Harry Potter RPG
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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Serre n°2, Vendredi 15 Septembre 2124

Un instant, pendant qu'Alison maintenait le poignet de Sasha, ce dernier fut parcouru d'une bouffée de chaleur et il se tendit, luttant contre lui-même pour ne pas s'arracher à la prise de la jeune femme. Il lui semblait soudain qu'elle aurait pu lancer sur sa paume déjà meurtrie n'importe quel sortilège, par pure méchanceté : lui couper les doigts, ou bien les transformer en pierre ou en branches de cactus, ou bien lui sceller la main sur la table. Qu'est-ce qui lui prenait de demander un tel service à une inconnue comme elle ?!

 

Mais non. Elle incanta un simple Episkey, qui eut l'effet attendu. Les picotements qui rongeaient sa paume disparurent aussitôt.

 

En guise de merci, Sasha arracha sa main dès qu'il le pût pour se hâter de la faire disparaître dans son pull, la tête honteusement enfoncée dans ses épaules.

 

- Chhhut, il siffla sèchement.

 

Mais les autres élèves ne leur prêtaient guère plus trop d'attention, occupés qu'ils étaient à devoir rempoter leurs propres choux, avec plus ou moins de succès. Ils étaient prudents, se tenant éloignés des légumes maintenant qu'ils avaient vu un échantillon de ce qui pouvait leur arriver au contact des choux mordeurs.

Sasha, lui, se hâta de se détourner. Il récupéra son balai pour nettoyer le sol autour d'Alison, et revenait de temps à autre mettre de la terre sur les choux qu'elle avait réussi à transvaser, et le reste de l'opération se poursuivit tant bien que mal.

 

 

Après la partie pratique, ils avaient eu droit à de longs rappels sur les propriétés des choux mordeurs et leurs conditions de culture - sol neutre et bien drainé, sortilèges de Bulles de Tiédeur à dispenser régulièrement pour leur éviter le gel, sans oublier quelques gouttes de Dégluetouffe pour dissuader toute créature de venir les croquer pendant la nuit - rappels que Sasha n'avait écouté que d'une oreille.

 

Fort malheureusement pour lui qui était pressé d'en finir, la professeure n'avait pas oublié qu'elle avait rendez-vous à la fin du cours avec le binôme original qui s'était fait remarquer pendant le rempotage. Elle les attendait les bras croisés à la sortie de la serre. La pluie avait fini par cesser, mais l'air à l'extérieur était saturé d'humidité - une atmosphère qui semblait moins la déranger que l'allure un peu traînante avec laquelle Sasha avait décidé de s'acheminer, à la suite d'Alison et après tous les élèves de la classe, pressés de rentrer au château.

 

- Miss Carter, Monsieur Shevchen, claironna-t-elle en guise d'introduction une fois qu'ils ne furent plus que tous les trois devant la porte vitrée. Il ne m'a pas échappé que vous aviez attiré l'attention de vos camarades au point d'un peu trop les déconcentrer de leur tâche. Que s'est-il passé ?

 

Sasha entrouvrit la bouche avec un air offensé.

 

- Ils ont qu'à mettre leurs yeux là où ça les regarde, gronda-t-il avec son accent qui rendait les expressions anglaises étrangement exotiques.

- Ce n'est pas ma question, monsieur Shevchen.

 

La professeur de botanique était certes catégorique, mais elle était patiente. Elle attendit que les deux se reprissent.

 

- On vous l'a dit, fit Sasha en tâchant de faire un effort pour parler calmement. Alison a glissé, et elle est tombée. Il y avait de la terre par terre à cause que j'avais déjà commencé à rempoter. Et les autres je sais pas pourquoi ça les intéressait autant.

 

La professeur plissa les yeux, comme pour les sonder tour à tour, l'air de demander silencieusement à Alison s'il n'y avait pas là une autre facette de la vérité que la jeune fille voulait apporter, mais elle ne trouva pas son bonheur et fut obligée de faire une moue d'assentiment, non sans un certain dépit.

 

- Bon, j'espère que cela ne se reproduira plus. Nous garderons les mêmes binômes le reste du semestre et...

- Quoi ?!

 

Sasha n'avait pu s'empêcher, les sourcils haussés, d'intervenir.

 

- Plaît-il ?

 

Le Gryffondor bégaya en silence quelques instants.

 

- J'ai... Je suis en sixième année, je vais faire tous les cours de botanique des cinquième ?

- E-xac-te-ment, approuva la professeur, les poings sur les hanches. Ce premier cours était pour voir votre niveau, et clairement vous n'avez pas l'habileté nécessaire en botanique pour exécuter les tâches des 6ème année où nous manipulons des plantes plus rares et plus sophistiquées, comme le Sopophore et le Snargalouf. Je ne peux pas prendre le risque que vous les massacriez, monsieur Shevchen.

 

Sasha se renferma, reculant d'un pas. Il resta prostré dans son mutisme le reste de la conversation, pendant laquelle la professeure égrenait le contenu des prochaines séances - étude de la Tentacula vénéneuse, rempotage des mandragores adultes, extraction de pus de Bubobulb...

Il ne savait plus très bien ce qu'elle avait dit ensuite. Elle avait fini par conclure, fermer et verrouiller la porte de la serre et s'éloigner d'un pas vif, car elle devait accueillir une autre classe. Sasha avait l'impression d'être dans un drôle de brouillard - il avait comme oublié même d'être en colère - quand il tourna la tête vers Alison, qui n'avait pas encore décampé. Qu'est-ce qu'elle foutait là ?

 

- Tu veux que je regarde ton crâne ?

 

Il avait demandé abruptement.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Parc du château, Mardi 26 Septembre 2124

Les nuits étaient fraîches en automne en Ecosse, mais certainement pas autant que les hivers russes et continentaux que Sasha avait connu. Là-bas, bien que tout fût plus sec qu'ici, le froid était si mordant que des moldus trouvaient régulièrement la mort, seulement surpris par la nuit, englué dans la toundra. On disait que c'était une mort douce : on s'endormait dans la neige ou dans la terre comme si ç'avait été un matelas de plume, et bientôt on ne sentait plus sa peau glacée, on sentait seulement l'univers devenir tout blanc, et c'était paisible.

Sasha ne savait pas très bien pourquoi on racontait cela : les nuits dans le froid, il y avait survécu grâce à ses talents magiques, et il n'y avait jamais trouvé une quelconque douceur.

 

Toujours était-il que les nuits écossaises, bien que fraîches, étaient loin d'être insurmontables.

Et au matin, il arrivait parfois ce qui se produisait à cet instant : le soleil avait décidé de se montrer. Il écartait les nuages pour cracher des rayons invisibles mais chauds, séchant les brins d'herbes gorgées de la pluie des jours précédents. Aussi, comme c'était dimanche, un certain nombre d'élèves étaient déjà dehors, en route pour rejoindre le village proche de Pré-au-Lard que Sasha n'avait encore jamais visité. Un bon nombre faisaient bien évidemment la grasse matinée, moins sensibles que d'autres à la rareté du phénomène de cet astre qui réchauffait le parc, et une poignée d'autres étudiants avaient décidé d'une promenade matinale dans le parc.

 

Ce devait être le cas de l'élève dont il avait entendu le pas léger à proximité : là une branche cassée sous une bottine, puis un peu plus proche, une feuille morte écrasée qui crissait sous la semelle. Sasha n'avait pas bougé. Il avait gardé les yeux fermés. A travers les branches et les feuilles attachées à l'arbuste qui le dissimulait, il sentait les tâches de lumière dispensée par le soleil lui réchauffer doucement le visage, les mains posées sur son torse, et sur son ventre à demi-nu à cause de sa chemise qui était sortie de son pantalon. De la boue maculait ce dernier - et en réalité l'intégralité des faces arrières de ses vêtements étaient détrempés vu le temps qu'il avait passé ici. Mais il n'était pas sensible à ce froid que d'autres auraient trouvé désagréable. C'était comme si sa peau était plus épaisse, comme si l'odeur d'humus de la forêt suffisait à rendre cet inconfort agréable, protecteur. De l'extérieur de l'arbuste, on aurait presque rien vu dépasser : peut-être à peine le bout d'une basket, pour quelqu'un de particulièrement observateur.

 

Il serait bien resté là plusieurs heures. Juste à rester les yeux fermés, somnolent, rêvant à toute la chair crue ou cuite que l'on servait sur les tables de Poudlard - cela était un luxe qui, il devait l'admettre, n'avait jamais connu en Ukraine : de la viande à tous les repas.

Mais il n'était plus tout à fait tranquille : la présence était toujours à proximité. Il n'avait pas ouvert les yeux qu'il la sentait tout de même : à cause d'un léger parfum, de légers mouvements de lumière, de ces sons minuscules qui chatouillaient ses oreilles ; des craquements et des froissements à peine audibles.

Bien que ce ne fut pas assez proche pour être menaçant, il consentit malgré tout à ouvrir les yeux, au bout d'un moment, malgré lui.

 

D'abord, juste des tâches noires et blanches, mouvantes, qui devinrent marrons et or, qui se précisèrent en les branches et feuilles qui se découpaient dans le soleil au-dessus de lui. Dans la périphérie de sa vision, une silhouette.

Avec lenteur, pour n'engendrer lui-même aucun bruit, il tourna la tête dans sa direction : une fille.

 

Une fille enveloppée dans une cape épaisse, à la chevelure sauvage, faites de boucles marrons. Il la regarda longuement, l'esprit vide, ou bien plein de cette seule contemplation : une silhouette élégante au soleil. La fille bougea : il aperçut son profil ; un petit nez discret, des lèvres dessinées, le pourtour du visage tout fin comme...

 

Anya Nikitovna.

 

Le nom lui était revenu rapidement. Il ne bougea pas néanmoins. Peu importait son nom, il n'était qu'une créature étendue et dissimulée qui en observait une autre. C'était juste agréable, d'être ainsi, de ne pas exister, de ne penser qu'à ce film qui se déroulait sous ses yeux - les boucles soulevées dans le vent, la main rapide de la jeune fille qui tournait une page du livre qu'elle avait sur les genoux, la courbe de son dos qui s'animait parfois, se creusait au niveau des reins comme une vague se cambrerait à l'approche de la rive.

 

Malgré lui, le bout de son index bougea.

 

Coïncidence, ou alertée par ce mouvement pourtant d'une discrétion suprême, Anya tourna la tête dans sa direction.

 

Il retint son souffle, s'imposa une immobilité parfaite.

 

Mais un moment il en fût sûr malgré le contre-jour : les yeux d'Anya s'étaient accrochés aux siens, au travers des branches.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Serre n°2, Vendredi 15 Septembre 2124

Sasha était resté coi, à la fixer bêtement. Bientôt il scella ses lèvres et serra les dents, faisant saillir les angles de sa mâchoire comme il détournait le regard, ses yeux se perdant vers la forêt interdite pour mieux éviter de continuer à la fusiller du regard.

 

Suka. (Chienne.)

 

Il ne l'aurait pas dit à haute voix, ne serait-ce que parce qu'il avait cet instinct : les pestes pouvaient vous en faire baver pendant de longs mois, c'était bien connu, alors autant ne pas commencer à se créer des problèmes inutilement. Et puis, des méchancetés, il en avait encaissé suffisamment et d'une autre trempe pour pouvoir simplement balayer l'insulte qu'elle lui faisait dans sa réponse.

Mais la proposition suivante d'Alison lui arracha immédiatement un rictus et finalement, il la fustigea bel et bien du regard.

 

- Tu m'as pris pour un chien à dresser ou quoi ? il grogna, certes, comme un molosse menacé.

 

Il la scruta un moment, le visage exprimant la défiance. Avec son petit sac plié au coude, ses petites chaussures vernies, ses cheveux parfaitement lisses et son langage ampoulé, il était clair qu'elle représentait le summum de la société distinguée quand il était... un garçon avec des cheveux en bataille, les mains sales - qu'il n'avait pas nettoyé de la terre par un sortilège, comme les autres - et abimées, des vêtements de récupération qu'on avait bien voulu lui offrir et qu'il portait froissés. En d'autres termes, un rustre.

 

Sasha gonfla la poitrine, comme pour se rappeler à lui-même lequel des deux ici était le plus fort, qui pouvait dans l'instant ne faire qu'une bouchée de l'autre. Il émit soudain un sifflement méprisant en guise d'au revoir. Il fit volte-face pour s'éloigner d'un pas vif.

 

 

 

 

Pas assez doux. N'importe quoi. Et puis de là à arracher une tête, cette pauvre fille n'avait sûrement jamais vu une tête arrachée. Il aurait juste regardé, lui aussi savait lancer un Episkey !

 

 

 

 

Un pas, deux pas, trois pas, quatre pas.

 

Demi-tour.

 

Un, deux, trois et quatre pas sur le chemin du retour.

 

Sasha s'était planté de nouveau devant Alison et vissa devant elle un index qui avait tout d'une accusation.

 

- Tu m'apprends que pendant les cours, pour que je peux retourner en sixième année le plus vite possible. Je dois aussi faire les Potions et la Divination avec les cinquième. Tu me dis quand je fais pas bien, tu le dis pas fort, tu le dis doucement, pas devant tout le monde, et tu me montres comment on fait.

