Harry Potter RPG

Liste des messages de Freya Carter

Freya Carter

Femme

25 ans

Sang-mêlé

Britannique

Mais où est Charli ?

Message publié le 22/08/2025 à 10:09

Ça fait plus de 4 mois qu'Elliot et Freya prétendent douloureusement qu'ils se connaissent à peine, que leur relation est strictement professionnelle, uniquement tenue par un contrat. L'Écossaise possède une triste faculté à verrouiller son coeur, se plonger entièrement dans le travail et sa vie de famille sans penser au reste, et mettre de côté son propre bien-être. C'est facile lorsque vous avez de quoi vous occuper.

 

Elle et Jun forment maintenant un couple ennuyeux mais stable. Il lui offre des fleurs, elle remplace l'ancien bouquet défraîchi par le nouveau. Il l'embrasse peu ; elle n'a jamais été très tactile paraît-il. Ils discutent beaucoup des balais ensemble, et sont complémentaires au laboratoire, alors ça suffit, non ? Freya ne ressent rien pour le Japonais. De la gratitude, au maximum. Tu voulais la sécurité, tu l'as, se blâme-t-elle intérieurement quand la voix d'Elliot martèle qu'elle ne pas sait ce qu'elle veut.

 

Enfin si. Si. " Tu veux pas avoir mal. "

 

Pourtant elle a mal, là, en regardant le visage de Charli devenir celui d'Elliot. Elle a mal de l'entendre dire qu'elle doit arrêter, que c'est chiant. Elle a mal au bide lorsqu'elle se retrouve seule le soir, sans son père, sans ses sœurs, sans distraction à sa douleur.

 

Elle préférait être la folle, fan d'un ancien petit-ami, que d'être perdue, les t-shirts du batteur en boule au fond de son armoire, à éviter mille fois par jour le regard des posters, à prendre toutes ses dispositions pour ne pas le croiser en allant au centre. Elle aurait préféré d'autres articles dans la presse que ceux évoquant l'histoire entre le synthétiste et la première fille d'Owen Carter.

 

Heureusement MicMac revient en voltigeant et en piaillant, et bientôt MacDuff pousse le cri qui annonce un visiteur. C'est Horace, prévient Freya à l'intention des deux gosses. Elle se lève, balaye la mélancolie de son visage, et dévale l'escalier jusqu'à la porte d'entrée du magasin, derrière laquelle attend.. Elliot Blackburn. Passé l'effet de surprise et le sursaut de son coeur, la Poufsouffle ouvre. Son salut se fait recouvrir par l'appel du Gryffondor. Elle recule pour laisser la place devant le seuil. 

 

— Entre, tu vas t'faire repérer. J'sais pas s'il t'entend, il- mais des bruits de pas frappent l'escalier, et Freya devine que Charli va débouler d'une seconde à l'autre. On croyait que c'était Horace, il voulait pas s'faire engueuler, ajoute-t-elle en jetant un coup d’œil vers la fente du rideau séparant la boutique et l'arrière-boutique. Et comme l'expression d'Elliot reste sévère, et que l'aînée Carter s'est engagée auprès du petit Charli, elle répète, tandis que ce dernier arrive. C'est pas d'sa faute, c'est moi. 

 

Immédiatement après, une quatrième personne arrive dans la pièce. Salut Elliot. La Serdaigle s'arrête au comptoir, observant curieusement la scène avec distance. Elle s'assoit sur le tabouret haut qui sert aux pauses du personnel en caisse, et tourne de gauche à droite, lentement. Elle a perdu la vivacité de leur rencontre en octobre.

 

Terre à terre, maternelle avant l'heure, Freya passe une main affectueuse dans la longue tignasse désordonnée du jeune Gryffondor. Il a rien mangé par contre. Il a pas touché son assiette.


Mais où est Charli ?

Message publié le 21/08/2025 à 09:39

Plusieurs fois par semestre en fonction des saisons, Freya se rend à Poudlard où l'attend une flotte d'OCQ400 maltraités lors de l'entraînement des étudiants. Malgré plus d'une dizaine d'années d'existence, le dernier modèle reste une référence dans son domaine, et conjugue facilement sécurité, performance, stabilité et maniabilité. Créé en 2113 sous la direction d'Owen Carter, l'engin répond simplement aux attentes d'un père vis-à-vis de sa fille passionnée de vol. C'est d'ailleurs à cette même époque que l'ancien capitaine de quidditch a équipé l'école gracieusement avec des OCQ400 flambants neufs, gage de remerciement à l'ancienne direction pour lui avoir permis de pratiquer son sport entre les mailles d'un planning scolaire disloqué, et aussi en support à la découverte de nouveaux talents.

 

Parmi les opérations d'entretien des balais, l'aînée Carter s'occupe d'égaliser et regarnir les queues de brindilles effilochées, de colmater les craquelures grâce à une pâte résineuse et un sortilège de consolidation, de resserrer les diverses fixations de ferronnerie, de réajuster les trajectoires défectueuses ou problèmes d'altitude, et encore bien d'autres étapes souvent négligées par les collectivités, petits clubs, et même certains clubs moyens, dont elle taira le nom.

 

Rodée à l'exercice, il suffit en général d'une heure et demi ou deux heures pour venir à bout de la corvée, sauf lorsqu'elle s'autorise un détour nostalgique à Poudlard. Ici, sur le terrain, dans le parc, autour des gradins, chaque odeur et chaque élément du paysage lui évoque un souvenir lointain.

 

Elle se rappelle les matchs passés à brandir une écharpe, tantôt jaune et noire, tantôt rouge et dorée, les mains engourdies de ferveur, la gorge enrouée d'avoir trop chanté, en attendant son tour d'avoir l'âge de pouvoir rejoindre l'équipe. Elle se rappelle le crépuscule, les moments interdits à se faire la course pour frôler les sensations d'un match. Elle se rappelle d'être venue encourager Elliot lors des sélections, alors qu'elle-même n'aurait plus eu le temps de participer au moindre entraînement. Elle se rappelle l'avoir longuement admiré, suivant chacun de ses mouvements, le coeur battant.

 

Aujourd'hui Freya évite les appels de sa mémoire. Elle retourne à sa grosse malle magique dès le travail terminé, et la referme d'un claquement sonore, pressée de rentré à Pré-Au-Lard où l'espoir de revoir Owen Carter occupe une grande partie de ses pensées. Son bagage en lévitation devant elle, la rouquine quitte le chateau et prend le sentier en direction du village quand soudain, la voix familière de Charlie retentit. Frey', attends moi !

 

— Salut toi. Comment ça va ?

— Y'a des nouvelles de Papa ?

— Pas de nouvelles de Papa ma Friselune

— Oh... 

 

Les deux sœurs terminent la route ensemble. La malle est abandonnée dans l'arrière-boutique, près de l'établi en bois. Elle n'est plus scellée car Freya y a plongé un bras afin de récupérer une huile dont elle avait besoin avec un client de dernière minute. Fenella et Charlie l'aident à nettoyer puis ranger la boutique, et Fenella s'en va. Comme chaque soir après la fermeture du magasin, la Poufsouffle active les runes et charmes de protection qui se déclencheront pour prévenir d'une intrusion, avant de monter à l'étage. Elle et la Serdaigle ne tarderont plus à s'attabler, enfin.

 

L'horloge indique bientôt 19h. 

 

Au moment où du bruit retentit à l'étage inférieur alors qu'elles sont en plein repas, Freya se tourne vers leur petite chouette aux yeux grands ouverts, à l'air effrayé, puis vers Charlie qui tend l'oreille aussi.

 

— T'as entendu du bruit en bas ?

— Tu crois que c'est Papa ?

— Tu crois qu'on a une goule ?

— Les alarmes ont pas sonné.

