Harry Potter RPG
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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

C'était vite devenu un rituel.

 

Pour la troisième fois, depuis la rentrée, Sasha profitait de ce que la plupart des élèves fissent la grasse matinée pour se glisser dans les cachots après sa sortie matinale, et attendre qu'Anya Nikitovna sortît à son tour pour lui montrer les journaux qu'elle faisait venir de Russie. Il était encore trop tôt - en tout cas il l'espérait - pour qu'elle s'inquiétât de ce qu'il ne fût toujours pas en mesure de prendre lui-même un abonnement. Tant qu'il le pourrait, il profiterait de la situation pour avoir ces informations gratuitement, même si elles étaient tronquées, lui semblait-il.

Il trouvait bien sûr porte close en arrivant devant l'entrée de la salle commune des Serpentards. Ce matin-là, ses chaussures étaient encore mouillées ainsi que le bas de son pantalon, mais il n'en avait cure. A la place de la tenue réglementaire qu'il devait mettre la semaine, il avait enfilé un sweatshirt dont la capuche grise reposait en partie sur l'arrière de son crâne, laissant juste apparaître ses tempes presque rousses.

 

Il n'eut à attendre que quelques minutes, les mains dans les poches, adossés à la pierre, pour qu'enfin quelqu'un sortît. Il se détacha du mur aussitôt pour se retrouver face à...

 

... une grande blonde dont la bouche semblait indéfiniment faire une moue de dégoût.

 

Merde, un bout de brochette.

 

- Sasha ? Qu'est-ce tu fais là ?

- Tu veux pas aller chercher quelqu'un pour moi ? Please, ajouta-t-il avec lenteur, ainsi qu'une autre élève de cinquième année le lui avait appris.

 

Please Alison, il fallait dire quand il demandait un ustensile. Dans le cas de ce dimanche matin, l'astuce aurait mieux fonctionné s'il s'était souvenu du prénom de la fille ; malheureusement, si Alison l'avait prononcé devant lui, il n'en avait fichtrement aucun souvenir. Peut-être Maddie ? Ou Carolina. Ou aucune des deux. Dans le doute, s'abstenir.

 

- Tu veux voir Alison ?

- Nan, pas elle. Anya.

 

Blondasse ouvrit de grands yeux, appliqua une main sur sa poitrine. Quoi, au'est-ce qu'il avait dit, encore ?

 

- Anya Nikitovna. Tu la connais pas ? il la pressa avec un soupir agacé.

- Tu sors avec Anya ?! dit-elle, et sa bouche parut encore plus dégoûtée maintenant qu'elle s'était ouverte en un "O" de protestation.

- Hein ?! Mais nan ! J'ai besoin qu'elle m'apporte un truc, c'est tout !

 

Blondasse croisa les bras sur sa poitrine, l'air suspicieux.

 

- Qu'elle t'apporte quoi ?

 

Sasha pencha doucement la tête de côté, les lèvres pincées. Il s'efforça de ne pas répondre une obscénité.

 

- Des... De la lecture.

- De la lecture.

- C'est ça. En cyrillique, tu vois.

- En russe, quoi.

 

Sasha souffla par le nez un soupir dépité.

 

- Oui, si tu veux.

- Mais j'croyais que t'étais pas Russe.

- Oui, ben non, mais...

 

Blondasse haussa les sourcils, croyant enfin avoir coincé Sasha la main dans le sac. Ce dernier s'humecta les lèvres, et puis contre toute attente il déclara.

 

- Bon tu vas m'la chercher ou j'te plaque contre le mur et je gueule dans l'escalier qu't'essaies de m'embrasser dans le dos d'Alison ?

 

Cette fois, l'argument fit mouche. Blondasse recula d'un pas, interloquée, avant de faire demi-tour vers la porte de la salle commune, le nez froissé.

 

- C'serait même pas crédible, moi j'sortirai jamais avec une brute comme toi, elle rétorqua - mais, comme si elle avait pu avoir peur des conséquences d'avoir avoué une telle chose, elle descendit les escaliers quatre à quatre pour disparaître.