 

Il avait les joues qui s'étaient embrasées au point d'être plus rouges que ses lèvres, et cette inflammation s'étendait jusqu'à son cou qui disparaissait dans son col maladroitement serré par la cravate des Gryffondors qui n'était pas nouée correctement. Son index resta suspendu un moment entre eux, puis il décida de le baisser subitement pour le cacher dans sa poche, comme s'il s'était souvenu de l'inélégance de sa main et de la façon dont Alison avait regardé ses cicatrices un peu plus tôt. Il déglutit, une moue de dépit sur le visage.

 

- Tu veux quoi en échange ? gronda-t-il, un peu à la manière d'un aboiement autoritaire.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Serre n°2, Vendredi 15 Septembre 2124

Ifjzoiejzfpei fziejf epscdslf ?

 

C'était probablement que ce qu'Alison avait pu lire dans les yeux de Sasha si elle avait décidé de le regarder à l'instant où elle faisait sa demande. Il resta longuement ahuri, les yeux ronds, à essayer de mettre bout à bout ses connaissances sur les expressions anglaises et sa compréhension du genre féminin.

Tout d'abord, il crut tout simplement que son niveau de langue n'était pas très bon et qu'il ne comprenait pas l'expression "sortir avec moi". Peut-être qu'elle voulait dire par exemple, qu'elle avait peur d'aller dehors la nuit toute seule et qu'elle avait besoin d'être accompagnée. A une telle demande, il aurait dit oui sans hésiter : c'était une mission facile et compréhensible.

Malheureusement, Alison donna des détails et il comprit qu'il s'agissait réellement de jouer la comédie.

 

Sasha eut un mouvement de recul. Par automatisme, il jeta un regard par-dessus son épaule, comme si quelqu'un avait pu être caché dans un buisson, à proximité, pour les épier pendant qu'ils avaient cette discussion saugrenue, mais ils étaient bien sûr parfaitement seuls et quand il se retourna vers elle, Sasha ne trouvait toujours pas ce qu'il devait dire.

 

Il pesait intérieurement le pour et le contre. Il y avait mille petits contres pour un seul pour : personne d'autre ne lui apprendrait les manières attendues ici. Mais avait-il pour autant besoin de se ridiculiser, d'autant plus si elle voulait même pas coucher pour de vrai ? (Parce que ça aussi, ç'aurait été une mission facile et compréhensible, mais elle, elle parlait de bisous sur la bouche dans les couloirs comme des enfants de maternelle.)

Il finit par secouer la tête, dans une expression entre la consternation et la stupéfaction.

 

- Deaaal... prononça-t-il lentement comme si quelqu'un avait forcé hors de sa bouche un mot qui ne voulait vraiment pas sortir.

 

Mais qu'avait-il à perdre, après tout ? Sa réputation ? Il était déjà regardé comme un animal de foire. Autant que ça leur fisse les pieds, à toutes ces marionettes anglaises et leurs manières, que les filles de Poudlard eussent l'air de se presser pour coucher avec lui. (En apparence, tout du moins.)

 

- Mais tu m'aides pour de vrai pendant les cours, il précisa en articulant lentement, comme si elle avait été capable de ne pas comprendre son anglais, subitement. Sinon j'arrête ton truc de Roméo et Juliette et je dis que t'étais pas un bon coup. Ok ?

 

Nouveau regard en arrière, pour vérifier que personne ne l'avait vu passer ce deal odieux. Mais comme ils étaient toujours seuls, le vent glacé d'automne faisant son office pour enfermer tous les élèves à l'intérieur, Sasha se retourna de nouveau vers la jeune fille. Il cracha dans sa main droite et la lui tendit.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

Il l'avait bien aperçue, la petite Alison aux longs cheveux roux qui dansaient sur ses épaules. Au détour d'un couloir. Ou à la table des Serpentards. Ou de l'autre côté du parc. Mais en courageux soldat qu'il était... Sasha s'était systématiquement débiné, regardant vivement ailleurs, prenant un autre chemin, ou faisant carrément demi-tour. Ce n'était pourtant pas la tâche la plus compliquée qu'on lui eût donné depuis qu'il était arrivé à Poudlard, mais pour une étrange raison, il n'arrivait pas à trouver la résolution nécessaire à ce projet stupide. Le pire était qu'il n'était pas certain que cela portât ses fruits : quand elle avait dit "ne fais plus jamais ça", il n'était pas sûr de ce dont elle parlait. Quoi ? Cracher dans sa main, ça ne se faisait pas en Angleterre ? Il s'était essuyé sur son jean, la mine interdite.

 

Toujours était-il qu'il avait beau eu repousser l'échéance, l'épreuve finirait par arriver.

 

Et elle arrivait aujourd'hui.

Sasha se maudit de ne pas avoir profité, pour leur première fois, d'un moment où Alison était peu entourée. Avec la grande brochette dans laquelle elle était coincée comme un morceau de poulet au caramel agglutiné contre les autres (les brochettes de poulet au caramel, nouvelle grande découverte de mets de Poudlard pour Sasha), il sentait toutes ses bonnes résolutions fondre comme neige au soleil. Mais le cours de Potions était noté, et s'il voulait pouvoir prouver qu'au moins dans cette matière il avait le niveau pour rejoindre rapidement les sixième années, il était bel et bien forcé de jouer le jeu. Alors, il fit ce qu'il fallait faire. Selon lui.

 

Il prit une grande inspiration, puis il fonça dans le tas.

 

Littéralement. 

A grands pas il s'avança vers le groupe, écarta une grande blonde dégingandée, n'eut pas besoin d'en faire autant pour la petite brune aux cheveux bouclés qui fit un bond de côté pour éviter la charge, et il traversa le cercle sacré des filles qui complotaient pour fondre sur Alison. Agir avant de réfléchir, c'était sa règle pour toutes les situations où l'incertitude du résultat était trop grande, comme quand il fallait attaquer l'ennemi ou ne pas laisser échapper une proie. Sasha attrapa Alison par les épaules et écrasa ses lèvres contre celle de la jeune fille. Probablement avec la délicatesse d'un boxeur qui dit bonjour à son sac de frappe, mais probablement pas au point de lui faire mal.

 

Il sentit la peau fraîche de son minois délicat et l'odeur d'un parfum chic, sûrement trop cher - et ce fut tout ce qu'il emporta d'elle, car c'était fini la seconde suivante. Cette seconde suivante fut horriblement longue : le groupe de filles faisaient rouler leurs yeux dans leurs orbites dans une expression qu'il n'était pas capable de déchiffrer - sauf la grande blonde qui avait croisé les bras en mâchant son chewing gum, visiblement agacée de s'être faite dégager si brusquement. Alors Sasha leur décocha à toutes un regard clairement dissuasif - juste au cas où. Après tout, il avait un deal avec Alison, mais pas avec les autres. Il ne leur devait rien, et sûrement pas la moindre sympathie.

 

Sasha sentit un truc bouger entre ses mains, se rendit compte qu'il tenait toujours Alison. Alors il la libéra et renfonça ses mains dans ses poches pour aller se poster à côté d'elle, le regard terne. Il n'y avait plus qu'à attendre que le cours commençât. A cet instant précis, d'autres élèves entraient dans la classe, et notamment des Serpentards qui le regardaient étrangement, partagés entre la surprise et le doute, probablement. Sasha les ignora royalement, et reporta son regard sur les filles qui étaient devenues muettes comme des botrucs.

 

- Quoi ? Vous avez plus rien à vous dire ? il gronda.

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Lyle Sørensen

18 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Ambassade magique de Paris, France, Jeudi 05 Octobre 2124

La scène s'était achevée aussi subitement qu'elle avait débuté, laissant un Lyle frissonnant. Le hall reprit son éclairage normal avec une telle brutalité qu'un instant, il fut complètement ébloui - mais bientôt, il retrouva sa vue et avec elle, les nombreuses personnes qui avaient créé la magie de la scène. Brusquement, il était en caleçon devant un parterre de sorciers en tous genres, qui malgré sa gêne, ne semblaient déjà plus s'intéresser à lui. Lyle se leva brusquement du canapé pour ramasser les vêtements tombés au sol et s'enfuir vers les rideaux qui l'avaient dissimulé un peu plus tôt.

 

 

Le reste de la journée avait été moins laborieux, mais la succession d'essayage et de clichés, séparément ou avec Viviane, devait se faire à un rythme effréné pour libérer la pièce pour la soirée, avant que ne débutasse un autre genre de représentation. Lyle dût enfiler plusieurs robes de sorciers, costumes, mais heureusement plus aucun sous-vêtement.

 

Lorsqu'enfin l'heure était au rangement et qu'il avait retrouvé ses vêtements d'origine, Lyle sentait son esprit brouillon, saturé des sollicitations de la journée, des lumières changeantes, et une drôle de courbature s'était insinuée dans ses mâchoires qu'il avait dû serrer sans s'en rendre compte toute la journée. Aussitôt que le shooting s'était terminé, tout le monde s'était désintéressé de lui, et il se retrouvait planté au milieu du hall que l'on débarrassait à la hâte, cherchant des yeux quoi faire, ou bien où fuir ; à quelques pas de là, Viviane donnait quelques instructions à quelques personnes et même sans l'entendre, Lyle devinait la voix suffisant de la jeune femme, la même condescendance que lorsqu'elle s'était adressée à lui à la fin de la toute première scène. Sous sa cape de sorcier, il enfonça ses mains dans les poches de son pantalon à pinces derrière Viviane, et attendit patiemment qu'elle finît de se débarrasser des dernières personnes de la maison Valcourt qui voulait se plier en quatre pour elle - ou plus vraisemblablement, pour son père dont l'aura était présente même s'il n'était pas sur les lieux.

 

  • - Tu as eu ce que tu voulais ? demanda Lyle quand Viviane, enfin seule, se retourna vers lui.

 

Ce n'était qu'à moitié une question. Il estimait qu'il avait, en ce qui le concernait, pleinement rempli son rôle. Lyle désigna le hall dans lequel ils se trouvaient en levant les yeux, dans un mouvement circulaire.

 

  • - Je crois que le reste des festivités se passe ici, si j'ai bien compris. Il va y avoir une réception, et l'ambassadeur ainsi que son épouse et ses invités vont débarquer d'ici quelques instants, dès qu'ils auront installé les buffets.

 

En vérité, le personnel de l'Ambassade s'impatientait de l'autre côté de hautes doubles portes aux moulures dorées que l'équipe du shooting vidât complètement les lieux avant de s'installer à leur tour.

 

  • - Il me semble que j'ai fait ma part de faire-valoir, prononça-t-il soudain très sérieusement, tandis qu'il s'approchait de Viviane d'un pas - il était alors obligé de baisser la tête, car elle était plus petite que lui. A ton tour, maintenant.

 

Lyle leva un bras pour lui offrir son coude plié.

 

  • - Quoi de mieux pour me présenter à l'Ambassadeur que faire comme si nous étions déjà sagement rangés entre gens de bonne famille, mmh ?

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

Sasha aurait voulu transplaner instantanément sur un autre continent. Pourquoi Alison avait-elle besoin de se glisser sous son bras ?! Il était tellement tendu qu’il crût avoir bientôt une crampe – mais ça, c’était avant d’entendre Alison raconter qu’il devait se faire pardonner. Il l’écouta les dents serrées et les yeux ronds, si bien qu’on eût l’impression qu’il était en train de souffrir d’une indigestion. L’une des filles donna un coup d’œil dégoûté à la main qui reposait sur l’épaule d’Alison, et Sasha eut une grimace qui mimait un grognement silencieux, histoire de la dissuader de faire un commentaire sur ses cicatrices.

 

Lorsqu’il crut que la torture était enfin terminée, que les vipères se dispersèrent vers la salle de cours, Alison n’en avait pas fini avec lui : quand elle resserra son nœud, avant de poser doucement ses lèvres sur les siennes, il se sentit minuscule d’ignorance, et paradoxalement beaucoup trop engoncé dans ses vêtements par la situation : il se figurait qu’il avait l’air d’un ours en chemise et cravate, avec des griffes qui disparaissaient dans les poches de son pantalon, et qu’une petite fille s’était perchée sur la pointe de ses pieds pour lui coller un bisou sans s’apercevoir qu’il avait la truffe humide et des poils blonds épais plein le museau.
Par acquis de conscience, quand elle le libéra, il passa vite une main sur sa bouche – non pour s’essuyer, même si Alison l’interpréterait peut-être ainsi, mais pour vérifier s’il n’était pas tout velu : mais non, il était rasé fraîchement du matin, fort heureusement.

 

Et puis, toutes les instructions tombèrent en même temps et il paniqua vaguement : comment est-ce qu’il allait se présenter au professeur ET tirer la chaise d’Alison en même temps ? Et retirer sa robe ? Pourquoi diable se déshabillerait-elle devant tout le monde ?!
Un peu trop pressé de ne rien oublier dans ce fatras d’indications, il entra certes un peu brusquement – sans anticiper qu’Alison s’arrêterait juste là, devant. Ils se coincèrent stupidement, et Sasha ne connaissait qu’une seule manière de se sortir de là : il s’arracha avec un pas en avant, manquant d’emporter avec lui Alison et probablement le mur du cachot. D’autres rires, plus ouverts, se déclenchèrent subitement, et ils avaient bien sûr attiré l’attention du professeur.