 

L'aînée prend son courage à deux mains et descend prudemment l'escalier, suivi par la benjamine, quelques marches derrière elle. Papa ?- shhht, interrompt Freya en arrivant sur le seuil de la vieille porte tordue, qu'elle ouvre lentement, avant d'allumer les lanternes de la pièce à l'aide d'un sortilège de manumagie. Oh non, c'est pas une goule, c'est un gnome de jardin.

 

— Quoi ? Qu'est-ce. C'est Charli Blackburn, le frère d'Elliot, continue la Serdaigle en mâchant le bout de pain qu'elle avait coincé dans sa joue. Qu'est-ce que tu fais là ?


De plumes et d'encre

Message publié le 20/08/2025 à 09:32

Cette conversation ressemble à un cauchemar. L'agacement d'Elliot résonne dans la station désaffectée et ramène Freya au démon des filles Carter ; la peur de l'abandon. Elle aurait préféré qu'il soit plus compréhensif, plus patient, qu'il lise sa détresse à travers son comportement désarticulé, qu'il ne renvoie pas à coup de batte la faute sur elle, car elle le sait bien, qu'elle est fautive. Qu'elle a merdé. Grave merdé.

 

Immobile face à son ancien petit-ami, elle encaisse difficilement. Elle enfonce les émotions loin derrière son estomac, contient son envie idiote de chialer comme une gosse de quinze ans, puisqu'ils n'ont plus quinze ans, il parait

 

Ils vont garder une relation pro.

N'était-ce pas ce qu'elle comptait faire au départ ? 

 

Pourquoi son coeur se déchire alors ? Tu m'rappelles pas mes pires souvenirs, refuse d'entendre Freya. Ou peut-être, les pires et les meilleurs réunis. Elle détourne les yeux, incapable d'affronter la suite de leur discussion. C'est quoi maintenant ? La fin définitive ? L'Adieu d'une deuxième chance ? Le silence effroyable entre eux parle, et l'écho des mots d'Elliot lui martèle la tête. "Arrête de faire ça. Juste arrête. C'est chiant." Elle veut disparaître. Il est loin de réaliser à quel point l'Écossaise regrette les derniers mois. À quel point elle se retient depuis leurs retrouvailles, effrayée de tout gâcher. 

 

 

— Mais, d'accord, se contente d'articuler la rouquine sans réussir à développer tellement elle a peur de pleurer devant le Gryffondor. Ses lèvres se serrent. C'est un échec. Elle n'est pas aussi combative qu'il le pense, pas dans tous les domaines, visiblement, ou pas à cet instant.

 

Elle aimerait retourner sur l'OCQ500 avec lui, au-dessus des Highlands, laisser son dos s'enfoncer contre son torse et ses bras l'envelopper tendrement. Elle aimerait revenir au câlin, à la question du verre. Elle a envie de l'embrasser et lui dire qu'il a le droit de lui faire un peu mal, pour beaucoup de bien. Qu'ils prendront le risque. Mais elle reste muette, Freya

 

Elle recule. On reste pro alors. De le prononcer, le couteau s'enfonce dans la plaie. 

 

Une grimace douloureuse traverse le visage de l'aînée Carter qui préfère se tourner. Elle a quinze ans. Elle a quinze ans et elle se barre, sans dire au-revoir, sans donner d'autres explications. Le bruit des chaussures résonne en même temps que le sang à ses tempes. Le couloir semble interminable. Le reste de sa vie sans l'espoir de retourner un jour dans les bras d'Elliot semble déjà interminable aussi. Elle se bouche les oreilles pour ne pas entendre l'écho de sa frustration, là-bas, au milieu de la carcasse métallique. Elle accélère. Elle fuit.


De plumes et d'encre

Message publié le 19/08/2025 à 09:19

— Jun est cool, j'ai rien à lui reprocher, défend l'aînée Carter aux joues plaquées de rouge et au coeur battant. Elle sent le vent qui s'engouffre par la porte que vient d'enfoncer Elliot. Comme l'autre jour à l'atelier, elle se sent terriblement vulnérable, loin de l'image qu'il a d'elle, d'une meuf qui gère. Elle gère rien. La preuve, d'ailleurs, qu'elle gère rien.

 

Leurs regards se harponnent, se jaugent, se fuient, se cherchent, reviennent, et la sorcière entrouvre ses lèvres, les referme. Elliot Blackburn lui a effectivement proposé d'aller boire un verre ensemble, et elle a refusé. Pas directement, certes, mais elle a refusé. J'sais, confie-t-elle, incapable de cacher à quel point la conversation noue ses tripes. C'est la dixième fois déjà que Freya remet ses grosses mèches rousse en arrière, et la onzième qu'elles retombent ici et là autour de son visage. J'sais qu'ça peut être dur à suivre, moi-même j'me suis pas. Son rire nerveux résonne brièvement au centre de la carcasse de métal et de pierre. L'OCQ500 dessine des lacets au-dessus des rails, impatient de retourner voler avec son maître. Le problème c'est que j'pensais avoir grandi, avoir mûri, être assez solide pour tout assumer, ...mais dans tes bras à Noël, j'ai eu l'impression de retourner en 5ème année et- c'pas d'ta faute, y'a eu le quiproquo, y'a eu ma mère, y'a eu plein de trucs pour lesquels j'peux pas t'en vouloir, mais, ça m'a fait trop mal la 5ème année Elliot, prononce l'Écossaise, la gorge serrée. Elle était pourtant persuadée d'avoir pris du recul. 

 

— Tu dis qu'j'ai le droit d'être casse-couilles, mais là en fait, j'y arrive pas, j'ai peur que ça gâche tout. J'ai l'impression que j'ai déjà tout gâché. Une pression monstre aux tempes, elle frotte ses yeux rougis et rabat encore ses cheveux vers l'arrière en soufflant. J'aurais aimé être à nouveau naïve tu vois, pas flipper de dire ou faire un truc qui va pas et qu'tu disparaisses. Au bar à Cardiff, ça allait, j'ai cru qu'on allait être potes, c'est mieux que rien. 

 

Un silence s'étire face à l'évidence. Mais en fait, on peut pas être potes, ça se voit, ça se sent. Fin, j'sais pas c'que toi t'en penses, mais moi j'peux pas être pote, j'ai envie de. Elle se coupe. Elle en a trop dit. Il va la prendre pour une folle cette fois. Ses prunelles suivent les lacets du balai le temps qu'elle reprenne ses esprits. 


De plumes et d'encre

Message publié le 18/08/2025 à 17:21

Lorsqu'il recule, Freya enfonce les mains dans les poches de sa veste pour s'empêcher d'encore le toucher. C'est normal qu'Elliot soit distant, mais ça suffit à lui envoyer une décharge douloureuse au coeur qui froisse un instant ses sourcils. Elle a fait une connerie. Elle le voit au regard fuyant du brun. Moi-même j'voulais pas la faire cette conférence, j'savais très bien c'qu'ils demanderaient, souffle la sorcière avec honnêteté. Sauf que le monde du sport étant le monde du sport, un balai issu de la lignée OCQ doit avoir un lancement digne de ce nom, et elle a eu beau repousser en espérant voir Owen revenir, il a fallu se lancer sans lui. Au-dessus d'eux, une ambulance passe, sirène hurlante, et attire l’œil ignorant de la sorcière. Elle fréquente très peu le côté moldu du monde, souvent enfermée entre les 4 murs de la boutique, ou en pleine nature.

 

Cool, répète Freya à demi-mot quand Elliot donne sa bénédiction au couple qu'elle forme avec Jun, après avoir parlé d'excuses publiques. L'amertume remonte jusqu'à sa gorge et déforme brièvement ses lèvres. Cool, cool, cool, murmure-t-elle encore dans son dos tandis qu'il s'éloigne le long du quai. Sa chaussure heurte un morceau de carrelage rouge qu'elle envoie sur les rails et qui résonne longuement. C'est p't'être moi qu'ai tout niqué au final, se renfrogne la rousse, poitrine tambourinante. Mais c'était mieux comme ça, C'EST mieux comme ça, n'est-ce pas ? D'un geste nerveux, elle rabat ses cheveux en arrière, ignorant le klaxon des Black Cabs qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'emprunter. J'aurais bien aimé qu'ça s'passe autrement, j't'assure. 

