Je pense très fort, reste branchies, reste branchies. Restez là mes petites copines gélatineuses. Comme si c’était des chatons aquatiques qu’il fallait convaincre de ne pas s’enfuir. Parce que si elles se barrent, Charlie redevient un mammifère complétement classique. Et on n’a pas exactement le temps de commander un tuba.
Maintenir un sort, c’est pas sorcier, qu’ils disent. Haha. Très drôle. C’est comme essayer de retenir un pet magique en pleine messe. Faut de la grâce, de la discrétion, et surtout ne penser à rien d’autre. Tu te concentres, tu plisses les yeux, tu fais genre t’as l’air sage et puissant. Alors qu'on dirait que tu essaies de garder une flaque en place avec la force du regard. Mais en vrai t’es juste là à te dire surtout pense à rien d’autre, surtout pas à des cornichons. Et évidemment, maintenant j’ai envie de cornichons, des cornichons en tutu. Super.
Je visualise. Branchies branchies branchies. Comme un mot magique. Comme un mot de passe pour entrer dans le club très privé des poissons distingués. Allez, Charlie. Nage. Je tiens le coup. Même si mon cerveau commence à faire des galipettes.
Est-ce qu’on peut transpirer de la concentration ? Est-ce que ça se voit si je commence à loucher ?
Non !
Je suis la gardienne des branchies. La bergère des ouïes. L’architecte de la respiration piscicole.
Merde, faut pas que je me gratte le nez.