 

Ce dernier avait un visage plein de bonhommie, mais sur lequel passa à cet instant une expression d’ennui profond.

 

-    Bonjour, articula Sasha. 
-   … Et vous êtes ? questionna le professeur en haussant les sourcils. 
-    Mister Brooks ! se rappela le Gryffondor.

 

Le professeur battit des cils, circonspect.

 

-    Non, Mister Brooks, c’est moi.

 

Cette fois, ce fut l’hilarité générale dans la classe. Sasha avait écarquillé les yeux, plein d’incompréhension, tandis que le professeur gardait parfaitement son calme malgré le bruit ambiant. Puis Sasha comprit. Il pinça les lèvres avant de se redresser, rigide.

 

-    Sasha Shevchen, Gryffondor, 6ème année. Je suis affecté au cours de 5ème année pour un rattrapage en potions, sir.
-    Aaah, oui, c’est vrai. Bon, fit le professeur avec une moue dans laquelle Sasha crut lire : encore un.

 

Les rires se dissipaient enfin. Monsieur Brooks fit mine de se retourner vers la classe, fit un pas, puis revint vers Sasha en écartant les bras.

 

-    Bon restez pas planté là, allez vous asseoir !

 

Sasha fit un demi-tour sec pour s’éloigner du professeur et du tableau – zone devenue maudite. Alison avait ralenti près d’une paillasse dans les premiers rangs, mais il l’attrapa par le coude pour l’emmener vers le fond, suivi à son grand désarroi d’une bonne vingtaine de paires d’yeux. Alors, le regard noir, il jeta son sac à terre, avant de s’occuper d’Alison. Avec autorité, il lui retira son sac pour le poser sur la paillasse, tira un tabouret pour la faire asseoir en la maintenant par les épaules.

 

Il s’immobilisa soudain en la regardant : elle gardait sa robe ou pas ? Un signe. Il faudrait qu’ils convinssent d’un signal clair. Deux battements d’yeux, peut-être, ou quelque chose comme ça. Sasha se pencha vers elle, ayant déjà la solution en tête.

 

-    Dans les cachots il fait froid, tu restes habillée.

 

Voilà.

 

Lorsqu’il s’assit à son tour, il s’aperçut qu’il conserverait lui aussi sa robe sur sa chemise, pour une raison simple : il était en nage. Sa chemise lui collait à la peau, et lui semblait que de son col désormais trop serré s’échappait un mince filet de vapeur brûlante, qui lui réchauffait le cou et ses joues devenues toutes rouges.

 

Heureusement, le professeur avait commencé son long monologue d’entrée en matière. Il expliquait sûrement des choses importantes, mais Sasha était trop occupée à garder les mains sur la paillasse en tâchant de réguler sa respiration, et il ne comprenait soudain plus rien à l’anglais. Au bout d’un moment, il aperçut le regard exigeant d’Alison, et il se rendit compte qu’elle avait sorti plumes et parchemin : alors il en fit autant. Mais comme il n’arrivait pas très bien à reprendre le fil du cours, il ne savait pas quoi écrire : Sasha jeta un coup d’œil par-dessus la manche de sa voisine. 
Alison avait une écriture ronde et féminine, sans tâche aucune. Elle prenait un soin particulier à souligner des mots avec des couleurs différentes, manipulant entre ses doigts parfaitement lisses une plume aux reflets élégants, si bien qu’il semblait que son parchemin était une œuvre d’art. Il baissa les yeux sur son propre parchemin : c’était écrit « Potions 1 » et seulement ces caractères étaient déjà illisibles : on aurait dit qu’une souris avait marché dans un pot d’encre et était passée par là. Il se pencha en avant pour essayer de s’appliquer à son tour. Sa plume de pigeon crissa grossièrement sur le parchemin.

 

- Pourquoi t'as dit qu'il fallait que je me fasse pardonner, grommela-t-il à voix basse. J'avais rien à me faire pardonner. 

 

Le cours théorique ne fut pas trop long, Mister Brooks souhaitant ne pas perdre de temps sur le travail pratique qu’ils avaient à faire ce jour : préparer un philtre de paix, et la première étape était très simple puisqu’il suffisait d’allumer le chaudron qui se trouvait devant eux, sur la paillasse. Les autres élèves sortaient déjà leur baguette. Sasha avait retrouvé des couleurs plus claires, même si la perspective d'allumer un feu le faisait déjà trop transpirer d'avance. Il soupira, exténué déjà par ce cours qui ne faisait que débuter.

 

-    Tu veux l’allumer, ou je le fais ? demanda-t-il, morne.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Parc du château, Mardi 26 Septembre 2124

Il n'avait rien répondu au sujet du frère présumé mort. Présumé mort, pour Sasha, ça voulait dire mort. Mais pour elle ? Il aurait peut-être dû présenter ses condoléances. Mais ne devait-on pas avoir une forme d'empathie, quand on transmettait ses condoléances ? Il ne ressentait rien du tout. La réponse d'Anya n'était que pure logique. Il préféra respecter le silence que perturbaient quelques voix, à bonne distance d'eux. Des élèves qui riaient, comme dans un autre monde. Inconscients.

 

Le regard soudain d'Anya lui fit avoir un mouvement de recul.

 

- Evidemment qu'j'irai !

 

Il avait presque craché en s'exclamant, comme si la question était en soi une insulte. Finalement, il comprenait peut-être la frustration d'Anya de ne pas avoir été autorisée à aller se battre. En même temps, paradoxalement, il trouvait mieux qu'une fille comme elle n'y fut pas allée.

Il s'humecta les lèvres avant d'ajouter en parlant plus lentement, comme pour se donner le temps de retrouver une contenance plus apaisée.

 

- Et dans les rangs, des fois, y'a des filles. Elles sont venues même qu'elles avaient pas le droit.

 

Il n'y en avait pas beaucoup en réalité, et elles ne duraient pas longtemps, de son expérience. Non pas qu'elles fussent moins fortes ; la réalité était que pour elles, la guerre était dure parce qu'en plus du combat, il fallait supporter des armées de camarades qui bavaient devant la perspective de se rapprocher de l'unique fille disponible dans les parages. De l'expérience de Sasha, ces filles s'échappaient vite. Enfin, il espérait que celles qu'il n'avait pas revu avait bien disparu de leur propre volonté.

Cette pensée l'incommoda et il la repoussa - il n'y avait jamais pensé avant. Sûrement que ce n'était que l'effet de l'endroit où lui avait combattu, se rassura-t-il. On disait que les sorcières s'étaient très bien mêlées à d'autres batailles magiques, au point d'en être les principales artisanes, dans d'autres régions du continent. Et tant d'entre elles pouvaient aussi être de très bonnes espionnes. Cela, il en était tellement sûr qu'il décocha un regard suspect vers Anya. Mais il n'y avait sur le visage de la jeune fille que cette expression de femme indépendante et rebelle.

Sasha déglutit, bougea comme pour s'asseoir plus confortablement, essayant de ne pas paraître perturbé par la proximité de la russe.

 

- Il s'est battu où, ton frère ? il dit sur le ton de la conversation.

 

Sous-entendu : il était dans quoi ? Il se battait pour qui ? Sasha n'arrivait pas à poser la question franchement : se battait-il pour la Division Obscuro ? Il avait ce mauvais pressentiment, qu'Anya et lui ne faisaient pas partis du même monde, même s'ils étaient tous les deux des réfugiés pour les autres élèves de Poudlard. Comme les faces d'une même pièce, ils étaient forgés dans la même matière mais ne pourraient jamais se rencontrer.

Ou peut-être qu'il se faisait des idées.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Parc du château, Mardi 26 Septembre 2124

Samara.

 

Sasha n’était pas allé jusque-là. Il aurait dû ; il s’était fait choper sur le versant nord-ouest d’une montagne, à quelques dizaines de kilomètres de là. L’amertume le fit déglutir, ses yeux braqués sur le lac en face. Les enfants qui jouaient, il ne les voyait même plus : il se souvenait d’avancer dans un village, persuadé d’arriver à rejoindre sa brigade, quelques heures avant le sortilège qui l’avait immobilisé et qui avait déclenché la série idiote d’évènements jusqu’à se retrouver dans un parc d’attractions pour enfants en Angleterre. Pourtant, indirectement, il avait participé à la bataille de Samara.

 

Quand Anya enchaîna, toutefois, Sasha sentit son corps se tendre. Il retint son souffle. Il resta parfaitement immobile, les yeux fixant toujours devant lui, s’humectant une nouvelle fois les lèvres comme un tic qu’il ne maîtrisait pas – encore moins maintenant.

 

Son frère s’était battu dans le camp adverse.

 

Ce qui signifiait qu’elle aussi était dans le camp adverse.

 

Sasha resta parfaitement silencieux un long moment. Il clignait seulement des yeux, exhortant son cerveau à fonctionner plus rapidement, le plus rapidement possible. Mais il n’arrivait pas à prendre de décision. Il aurait dû se lever immédiatement, cracher à la figure d’Anya et lui ordonner de ne plus jamais lui adresser la parole. Les copains auraient dit qu’il aurait dû l’emmener dans la forêt et la supprimer, ne serait-ce que pour la vengeance. Mais son corps refusait d’agir dans un sens ou dans l’autre. Il était retenu par il ne savait quoi ; le fait qu’elle parut si humaine, le fait qu’elle croyait qu’il était dans son propre camp, et il avait cette envie absurde d’entretenir le mensonge.

 

Sasha finit par déglutir en prenant une inspiration, puis il tourna la tête lentement vers elle.

 

Et il acquiesça, sagement.

 

L’accès à des informations changeait tout.

 

Как вы это получите ? (Comment tu fais pour l’avoir ?)

 

Il aurait payé cher. Mais de là à payer l’ennemi ? Il voulait savoir, lui aussi. Quand il avait quitté le territoire, ses amis défendaient Brovary. En pure perte. Il se demanda ce qui était arrivé à Andriy, Dmytro et Bohdan. Est-ce que des frères d’Anya les avaient abattus ? Ou pire… ?

 

-  Я... я бы не поверил, il dit, pour meubler le silence. (Je… j’aurais pas cru.)

 

Il ne pouvait pas se résoudre à paraître joyeux quand il lui semblait qu’un boulet de plomb lui était tombé dans l’estomac. Et puis, mille questions se bousculèrent à ses lèvres, et il s’anima soudain, basculant sur ses genoux.

 

-    Знаете ли вы, чем закончилась Сызранская битва ? Они переправились через реку ? А волшебники Казахстана ? Они наконец пришли ? Обещали... То есть, кажется, обещали приехать ! (Est-ce que tu sais comment s’est terminée la bataille de Syzran ? Est-ce qu’ils ont traversé le fleuve ? Et les sorciers du Kazakhstan ? Ils sont venus finalement ? Ils avaient promis… Je veux dire, il paraît qu’ils leur avaient promis de venir !)

 

Sasha s’exhorta à ralentir le rythme, ne serait-ce que pour éviter de commettre une erreur avec des mots qui trahiraient sa propre affiliation.

 

-   Я хочу прочитать это сам, il exigea subitement. (Je veux lire moi-même.)

 

C’avait l’air d’être pour lui une question de vie ou de mort – les nouvelles en Angleterre étaient toujours floues, anecdotiques, surtout concernant le volet magique de cette guerre. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Parc du château, Mardi 26 Septembre 2124

Sasha avait froncé les sourcils vite fait.

 

- Подписка ? На какие деньги ? Откуда у вас деньги ? (Un abonnement ? Avec quel argent ? Tu tires d'où, l'argent ?)

 

Soudain, il posait toutes les questions qu'il pouvait, avant que ce ne fût trop tard : il avait cette intuition sourde qu'une telle opportunité ne durerait pas. Comme Anya se levait, il l'imita, oubliant complètement la saleté et l'humidité accumulée de ses vêtements : plus rien ne comptait que les informations qu'il pouvait tirer d'elle, et ses yeux alternaient entre la dévorer, plein d'avidité curieuse, et s'égarer ailleurs, quand il se rendait compte que cette attention soutenue pouvait le trahir.

 

- Oh, wahou.

 

C'était tout ce qu'il pouvait prononcer. Les Kazakhs étaient venus, Syzran avait été prise. Sasha sentait son coeur battre à tout rompre tandis qu'il suivait Anya en direction du château. Il avait enfoncé ses mains dans ses poches, histoire de garder une posture nonchalante. Il lui semblait sentir encore la main qu'elle avait posé sur son épaule - preuve ultime qu'elle avait confiance en lui, mais pour combien de temps ? Sasha repoussa le sentiment désagréable quand il pensait à la possibilité quelqu'un put savoir, que ce fut d'un camp ou d'un autre, qu'il s'accommodait si bien d'un silence protecteur quant à sa propre contribution dans cette guerre.

 

- Ладно, ладно, без проблем. (Ok, ok, pas de problème.)