 

La voix serrée de l'Écossaise trahit son mouvement. Elle marche vers le balai qu'elle ramasse, pour le remettre en lévitation. J'ai essayé de- 'fin. Un soupir coupe sa phrase. L'OCQ500 d'Elliot flotte, visiblement irritable à son tour. Freya l'observe, incapable de poser les yeux sur le Gallois. J'crois que tout est pas aussi facile à réparer qu'un mug, conclue-t-elle tristement. Que leur relation ne l'est pas. Ses mains retournent dans ses poches, l'image de la station désaffectée et de cette conversation désormais en tête, qu'elle aura tout le temps de retourner dans tous les sens. 

 

— Merci d'avoir pris la parole avec les journalistes. J'sais qu'tu l'as fait pour me défendre, ajoute enfin l'aînée Carter en cherchant la silhouette d'Elliot. Il a souvent été là pour la défendre en vérité, sauf quand elle se défendait d'abord. Bon, j'vais dire à Jarvis que tu r'viens.


De plumes et d'encre

Message publié le 18/08/2025 à 12:24

Elle écarquille les yeux face à l'intervention du Gryffondor. Tous se taisent, et Freya sent son coeur cogner en rythme avec le discours qui aurait pu suffire à détourner l'attention- qui aurait suffire à détourner l'attention. Car voilà, une seconde plus tard, l'auditoire s'indigne devant la colère soudaine d'Elliot. Ils l'ont poussé à bout, une fois encore. Là où l'aînée Carter avait baissé la tête, résiliente, le batteur avait gonflé le torse, combatif. Prise d'une montée d'adrénaline, elle s'est levée pour le retenir - Elliot arrête ! Mais June a préféré laisser faire les gros bras de la Chambre Morgane et empêcher l'Écossaise de se mêler à ça. Dans un chaos sans nom, les anciens amants de Poudlard ont été séparés, attirés vers les coulisses chacun d'un côté, le public sorti, et les OCQ500 mis à l'abri.

 

— Miss Carter, Sir Saito, ça va ? demande la régisseuse aux sourcils arqués par l'inquiétude. Malgré sa prévenance et la gentillesse du Japonais, Freya ne trouve pas le calme. Vous avez vu Elliot ? - il est bien entouré, ils l'ont ramené en loge. Oui en effet, il est avec son agent. Rien n'y fait, elle connaît assez le parallèle entre les parcours médiatiques d'Elliot et de son père. Elle l'a vu vriller, elle est incapable d'ignorer ça, tout comme elle a croisé son regard harponné à sa main couverte de celle du synthétiste. J'dois le voir. Tu devr - j'dois l'voir, Jun, répète fermement la sorcière sous pression. Dans ces cas là, il capitule, car Freya peu parfois être bornée. 

 

La voici en quête de l'égérie OCQ500 parmi le brouhaha des coulisses. Certains réclament qu'on rouvre les grilles au public pour au moins conclure la présentation, d'autres s'enquièrent de l'état du journaliste brutalisé, quant à Jarvis Burrow, il fulmine, et s'excuse auprès de la cadette Carter dès qu'elle surgit aux alentours de la loge Blackburn. Je comprends, affirme-t-elle prestement en balayant le couloir d'un regard scrutateur. Il est là ? L'homme lui indique la route empruntée par Elliot quelques secondes plus tôt, celle des sorties de secours de la chambre Morgane. Freya disparaît à son tour, très vite seule l'une des nombreuses coursives de l'ancienne station de métro moldue. 

 

— Elliot ? Elle accélère le pas entre les parois couvertes de carreaux fissurés et d'alternance de néons grésillants et d'obscurité épaisse. La rouquine allume précautionneusement sa baguette.

 

L’air est froid, saturé d’odeur métallique mêlée à celle de la poussière et du béton humide. Les chaussures de la sorcière résonnent étrangement et chaque souffle venu des tunnels semble transporter des murmures indistincts. Elliot ?! Après une cinquantaine de mètres, la station s’ouvre en une carcasse béante. Les rails envahis de rouille et de gravats, les bancs de pierre vandalisés de graffitis effacés, et les panneaux indiquant des directions oubliées lui donnent un frisson. Elle interrompt le sortilège lumineux, son bras retombant contre sa cuisse. La voûte découpée d'une série de bouches d'aération amène le soleil et les bruits lointains de Londres dans le lieu désaffecté. Sur le quai vide, Elliot contient une colère sourde, invisible.

 

L'Écossaise s'approche, une boule au ventre. Eh, j'sais qu'ils sont doués pour nous faire péter la fiole, tranche-t-elle d'une voix adoucie. Ils ont fait pareil avec son père à de multiples reprises. Derrière le sportif, sa main se pose entre ses omoplates. Elle se rappelle de l'étreinte inoubliable de la fin décembre. Elle a regretté de n'avoir pas eu le courage d'affronter sa peur d'être abandonnée une deuxième fois par le Gryffondor, au profit d'une sécurité morne. Je- hésite Freya.

 

Ses lèvres se ferment. Son coeur hurle.

 

J't'ai pas trimballé, y'avait rien de réfléchi ok ?


De plumes et d'encre

Message publié le 06/08/2025 à 19:56

— À vous. L'entrée en scène tétanise Freya. La fille d'Owen Carter est habituée à éviter les journalistes depuis son enfance, cachée sous une cape dès ses premières heures en sortant de l'hôpital Ste Mangouste, ou affublée de sortilèges de camouflage pour se déplacer avec son père qui refusait de lui imposer une vie médiatique aussi toxique que la sienne. Sauf que voilà, son père n'est plus là. Dans son dos, la main de Jun remplace celle du célèbre joueur de Quidditch en retraite, et l'entraîne vers l'estrade sous les acclamations chaleureuses du public et une centaine de flashs retentissants. Choquée, elle entend la voix des animateurs résonner. Le col de sa veste lui donne des sueurs froides. Les projecteurs magiques l'éblouissent. "Freya Carter, quel nom ! Quel nom monumental, n'est-ce pas ? Miss Carter, alors on vous a très peu vue jusqu'à maintenant, mais- regardez cet accueil ; l'accueil du public est fantastique, je crois que tout le monde ici est très impatient !" Baguette contre leurs gorges, les deux sorciers chargés de rythmer la conférence enchaînent quelques banalités tandis que de longues bannières se déroulent bruyamment depuis plafond, dans lesquelles défilent des images d'Elliot en vol sur l'OCQ500. 

 

— ...un léger contretemps, et je vais en profiter pour donner la parole aux journalistes. Andrew, du Souafle Libre. "On peut le faire sans lui", chuchote Jun à Freya qui jette des coups d’œil inquiets vers le fond de la scène. Elle a envisagé toutes sortes de déconvenues aujourd'hui, sauf l'absence de l'égérie. "-c’est un petit con", disait Owen Carter en parlant du jeune Gryffondor lorsqu'il voyait sa fille rentrer de Poudlard couverte d'encre indélébile, sourire bête aux lèvres. Son père se serait méfié d'Elliot ; son père a jamais aimé l'idée qu'on puisse embêter sa descendance à l'école, et même après. Quand le prodige a grandi chez les Catapultes, et que Freya collectionnait chaque actualité le concernant, Owen a continué de l'appeler "le p'tit con", sûrement car il prenait la place qu'aurait dû occuper sa fille dans le milieu du Quidditch, peut-être car Owen Carter devenait un vieux con. La Poufsouffle sait plus bien s'il y avait une once d'affection ou juste de la lucidité maintenant qu'elle se trouve face au public, seule.