 

 

 

 

Au bout d'un moment qui parut interminable, la porte se rouvrit. Et cette fois, il vit immédiatement la silhouette d'Anya. Ses longs cheveux bouclés et sauvages, sa démarche chaloupée. Instinctivement, il carra les épaules, histoire de se tenir droit ; mais son visage resta fermé.

 

- J'espère je te réveille pas, il dit comme préambule.

 

Ce n'était pas comme s'il venait prendre des nouvelles d'elle, de toute façon. Elle savait parfaitement pourquoi il venait. Sasha se hâta de longer le couloir pour aller dans l'un des cachots voisins - celui où par deux fois déjà, ils s'étaient retrouvés pour qu'il pusse consulter le journal auquel elle était abonnée.

 

- Tu as le dernier numéro ? il demanda par dessus son épaule en entrant dans la salle d'un pas pressé.

 

Son impatience était visible : malgré ses mains dans ses poches, il se hâta de passer entre les tables pour aller s'asseoir au même endroit que la dernière fois, le souffle court. Et même assis, il ne cessait de gigoter. Seulement alors il fit apparaître ses mains, se les passa sur le visage. Ses lèvres, ses joues et son cou avaient rougi d'une drôle de façon.

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
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A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Plus le jour se couchait tôt, plus vite la Forêt Interdite paraissait menaçante. Les voix des grillons qui chantaient dans la douceur de l'été s'éteignaient peu à peu, laissant place à de sinistres craquements et crépitements. Chaque bourrasque de vent décrochait par dizaines des feuilles qui après de longs jours avaient cessé de lutter pour survivre. Alors elles cédaient enfin, acceptaient d'être vouées à rejoindre le poussière. Elles frôlaient les troncs d'un chuintement léger avant de tomber au sol - alors chacune d'elle tapotait une fois la terre, comme si un animal avait fait un pas à cet endroit-là, et tout voyageur aventureux était pris d'un frisson, se retournant en craignant une présence inaperçue, sous l'oeil attentif de quelque rapace dont on devinait, vers les cimes, la forme distincte : une silhouette au bec sévère et aux yeux perçants, dont le plumage sombre se fondrait bientôt avec la nuit, une fois que celle-ci serait complète. Pour l'heure, on distinguait encore les buissons ardents qui bordaient de petits sentiers formés par la mousse, là où la végétation rampante n'avait pas parfaitement recouvert les sols humides. Dans cette jungle bucolique, quelques pattes avaient formé là des traces boueuses : l'empreinte ici d'un cerf, là, celle d'un félin aux dimensions inquiétantes...

 

Des gouttes, enfin. Irrégulières. L'Ecosse était toujours humide à cette période de l'année ; et les arbres semblaient n'en avoir jamais fini de s'ébrouer pour laisser tomber des perles qui s'accrochaient aux feuillages bas.

 

Dans l'horizon, emporté par la brume, Poudlard avait disparu. A mesure que celui-ci s'épaississait, la Forêt en tous sens paraissait la même ; comme un labyrinthe aux miroirs infinis.

 

 

 

Entre deux troncs dénudés, une fouine avait commencé à sortir le bout de son nez ratatiné. Son petit minois gris s'éleva vers le ciel, la truffe frémissante tandis qu'elle humait l'air - à la recherche d'indices quant à son dîner prochain, peut-être. D'un pas léger, elle emprunta le pont formé par une grosse racine au-dessus d'un petit cours d'eau, s'apprêta à sauter de l'autre côté - quand soudain elle s'immobilisa, figée comme la pierre.

Un coup d'oeil d'un côté, puis d'un autre.

 

Prédateur, semblait crier ses yeux silencieux, comme deux billes alertes qui peinaient à trouver, dans leur environnement, celui dont elle sentait la présence sans l'avoir vu.

 

Et puis, soudain, un vrai bruit. Un craquement grossier, si indiscret que la fouine avait déjà disparu. Sasha eut un grognement de dépit.