 

Plus rien n'était un problème, subitement. Sasha et Anya grimpèrent les marches assez rapidement, ne partageant plus rien le temps qu'ils croisaient plusieurs autres élèves qui, bien sûr, faisant le chemin en sens inverse pour aller profiter du soleil. A l'intérieur, ils bifurquèrent dans un couloir à droite, pour prendre la direction des cachots.

 

Sasha n'était jamais allé plus loin que la salle de cours de Potions, mais la perspective de s'approcher de la salle commune des Serpentards l'ennuyait vaguement - et s'ils croisaient Alison ? Il faudrait qu'il s'en débarrassât le plus vite possible, et il n'était pas sûr qu'un bisou suffirait. De plus, il espérait bien qu'elle ne le verrait pas en compagnie d'Anya - il entendait déjà Alison lui faire la leçon sur le comportement qu'il devrait avoir avec les autres filles le temps qu'ils faisaient comme si ils sortaient ensemble.

Sasha rasa donc les murs mais il n'était pas si simple de passer inaperçu : plus ils s'enfonçaient dans les cachots, plus ils croisaient majoritairement des Serpentards, plus sa présence faisait tâche. Il hâta le pas, pressant Anya d'une grimace.

 

- Я подожду тебя в комнате, так лучше, il indiqua quand ils furent devant la gargouille qui gardait l'entrée du cachot des Serpentards - et presque au pas de course, il se volatilisa dans la fameuse salle. (J'vais t'attendre dans la salle, c'est mieux.)

 

C'était un cachot ordinaire, avec des tables alignées, gravées de mille messages des élèves qui avaient peuplé les bancs de Poudlard avant eux - ça n'avait aucune importance. La salle était plongée dans le noir et Sasha se garda d'allumer les appliques et les chandeliers pour être sûr que personne ne soupçonnerait sa présence. Il alla s'asseoir dans le fond, sur un banc. Il se passa la tête entre les mains avec un soupir, partagé entre l'excitation et la consternation concernant ce qu'il était en train de faire. Il se répéta que ça n'avait aucune importance : il utilisait juste une opportunité, c'était tout. Anya saurait, et quoi ? Elle lui parlerait ensuite comme au début. Il s'en fichait.

Sa chemise était toujours trempée, collée à son dos, amenant avec elle l'odeur de l'herbe fraîchement écrasée.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

A l'autre bout de la salle, avec un air morne, Sasha renversa le petit flacon de poudre bleue dans le chaudron, qui se mit à fumer doucement, l'eau bouillonnant. Une odeur âcre s'en échappait, qui n'avait pas l'air d'incommoder le Gryffondor qui renfonça aussitôt ses mains dans ses poches, tout à ses ruminations intérieures.

 

Comment ça, les hommes avaient toujours quelque chose à se faire pardonner ? Il n'avait rien répondu à la leçon n°2 (de toutes façons, quelle était la leçon n°1, il ne savait déjà plus) et encore moins aux questions en lien avec ses finances. Il s'était contenté de se concentrer sur sa feuille effaçable, le teint légèrement rouge de nouveau.

 

Maintenant que la partie pratique avait commencé, la classe ressemblait plus ou moins à un essaim d'abeilles qui flânaient ça et là, allant chercher des ingrédients d'un côté, papotant de l'autre. Certaines élèves se pressaient près du professeur pour lui poser des questions, tandis que des groupes d'amis se réunissaient pour chuchoter à voix basse. Un groupe de trois serpentards, qui occupaient la paillasse devant celle d'Alison et Sasha, se rabattirent vers le Gryffondor.

 

- Vas-y, pourquoi tu t'laisses faire comme ça ? demanda l'un d'eux.

- Huh ? répondit d'abord Sasha, étonné qu'on lui adressât la parole malgré tous ses efforts pour paraître le plus dissuasif possible. Quoi ?

- Pourquoi tu la laisses faire, Alison, tu fais tout c'qu'elle dit mec !

 

Sasha décocha un regard vers la fille en question, qui continuait de cancaner à voix basse avec l'une de ses copines. Merde. Tout le monde s'en rendait compte ? Il haussa les épaules en reportant ses yeux courroucés vers les Serpentards.

 

- Ben j'la saute, vous croyez quoi ? Qu'c'est pour le plaisir de faire le bon toutou ?

 

Les Serpentards échangèrent des regards entre eux. Ils tâchèrent de rester neutres, mais ils voyaient bien qu'ils étaient vaguement impressionnés. Curieux, même. Ils s'approchèrent en essayant tous de rester nonchalants, si bien qu'ils avaient l'air de trois rapaces posés sur la même branche qui feraient mine de ne pas se connaître vraiment.

 

- Genre. Souvent ? ne put s'empêcher de demander le plus petit des trois.

 

Il avait des cheveux frisés et une bouille de garçon de 8 ans, comme si l'adolescence peinait à trouver chez lui le chemin que les autres avaient déjà débuté. Sasha prit le temps de réfléchir à la réponse. Crédible. Rester crédible. Et en même temps, Alison aurait dû être discrète, comme il l'avait demandé, et elle ne l'était pas du tout. Il se mordit la langue.

 

- Allez raconte, fit l'un des Serpentards en lui donnant un léger coup d'épaule à épaule, comme s'ils étaient amis.

 

Sasha lui décocha un regard circonspect.

 

- Ben ouais, souvent, grommela-t-il.

 

Puis, comme ils avaient l'air avide d'en savoir plus, il se sentit obligé d'élaborer.

 

- Elle en demande tout l'temps. Dès qu'on a un moment, un p'tit coup dans les toilettes, dans un placard à balai, peu importe, elle est trop chaude c'est fou.

 

Cette fois, les yeux des garçons s'agrandirent, ronds comme des billes. Ils auraient presque bavé d'envie, avec leurs hormones en pleine explosion, de pouvoir avoir l'aisance de se taper tous les jours une fille bien rangée comme Alison. Sasha se dit qu'il en avait peut-être fait un peu trop, mais au moins, il sentait que les trois Serpentards ne le regardaient plus comme le pauvre réfugié, soudain.

 

- Alors moi, ajouter de la poudre bleue ou lui tenir sa chaise hein, ça m'va.

- Ah ouais.

- Ouais...

- Carrément.

- Qu'est-ce que vous glandez là-bas ? Elles vont pas se touiller toutes seules ces potions !

 

La voix du professeur les dispersa rapidement, et Sasha se retrouva de nouveau seul avec leur chaudron. Alison revenait avec le sirop d'ellébore, de sa démarche empruntée, et le Gryffondor préféra ne pas trop la regarder quand il se rendit compte que son mensonge collait parfaitement avec les apparences qu'Alison avait l'air de vouloir afficher : sa jupette courte, sa bouche travaillée dans une moue aguicheuse, n'avait-elle pas l'air de vouloir se faire remarquer ?

Il s'occupa en saisissant la spatule et se mit à faire tournoyer le liquide. Il fumait étrangement plus que les autres chaudrons, des volutes bleues épaisses s'échappant devant eux.

 

- Ca fume trop, c'est trop chaud non ?

 

En effet, les flammes sous leurs chaudrons avaient grandi. Avec vivacité, Sasha sortit sa baguette de sa poche.

 

- Fría, marmonna-t-il à voix basse, en espérant ne pas être entendu du professeur.

 

 

De la baguette de Sasha s'échappa un trait lumineux, vert vif, qui vint réduire assez brusquement les flammes. Des crépitements se firent entendre, qui attirèrent l'attention du professeur. Mais comme la fumée se régulait tranquillement, il finit par acquiescer, non sans une oeillade d'avertissement à leur encontre. 

Sasha soupira. 

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Parc du château, Mardi 26 Septembre 2124

Sasha sursauta quand le dossier fut abattu sur la table. Il jeta un coup d'oeil à Anya, supposant qu'elle était énervé par un quelconque mauvais geste de sa part, mais elle lui donna accès au dossier sans rechigner. Alors, avec des doigts qu'il ne put empêcher de trembler, il saisit la première page et la dévora des yeux.

 

Cela dura un long moment. Le papier vibrait avec ses propres mains tremblantes, et il retourna la première page, pour lire la suite.

 

Il lui semblait que son coeur tombait en lambeaux. Etait-ce l'effet de la propagande russe ou les faits réels, il n'en savait rien : le journal mettait en avant de nombreuses victoires, saluait l'héroïsme d'un général qui avait fait une percée ici, encensait l'exécution d'un traître découvert parmi les sorciers d'une milice, qui avait été exécuté. Bref, toutes les bonnes nouvelles annoncées fièrement par le journal étaient autant de lames enfoncées dans ses entrailles. Et pourtant, il ne pouvait cesser de lire : parfois, tout au bout d'un paragraphe, en tout petit, on s'affligeait de la perte de tel village aux mains des indépendantistes. Ces faits minuscules étaient les seuls auxquels il pouvait se raccrocher, fébrile.

En silence, il lut l'intégralité du numéro, sautant les passages qui ne concernaient pas le conflit de près ou de loin. Il lisait avec lenteur, parfois un index posé sur chaque ligne pour être sûr de ne rien manquer, si bien que cela prit du temps. Le silence des cachots leur conférait l'impression d'être dissimulé des regards et des oreilles du reste de Poudlard, quand bien même ils percevaient parfois la rumeur d'un groupe d'élèves qui se pressaient dans un couloir non loin d'eux. Le château se vidait de sa substance qui fuyait massivement vers Pré-au-Lard.

 

Au bout d'un moment, Sasha reposa l'exemplaire du journal, pour le poser avec délicatesse - une fois n'était pas coutume - à côté du numéro suivant. Il y en avait tout un tas, et il se figura qu'il lui faudrait la journée entière pour tout éplucher. Il ne pouvait décemment pas lire tout ça avec Anya à ses côtés. Elle avait du mal à se concentrer. Et puis, ça paraitrait bizarre. Non ?

 

Sasha tourna un instant vers elle un regard incertain. Elle était restée étrangement patiente, mue par des raisons qu'il ne pouvait pas saisir. Pourquoi s'y intéressait-elle, maintenant qu'elle y avait perdu son frère, à cette guerre ?

 

- Est-ce que... Est-ce que je pourrai venir lire, une fois par semaine ?

 

Il s'humecta les lèvres, sans la regarder, à la recherche d'une aide quelconque. Il rempilait les numéros pour cacher le tremblement de ses mains.

 

- J'ai... J'ai pas encore ma pension, c'est compliqué, donna-t-il comme explication vague. Alors en attendant... J'aimerais bien, tu vois ?

 

Elle ne voyait sûrement pas. Il décida d'enchaîner pour couper court à une conversation risquée.

 

- Tu vas y aller, toi ? Après ta dernière année d'études. Pourquoi tu irais pas ? demanda-t-il un peu sèchement - à la façon d'un interrogatoire.

 

Anya avait l'air si studieuse. Si elle était talentueuse. Elle serait fort malheureusement précieuse pour les forces russes. Or les indépendantistes perdaient. Du point de vue de ce journal, en tous les cas. 

 

- Tu devrais pas. C'est infini. Tout le monde y meurt. Je suis sûr que ton frère il aurait pas voulu, fit-il, bravache.

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Lyle Sørensen

18 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Bibliothèque de Poudlard, Vendredi 15 Septembre 2124

Les recherches de Lyle ne se déroulaient pas comme il le souhaitait. Lui qui avait toujours pris son avenir à la légère, ou plutôt ne s'était concentré à être un bon élève que pour faire plaisir à son grand-père, se trouvait soudain un intérêt particulier pour obtenir les meilleures notes possibles à Poudlard. Il n'avait jamais été le meilleur, la concurrence étant particulièrement rude parmi les Serdaigles, mais il avait été très bon élève. Maintenant, il fallait être, effectivement, le meilleur. Et mener parallèlement ses recherches, ce qui n'était pas une mince affaire. Sa vie consistait depuis septembre à optimiser son temps pour étudier efficacement le plus vite possible et se libérer du temps pour aller fureter là où il le devait.

 

Aussi ne relevait-il même pas la tête quand on le dérangeait.

 

- Rudement bien renseignée, constata-t-il, d'une voix distante, le nez  à peine relevé de son ouvrage. Surtout pour ton âge, ajouta-t-il en haussant brièvement les sourcils, avant de se replonger sur les lignes étroites du livre d'arithmancie.

 

Lyle était vêtu de sa robe académique, d'une chemise blanche impeccablement repassée et son col en était noué de la cravate bleue et blanche qui lui donnait vaguement l'allure d'un fonctionnaire du ministère particulièrement jeune. Il se sentit forcé de détacher son regard de la page qu'il lisait pour vérifier qui lui avait adressé la parole : Viviane Valcourt, effectivement. Valcourt, il connaissait ce nom. Un nom qu'avait en effet prononcé son grand-père : les robes Valcourt, les cravates Valcourt, les costumes Valcourt. Lyle acquiesça.

Il s'efforça de relever de nouveau le regard, pour poser sur elle un regard neutre, un peu vide. Avec froideur, il avait saisi la main pour la serrer brièvement.

 

- Hé bien voilà, tu t'es présentée. Autre chose ?