 

Les premières questions des chroniqueurs estompent le trac de la rouquine et répondent aux interrogations rudimentaires à propos de l'OCQ500. Oui, l'utilisation du balai en compétition officielle entraînera une réglementation spécifique, oui, la provenance des matières premières est gérée durablement et en accord avec le respect de la faune et la flore, oui, les amateurs peuvent déjà précommander leur propre modèle, non, la taille pour enfant n'arrivera pas cette saison.

 

L'intérêt porté par la foule de professionnels au dernier né de la gamme OCQ fait prendre soudainement conscience à Freya des répercussions que cela pourrait avoir sur sa vie, sur la boutique, la réputation des balais Carter, et l'équilibre de la famille entière. Peut-être, même, que cela pourrait ramener son père. "-est-ce qu'on peut s'attendre à vous voir faire une démonstration ? Vous avez ça dans le sang." Euh- "En parlant de démonstration !"

 

Soudain, Elliot surgit et interrompt la série de questions-réponses en déclenchant une nouvelle vague d'euphorie parmi les spectateurs. L'Écossaise retient son souffle, suivant des yeux la progression du brun, surveillant les réactions des reporters sportifs. Enfin, se dit-elle, rassurée qu'il soit là. Mais quand son ex-petit ami atterrit et lui serre la main, c'est Elliot Blackburn, la star du ciel, l'insolence incarnée, qui se trouve devant elle. Il fait le show, ça paraît logique, se convainc-t-elle en voyant les lunettes de vol devenir des lunettes de soleil sombres sur le nez d'Elliot.

 

Et l'odeur d'alcool qu'il dégage, elle évite d'y penser, trop anxieuse pour s'ajouter ça.

 

En présence du célèbre batteur gallois, l'interview dérive vers l'utilisation concrète du balai. Avec un sourire digne de ses meilleurs posters, il évoque son fanatisme d'Owen, il appuie l'idée selon laquelle l'OCQ500 va révolutionner le sport volant en expliquant la relation unique qui s'est déjà créée entre lui et l'engin. Il gère, tout simplement. Les sorciers venus des Îles britanniques et plus loin boivent ses paroles sous l’œil admiratif de Freya. Elle a du mal à retenir sa propre ferveur en l'entendant chanter encore les louanges du fruit de son travail des deux dernières années. Même lorsque les statisticiens piquent l'égo d'Elliot en diminuant ses performances, il répond proprement et fait rire la foule. L'ambiance prend une tournure différente alors que se mêlent aux chroniqueurs sportifs, les rédacteurs de presse-people, venus pour obtenir des scoops privés. 

 

On vous a vu quitter la boutique OCQ tard dans la nuit il y a quelques semaines… vous êtes restés proches de la famille Carter ? [...] Avec qui avez-vous passé la Saint-Valentin, Elliot ? On murmure que ce n’était pas une inconnue… Le Gryffondor ignore l'inconfort de Freya et renvoie les interrogations à coups d'humour caustique, comme il le ferait face à un vulgaire cognard. J'sais pas qui vous a raconté ça mais z'avez du m'confondre avec quelqu'un d'autre. Tard dans la nuit j'suis aux putes -exclamations choquées, rires, grattements de plumes. Sans déconner ça r'garde personne. Mais ouais, j'connais bien Freya Carter, on a été à Poudlard ensemble, aujourd'hui on bosse ensemble. Ça s'arrête là. Le journaliste insiste. J'fête pas la Saint Valentin, j'l'ai passé en tête à tête avec ma console. Très connue. Chez les moldus. Voulez la marque ?

 

À côté de Jun, la rouquine blanchit. Les animateurs, eux, se gaussent, convaincus du succès de la conférence. Et puis les plumes se braquent sur la sorcière. "-quelles sont vos armes dans ce milieu d'hommes ?"

 

— Je n'ai pas d'armes, je ne crois pas qu'il faille se battre et- elle est redoutable, elle est vraiment brillante, s'empresse d'ajouter le Japonais à qui l'on demande s'il a trouvé plus qu'un terrain de mise en pratique de ses connaissances en Écosse, et plus qu'une collaboratrice en la personne de Freya. Je ne joue pas à la console, et je fête la Saint Valentin, si c'est votre inquiétude, répond-il sans chichis dans la voix, suscitant un grattement émoustillé de plumes pendant que la Poufsouffle tourne la tête pour "vérifier" que les balais d'exposition soient toujours là, et cacher les rougeurs de ses joues. "On va passer aux dernières questions ! Par ici, Monsieur, allez-y." D'un sujet à l'autre, arrive celui qu'elle redoute : son père, le colosse disparu, le géant silencieux, le patriarche absent. L'aînée a préparé cette intervention et racle sa gorge avant de prendre la parole. Il n'y a rien à dire sur mon père. "Est-ce qu'il va bien Miss Carter ?" "Est-ce qu'Owen Carter a disparu ?!" Ses oreilles bourdonnent. 

 

Les journalistes ont arrêté de suivre les instructions des animateurs et réclament d'en savoir plus, chacun y allant de son interrogation ou son inquiétude, dans ce qui commence à s'apparenter à une cacophonie géante. "Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?" "Est-ce qu'il a fait le deuil de votre mère ?" Arrêtez, allons, s'il-vous-plaît, laissez-la parler ! Freya semble clouée sur place, incapable de se sortir seule de cette situation. 

 

— Tu veux sortir ? murmure Jun en touchant sa main.


De plumes et d'encre

Message publié le 03/08/2025 à 22:05

Derrière l'immense rideau qui sépare la scène du public, une estrade métallique se prépare à accueillir les intervenants dont Freya Carter, l'héritière improvisée d'Owen, et son assistant : le synthétiste japonais aux compétences encore méconnues du monde sorcier. D'un calme olympien, ce dernier seconde la rouquine aux réglages des OCQ500 choisis pour l'occasion. Trois bois et trois cœurs différents témoigneront aujourd'hui de l'adaptabilité totale du nouveau balai de la gamme mythique créée par le capitaine de l'équipe d'Écosse. J'aurais dû prendre le prunellier, ils vont trouver le sapin trop banal, s'inquiète Freya, vêtue d'un inhabituel pantalon à pinces beige et d'une élégante veste sorcière aux allures sportives, décorée de tartan écossais.

 

Une main posée délicatement dans son dos, Jun la rassure. Elliot va venir avec le coeur en plume d'oiseau-tonnerre, ils trouveront rien banal, c'est impossible, affirme-t-il, arrachant une moue guère convaincue à la Poufsouffle. Elle souffle nerveusement sur une mèche sortie de sa masse rousse attachée en chignon lâche, et qui revient devant son front. Ses doigts balayent des poussières minuscules accrochées au manche du premier modèle en exposition à l'arrière de l'estrade, au centre d'un faux terrain de quidditch prévu pour mettre en valeur la démonstration d'Elliot, même s'il sera autorisé à survoler la salle entière au moment venu. 

 

À chaque fois que Jun évoque le batteur, Freya sent son coeur déraper. Cent fois depuis sa dernière visite à la boutique, la sorcière a imaginé ce qu'il aurait pu se passer entre eux, si elle avait tourné la tête et cherché les lèvres d'Elliot pendant leur câlin, si lui avait décidé d'en faire autant. Mille fois, elle a repensé aux paroles du brun, à ses regrets, à cette impression désagréable d'être passé à côté de tout, et qu'il semble partager.

 

— Miss Carter, Sir Saito, il faut sortir de scène, la conférence va bientôt commencer, annonce une élégante régisseuse en tunique noire décorée de deux grands sélénophores dorés brodés dessus. D'un geste de la main, Freya renvoie les trois OCQ500 en lévitation au milieu du terrain avant de croiser la route d'un sexagénaire qui cherche l'égérie du jour. Je suis sûr qu'il va arriver d'une seconde à l'autre Monsieur, répond poliment Jun à l'homme furibond, puis d'entraîner la rouquine plus loin en voyant son regard paniqué. Il effectue doucement quelques points de pression le long de ses épaules. Inspire, expire, on bosse depuis deux ans, tu connais ton sujet. Souviens-toi, d'abord ils vont introduire la conférence, après c'est l'ouverture du rideau avec la démonstration, et ils seront déjà convaincus, crois-moi. Je suis là pour la technique, il te restera les questions commerciales, les délais, l'avenir d'Owen Carter Quidditch, rien de bien compliqué, mh ? Elle acquiesce, fébrile. 

