais il a le mérite d'être réussi. Un pied de chaise se met à changer de forme, légèrement et distinctement, pour prendre une forme de spirale, rendant bancal l'objet tout entier.

Même clairement en dehors de sa zone de confort, avec la certitude d'être aussi malmenée que n'importe quel joueur de Quidditch à l'entrainement, Alison garde sa posture droite et le regard fier. La Serpentard ne plaisante pas avec sa préparation pour le tournoi, et Sam est bien placée pour le savoir, mais sa camarade continue de forcer son admiration. La batteuse enfile paire de lunettes et gants en gestes précis et rapide, récupère un souaffle, et frappe du pied sur le sol. Envolée à plusieurs mètres de hauteur en une poignée de secondes à peine, elle ne tarde pas à rattraper Ferguson, et le file comme une ombre.

Alison n'a pas suivi.

Ils l'avisent au-dessus d'une tribune où sont venus s'entasser plusieurs élèves de première et deuxième années. Bien trop loin pour entendre ce qu'il se dit, ils sont forcés d'attendre le retour de la sorcière, visiblement déjà distraite par l'arrivée inopinée d'un public. Aucun d'eux ne commentent pourtant, préférant enchainer sur l'exercice. Le souaffle est distribué de main en main. Si Ferguson comme Sam sont davantage habitués à se balader avec une batte, le changement ne semble pas les déranger outre mesure. Pour cause, tous y passent lors des entrainements.

La polyvalence est nécessaire au sein d'une équipe où, occasionnellement, certains joueurs sont amenés à remplacer les autres à des postes différents de leur poste habituel.

Alison peine à se focaliser sur sa trajectoire de vol en même temps de faire circuler la balle, mais c'est exactement pour ça que Sam a voulu commencer ainsi. De temps à autre, elle balance des conseils contre le vent, sa voix portant sans peine alors même qu'ils avancent en formation serrée, plusieurs dizaine de mètres au-dessus du vide : faut qu'le vol devienne automatique, que t'aies pas à y penser ok ? Entraine toi à retirer tes mains du manche sans que j'te lance quoi qu'ce soit. T'as tes jambes pour compenser tes bras, ajoute Gus en se prêtant à l'exercice.

Le premier enseignement d'un cours de vol consistait à dire : ne lâcher jamais le manche de votre balai. Ce n'est qu'ensuite que l'on expliquait l'importance de la maîtrise du corps, et la façon dont on pouvait s'en servir pour piloter, en utilisant chacun des membres de manière pro-active. Lever les mains du manche représentait une véritable étape que bien des élèves passaient sans avoir à passer par les entrainements de Quidditch, mais certains nourrissaient cette peur irrationnelle que le balai chuterait brusquement s'il en retirait juste un doigt.

Le souaffle, qui n'en est pas vraiment un mais sa version allégé pour débutant, ne reprend sa course entre les joueurs qu'une fois qu'Alison se montre plus à l'aise. Sam, comme Gus, font preuve de patience, et ne font pas du tout cas des gamins dans les gradins, habitués aux présences continuelles pendant leurs entrainements ou leurs matchs. T'as pas besoin de surveiller l'souaffle, regarde devant pour garder l'équilibre. J'te préviens quand j'te fais la passe donc t'as pas b'soin de guetter Alison. La vision périphérique faisait le reste. T'as b'soin de jeter le souaffle aussi fort. Économise tes mouvements. Ouais ça doit rester fluide. C'est dans les épaules que ça s'passe. Le vent fait l'reste. 

Une vingtaine de minutes ne sont dédiées qu'à ça. Se lancer un souaffle de la manière la plus efficace. Sans perdre le contrôle du balai. Sans paniquer. Sam refuse que les lancers soient hasardeux, et tant qu'elle estime qu'Alison ne semble pas suffisamment à l'aise avec l'exercice, elle ne passe pas à autre chose. Puis, enfin, elle estime sa camarade prête, et elle balance à Gus, un ton trop bas pour qu'Alison l'entende :

- Tu continues avec elle ? J'veux voir comment elle réagit si y a une bourrasque.

Ferguson hoche la tête, et laisse Sam prendre de la vitesse pour aller se placer de l'autre côté de la sorcière.

- Ventus !

Une brise légère se contente de disparaitre dans l'air sans jamais atteindre sa cible. Sam doit s'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à son objectif, exterminant tout effet de surprise.

Une moue d'incompréhension froisse brièvement les traits de Sam. Pas besoin de se dépenser entre les épreuves ? Le tournoi se déroule sur toute l'année, et il n'y a que trois tâches. Il parait évident qu'elle aura très largement le temps et l'envie - la nécessité même - de pratiquer son sport préféré. Les entrainements sont à ses yeux autant de moments de travail que de relâche. Intriguée, Sam se demande ce que fait Alison lorsqu'elle n'étudie pas.

- C'est aussi ma manière d'me détendre, elle précise à l'intention de la sorcière. Alors crois moi j'en aurais b'soin.