 

Lyle eut une drôle de mimique à l'égard de la jeune femme - quelque chose à mi-chemin entre l'encouragement et la défiance, mais d'une façon polie.

 

- Pourquoi est-ce que ton grand-père t'a demandé ça, tu vas reprendre sa boutique ?

 

Il n'était pas sûr d'être intéressé. Les Aurors de l'époque de son grand-père accordaient aux apparences une importance qu'il n'était pas sûr de vouloir investir, même si Lyle était lui-même très propre sur lui. Pour lui faire comprendre qu'il ne faisait la conversation que par pure politesse, il se replongea de nouveau dans son ouvrage. Aux lignes étroites suivaient des séries de chiffres et il saisit sa plume pour gratter un calcul sur un coin de parchemin.

 

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

- Ben non, j'ai pas b'soin de potions pour tuer des...

 

Sasha se ravisa subitement, avala les derniers mots autant qu'il put, comme pour les rattraper, avant de se mordre la langue pour détourner le regard, braquer ses yeux devant lui, vers les garçons qu'il ne voyait même pas. Quel imbécile il faisait de vouloir parler à voix haute comme elle, raconter en quoi il était bon lui aussi, alors qu'il était censé la boucler, se morigéna-t-il les poings serrés. Sasha prit une bouffée d'air pour passer à autre chose, tâcher malgré l'ennui profond que lui inspiraient ces cours de se concentrer à la fois sur leurs potions et sur les propos de la jeune fille. Le cachot était animé, rempli d'un brouhaha enthousiaste qui tranchait avec son air contenu. Les fumées des chaudrons peinaient pourtant à réchauffer l'atmosphère qui restait humide et froid.

 

- Evidemment que j'connais des moldus, grommela-t-il rapidement, trop heureux de changer de conversation. Mon village était plein de moldus. On n'était que deux familles de sorciers, alors, on n'allait pas rester qu'entre nous. Pourquoi, t'en as jamais vu ?

 

C'était l'évidence. Est-ce que les sorciers vivaient à part, en Angleterre ? Il paraissait qu'en Russie, ils faisaient des villes entières de sorciers. Mais il n'y avait probablement pas assez de sorciers en Ukraine pour en faire autant. En fait ; il n'en savait rien. Ses souvenirs de l'école étaient flous. Sasha se souvenait que sa mère lui disait bien de ne pas faire de magie à l'école, mais qu'il avait quand même mis le feu aux cheveux d'un garçon, une fois, sans faire exprès. Il se demanda vaguement si ces copains de l'époque le reconnaitraient. Il n'avait pas tant envie de s'en souvenir, finalement, et il soupira en se concentrant sur sa tâche.

Sasha avait saisi la grande cuillère en bois, et il remuait avec lenteur, non sans continuer de jeter régulièrement autour d'eux quelque regard alerte - au cas où.

 

Etrangement, la menace vint du devant. Lui qui pensait s'être débarrassé de ces trois idiots. Sasha leur décocha un regard noir tandis qu'Alison le questionnait.

 

- Rien-rien, s'empressa Sasha - vite, trouver un autre sujet de conversation. Bon, c'est quoi un... un su-sson ?

 

Ca avait l'air important pour elle, ce truc dont il n'avait jamais entendu parler. Sûrement qu'elle aurait une grande et belle leçon à faire là-dessus.

Pendant ce temps, certes la potion était devenue rose, mais Sasha tenait toujours le flacon qu'elle lui avait collée dans la main, à hauteur d'épaule, comme un automate. Devant lui, les trois garçons ricanaient encore en chuchotant entre eux, et il les gardait à l'oeil.

Alison parla peut-être, mais il ne l'entendit pas. Merde. C'était encore un de ces moments où il n'arrivait plus à se concentrer sur l'anglais. Il cligna des yeux, réussit à se tourner vers Alison.

 

- J'fais quoi avec la fleur ? demanda-t-il avec son accent rustique.

 

Devant, le plus grand des trois Serpentards fit semblant de dégager de son visage des cheveux longs qu'il n'avait pas avec une gestuelle faussement apprêtée.

 

- "Ben tu m'la bouffes comme d'hab !" il couina d'une voix suraiguë.

 

Les deux autres garçons autour de lui se mirent à s'esclaffer bruyamment, incapables de contenir leur hilarité, attirant immédiatement l'attention des tables voisines. Cette fois, Sasha laissa tomber la cuillère en bois dans la marmite. Il contourna la paillasse pour aller rejoindre le grand Serpentard : le roux le dépassait d'une tête, mais le Gryffondor paraissait être deux fois plus épais.

 

- Tu fermes ta gueule ou je te fais manger ton chaudron, il déclara comme un grondement fauve.

- Oooh ça va...

- On se calme le russe, intervint l'un des autres avec un rire pour apaiser la situation.

 

Sasha fit volte-face vers lui, le regard embrasé.

 

- Ta gueule, j'suis pas russe.

- Ah ? Mais aussi, vous êtes tous pareils avec votre patois, là...

 

La remarque prononcée comme une blague ne fit rire personne - probablement parce que même les tables voisines pressentaient que ce n'était pas la bonne réponse : Sasha le toisa en silence une seconde ; la seconde suivante, il envoya brusquement son buste en avant et son front percuta le nez du Serpentard avec brutalité, lui arrachant un couinement de surprise et de souffrance. Le Serpentard recula, les mains sur le visage. Ses oreilles étaient devenues toutes rouges, mais Sasha supposa qu'il entendait quand même.

 

- On n'est pas pareils, asséna-t-il froidement, avant de revenir à grands pas vers Alison.

 

Il leva sa main au-dessus du chaudron, avant de froncer les sourcils en regardant le contenu de ce qu'il avait gardé entre les doigts : la poudre de l'ellébore était à moitié étalée sur sa paume, et le flacon brisé dans sa main. Il tâcha de se débarrasser de l'éllebore, à peu près, en s'aidant de son autre main.

 

- Bon ben y'aura un peu des bouts de verre dedans mais j'suis sûr ça changera rien, il décréta sans regarder Alison.

 

Devant eux, le garçon qui s'était pris le coup de tête s'était accroupi derrière sa paillasse pour se cacher du professeur, probablement. On entendait de petits couinements qui inquiétaient les deux autres garçons.

 

 

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Lyle Sørensen

18 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Vestiaires du terrain de Quidditch, Jeudi 05 Octobre 2124

Lyle avait serré les dents, mutique. Malgré l'inconfort - et l'humiliation - il s'était forcé à soutenir le regard furieux de Ryder. Un type sacrément impulsif, pour un Serpentard. Lyle avait glissé une main dans sa poche, au cas où il avait besoin de recourir à sa baguette, mais son interlocuteur se calma tout seul. Le Serdaigle se détendit sans quitter la porte que son dos semblait désormais soutenir. Pendant que l'autre poursuivait, Lyle prenait soin de remettre son col correctement. Il pinça les lèvres, et secoua la tête en un signe négatif.

 

- Au temps pour moi, j'ai cru que tu te servirais de tes neurones deux secondes pour autre chose que pour te défendre. J'aurais dû me douter qu'ils t'ont pas donné ce poste-là dans l'équipe pour rien, siffla-t-il.

 

Ce n'était pourtant pas dans ses habitudes de persifler comme un Serpentard, mais se laisser faire n'était pas non plus une option. Les Serdaigles avaient la réputation d'être doux, mais c'était sans compter qu'ils étaient souvent relativement individualistes, et Lyle faisaient parti de ceux-là. Après son col, il replaça correctement ses manches.

 

- Visiblement, tu as raison, je me suis trompé d'interlocuteur, c'est pas avec toi qu'on peut discuter des problèmes du Quidditch en ce moment.

 

Il essayait de garder un ton décontracté, mais le fait était qu'il avait été un peu bousculé par les actes de Ryder. Lyle se détacha de la porte, pour laisser le passage au Serpentard, non sans un regard sévère. Il sortit sa baguette pour déverrouiller silencieusement le loquet, et la porte s'ouvrit d'elle-même, grinçant légèrement.

 

- Je ne te retiens donc pas.

 

Lyle croisa les bras, baguette toujours en main. Mais avant que l'autre disparût, il ne put s'empêcher d'ajouter :

 

- Mais si tu veux être Capitaine un jour, va falloir apprendre à s'inquiéter de ce qui se passe dans ton équipe plutôt que de regarder uniquement le bout de ton propre manche.

 

Par la porte ouverte, la rumeur du vent chuintant sur l'herbe humide du terrain de Quidditch se fit entendre, chariant avec elle les conversations lointaines.

 

Finalement, en l'absence de Percy, Lyle n'avait probablement plus rien à voir avec les Serpentards.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Dans les couloirs, Mardi 31 Octobre 2124

Si ça n'avait été parce que le deal était toujours en suspens, Sasha n'aurait certainement pas mis les pieds à la soirée d'Halloween. Tout le monde parlait de cet évènement depuis plus d'une semaine ; les filles spéculaient sur les plus belles tenues qui seraient portées, les garçons préparaient les farces les plus gores dont ils étaient capables. Et rien que d'entendre leurs conversations, le Gryffondor n'avait qu'une idée : disparaître loin de ces pelletées d'imbéciles.

 

Oui mais voilà, il y avait le deal. Alison ne l'avait pas brisé officiellement, et tant qu'il n'était pas officiellement terminé, Sasha s'était dit qu'il y avait encore une possibilité de le sauver. Après tout, vu les dernières séances en Potions, il se rendait bien compte qu'elle était sa seule chance de se rattraper dans cette matière-là : laissé sans binôme, il ratait tous ses mélanges : dosages imprécis, manque de délicatesse dans les rotations, feu trop attisé ; bref, il passait littéralement à côté des subtilités de l'art des potionnistes.

Bien sûr, c'était seulement pour cela qu'il voulait maintenir le deal.

Et peut-être un poil parce qu'il aurait l'air ridicule s'il était plaqué par une fille de cinquième année, et qu'il tenait à son honneur.

Mais rien d'autre.

Enfin, peut-être encore un petit peu aussi parce que Charlie l'avait chargé de surveiller Alison pour qu'elle ne fît rien de contraire à ce que son père aurait voulu, et qu'il aimait bien Charlie, il était donc logique qu'il tînt la promesse qu'il n'avait pas faite.

Mais c'était tout.

Et peut-être un tout petit peu quand même parce que, quand il s'était glissé entre les cuisses de la jeune fille, il avait senti toutes les possibilités que la proximité de leurs deux corps engendraient. La chaleur. La moiteur. La sensation de soif intense. L'envie d'être plus près. De sentir. De toucher. De goûter. De mordre.

A part ça, donc, c'était vraiment que pour le cours de potions.

 

 

 

Sasha s'était rendu tardivement à la soirée, histoire de ne pas être parmi les premiers. Il n'avait pas pris la peine de se déguiser : il n'en voyait pas l'intérêt. Les autres Gryffondors qui s'étaient maquillés s'étaient peinturlurés d'un faux sang qu'il ne trouvait même pas réaliste. Le vrai sang était plus visqueux, il dégoulinait partout sans que vous ne puissiez décider qu'il resterait là, sur une fausse coupure sur la tempe. Mais cela, les élèves de Poudlard ne pouvait pas le savoir.

Lorsqu'il s'était glissé dans la Grande Salle, il avait d'abord été époustouflé par les décorations : c'était sa première soirée officielle dans cette école, et il était resté bouche bée devant les énormes citrouilles qui volaient au-dessus d'eux, les fantômes qui dansaient en vire-voltant au milieu de la piste de danse, et les milliers de bougies aux flammes tressautantes, qui diffusaient une lueur chaude partout dans la pièce. Les buffets ne cessaient de se remplir de mets décorés de mille façons : bonbons en forme de mygales qui couraient véritablement sur les nappes, citrouilles ouvertes sur des vers et autres insectes grillés et salés, ou encore gâteaux à la crème de cerise qui dégoulinait comme du sang quand vous en découpiez une part. Ce fut bien évidemment par là que Sasha s'égara d'abord : pour une fois, davantage pour se donner contenance en mangeant et en buvant quelque chose que par véritablement faim.

Un long moment, il observa les groupes d'élèves qui s'amusaient en chahutant et en dansant, et il ne parvenait pas à trouver Alison. Peut-être qu'elle n'était pas venue, finalement. Son imagination galopa : elle s'était déjà éclipsée avec un autre garçon. Ou bien, elle avait rejoint les dortoirs parce qu'elle avait cru qu'elle ne viendrait pas.

Mais au bout d'un moment, à la faveur d'un rire qu'il reconnut à sa droite - un rire de la brochette - il scruta un groupe de filles et enfin, la reconnut. Alison était si méconnaissable qu'il laissa l'araignée qu'il avait saisie s'échapper d'entre ses doigts le temps de l'observer : ses longs cheveux roux étaient complètement blancs, son teint tout à fait pâle comme de la porcelaine et ses lèvres noires paraissaient plus charnues que d'ordinaire. Elle portait une jolie robe qui dénudait ses genoux, et - seule preuve qu'il s'agissait bien d'Alison - elle portait régulièrement ses doigts à sa frange blanche pour la replacer. Sasha fourra une poignée de vers grillés dans sa bouche sans détacher ses yeux de la silhouette monochrome.