 

Elle déteste être au centre de l'attention. 

Elle a de mauvais souvenirs de la presse.

 

De l'autre côté du rideau, la rumeur grandit. La foule s'impatiente. 

 

Jun dépose un doux baiser d'encouragement sur les lèvres de Freya. Elle regarde autour d'eux, gênée qu'on puisse les voir. Qu'il puisse les voir. Ce 14 février a joué son rôle d'entremetteur pour les deux partenaires de travail.

 

Soudain, un tonnerre d'applaudissement retentit et résonne dans la poitrine de Freya.

La conférence commence.


Le grand emballement

Message publié le 31/07/2025 à 09:56

— Pourquoi il vaudrait cher ? demande Freya en ignorant le bourdonnement de ses tempes alors qu'elle rajuste son pull et suit des yeux le batteur au comportement étrange. Ils sont cons tous les deux, avec cet air de ne plus savoir quoi faire de leur corps, et d'avoir besoin d'encaisser un simple câlin. C'est cher que si c'est Elliot Blackburn, star des Catapultes de Caerphilly, qui me l'a donné, explique l'aînée Carter, reprenant un vieux réflexe de son père, de toujours différencier la personne et le personnage, essentiellement en famille. Si c'était juste Elliot, alors ça aura la valeur qu'on décide. D'après son visage écarlate, on approche l'inestimable quand même. Loin des rencontres organisées entre supporters et membres d'équipes, où le moindre autographe est monnayé, photo à l'appui, et si vous avez de la chance, une main sur l'épaule, voire une bise, Freya s'est sentie dans les bras d'Elliot comme lorsqu'ils s'étreignaient parfois à l'aube de leur séparation silencieuse. Quand le silence taisait les pitreries du Gryffondor pour quelques secondes seulement. 

 

Elle regarde le brun aux oreilles rouges, et se demande s'il ressent la même chose. S'il a replongé, férocement, déjà accro au bout d'une seule prise ; un shot court, mais intense. Ouais bah là, j'avoue qu'c'est pas trop la période, s'entend dire Freya, sourire contrit aux lèvres. Ils vont se croiser professionnellement à cause du lancement de l'OCQ500, sauf qu'elle et Jun ont de longues sessions de travail devant eux avec la préparation des autres balais.

 

— Janvier/février, ça risque d'être chaud en vrai, elle se défile malgré elle, effrayée à l'idée d'être encore déçue, de se retrouver seule à pleurer dans sa chambre. Elle commence à fermer la porte, doucement, sûrement, protégeant l'ado de quinze ans qui pourrait prendre une décision hâtive. Elle s'en mordra les doigts, elle le sait. Déstabilisée, la rouquine a besoin de se mettre en mouvement et range soudainement un peu de matériel, rassemblant ses affaires pour remonter, et ce qu'Elliot va devoir emporter en partant. Bientôt, il ne sera plus là, et après ? Elle rouvre la porte. D'façon on va se croiser là. Rien n'empêche de faire un truc spontané au pire. Ça n'existe pas au milieu de leurs plannings, un truc spontané, mais ça veut dire à son ex-petit-ami qu'elle rejoint son idée de le revoir, et c'est important. S'il en a tellement envie, il reviendra défoncer une porte ou deux à l'occasion, c'est un batteur ou non ? "Frey, tu viens ?" Elle lève les yeux au plafond. Bon.

 

Cette fois, la Poufsouffle siffle l'OCQ500 du joueur, et clôt leur moment. Allez, tiens, ton bébé. J'vais t'ouvrir la zone de transplanage du jardin, ce sera plus pratique. Comme si elle s'était retranchée derrière l'une des carapaces d'Alison, Freya perd un peu son sourire en accompagnant le brun jusqu'à la cabane d'enfants qui sert de départ et d'arrivée pour les voyages lointains. C'est impossible, réveille-toi, se martèle-t-elle. 


Le grand emballement

Message publié le 30/07/2025 à 13:22

Loin d'avoir eu des adolescences banales, Elliot et Freya se sont croisés, elle qui chutait soudainement, lui qui vivait une ascension fulgurante. Si leurs mains ont tenu ensemble quelque temps, il a fallu que la réalité intervienne, brutale, arrachant sur son passage les fragments d'une relation déjà fragile. "-beaucoup de choses à gérer pour des gamins de quinze piges", elle acquiesce, forcée de reconnaître qu'ils étaient encore très jeunes, peu importe les responsabilités jetées à même leurs épaules. Son visage se tord involontairement, témoin d'une douleur profonde qui déverse parfois son torrent d'amertume quand la rouquine repense à ces années perdues, aux occasions gâchées, au vide comblé d'harassement.

 

Mais entendre Elliot dire qu'il ne l'a pas oubliée, qu'il n'aurait pas pu l'oublier, réveille une gamine enfouie au fond d'elle, désespérément seule à l'aube de sa majorité, et qui a préféré se persuader qu'elle ne valait rien plutôt qu'attendre un courrier d'excuses, une lettre de regrets ou une invitation au Pays de Galles. Dis pas ça, murmure-t-elle d'une voix à peine perceptible, une main contre son coeur en bordel, les lèvres tremblantes.

 

Avec le temps, elle s'est convaincue d'être juste fan d'Elliot Blackburn, comme des milliers d'autres sorciers, sorcières, enfants et adultes confondus. La célébrité du batteur a poussé Freya dans un étrange retranchement, où l'amour ne pouvait plus exister. Puisqu'elle n'avait que des posters et des résultats de matchs, elle s'est mise à suivre sa progression et l’idolâtrer sans espérer jamais davantage. Sauf que le batteur fout sa stratégie inconsciente en l'air, de quelques mots, d'une attention qu'il avoue lui porter en silence depuis dix ans. 

 

— Rien. Des banalités, répond-elle après avoir soufflé pour reprendre ses esprits. J'assume pas, ajoute Freya, un rire nerveux derrière sa main qui passe sur son visage, et rabat ses cheveux indomptables. Elle avait voulu briser le silence, mais elle avait eu peur d'être trop en décalage, et s'était contentée de phrases très basiques au final.

 

"Frey ?", interrompt la voix de Charlie, sortie tout droit d'un petit entonnoir au bout d'un tuyau métallique longeant l'escalier en colimaçon. L'aînée Carter s'approche et ouvre l'autre partie du dispositif s'apparentant à un tube acoustique d'ancienne maison moldue. Ouais ? "On a un SAV sur la stabilisation d'un 300 d'occasion." Note les infos et les coordonnées du client, et dis-lui qu'on a un petit délai là avec les fêtes. Je remonte bientôt. "Okay." C'est ok ? "C'est ok, à toute." Rattrapée par son quotidien, la rouquine referme l'extrémité du cornet et jette un œil au brun. Elle sait que de tels moments n'arriveront plus avant longtemps. Elle sait aussi qu'ils viennent d'enfoncer une porte, et qu'il appartient à chacun d'eux d'empêcher de l'obstruer encore. Bon, se motive-t-elle en ravalant la distance qui les sépare.

 

L'atelier-cathédrale reste l'un de ses endroits favoris au monde, un cocon lorsqu'elle cherche le calme, et qu'elle décide de se noyer dans d'interminables expérimentations. J'sais c'que j'veux pour Noël, annonce Freya, hésitant entre regarder Elliot, et faine mine de surveiller les balais retournés tranquillement au plafond. 