Alison lui prodigue un conseil au sujet du sortilège de gravité variable, et Sam doit bien admettre qu'il est possible que ça n'ait pas été la manumagie le problème. À moins que ce ne soit un combo des deux. Incapable de ressentir le lien avec sa magie, elle aurait chié sur la prononciation ? Fort possible. Décidant de reposer Babsi a présent qu'elle en a retrouvé l'étincelle, Sam inspire et expire profondément. Alison parvient sans peine à reproduire l'effet précédent, et Sam se replace pour l'imiter :

- Gravitas Vacuus !

La tentative est louable. Son mannequin ploie le genou, et le corps entier, mais on est loin de la véritable attraction de Jupiter que Sam recherchait. Visiblement, son adversaire est cncore capable de la combattre, tandis que le mannequin d'Alison semble ne rien ressentir de ce second changement gravitationnel. Sam étire toutefois un sourire large vers sa camarade alors qu'elle met fin au sortilège :

- Merci, c'était complètement ça !

Sam fronce les sourcils, réalisant subitement que ce que dit Alison est vrai.

- J'avoue. C'est cool. L'échauffement a du aider, elle glisse avec un sourire léger. La compagnie aide pas mal !

Sa camarade ne manquait aucun sortilège en début de séance non plus, contrairement à elle, et son ambition ne participait qu'à montrer l'exemple là où les garçons auraient eu tendance à grandement se disperser - et la disperser avec eux. La seule personne avec laquelle elle parvenait à rester scolaire plus de vingt minutes était Ambrose, mais il représentait une distraction à lui tout seul, qui ne lui permettait jamais de resté focalisée bien longtemps.

- Stylé. J'adore ce sortilège, elle partage en regardant Alison renverser la gravité.

L'astronomie n'intéressait guère Sam, bien que le professeur Wickerson soit suffisamment passionné pour alimenter la curiosité de n'importe qui. Il était amusant, et toujours plein d'anecdotes embellissant des cours qu'elle continuait de trouver plutôt ennuyeux, sur le fond. La partie pratique cependant était quelque chose qui l'avait toujours botté, et elle avait adoré le cours de l'an dernier qui les avait vu se promener de balise en balise en véritable virée nocturne.

- Gravitas Vacuus ! Elle imite Alison, encore une fois sans s'armer de sa baguette, le bras dirigé vers son propre mannequin.
 

Le sortilège échoue, la magie se refusant à elle. Visiblement, Babsi devient nécessaire, et Sam abdique en s'avançant jusque la table où git sa baguette. L'étincelle surgit à peine l'instrument saisit. Est-ce qu'il est vrai que les élèves de Uagadou n'ont pas de baguette magique du tout ? Comment font-ils sans ce lien qu'elle estime presque vitale, présent depuis ses premiers instants dans cette école ?

- J'sais pas, elle répond finalement, au sujet du Quidditch. J'pense que oui. J'en ai b'soin tu vois. Pour m'dépenser. Mais sans doute que j'aurais moins d'temps pour faire tous les entrainements...

Un rire lui échappe en réponse aux moqueries d'Alison, et elle rétorque :

- C'est juste que c'est pas tout à fait au point, mais t'verras bien quand j'aurais maîtrisé !

De nouveau face à son mannequin, dont l'animation ne semble guère faiblir, la batteuse décide de poursuivre l'entrainement sans baguette. Dans trois jours à peine débarqueront les délégations des deux autres écoles en lice pour le tournoi : Beauxbâtons, et Uagadou. Sam a entendu bien des rumeurs à leur sujet. Notamment que certains de ces élèves maîtrisaient la magie sans baguette depuis leur première année car ils n'en possédaient pas, ou encore qu'une poignée serait des animagus accomplis.

- J'osais pas l'dire, elle réagit à la plainte d'Alison avec malice, un sourire sur les lèvres. En vrai j'pense juste qu'on pousse un peu, Sam énonce plus sérieusement. Mais c'est bien. Il faut. J'suis pas sûre qu'on ait l'droit au repos pendant les épreuves du tournoi !

Un écart lui permet d'esquiver un autre sortilège lancé par son adversaire, et elle se positionne proprement cette fois. Se force à se focaliser malgré la fatigue qui commence à doucement se faire sentir.

- Levicorpus !

Un crochet invisible semble saisir le mannequin par le mollet pour venir le suspendre au plafond, dans un mouvement approximatif, mais suffisamment efficace. Sam ne parvient guère à l'y maintenir cependant, et le mannequin retombe lourdement dans la seconde suivante. Elle se ploie légèrement pour poser ses mains sur ses genoux, histoire de reprendre son souffle.

Aux premières lueurs du jour
 

- Nan, c'est mort.

- Pourquoi c'est mort ?

- Parce que Gus, j'ai proposé mon aide, pas un foutu traquenard où t'vas passer la matinée à l'emmerder !
- J'vais pas l'emmerder ça va j'sais m'tenir.

- Mh ?
- Sérieux !
- Sérieux, Gus, c'est mort. Bouge, j'dois me préparer.