 

Si la Serpentard l'avait remarqué, elle n'en montra jamais la moindre trace. Le projet qu'il avait conçu devant tout le monde s'était évanoui dans l'esprit de Sasha : il n'oserait jamais. Pas sans qu'elle lui eût donné au moins un signe qu'elle était heureuse de le voir. Et s'il faisait ça, et qu'il gâchait sa soirée ? Elle avait l'air de s'amuser. D'être heureuse.

 

Quand la soirée toucha à sa fin, il avait décidé de prendre son temps. Probablement de la suivre à distance jusqu'à ce qu'elle eût rejoint son dortoir, à la manière d'un chat qui aime bien observer, lascivement, la danse inatteignable mais élégante des poissons du fond du bassin.

Mais la brochette ne prît pas la direction des dortoirs, mais d'une aile du premier étage. Alors il prit lui aussi la direction de l'aile du premier étage, à distance. Pour une fois, le personnel de Poudlard avait décidé de lâcher un peu de bride, et se promener la nuit dans ces couloirs noirs lui changeaient des visites qu'il en avait fait sous forme animale : il avait l'impression de n'y rien voir, et les filles devant lui avaient fini par se mettre à courir en criant, effrayée par il ne savait quoi.

Il risquait de perdre sa trace.

 

A l'angle d'un couloir sombre, Sasha changea de forme. Ses pattes légères se mirent à trotter silencieusement sur la pierre froide. La vue lui revenait : les angles de couloirs se dessinaient nettement, et surtout les odeurs lui parvenaient subitement. La poussière. Là, la trace olfactive de quelques rongeurs qui profitaient de la faible présence humaine dans l'aile défendue. Mais surtout, les humaines qui étaient passées par là.

 

Sasha reconnaissait désormais sans peine l'odeur d'Alison maintenant qu'il l'avait approchée de si près. Sous sa forme animale, il en avait une perception plus précise ; il s'y mélangeait les effluves des produits qu'elle utilisait à des odeurs sécrétées plus naturellement par sa peau, exhalée par sa respiration. C'était une signature et son odorat avait été entraîné à cela : repérer sa trace n'en était que plus aisée.

 

Or, Alison s'éloignait de son groupe d'amies. Il la suivit. Un autre garçon aussi. Sasha l'effraya aisément à l'angle d'un couloir : un Poufsouffle de cinquième année qui crût voir le fantôme d'un molosse et qui détala en faisant demi-tour, en prenant ses jambes à son cou. Très bien.

 

Au bout d'un moment, Alison s'était égarée. Prévisible. Les Carter s'égaraient-elles toutes si aisément ?

 

  • - Devine.

 

Il avait repris forme humaine, et quand Alison se retourna, elle se retrouva face à lui : si près qu'elle faillit le percuter, mais il ne bougea pas. Dans la pénombre, ils se devinaient seulement l'un et l'autre, grâce à la Lune qui éclairaient le parc, laissant transparaître quelques rayons blancs par les hautes fenêtres du couloir voisin.

 

  • - On est perdue ? ironisa-t-il.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

Sasha ouvrit grand les yeux, fixant l'emplacement vide où s'était tenu, l'instant précédent, un chaudron plein d'un liquide rose. Alison n'eut pas l'air tant affolée que ça, passant déjà à l'étape suivante qui consistait... A remplacer le chaudron par un autre. Il la regarda faire, hébété, jusqu'à être interrompu par le professeur.

 

Ca, il s'y était attendu. Sasha fronça le nez, se consolant de la vision tout de même satisfaisante de voir le Serpentard qui couinait toujours s'échapper vers l'infirmerie avec, même, une aide pour trouver son chemin. Ces anglais, c'étaient de vraies fillettes. Certes, c'était un cours raté, il en avait bien conscience, mais ce serait aussi désormais clair pour les cinquième années qu'il n'était pas de bon ton de venir se frotter à lui - et encore moins de le désigner comme un Russe.

 

Pendant le petit tour que le professeur fit réaliser à Alison, Sasha resta silencieux, la regardant exécuter le petit numéro, non sans une pointe de peine pour elle : probablement qu'il y était pour quelque chose dans le sort qu'elle était en train de subir. En ce qui le concernait, il ne se sentait pas plus que cela humilié : des sanctions idiotes, il en avait vécues d'autres, et des bien pires que celles-ci. Alors il s'exécuta, non sans un dernier coup d'oeil d'avertissement aux deux Serpentards devant lui qui avaient le bon goût, cette fois, de rester silencieux.

 

 

 

 

Regarder la pierre sombre et froide des cachots, les mains sur la tête et pendant près d'une heure, c'était certes long. Mais Sasha prenait l'exercice plutôt tranquillement : il avait glissé ses doigts les uns dans les autres, pour maintenir sans efforts ses paumes sur ses cheveux, et par moments ses yeux se fermaient, presque somnolent, et il était obligé régulièrement de prendre une grande inspiration pour se réveiller, histoire de ne pas risquer de faiblir et s'endormir sur place. C'était le genre d'exercice qui lui rappelait un peu ceux, stupides, qu'on lui faisait parfois faire pendant son entraînement, quand il s'était engagé auprès des Veilleurs : attendre immobile dans un bain d'eau froide, tenir suspendu par les mains à une échelle le plus longtemps possible, et toutes ces joyeusetés qu'ils avaient tant critiqué avec les camarades qui avaient eu la même idée folle que lui : s'engager beaucoup trop tôt dans leur vie. Il lui venait de ces souvenirs une drôle de nostalgie. Aussi, même s'il glissait de temps à autre un regard vers Alison, le temps passa pour lui visiblement plus vite que pour elle : il devinait dans ses traits la consternation et la rougeur, si bien qu'à un moment, il crut même qu'elle allait abandonner. Pourrait-elle faire une chose stupide et faible, comme se retourner et se mettre à pleurer que ce n'était pas elle, mais lui qui était à l'origine de tous leurs problèmes ?

 

Sasha regarda le mur, avant de jeter de nouveau un coup d'oeil vers Alison. Cette fois-ci, il la regarda longtemps, attendant patiemment le moment où elle jetterait elle aussi un regard vers lui. Au bout d'un moment, cela arriva effectivement. Leurs regards se croisèrent, et Sasha se rendit compte qu'il ne savait pas comment l'encourager : l'expression de son visage resta figé. Il se contenta de soutenir le regard de la jeune fille, de la façon la plus neutre possible, pour qu'elle ne détournât pas immédiatement ses propres yeux. Alors, il bougea lentement le poignet : le reflet de sa montre dessina une tâche qui courut vers Alison, qui s'éloigna aussitôt. Il recommença en suivant la tâche du regard, pour qu'elle en fît autant. Est-ce qu'elle l'avait enfin vue ? Il haussa les sourcils en une question.

 

Puis, comme elle fronçait les siens mais qu'elle avait suivi des yeux la tâche dorée qui courait sur la pierre, il actionna de nouveau son poignet. Une longue fois, puis deux fois plus rapidement. Trois fois rapidement. Une fois rapidement, une fois longue, deux fois rapidement.

 

Il savait bien qu'il n'avait aucune chance qu'elle comprît ce qu'il était en train de faire. Mais enfin, ça l'occupait. L'heure d'attente était presque terminée.

 

 

 

 

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Lyle Sørensen

18 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Bibliothèque de Poudlard, Vendredi 15 Septembre 2124

Avec lenteur, Lyle redressa la tête et referma le livre. Cette fois-ci, sans retenir la page d'un index impatient.

 

- Mh-mh, avait-il seulement émis.

 

Il croisa les bras sur sa poitrine pour se laisser aller contre le dossier de sa chaise, ses yeux gris épiant avec plus d'intérêt la jeune femme devant lui. Il avait une envie subite d'envoyer un courrier à Oswald, de lui demander si la maison Valcourt était si importante que cela à soigner dans ses relations - il le ferait peut-être, un peu plus tard. Il y avait tout de même de fortes chances qu'elle bluffât : les Serpentards étaient bien connus pour cela. Il l'écouta tout de même attentivement. Elle avait l'air de savoir parfaitement ce qu'elle faisait et pour son âge, ce qui l'impressionnait.

 

Puis il s'installa un silence. Lyle posa doucement les yeux sur la couverture du livre ("Incendia Sempiterna : L'Essence des Feudeymons et des Feux Envoûtés" par Margaret Drockfuss, deuxième édition) avant de revenir à son observation de la jeune femme. Il laissait à dessein le temps s'écouler, installer entre eux un malaise palpable - mais qu'ils étaient bien capables de tous les deux supporter, ce qui en disait long sur leurs caractères respectifs : deux prédateurs, prêts à patienter longuement pour saisir l'instant précis.

Un sourire en coin éclaira discrètement le visage de Lyle.

 

- C'est un livre pour lequel il faut une autorisation spéciale, expliqua-t-il d'une voix calme. J'ai accès à la réserve grâce à la lettre de recommandation de mon directeur de maison - un privilège que lui enviait un certain nombre de ses camarades aux écharpes bleues et bronzes.

 

Pourtant, il ne montra pas signe d'une fierté quelconque ; comme s'il n'en avait pas besoin. Tout parlait déjà pour lui : sa tenue, cet accès, ses plans pour le futur, sa tranquillité d'esprit.

 

- J'ai très bien vu ce que tu viens de faire, finit-il par ajouter dans ce silence qui s'étirait entre les rangées d'étagères comme un serpent silencieux, inquiétant. Il va falloir revoir tes techniques pour être un peu plus élégamment manipulatrice : évidemment que rencontrer Lord Oldmore m'intéresse.

 

Gary Oldmore n'était nul autre que l'Ambassadeur de la Magie Britannique à Paris. Lyle connaissait les noms de la plupart des ambassadeurs, en tout cas dans les grands pays qui comptaient. Souvent issus de familles nobles - et Oldmore ne faisait pas exception - il était particulièrement difficile de se rapprocher de leurs cercles privés : généralement, cela se faisait soit par le sang, soit par de hautes fonctions administratives. Les Sorensen n'étaient pas exactement de l'aristocratie britannique, à cause de leurs origines nordiques, mais ils avaient bâti une réputation - ou plutôt, Oswald avait bâti cette réputation à partir de sa carrière brillante, qui rejaillissait sur Lyle. Mais serait-ce suffisant pour atteindre Oldmore ; Lyle en doutait.

Il s'humecta délicatement les lèvres, avant de croiser les mains sur le livre qui avait attiré l'attention de Viviane : inutile qu'elle continuât à s'intéresser à cette couverture.

 

- Tu as toute mon attention. Quel service puis-je te rendre pour être introduit auprès de... Gary, comme tu l'appelles si familièrement ? Si ça te fait plaisir que je porte un costume, pourquoi pas. Mais réfléchis bien ; je ne suis pas sûr que ce soit à cet endroit que je te serai le plus utile. Mais si c'est ça que tu veux... 

 

Il avait parlé avec la bienveillance de celui qui joue aux échecs contre quelqu'un de moins expérimenté.

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Katherine Dennison

Auror 62 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serpentard
Au fond du couloir du troisième étage, à droite après la salle d'Histoire de la Magie, Lundi 18 Septembre 2124

 

Katherine avait croisé les mains devant elle, sur le bureau. Ses doigts s'entrelaçaient au-dessus d'un dossier dont la couverture indiquait le nom de l'enfant. Absorbée par son observation méticuleuse du russe, elle avait plissé les yeux, le buste légèrement en avant.

Certes, l'attitude de Nikolaï Polyanski était irréprochable. S'il se montrait toujours aussi obéissant et direct, il serait en effet un sujet d'étude qui ne l'agacerait guère. Pourtant, le doute et la méfiance devaient subsister : il avait visiblement subi un endoctrinement profond et même avec le sceau, on n'était pas à l'abri qu'il utilisât tout simplement ce qu'il avait sous la main pour faire rendre gorge à qui que ce fût qu'il jugerait comme du camp ennemi. Et un meurtre entre enfants issus de la guerre à Poudlard, cela ferait tâche pour le Ministère de la Magie.

Aux précautions qu'elle envisagerait de prendre à ce sujet, elle entendait déjà geindre ses collègues ("Oh Kate, ce n'est qu'un enfant !") mais Madame Dennison en avait vu d'autres, des enfants : les camps qu'elle avait vus pendant son séjour à Kaboul, certes remplis de bambins moldus, l'avait définitivement convaincu qu'on pouvait facilement endoctriner un enfant pour aller se faire exploser en mille morceaux sur le parvis d'un aéroport à l'autre bout du monde. Alors, que pouvait-on faire avec un enfant sorcier ?

 

Katherine acquiesça avec lenteur aux propos du garçon, mais elle n'avait pu empêcher une légère grimace.

 

- Votre anglais est très mauvais, remarqua-t-elle de sa voix sèche. Nous devrons travailler cela ensemble à l'oral et à l'écrit. Je parle Russe moi-même, aussi je pourrais vous aider si vous cherchez vos mots. Je vous aiderai d'ailleurs chaque soir à faire vos devoirs afin que vous amélioriez vos résultats rapidement.