 

 

 

Au bout du chemin, une petite tête rousse : un instant, il avait cru qu'il s'agissait d'Alison. Mais la fille avait tourné sa tête un instant et il avait vu un autre profil. Plus jeune. Elle reprit son chemin. Le froid commençait à l'envelopper.

 

Sasha la suivit.

 

Sans un bruit. Comme une ombre. Il avait cette expérience-là : celle de disparaître presque tout à fait. Généralement, seuls les animaux sentaient sa présence, à cause de leur flair, mais il arrivait parfois à se camoufler suffisamment pour rester tapi sans qu'aucun d'eux ne le détectât plusieurs minutes durant.

 

Suivre une gamine était un bon exercice.

 

Parfois, l'enfant se retournait, prise d'un frisson. Il savait que c'était son instinct qui parlait, et son instinct avait raison. Elle n'avait rien à faire ici, elle était suivie, et nul ne savait les intentions des créatures qui observaient sa marche timide. Pas même lui : où le conduirait-elle ? Ca n'avait pas beaucoup d'importance.

 

Ici, d'ailleurs, rien n'avait beaucoup d'importance.

 

Ce n'était ni bien ni mal, c'était ainsi.

 

 

 

Tsssss... Tssss...

 

 

Sasha et la jeune fille eurent le même réflexe : l'immobilité totale, le temps d'un instant. Elle tourna la tête la première vers le lit de la rivière - il préféra détourner lentement les yeux vers la créature qui avait émis un bruit, un mouvement brusque étant trop perceptible.

 

Alors, ils virent le serpent.

 

Il avait une tête énorme, plus gros que le poing de Sasha, et ses deux yeux étaient brillants d'un vert fluorescent dans la nuit. Son corps était couvert d'écailles noire qui luisaient d'humidité - on en devinait les reflets suintants à mesure que son corps se dressait en ondulant en sortant de la rivière.

 

Trois mètres au moins.

 

Le serpent s'éleva, fort de ce tronc musculeux qui le soutenait. Il se dressa tant qu'il était à la hauteur d'une petite fille et avec lenteur, ouvrit sa gueule. Ses mâchoires se désolidarisèrent, laissant apparaître une langue noire fendue : comme prise d'une vie propre, celle-ci ne cessait de gesticuler, vive et légère. Elle brassait l'air, ses pointes frémissantes.

 

Et puis le serpent fondit sur elle. 

 

Ses crocs se plantèrent dans le tronc juste derrière. Il se redressa, émettant des sifflements furieux. Le serpent se retourna sur lui-même, son corps battant la rivière - mais nulle part, nulle part l'enfant n'était.

 

 

 

 

Chut, il dit avec ses doigts.

 

Ils étaient perchés. A près de cinq ou six mètres du sol. L'enfant n'avait pas dû apprécier le voyage : elle avait été happée par ses vêtements, par derrière, comme si la main de Sasha avait été la gueule d'un animal qui avait mordu ses vêtements et l'avait tractée avec brutalité. Secouée, les cheveux devant les yeux, elle avait fini par atterrir assise sur une branche.

Heureusement, la violence avec laquelle il l'avait emportée lui avait momentanément coupé le souffle ; Sasha tira sur sa capuche - dans l'autre sens, cette fois, et le visage de la petite rousse fut découvert : alors elle se découvrit assise sur une branche à califourchon. En face d'elle, pieds repliés sous lui et en équilibre contre le tronc, il y avait Sasha : son jean plein de boue, sa chemise mouillée, des feuilles emberlificotés dans la tignasse blonde qui faisait office de chevelure.

Et l'un de ses doigts marqués par une griffure noire était posé sur sa bouche.

 

Chut.

 

Il baissa les yeux avec lenteur. En bas, le serpent cherchait sa proie, encore. Il tournait entre les buissons. Et la nuit gagnait du terrain : le brouillard blanc devenait de plus en plus gris. Bientôt, il serait d'un noir aussi épais que le flot de la rivière, dans laquelle le Serpent disparaissait parfois.