 

— Juste ça. Un câlin, qu'elle s'octroie car il ne la repousse pas quand elle lui retire les mains des poches, et s'enveloppe de ses bras. Son menton contre l'épaule du sportif, elle sent que sa poitrine s'emballe, que leurs chaleurs respectives se confondent instantanément alors qu'elle l'étreint en retour. Au-delà du battement de son coeur, c'est la douceur qu'ils ont l'un envers l'autre qui bouleverse Freya. Ça la ramène à quelque-chose de vrai. Ça l'effraie un peu. Elle inspire le parfum de son ex-petit-ami en essayant de se persuader qu'au pire, ils auront toujours réussi à sauver ce qui pourra ressembler avec le temps à une amitié. J'en sais rien si c'est trop tard, chuchote-t-elle, fébrile, ses paumes parcourant le dos d'Elliot, leurs jambes collées. 


Le grand emballement

Message publié le 28/07/2025 à 11:02

— Arrête, souffle-t-elle d'abord lorsqu'il commence à exagérer, revêtant les traits d'un personnage que Freya sait d'avance qu'elle va détester. L'ironie amère d'Elliot apporte son lot de compliments, tous plus difficiles à entendre les uns que les autres aux oreilles de la fille Carter. Non, elle n'est pas super jolie, non elle gère rien de l'éducation de ses sœurs, non la boutique est loin d'être redressée, non- ok, l'OCQ sera peut-être une révolution. Tu dis n'imp, murmure-t-elle, écarlate, l’œil adoucit par les moustache félines du batteur.

 

Le coup des banderoles l'achève, plantée devant le brun, paumée. Nan. Elle oublie l'humour, le second degré, tout, face au discours de son ex-petit ami. Plusieurs sirènes hurlent aux tempes de la rouquine, qu'il est en train de lui faire une déclaration, qu'il est en train de se foutre d'elle, qu'elle comprend sûrement de travers, non vraiment, c'est trop soudain pour être vrai. Tu fais des perf incroyables, sort-elle d'une voix blanche, histoire de remettre un peu d'ordre dans les paroles d'Elliot. Elle a toujours défendu le quidditch et les joueurs, même contre ceux qui dénoncent le salaire démesuré des stars du sport volant.

 

Au claquement du tiroir contre le meuble, l'aînée Carter à l'impression que le battement de son coeur résonne au milieu de la cathédrale qui sert d'atelier. J'sais. On dirait juste une gamine, les bras croisés et la mine déconfite. Il a encore raison.

 

— Y'a beaucoup de choses qui se sont passées, depuis "avant", et en même temps, pas tant au final. C'est qu'elle a dû oublier certaines de ses aspirations pour rattraper les morceaux de sa famille, et qu'en délaissant ça, elle a délaissé d'autres bouts d'elle-même, bien enterrés maintenant. Freya enfonce les mains dans les poches de son pantalon cargo en sachant déjà qu'elle regrettera la tournure de cette conversation, qu'elle sera pleine de répartie, mais seulement d'ici ce soir, au fond de son lit. Écoute, on vient de reprendre contact et- elle mordille sa lèvre, déterminée à délivrer quelque-chose qui pourrait devenir significatif, au moins autant qu'Elliot vient de réussir à le faire (si elle n'a pas rêvé, et qu'il l'a fait ?) -moi pendant tout ce temps, j'ai juste cru qu'tu m'avais oubliée en fait. Zappée. Complètement. Leurs yeux se croisent, ceux de la jeune femme vagabondant un peu partout autour de son égérie.

 

Elle s'appuie contre un plan de travail en face du brun. Fin, j'pensais pas qu'tu pensais ça de moi. Ç'aurait eu son importance, ces dix dernières années, d'avoir l'opinion d'Elliot en tête pour avancer. À Poudlard, elle savait qu'il était mordu, jusqu'à la quatrième année. J'ai cru que mes problèmes t'avaient soûlé, que ça t'avait fait passer à autre chose quoi. Parce que j'suis devenue chiante, casse-couilles dans le mauvais sens, tu peux l'dire, vous vous priviez pas de me l'dire avant. Qu'elle devrait être moins coincée, participer aux soirées, arrêter de jouer les "mamans" avec la bande de potes. Son regard quitte celui du Gryffondor et balaye le sol où traînent quelques morceaux de plumes et de bois.

 

— J'ai essayé de reprendre contact avec toi y'a deux trois ans, quand j'ai commencé le projet de l'OCQ, mais j'pense que mon courrier est jamais arrivé jusqu'à toi parce que j'avais que l'adresse fans. Au final, j'ai attendu d'avoir plus de matière, pour contacter l'équipe, pour avoir un retour pro de la direction. Elle hausse les épaules et retrouve les yeux de celui qui fait battre son coeur. J'sais pas si tu t'en rends compte, mais t'es devenu presque inatteignable Elliot en fait. C'est pas d'ta faute, j'sais comment ça marche. Donc oui, c'est possible que j'me vois pas à ta hauteur. C'est même logique, si on y réfléchit.  


Le grand emballement

Message publié le 26/07/2025 à 09:51

Elle n'avait pas imaginé qu'Elliot lui offrirait un cadeau, alors elle n'est pas déçue. C'pas grave, répond Freya en regardant fébrilement son ancien petit ami arracher de papier kraft qui recouvre la boîte en carton du mug. Il pourrait se foutre d'elle, étirer un faux sourire et balancer l'objet dans une poubelle en rentrant chez lui. Elle pense au pire car ça l'aide à garder la tête froide. Mais la rouquine décèle bien l'étincelle nostalgique au fond des yeux du brun. Lorsqu'il saisit délicatement l'objet, elle voudrait devenir un mug, et avoir le droit à son tour à autant d'attention de la part du batteur. Au moins ça à l'air de lui plaire, se rassure-t-elle intérieurement jusqu'à ce que son coeur ne bondisse aux paroles d'Elliot.

 

Si la différence de température entre l'extérieur et l'intérieur avait déjà rougit ses joues, les voici écarlates ; un vrai phare écossais. Ah. Bin, j'te le reprends s'tu veux, souffle l'aînée Carter soudain dépourvue de répartie. Mais il prétend que c'est son meilleur cadeau de Noël cette année, et arrache un sourire soulagé à la jeune femme qui retourne sur le terrain de l'ironie malgré elle. I't'fallait pas grand chose, un mug à moitié pété quoi. Elle coince une mèche épaisse de ses cheveux derrière son oreille, le coeur en chamade. T'es ridicule, se résonne-t-elle en soufflant discrètement. "À l'époque", il a dit "à l'époque", alors, redescends sur terre Freya

 

À l'époque, il l'a eue, sa Freya. 

Il lui a réservé le même sort que le mug, sauf que c'était pas un matin au petit déjeuner. 

Elle avait enfermé les morceaux dans une boîte.

Plusieurs ont déjà fouillé depuis, mais personne ne l'a réparée.

 

Elliot ouvre la boîte. Elliot ouvre les portes que Freya referme. Et Elliot continue d'aller voir ce qu'il reste des morceaux vieux de dix ans, coincés là-dedans. Ok bah- bah quoi ? Est-ce que ça ressemble pas aux seuls mots qu'elle avait besoin d'entendre aujourd'hui ? Est-ce qu'elle n'a pas rêvé qu'il l'admire à son tour ? Est-ce qu'au fond, elle n'espérait pas qu'en restant dans le monde du sport volant, Elliot finisse par la remarquer une deuxième fois ? D'accord, dit-elle en grattant l'arrière de son coude, gênée face à la discussion qui s'ouvre, béante, sur des émotions ravalées depuis un million d'années. Machinalement, elle roule les exemplaires de parchemins signés destinés à rester ici, surtout pour s'occuper les doigts. 

 

— Mais, ça s'voit pas trop tu sais. Que genre, tu m'admires. Et j'ai pas fait grand chose d'façon, t'as pas à penser ça. Se dévaluer, c'est encore la meilleure manière d'accepter une fatalité selon Freya Carter. Et c'est plus facile que d'affronter le plongeon derrière la porte. J'vends des balais, y'a rien d'admirable, c'est pas une performance, ajoute-t-elle en rangeant les papiers dans le tiroir.