 

Tout en parlant, Katherine avait ouvert le dossier sous ses doigts. A l'intérieur, seulement des pages vides d'un papier de parchemin fin, élégant. La femme s'empara d'une plume dans un pot à plume et en trempa la pointe dans un pot d'encre.

Botanique : médiocre, Vol : médiocre, Anglais et toutes les autres matières : catastrophique, écrivit-elle d'une petite écriture serrée.

 

- Je regarderai ensuite. D'abord, j'ai d'autres questions et quelques recommandations, monsieur Polyanski.

 

Elle n'avait en effet pas un intérêt particulier pour le sceau qui avait été appliqué à Nikolaï. Comme ce n'était pas son travail, elle le trouverait mal fait de toutes les façons. Autant remettre cette insatisfaction à plus tard.

A la place, elle poursuivit :

 

- Parlez-vous d'autres langues que le russe et l'anglais ? Des dialectes, par exemple. Savez-vous correctement lire des cartes ? Seriez-vous capable de me montrer, par exemple, d'où vous venez sur une carte de la Russie ? Ou bien d'identifier des lieux précis par lesquels vous seriez passé avant d'arriver ici ?

 

Certainement que le Ministère désapprouverait un tel interrogatoire, si tôt dans l'année. Katherine n'avait pas de temps à perdre, cela étant dit. A mesure qu'il répondait, elle notait soigneusement ses réponses et parfois des commentaires de son propre cru.

 

- Nourrissez-vous quelconque sentiment de colère, de haine, ou d'autres émotions fortes à l'égard des personnes que vous rencontrez à l'école, monsieur Polyanski ?

 

Chaque fois qu'elle s'interrompait dans l'écriture, elle relevait vers l'enfant des yeux perçants, comme pour lire les expressions de son visage : mais le russe était aussi imperméable qu'une vitre blindée. Elle se pencha un peu plus, pour poursuivre à voix moins forte, mais parfaitement intelligible tant elle prenait soin de détacher correctement ses mots.

 

- Nourrissez-vous quelconque sentiment de colère, de déception, ou de tristesse à l'égard de souvenirs récents ou anciens, qui vous reviendraient en mémoire ? La nuit, par exemple ? Vous arrive-t-il d'être pris de pulsions de violence ? D'avoir une forte envie subite de faire du mal à quelqu'un, même à vous-même ?

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

- Croire à quoi ? il avait demandé bêtement.

 

Sasha avait baissé les yeux sur le jeu de mains rapide d'Alison qui arrangeait sa cravate, un peu déçu de ne pas avoir droit à une nouvelle séance de respiration guidée. Evidemment, les yeux et les commentaires des autres Serpentards les accompagnaient dans chacun de leurs mouvements. Sasha ne s'expliquait pas la fascination que le groupe de 5ème années avait pour le couple fallacieux qu'ils formaient, Alison et lui. S'il s'était dit les premiers jours que ce n'était qu'un jeu d'adolescents curieux des intrigues amoureuses - à défaut d'avoir plus intéressant avec quoi s'occuper - désormais plus le temps passait, et plus il avait l'impression que l'attention qu'on leur portait devenait une obsession. Un peu comme quand les copains et lui avaient vu Dmitri manger un escargot à l'école quand il était petit : de camarade un peu bizarre, il était vite devenu le bouc émissaire de la classe et les efforts de tous les autres élèves pour l'humilier histoire d'être en haut de la hiérarchie sociale. Ces drôles de souvenirs lui semblaient émerger d'un autre monde, d'une autre vie ancienne et partiellement oubliée. Toujours était-il que l'attention croissante des Serpentards envers leur binôme l'inquiétait plus qu'il ne voulait l'admettre.

 

Alors, quand Alison soudain frôla son pantalon de sa main avant de s'accroupir jusqu'à disparaître sous leur plan de travail, Sasha sentit soudain son corps s'engourdir d'une paralysie étrange. Ses yeux s'arrondirent et il eut l'air tout aussi étonné que ceux qui les regardaient. Certes il fallait donner le change : il lui traversa l'esprit qu'il pouvait sourire histoire de crâner, mais ça n'aurait certainement pas l'air naturel dans l'état où il était. Alors il serra les dents en renvoyant des regards courroucés, priant pour qu'Alison se relevât le plus vite possible. Heureusement, l'arrivée de la professeure détourna l'attention et il se sentit soulagé quand la rousse réapparut à ses côté. Pendant qu'elle déplaçait ici et là des galets, lui se chargea de lui en faire passer d'autres, non sans sentir une tension confuse dans tout son corps. Il déglutit.

 

- Des p'tits noms, c'est vraiment ça qui compte pour toi là maintenant ?

 

Il avait grondé à voix basse, les mâchoires serrées et les sourcils froncés, tout en jetant des regards autour d'eux, dissuasifs, à l'attention de quiconque s'intéressait à leur conversation. Les odeurs des orchidées, même encore au stade de boutons, diffusaient des odeurs douces et florales, dont s'enchantaient les filles du premier rang avec force d'exclamations joviales. Sasha profitait du brouhaha général pour poursuivre, jetant ses mots en direction de l'épaule d'Alison, qu'il surplombait.

 

- Tu nous fais trop remarquer, poursuivit-il d'un ton péremptoire.

 

Non, il n'était pas détendu du tout.

Il ne voyait pas le visage de la jeune femme, mais seulement ses cheveux qui dansaient à quelques centimètres de lui tandis qu'elle composait un premier nid, formant un cercle avec des pierres autour de la plante à l'étiquette Honey. La rousseur lumineuse et l'odeur d'un shampooing féminin lui parurent familières. Charlie piquait-elle parfois les cosmétiques d'Alison ?

 

- Qu'est-ce qu'il dirait ton père s'il te voyait, hein, bougonna-t-il, espérant faire mouche, cette fois.

 

Sûrement qu'il dirait qu'elle ne devait pas traîner avec des animaux de son espèce, en premier lieu. Mais ce n'était pas lui qui forçait Alison à avoir un tel comportement. Et en l'absence du père en question, n'était-ce pas lui qui devait la rappeler à l'ordre ?

Il soupira, un instant soulagé de sentir la tension qui s'évaporait de son corps, le laissant plus à même de lui aussi construire un second nid à côté du premier, qui ressembla vite à une forteresse. La professeure était passée devant eux, posant les yeux sur leurs premières réalisations. Au soulagement de Sasha, elle ne trouva pour le moment rien à redire à leurs premiers gestes et elle s'éloigna. Le Gryffondor put reprendre ses messes basses.

 

- Au fait, souffla-t-il. J'vais avoir besoin d'un petit service.

 

Il croisa le regard irrité d'Alison. Pas favorable.

 

- Enfin pas vraiment un service. C'est juste ; si quelqu'un te demande, un professeur ou quoi. Tu peux dire que je viens te voir la nuit des fois ?

 

Il tâcha d'avoir l'air neutre. D'avoir une voix parfaitement innocente. Ce n'était qu'une formalité. Ou, enfin, elle devrait le croire.

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Lyle Sørensen

18 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Bibliothèque de Poudlard, Vendredi 15 Septembre 2124

 

Tout en l'écoutant, Lyle détaillait le visage de la jeune femme. Il n'arrivait pas à se décider pour savoir s'il la trouvait ou non jolie : d'un côté elle avait les traits fins et élégants de bonne famille : une bouche parfaitement dessinée, des yeux maquillés avec discrétion mais délicatesse, des cheveux dociles. D'une certaine manière, elle renvoyait le même genre d'image que lui : soigné, appartenant à une classe sociale élevée. Mais d'un autre côté, quelque chose chez elle lui semblait désagréable : ce nez fin lui donnait une attitude hautaine, les mimiques qui agitaient le sourire de la jeune fille trahissaient des cachotteries qu'il ne parvenait à déchiffrer : était-elle seulement embarrassée ou bien jouait-elle un autre jeu ?

Si le trouble se lut un instant dans les yeux gris habituellement sans vie de Lyle, il se reprit rapidement en croisant les bras sur sa poitrine, se laissant aller sur son dossier de nouveau, comme s'il se laissait le temps de la réflexion. Alors même que c'était tout décidé : il ne pouvait laisser passer une opportunité de cette ampleur.

Il finit par acquiescer avec lenteur.

 

- Ca m'a l'air d'un deal équitable, en effet.

 

Pourquoi une gamine comme elle cacherait-elle quoique ce fut de dangereux pour lui ? Il ne lui servirait à rien d'être paranoïaque avant l'heure. Ce n'était qu'une enfant qui faisait un caprice auprès de sa famille pour être prise en photo avec le beau garçon de l'école. Lyle n'ignorait certainement pas les regards qui pesaient sur lui depuis la sixième année, quand il avait subitement grandi et qu'on se visage était devenu si angulaire. En quelques mois à peine, même sa voix avait changé, ce à quoi il n'avait guère prêté attention - au départ en tout cas. Car bien vite, ses yeux n'avaient plus cessé de surprendre des regards féminins. Quelques unes de ses amies de Serdaigle avaient commencé à bafouiller à son contact et progressivement, s'étaient éloignées de lui. Un bien étrange phénomène ; et comment pouvait-on en vouloir à Viviane Valcourt d'y succomber elle aussi ?

En d'autres circonstances, il l'aurait méprisée pour un tel enfantillage de gosse trop gâtée, mais on ne pouvait mépriser une famille qui lui proposait de déjeuner avec Lord Oldmore - il ne pouvait pas se décider, dans sa tête, à l'appeler lui aussi Gary, c'était beaucoup trop familier - et il n'avait eu aucun problème de conscience à mettre de côté ses jugements habituels pour accorder cette faveur pour être dans les bonnes grâces de l'Ambassade britannique, à Paris.

 

- Tout me paraît limpide, annonça-t-il avec tranquillité ; même si ce n'était pas tout à fait vrai.

 

Il avait une chose qui le chiffonnait : était-il possible que le lieu du shooting soit une pure coïncidence, ou bien bluffait-elle dans l'espoir de le faire venir. Un instant les yeux de Lyle se durcirent et ses sourcils blonds se froncèrent, vaguement menaçants.

 

- Je veux être informé de tout changement de programme avant notre départ, afin de pouvoir me rétracter si les conditions de notre deal ne sont pas respectées.

 

Lyle ajouta rapidement un sourire qui adoucit son visage, à dessein.

 

- Mais je dis ça juste au cas où, je te fais confiance, bien sûr.

 

C'était bien connu : on pouvait toujours se fier, de façon aveugle, aux Serpentards.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Sasha bouscula un élève, puis un autre, tenant la pochette serré contre sa poitrine. Le souffle court, il détalait à toute allure. Ses jambes avalèrent, quatre à quatre, les escaliers qui conduisaient au rez-de-chaussée, puis ses baskets crissèrent au sol tandis qu'il dérapait vers la sortie.

Un grand saut pour passer les dernières marches qui amenaient au parc, et il atterrit dans les gravillons en faisant peur à une nuée de pigeons ainsi qu'un autre groupe d'élèves. Dehors, un vent désagréable cingla son visage, mais Sasha ne ralentit pas pour autant. Il changeait irrégulièrement de direction, pour éviter un sort qui aurait pu le mettre à terre - car cette garce l'avait poursuivi jusqu'ici.

 

Sur le moment, il avait cru qu'elle abandonnerait, mais les insultes pleuvant dans son dos lui avaient indiqué le contraire, à sa grande surprise. Après tout, ce n'étaient que de simples numéros d'un journal dont les autres Russes avaient certainement la copie, qu'il avait volé. Pourquoi s'acharnait-elle autant, sinon pour le plaisir de se faire la peau d'un Ukrainien ? Il ne pouvait pas lui en vouloir ; si un Russe lui en avait fait autant, il se serait peut-être battu avec la même hargne.

 

Sasha emprunta un sentier entre deux bosquets - il se rapprochait dangereusement de la Forêt Interdite, mais il en avait bien moins peur que les autres élèves. Anya Nikitovna oserait-elle le suivre dans un environnement si imprévisible ? Ils en étaient encore à une cinquantaine de mètres toutefois, au moins.

Sur un tronc à sa gauche éclata soudain un morceau d'écorce percuté par un sortilège, et Sasha eut un hoquet de stupeur. Par réflexe, il fit un détour dans la direction opposée. Ses jambes le portaient par cette espèce de réflexe automatique de la fuite, l'adrénaline faisant battre à ses tempes un flot de sang ravageur - et étrangement, c'était à la fois terrassant et bon.

 

Mais il ne pouvait pas se permettre de perdre les documents qu'il gardait désormais jalousement contre lui. Il ne voulait pas faire de mal à Anya, au fond : elle n'avait pas elle-même participé à la guerre, elle en était bien trop loin, comme une bonne petite fille Russe tenue loin du combat. Elle l'avait dit elle-même. En revanche, ce qu'elle détenait était beaucoup trop important pour lui - et si son pays lui envoyait de l'argent, elle n'aurait qu'à se payer une deuxième édition du dernier numéro si elle y tenait tant.

Alors, dès qu'il passa devant le gros tas de bûches de bois que conservait près du bosquet le garde-chasse, Sasha osa un instant ralentir et se retourner.

 

- Padasno ! s'écria Sasha - la version slave du sortilège de Descente.