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Sasha Shevchen

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Bibliothèque, Mercredi 27 Septembre 2124

Avec Mister Brooks, Sasha avait cru s'en tirer à bon compte en terminant avec succès le philtre de paix, sous les directives précautionneuses d'Alison ; mais c'était sans compter sur la fourberie d'un professeur qui savait garder dans ses poches quelques cartes joker. Aussi, quand à la fin du cours la Serpentard s'en était allée, plutôt satisfaite, le Gryffondor s'était éloigné, bougon, avec la promesse d'une retenue supplémentaire.

Car c'était là le cadeau qui lui avait été fait par Mister Brooks : une retenue avec un certain Mister Bartholomew Beckett (avait-on idée d'être affublé d'un tel prénom ?), avec lequel il avait rendez-vous l'après-midi suivant, dans la bibliothèque.

 

 

 

Lieu maudit.

 

Ce fut ce qu'il pensa en premier lieu. Sasha n'avait jamais mis les pieds dans la bibliothèque auparavant.

Ou plutôt : Sasha n'avait jamais mis les pieds dans une bibliothèque, aussi incroyable que cela pusse paraître. Et il avait repoussé le plus longtemps possible l'idée d'entrer dans celle-ci.

 

Il resta planté, d'abord, au milieu de l'entrée de celle-ci. C'était une grande allée intimidante, bordée de tables flanquées chacune d'une lampe à la lueur douce et bleutée. De chaque côté se dressaient de très hautes étagères alignées en rayonnages sombres et surchargés d'ouvrages : des vieux, des récents, flambants de couleurs ou taciturnes. Dans un angle, de grands casiers contenaient une multitude de gros parchemins soigneusement entassés, triés et annotés avec de petites étiquettes qui pendaient au-dessus du bureau de l'entrée comme les mobiles au-dessus d'un berceau. Quelques élèves parcouraient les rayonnages, d'autres grattaient sur un parchemin, assis à une table. Un silence respectueux n'était perturbé que par quelques discussions à voix basse, de temps à autre, tant et si bien que Sasha avait l'impression d'être dans une cathédrale peuplée de meubles venus prier. Une fille pouffa non loin de Sasha, et cela l'arracha à sa contemplation interdite. Sac sur l'épaule, il se décida à se rendre vers le bureau de l'entrée. Déjà, quelques groupes d'élèves commençaient à sortir car l'heure du dîner approchait. Sasha devrait se retenir, à son grand désespoir, d'aller dévorer les beignets de crevette que l'on servirait ce soir.

 

L'homme derrière le bureau avait un visage avenant. Un peu trop pour être innocent du goût de Sasha. De toute façon, un type qui vivait au milieu des livres ne pouvaient qu'être empli d'un savoir dont il ne pouvait qu'abuser, non ? Le Gryffondor tâcha de prendre une inspiration, comme pour chasser ses inquiétudes, et se remémora les recommandations d'Alison.

 

- Bonjour, mister Beckett, il dit soigneusement malgré son accent qui trahissait fortement ses origines slaves. Je suis Sasha Shevchen, sixième année à Gryffondor, sir.

 

Le soin de cette annonce tranchait dlleurs avec son apparence : sa cravate était nouée de travers, le bas de pantalon était tâché de poussière et ses cheveux en bataille comme ses cernes lui donnaient l'air de venir de sortir du lit. Mais avec une assurance rigide, il tendit un morceau de parchemin à l'homme aux cheveux gris.

 

- C'est un mot de Mister Brooks. Il m'a envoyé en retenue, hum...

 

Sasha jeta un coup d'oeil autour de lui, comme s'il avait oublié où il se trouvait et qu'il se rappelait soudain l'étrangeté de cet endroit où tout le monde s'efforçait de faire silence.

 

- ... ici, sir.