Le grand emballement

Message publié le 25/07/2025 à 17:28

Les leçons de morale d'Elliot sonnent étrangement aux oreilles de Freya. Déjà en octobre au Pays de Galles, le batteur lui a conseillé d'arrêter d'être la mère d'Alison, comme si c'était aussi simple. Comme s'il comprenait quelque-chose aux relations entre l'aînée Carter et ses deux petites sœurs. "Même si clairement elle a pas envie d'être la même adulte que t'es devenue." Mh, rétorque la rouquine, vexée par le sous-entendu.

 

Les deux mains accrochées au manche du balai, elle prend la route du retour, un rire amer aux lèvres. Nan bah c'est clair. C'est clair que j'la fais pas rêver. Travailler un nombre d'heures incalculable pour finir toujours coincée au magasin du matin au soir, en pantalon cargo tâché d'huile nourrissante et de crème à polir, et se taper encore des weekends à remplir la paperasse en surveillant les devoirs et l'état mental de Charlie, bien sûr, qui voudrait de cette vie ? T'as raison, concède Freya, une mine dégoûtée ourlant légèrement ses lèvres tandis que son balai dessine des cercles au-dessus de la trappe camouflée dans l'entrée d'un terrier bordé de fougères cristallisées par le froid.

 

— D'ailleurs ma vie de con m'attend, on va rentrer. Elle ponctue sa phrase d'un geste du menton pour désigner l'ouverture vers laquelle pique déjà son OCQ. Les doigts de la Poufsouffle ont à peine de le temps d'ouvrir le passage que son corps s'y engouffre, suivi par le balai d'Elliot encore rattaché émotionnellement à l'atelier.

 

Leur retour est moins jovial que l'aller, des pensées intrusives envahissant l'esprit de Freya. Elle voit sa sœur céder aux avances de Spike et n'importe quel autre garçon de l'école (ou de l'équipe), et elle entend le brun affirmer que "c'est normal". Elle s'interroge sur la manière dont Elliot la voit, elle-même, après ça. Elle qui évite tout simplement de réfléchir à sa vie, ou plutôt à sa non-vie, et qui avance, évitant de poser la moindre question d'ordre de développement personnel, sous peine de s'écrouler immédiatement. 

 

Les balais connaissent le chemin et appréhendent chaque virage avec fluidité. En accompagnant seulement le mouvement du manche, zigzaguer au milieu du dédale est d'une facilité enfantine. Sans que la sorcière de s'en rende compte, ils atteignent déjà les portes du placard et l'atelier.

 

Descendre du balai donne une impression de lourdeur à laquelle la fille d'Owen est habituée. Elle abandonne son OCQ en lévitation, et souffle en remettant ses cheveux en arrière. Déso pour l'humeur, j'suis fatiguée. Ça ne l'empêche pas d'ouvrir un tiroir rempli de parchemins et d'y chercher le contrat qui lie le joueur à l'objet. Déroulant sur un plan de travail une feuille dupliquée en trois exemplaires, elle dévoile un texte pré-signé par le président des Catapultes de Caerphilly et le manager de l'égérie. Manque plus que ton autographe et tu peux repartir avec, explique la rouquine avant d'attirer une plume entre ses phalanges, qu'elle tend à Elliot.

 

— Tu le testes en entraînement et tu m'fais tes retours fin janvier, on le modifiera s'il faut. Délaissant le brun face aux contrats, elle s'éloigne vers l'escalier. J'arrive, dit-elle en commençant à monter les marches 3 par 3.  

 

Il suffit de quelques minutes pour faire réapparaître Freya, un peu essoufflée bien qu'athlétique, une boite moyenne et cubique emballée de papier kraft dans les mains. On n'avait pas dit si on se faisait un cadeau ou pas, mais j'ai ça pour toi. Elle lui donne en sentant son coeur frapper contre sa poitrine, soudain incertaine. 

 

— C'est pas grand-chose, j'sais que- rien. J'me tais. Combien de fois a-t-elle hésité, convaincue qu'il n'était plus hanté par les mêmes souvenirs qu'elle ? Sous l'emballage, le carton contient un mug rénové, dont les fissures traversent la céramique ça-et-là comme d'autant d'éclairs. Une note l'accompagne : "Tu le voulais tellement, maintenant il est à toi. Prends-en mieux soin qu'à l'époque ;) Joyeux Noël. Tendrement, Yaya.

 

Ce mug, c'est un cadeau de Kate à Owen, puis d'Owen à sa première fille, Freya, pour l'accompagner à Poudlard. L'objet vintage, beige, un peu tordu, possède la particularité de faire pousser des moustaches de chat à quiconque enfonce son nez à l'intérieur pour boire. Un sortilège très populaire aux État-Unis mais rare en Écosse dans les années 2100. Ce mug, c'était aussi l'obsession d'Elliot dès qu'il squattait la table des Poufsouffle au petit-déjeuner. Ou alors c'était juste un moyen d'attirer l'attention de Freya.

 

Un matin d'hiver lors de leur quatrième année, il s'était exclamé à propos du résultat d'un match de Quiditch, et avait fait voler en éclats la céramique. S'en était suivi un silence retentissant. Pourtant aujourd'hui, l'objet semble recomposé, et rempli d'un sachet de chocolat en poudre et de mini-guimauves. C'est un artisan du Chemin de Traverse qui me l'a récupéré y'a 5 ou 6 ans, j'avais gardé tous les morceaux, confie la jeune femme, un sourire nostalgique déformant ses tâches de rousseur. Mais en fait, à chaque fois qu'elle l'utilise, elle pense à Elliot. 

 

— J'sais qu't'as pas besoin d'un mug. C'est juste pour le souvenir. 

C'est juste pour le message.


Le grand emballement

Message publié le 18/07/2025 à 12:18

Voler au-dessus de Poudlard est légal, contrairement à d'autres zones que les sorciers doivent éviter en balai pour rester discret aux yeux des moldus. Le contrôle des périmètres aériens demeure un sujet complexe depuis sa mise en oeuvre avec la création du secret magique. Peu d'usagers connaissent l'ensemble des règles sur le bout des doigts, et les sanctions amènent leur lot de protestations. Dans le ciel de Pré-Au-Lard et ses alentours, Elliot et Freya ne risquent rien. Travis ? Oh, cool, répond la rouquine au batteur, en revoyant le portrait des 4 garçons lorsqu'ils traînaient ensemble sur les chemins du parc de l'école. 

 

L'intérêt soudain d'Elliot pour son réveillon de Noël surprend l'aînée Carter. Elle le fixe, un peu confuse, et cherche à rassembler l'histoire tandis qu'un groupe de hiboux passent sous leurs pieds. On a gardé les charities de ma mère, donc le 24 on rejoint une maraude sociale avec les filles et on distribue des repas et des petits cadeaux aux personnes qui peuvent rien se payer, elle lui a sûrement déjà raconté cette partie lors de leur adolescence, mais prend le temps de répéter, consciente que le Gallois n'a pas pu tout retenir depuis Poudlard. Bref normalement mon père nous accompagne et c't'année Alison a décidé que puisqu'il se fiche de nous, elle se ficherait aussi de lui, et de Maman, et qu'elle en avait marre d'être bloquée le 24 décembre à cause d'eux. Et j'la connais, c'est juste par principe, parce que la maraude et les charities, ça la touche quand même tu vois. Élevées avec la sensibilité de Kate et la générosité d'Owen, les sœurs Carter ont baigné très tôt dans la philanthropie. 