 

De sa baguette jaillit un rapide trait bleu qui vint percuter la montagne de bois. Celle-ci s'écroula à moitié, les bûches roulant subitement entre Sasha et Anya pour entraver la course de cette dernière. Ce n'était certes pas suffisant pour blesser la Russe, mais cela faisait gagner quelques précieuses secondes à Sasha maintenant qu'elle devait ralentir et contourner cet obstacle.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

Devant le professeur, Sasha était plutôt serein. Les enseignants de Poudlard avaient les punitions légères à son goût. Certes, il n'aimait pas le regard des autres et les humiliations ; mais cette fois-ci, avoir emporté avec lui le nez d'un autre garçon compensait suffisamment pour qu'il se sentît plutôt tranquille face à Mister Brooks. Il jetait de temps à autre un coup d'oeil vers Alison. Elle avait le nez et le blanc des yeux rouges. Est-ce qu'elle avait vraiment pleuré pour une simple punition ?

Sasha évita de lever les yeux au ciel et se reconcentra sur le professeur. Il avait mis ses mains dans ses poches. Lui aussi avait mal aux bras, aux épaules en particulier, mais Veles irait tondre les nuages le jour où il l'admettrait.

 

- Ok, Sir, fut le seul commentaire de Sasha à l'attention de Brooks - et lorsque ce dernier leur indiqua la porte, il en prit la direction à la suite d'Alison d'un pas tranquille.

 

Le couloir froid qui courait entre les cachots les accueillit d'un silence lugubre. Les flammes qui ornaient régulièrement la pierre pour maintenir une luminosité tamisée ne parvenaient pas à chasser l'humidité et l'austérité des lieux. Alison avait le pas vif - à cause du froid ou d'autre chose, qu'en savait-il ?

Sasha pressa le pas pour ne pas se laisser distancer. Accéléra même jusqu'à la dépasser un peu, histoire de pouvoir lui parler tout en jetant des coups d'oeil vers son visage fermé - si c'était possible. Il ne savait pas pourquoi, mais ces rougeurs autour des traits juvéniles d'Alison attiraient son regard d'une manière insolite. Comme lorsqu'on voit, pour la première fois, une chenille aux couleurs fluorescentes : anormale, repoussant et fascinant à la fois. Sauf qu'il ne pouvait décemment pas la scruter de façon trop évidente. De toutes façons, les lueurs vacillantes des cachots ne lui permettaient pas, comme dans la salle de classe, d'apercevoir les détails qu'il avait entrevus plus tôt.

 

- T'as dit qu'il fallait que je m'assois pour manger avec toi des fois. Je fais ça maintenant ou il faut pas ?

 

Il avait toujours ses mains dans ses poches. Sasha ralentit soudain l'allure, fronçant le nez à la vue de ce qui les attendaient en haut d'une volée d'escaliers censée les ramener dans le hall : la brochette était là, attendant patiemment le dernier petit morceau au caramel qui la complèterait.

 

(Il faisait faim. Il fallait dire qu'au bout des cachots, à droite avant l'escalier, il y avait le chemin qui conduisait aux cuisines, et il remontait par le couloir une odeur de jambon grillé qui lui tordit l'estomac. Il en aurait jappé d'envie, mais ça n'aurait pas été correct.)

 

Sasha avait ralenti plus encore : les morceaux de viande s'étaient toutes retournées pour scruter leur arrivée avec force de chuchotements scandalisés, qu'elles cachaient mal derrière leurs petites mains délicates. Le Gryffondor ne put s'empêcher de glisser plus près d'Alison pour parler à voix basse.

 

- Tu devrais pas leur montrer que t'as pleuré, il gronda doucement, comme s'il n'avait pas eu besoin de bouger les lèvres pour s'exprimer, comme un ronronnement à peine perceptible dans l'allée des cachots.

 

Puis, comme on aurait refermé la visière d'une armure pour être mieux protégé, Sasha enfonça ses mains encore plus profondément dans ses poches et carra les épaules, y rentrant légèrement la tête, le visage fermé. La grande blonde le regardait avec une lèvre légèrement soulevée par la répugnance et pour lui signaler qu'il avait remarqué cette déformation disgracieuse de son visage, Sasha la fusilla du regard en s'arrêtant au bas des marches.

Il attendrait qu'Alison débutât l'ascension avant de suivre. Hors de question de s'approcher de ce chapelet-là de bonne volonté.

 

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Devant et dans la salle de potions, Jeudi 21 Septembre 2124

Passée la surprise et le léger sursaut dû à l'assaut d'Alison dans sa poche, Sasha avait eu l'impression que la main de la Serpentard était minuscule dans la sienne. Il n'osait plus vraiment bouger. Avait-il toujours les doigts aussi moites ? Est-ce qu'elle tremblait ou il se faisait des films ? Tant d'émotion pour une simple retenue, vraiment, Sasha se demandait dans quel genre d'univers enchanté Alison avait pu grandir pour être autant bousculée pour si peu.

Devant les filles, il resta aussi silencieux et morne qu'une bûche de bois devant la cheminée, comme s'il n'avait d'autre possibilité que d'attendre son destin fatal. Sa seule réaction fut de décocher lentement un regard vers Alison après le mot sauvage.

 

Heureusement, cette dernière emporta le Gryffondor avant qu'il n'eût le temps de dire quoique ce fut, parce qu'enfin une émotion pouvait se lire sur son visage : malgré le baiser (hypocrite) qu'il venait de recevoir, une surprise catastrophée, ou quelque chose de ce goût, avait agrandi ses yeux et entrouvert ses lèvres. Comment ça, on n'a pas faim ?!

Bougon, Sasha suivit néanmoins la jeune fille, le coeur déchiré à chaque mètre qui s'ajoutait inéluctablement entre lui et les tranches de jambon grillé qu'il comptait empiler dans son assiette.

 

- Ben j'espère qu'il va en rester, maugréa-t-il.

 

Alison gardait sa main dans la sienne, un peu bizarrement. Et le silence qu'ils se traînèrent jusqu'à l'angle du couloir lui sembla inconfortable - tandis que son cerveau, lui, traitait avec lenteur les informations qu'Alison avait donné à ses amies. Quand elle lâcha sa main subitement, il fit disparaître la sienne rapidement pour la remettre à sa place : dans sa poche, où on ne pourrait plus la voir. Il haussa les épaules.

 

- Ben maintenant tu sais, il grommela, renfrogné. Pourquoi, ça change quelque chose ?

 

C'était correct de faire semblant de sortir avec un Russe, mais pas un Ukrainien ? semblèrent brûler d'ajouter ses prunelles susceptibles ; mais en face, Sasha rencontra surtout une parfaite indifférence. Savait-elle au moins ce qui existait en dehors de son Royaume ? Autant laisser tomber.

Elle était prête à partir, de toute façon. Pour sa part, il resta planté là, interdit.

 

Silence.

 

- Que vingt minutes ? Ca fait pas un peu...

 

Ses yeux allèrent de droite à gauche, comme si c'était évident. Visiblement, ça ne l'était pas. Il baissa la voix pour poursuivre.

 

- ... Un peu bâclé, quoi ?

 

Le crépitement des torches qui bordaient le couloir meublèrent le silence suivant. Une série de cavaliers et leurs cheveux trottaient dans un tableau au-dessus de leurs têtes, passant et repassant entre des champs jaunis par les blés, le cliquetis des armures lointaines couvrant ici la rumeur des élèves qui s'entassaient dans la Grande Salle pour dévorer les plats.

Le visage de Sasha s'illumina.

 

- Je vais aller directement aux cuisines, il dit comme s'il avait eu une révélation. On n'a qu'à manger là-bas, comme ça on peut prendre le temps, ça les laissera s'imaginer quelque chose d'un peu moins... un peu moins...

 

Merde, le mot lui venait pas. Le seul mot qui lui venait était celui qu'elle avait prononcé elle-même : sauvage. Mais ce n'était pas ça qu'il cherchait.

 

- Un peu moins... Tu vois quoi.

 

De toute évidence elle ne voyait pas, parce qu'Alison voyait des choses qui n'existaient pas dans son monde à lui, et inversement. Comme par exemple des choses pour lesquelles il était perpétuellement coupable et dont lui n'avait jamais entendu parler. Il perdit patience.

 

- Ben sale, quoi !

 

Le cliquetis des armures s'apaisa : le commandant en chef des armées avait décidé d'une halte. Les soldats attendaient dans le silence, leurs drapeaux flottant au vent, et le silence sembla incongru au Gryffondor qui fit claquer sa langue sur son palais. Leurs conversations de sourd ne lui semblaient qu'être une preuve supplémentaire, s'il en fallait une, qu'ils ne pouvaient pas se comprendre.

 

- Enfin moi j'm'en fous après tout, puis au pire ça entretiendra ta réputation exotique de te taper un sauvage, hein. Donc tu fais comme tu veux, moi j'vais chercher quelque chose à me mettre sous la dent.

 

Sans autre forme de procès, Sasha tourna les talons et s'éloigna dans une autre de ces longues galeries de Poudlard, au décor enchanteur. Poudlard était un drôle de labyrinthe dont il avait fini par comprendre le plan principal, mais où il subsistait tout un tas de recoins qui n'attendaient que d'être explorés. Il avait d'ailleurs entendu dire qu'on pouvait atteindre les cuisines par les deux entrées des cachots, de part et d'autre des couloirs qui encerclaient la Grande Salle. Même s'il ne trouvait pas de quoi manger tranquillement, cette exploration ne lui apporterait que des informations importantes pour le reste de l'année ici, et il n'aurait pas perdu son temps à risquer l'inanition pour la réputation d'une fille qui le traitait de sauvage.

Sasha s'enfonça dans le couloir d'un pas étrangement léger et rapide malgré sa carrure trapue. On aurait dit un chasseur longeant les murs, espérant être le seul à capter la proie qui se tapirait à l'angle du corridor suivant.

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Katherine Dennison

Auror 62 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serpentard
Au fond du couloir du troisième étage, à droite après la salle d'Histoire de la Magie, Lundi 18 Septembre 2124

- Han-han, faisait madame Dennison pour manifester son intérêt pour les réponses du garçon tandis qu'elle notait d'une écriture rapide.

 

La pointe de sa plume, avec sa vivacité, rappelait le bec rapide d'une poule traquant toutes les petites graines et insectes desquels se délecter dans une terre riche.

Madame Dennison s'interrompit dans son écriture assez subitement, pour relever le regard vers Nikolaï ; et dans les yeux de la femme, on eût cru voir un éclat d'exaltation.

 

- Je vois que vous avez parfaitement conscience des enjeux liés aux informations que vous possédez, déclara-t-elle avec un sourire entendu.

 

D'une certaine manière, elle apprenait là ce qu'elle souhaitait : l'obéissance de Nikolaï s'arrêtait là où commençait sa loyauté pour sa patrie. Quel bon soldat, songea-t-elle avec une nostalgie douce-amère. Et puis, elle se remit à noter.

 

- Han-han.

 

La plume semblait picorer par elle-même.

 

- Bien, très bien le sport, approuva-t-elle avec un signe de tête et d'une voix légèrement absente - ou plutôt, préoccupée par d'autres choses. Je vais mettre cela dans votre dossier. Ils apprécieront.

 

Katherine se garda bien de définir de qui elle parlait. Ca n'avait pour le moment pas beaucoup d'importance - pour le garçon, en tout cas.

Si l'accent britannique de la femme évoquait un raffinement particulier, on percevait dans sa voix le souffle et le craquement d'un âge qui lui avait fait perdre en fraîcheur. Son timbre évoquait celui d'un violoncelle dont les cordes usées étaient activées par un archer dont la mèche rugueuse se serait rigidifiée avec le temps pour donner des sons plein de crépitements discrets, et pourtant doux comme le grain d'un parchemin usé.

 

- Quelle est votre compréhension des raisons pour lesquelles vous êtes ici, monsieur Polyanski ? reprit-elle.

 

Arrivée au terme de ses notes, elle posa momentanément sa plume, avant de croiser les bras sur sa poitrine. L'éclat brillant de ses yeux était toujours là, comme s'il avait chaviré de l'exaltation à une curiosité tranquille, prête à s'éveiller de nouveau. Quand elle se penchait, comme pour mieux examiner le garçon devant elle, ses cheveux impeccablement lisses tanguèrent avec elle ; un peu comme si des vagues dansaient autour de Nikolaï, phare dressé au milieu d'un océan dont il ne connaissait rien. Pauvre enfant, aurait-on pu penser, mais Katherine ne pensait jamais comme la masse, et c'était bien cela qui lui avait valu d'aller si loin dans sa carrière.

 

- Vous comptez retourner à la guerre, monsieur Polyanski ?

 

La question ne sonnait pas comme interrogative. C'était plutôt une évidence avancée, et pour la ponctuer elle s'affubla d'un sourire légèrement douloureux.

 

- C'est normal. Que diraient vos parents, si vous ne nourrissiez pas ce souhait ? Ils auront honte de vous, n'est-ce pas ? questionna-t-elle d'une voix un peu plus douce, les sourcils froncés pour partager cette terrible situation que devait être celle de Nikolaï.