C'est pas si mort que ça, visiblement. Moins de vingt minutes plus tard, Sam quitte la salle commune talonné par Ferguson, encore abasourdie par ce qu'elle vient d'apprendre. D'où, en fait ? Et d'où l'mec a gardé ça pour lui autant d'temps ?

- J'en r'viens pas.

- Passe à autre chose Chadwick, Fergus grogne à moitié.

- Nah. C'est mort. Genre t'as date Alison. J'suis morte. Quand les gars vont savoir... vous avez ken ?

- Ferme là, ça t'regarde zéro, et personne va savoir ok ?

Elle secoue la tête, ferme sa gueule devant le regard noir de Gus. Elle dira rien, parce qu'elle a bien capté l'idée, mais ça va quand même la démanger. Elle lève les mains en signe d'innocence, son sac en bandoulière lui frappant la hanche au rythme de ses pas.

- Tranquille. On peut savoir pourquoi c'est un si gros secret ? Si vous avez passé un si bon moment ?

Ferguson répond pas, et Sam décide de pas insister. C'est rare de voir son pote comme ça, et elle connait les limites quand il s'agit de le charrier. C'est lui qui change de sujet, réclame de savoir c'qu'elle a prévu. Elle sait pas trop, en réalité. Pas plus qu'elle sait vraiment ce qui lui a pris de proposer subitement son aide à Alison en début de semaine. Juste, elle est plutôt contente que le nom de la Serpentard ait été tiré, et elle a gardé en tête leur conversation pendant leur entrainement improvisé.

- J'pense que faut lui faire découvrir nos entrainements de Quid. Les élèves s'cantonnent aux bases pendant les cours de vol t'vois ? Et c'est une meuf organisée. j'suis sûre qu'elle les maîtrise, les bases. Juste elle a pas trop d'pistes pour aller plus loin.

- T'crois que y aura une épreuve de vol ?

- J'en sais rien Gus. Mais si c'est l'cas au moins elle aura plus que juste des bases.

C'est pas comme si Sam se sentait d'apporter quoi que ce soit à Alison dans l'reste des matières de l'école. Gus a l'air d'approuver, et il ferme curieusement sa gueule tout le long du trajet. Comme s'il était nerveux à l'idée d'se pointer au cours improvisé malgré le fait que ce soit lui qu'ait insisté pour venir. Sam a donné rendez-vous à Alison sur le terrain, devant les vestiaires des joueurs, et elle l'aperçoit rapidement au loin. Il fait un temps assez idéal pour voler.

- Hey ! J'ai ramené du renfort j'espère ça dérange pas, elle annonce dès qu'elle arrive à portée d'voix.
- Yo. 

L'type a beau se donner un air, Sam voit très clairement au travers. Il est méga intimidé. Elle se force à réprimer le rire qui menace de s'échapper, et décide de focaliser sur Alison. Son sac a été déposé dans la pelouse, et les deux poufsouffles sont en tenue d'entrainement, leurs balais les attendant sagement en réserve.

- J'ai ramené d'quoi faire. Des balles, des battes, tout un tas de bordel emprunté dont ils se servent à l'entrainement. T'es prête ?

- Oh. 

Loin d'être habituée à entendre ce genre de discours concernant Ferguson, Sam reste interdite face à la réponse que lui offre Alison. L'admiration de son ami pour la Serpentard n'a rien d'un secret au sain du groupe. Ils le charrient même régulièrement sur le sujet. Le type a un crush tellement vénère que ça en devient grotesque. Mais bien sûr la seule manière qu'a trouvé Gus pour s'attirer l'attention d'Alison, c'est de la faire tourner en bourrique le plus possible, en cours comme en dehors. Il s'est jamais récolté que des regards noirs ou des claquements de langue agacés.

C'est la dernière personne que Sam imaginait énoncer quoi que ce soit de positif à propos de Gus.

- Clairement, elle affirme finalement en échappant un rire léger.

Ferguson Decker qui fait pas de bordel n'est pas Ferguson Decker. Elle peut bien concéder ça. Le chauve-furie d'Alison part harceler son mannequin, et Sam hausse les épaules à la question qu'elle lui pose :

- Un ventus peut-être bien ? Ou alors un autre chauve-furie. Ça f'rait un tournoi au milieu du tournoi, elle se marre en imaginant la scène.

Décidant de mettre en pratique ce qu'elle vient d'annoncer, Sam se déplace vers le côté de la salle histoire d'être en position de défendre l'adversaire d'Alison. Elle n'est pas tout à fait derrière, mais son angle de tir est plus qu'acceptable. Son propre mannequin se met en mouvement pour la suivre, et elle sait qu'elle n'a pas beaucoup de temps avant de subir son attaque. Concentrée, elle tend la main vers l'avant et s'applique avant de balancer :

- Vampirello Fléau !

La horde s'échappe dans l'air et fond sur la cible : l'autre nuée de chauve-souris. Sauf que visiblement, l'idée n'a pas été comprise, et le mannequin d'Alison est désormais assailli par un double groupement vampirique acharné. Grimaçant, Sam n'a guère le temps de rectifier le tir, car déjà survient un éclair, de l'autre côté. D'un bond elle l'esquive, se prépare à la contre-attaque.