— Ça a fini en hurlements, Alison qui se barre j'sais pas où, la petite en larmes, ambiance de merde quoi. Son regard dérive au loin, en direction du paysage froid et blanc. L'Écossaise a vécu cette énième dispute comme un énième échec face aux responsabilités qu'elle endosse. Elle soupire lourdement. J'veux même pas savoir c'qu'elle fera avec le permis de transplaner à ce rythme, ajoute-t-elle, l'impression désagréable d'avoir une famille brisée en morceaux au fond du ventre. Alison finira par disparaître à son tour, et les Carter n'auront rien su faire pour la retenir.

 

La suite est loin de rassurer Freya qui écoute Elliot sans cacher son exaspération. Sérieux ? Le joueur de quidditch s'en amuse presque. Un peu plus et c'est elle la vieille aigrie. Elle opère un virage en ramenant une main sur le manche de son balai, les joues rouges, mordues par le froid, la frustration, et l'indignation. Et ils peuvent pas se contenter de se rouler des pelles comme les gens de leur âge ? Ils ont quin-seize ans, c'est pas tant naturel hein, c'est hyper jeune ! L'idée même qu'Alison puisse démarrer sa vie sexuelle en cinquième année offusque sa grande sœur, bien ailleurs lorsqu'elle avait seize ans. J'te jure heureusement que Charlie est plus intelligente sinon elle l'embarquerait dans ses trucs de magazines. Elle a besoin de prouver quoi exactement là ? Qu'elle est adulte ? Y'a d'autres moyens hein. Agacée, Freya foudroie l'air goguenard d'Elliot d'un regard oblique avant de piquer vers la cime des arbres d'une forêt bordant la région de Pré-Au-Lard. La mer blanche prend des allures de lac vert et l'odeur des sapins transperce l'hiver. 

 

— Elle me rend dingue, j'la comprends plus du tout depuis c't'été. 


Et demain ?

Message publié le 17/07/2025 à 20:02

Alors que l'horloge de l'arrière boutique indique Charlie et Alison "En route" grâce à deux aiguilles semblables à des cuillères ornées de leurs prénoms, celle d'Owen est revenue sur "En déplacement" plutôt qu'"Inconnu". Quant à l'aiguille de Kate, elle n'apparaît que sur la pendule familiale du salon depuis que les Carter ont opté pour la discrétion à propos de sa disparition. Assise en face du tic tac familier et des consignes chantonnées irrégulièrement, Freya surveille l'aiguille de son père, espérant la voir glisser vers "En route" à son tour. Ainsi, elle jette parfois des coups d’œil à l'horloge pendant les silences de Sasha, mais reste attentive aux explications de ce dernier.

 

La mention du Ministère l'interpelle, puis de Fenella, puis l'idée même d'avancer sa majorité. Fronçant les sourcils, l'aînée fixe le parchemin torturé entre les mains de l'Ukrainien prête à lui couper la parole au moment où il reprend. Le manque de confiance de Sasha se heurte souvent au manque de temps de Freya. Celle-ci termine les phrases qu'il peine à articuler, ou le pousse à aller droit au centre de la marmite, l'esprit déjà ailleurs. Aujourd'hui, elle retient sa question, suspendue au bout de ses lèvres tâchées de rousseurs, tandis qu'il évoque les réfugiés, et donc les Russes. An-anh, je vois, acquiesce la sorcière, consciente des tensions qui peuvent gronder sourdement d'un côté ou de l'autre des deux camps, surtout après avoir appris que Sasha est le seul réfugié d'origine ukrainienne à l'école. Elle récupère quelques baies noires au creux de sa paume et les fait rouler distraitement en imaginant les possibilités du Gryffondor. 

 

— Alison m'a dit qu'tu pars en août ? révèle-t-elle, l'information gardée secrète tant qu'il ne se décidait pas à en parler lui-même. Ses yeux noisette sondent ceux du garçon. Elle y lit une volonté d'être honnête, en dépit du bagage sombre et mystérieux qu'il porte en permanence sur les épaules. Freya pense mieux cerner Sasha depuis les dernières semaines, certainement grâce aux échos positifs de Fenella. Quoiqu'il en soit, c'est noble de vouloir travailler jusqu'à la fin. Certains se seraient juste planqués. La rouquine croque les trois mûres qu'elle tenait dans sa main, et opine du chef, comme pour souligner la bravoure de l'étudiant. En tant que fille Carter, elle apprécie ce genre d'attitude. Moi je peux te faire un courrier, et j'peux même te faire bosser, c'est pas le problème ça. Elle quitte le regard de son interlocuteur et saisit sa tasse chaude, dont le contour est décoré d'une aquarelle représentant les boutiques du Chemin de Traverse à Londres, à l'époque où OCQ y avait pignon sur rue. Ses prunelles retrouvent Sasha. Détends-toi, j'ai l'impression d'être une harpie des fois quand on discute ensemble, plaisante Freya pour lui arracher un sourire soulagé.

 

— Je comprends ta situation, répète-t-elle plus sérieusement, j'peux te prolonger ton contrat, il y aura de quoi faire de toute façon. Sans certitudes de la présence d'Alison cet été en boutique, ni du retour de son père, la gérante préfère miser sur la motivation de l'adolescent. Les parents de Fen' ont transformé d'anciennes étables en chambres qu'ils louent occasionnellement contre des services rendus à la ferme, tu devrais voir avec eux pour te loger et compléter tes occupations la semaine. Confiante, elle termine sa phrase d'un hochement du menton satisfait. Chaque problème doit rapidement rencontrer sa solution lorsqu'on dirige un commerce, et Freya s'enfonce un peu mieux dans son fauteuil en savourant l'unique gorgée de thé qu'elle boira chaude cette fin de journée, elle le sait pertinent. De l'autre côté du rideau, le brouhaha des clients sonne comme un compte-à-rebours vers la fin de leur courte pause. La jeune femme revêt à nouveau une expression préoccupée. Alison m'a aussi dit que Charlie est pas au courant de ton retour en Ukraine. Enfin, elle lui a pas dit. Je sais pas si toi tu lui as dis, mais Sasha, ça risque d'être difficile pour elle avec la situation familiale, donc- Coucou ! s'écrie justement la troisième année, fraîchement débarquée de l'extérieur, la cape couverte de gouttelettes. 

 

Depuis que Sasha et elle ont discuté sous le saule cogneur, Charlie a continué de se renseigner à propos du conflit entre l'Ukraine et la Russie, affinant ses connaissances sur le sujet. Tandis qu'elle essaye d'arriver quelques heures avant la fermeture du magasin les samedis pour passer du temps aux côtés de Fenella et Sasha, ce dernier a retrouvé une place de choix dans son coeur d'artichaut, et Freya l'a bien compris. Elle interrompt immédiatement sa mise en garde et se lève, sa petite sœur déjà collée contre elle. 

 

— Salut toi. Ta sœur est pas là ?

— Elle discute devant, on a croisé le fils du brasseur en arrivant. Alors, t'as des nouvelles de Papa ? s'empresse de questionner la plus jeune des Carter en posant son sac au sol tandis que Freya la sèche d'un sortilège jeté du bout des doigts.

 

— Nan j'suis déso -Freya j'ai besoin de toi- j'arrive ! Toi t'as pas oublié de dire bonjour à Sasha par hasard ? Un ballet s'opère donc, entre l'aînée qui oublie sa tasse dans l'arrière-boutique pour rejoindre Fenella, et la benjamine qui attrape une poignée de mûres avant de s’asseoir sur l'accoudoir aux côtés du sixième année. Ch'alut Ch'asha, marmonne-t-elle, la bouche pleine de fruits, les prunelles attrapant au vol le parchemin brouillon qu'il tente de dissimuler. C'est quooooi ?! C'est une lettre d'amour ? Elle ricane et se penche afin de prendre un biscuit.

— C'est une lettre pour Kalina ? OH ! s'exclame-t-elle finalement en pinçant le gâteau avec ses lèvres, le temps de fouiller parmi ses bracelets. Charlie en extirpe un confectionné de perles jaunes et de perles bleues, et le tend à Sasha. J't'ai fait un bracelet aux couleurs de l'Ukraine ! Tiens, mets-le !

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