 

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Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Sasha s'était pétrifié. Les yeux alertes, fixés sur le visage d'Anya - des traits doux devenus durs comme de la pierre - et les mains sur ses genoux, les doigts sertis dans son jean comme l'adrénaline était brusquement monté en lui, ses lèvres seules bougèrent, tentant le tout pour le tout.

 

- О чем ты говоришь ? il dit. (De quoi tu parles ?)

 

Il aurait voulu que le ton fût comme si de rien n'était, mais sa voix était blanche, même légèrement hostile malgré lui.

De toute façon, le crachat ne laissa aucune place à l'interprétation : il n'était pas des leurs, et elle l'avait découvert.

 

Sasha resta tranquillement assis. Ses yeux se posèrent seulement brièvement sur la tache sombre de salive qui avait percuté le sol. Elle avait eu l'élégance de ne pas lui cracher directement dessus. Le silence était de plomb, pesait sur le cachot comme si le château au-dessus soudain pesait plus lourd, menaçait de les ensevelir là, dans ce mutisme. Pour une fois, Sasha souhaita qu'ils fussent interrompus.

 

Lorsqu'il avait lu les numéros précédents, seul avec elle, il avait maintes fois tourné la tête vers la porte. Pas seulement parce que c'était la seule sortie ; mais aussi parce qu'il ne souhaitait pas qu'on découvrît l'instant suspendu - et interdit - auquel il se donnait accès. Il n'était pas question de partager les journaux d'Anya avec les autres élèves. Ce n'était pas pour Alison qu'il s'inquiétait, mais bien pour cet étrange sentiment jaloux, qu'il ne s'expliquait pas à lui-même.

 

Sauf qu'un tel cirque ne pouvait pas continuer, et Sasha le savait très bien.

 

Toujours immobile, il pinça les lèvres. Finit par hausser brièvement les épaules.

 

- Да. Я солгал. Но мне нужно знать. (Oui. J'ai menti. Mais j'ai besoin de savoir.)

 

Sasha serra les dents. Maintenant, la balle était dans son camp et elle le savait. Il ne se mettrait pas à genoux devant une Russe pour la supplier. Mais pourtant il était resté là plutôt que de partir immédiatement après avoir été découvert. C'était pourtant ce qu'il s'était dit : quand elle saurait, il disparaîtrait, se ferait oublier. Il n'y avait pas beaucoup - voire pas du tout - d'ukrainiens à Poudlard. S'il se faisait trop remarquer, il était assez certain qu'un petit groupe de russes avec un peu de ressentiment ne serait que trop heureux de le passer à tabac en bonne et due forme.

Mais donc, il était encore là. Il s'humecta les lèvres au terme d'une inspiration censée lui donner du courage.

 

- Только сегодня. Это последний номер. (Juste aujourd'hui. Ce dernier numéro.)

 

Il ne supplierait pas, se répétait-il en son for intérieur. Mais par Mokosh, que donnerait-il pour savoir ?

 

- В эти дни должно было произойти важное событие. Я просто хочу знать, говорят ли они об этом. Это для... Чтобы получать новости от меня. И после сегодняшнего дня я больше никогда не приду. Хорошо ? (Il aurait dû y avoir un évènement important ces jours-ci. Je veux juste savoir s'ils en parlent. C'est pour.. Pour avoir des nouvelles des miens. Et après aujourd'hui, je viens plus jamais. Ok ?)

 

Sasha serra un peu plus les doigts sur son jean. Il en avait mal à la peau en dessous, mais il fallait au moins ça pour l'empêcher de s'énerver.

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Sasha Shevchen

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Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Lorsqu'il avait ouvert les yeux, le matin suivant, Sasha avait été assailli par les images troubles d'une nuit à demi-passée dans la forêt, non dans l'état tranquille qui était le sien habituellement lorsqu'il se transformait pour goûter un peu la liberté d'être animal, mais dans une course folle où il traînait sous lui une petite fille qui n'avait rien demandé mais avait chuté dans l'herbe noyée de brume.

Un moment, il tâcha de repousser ses souvenirs comme un mauvais rêve, mais quand sa conscience s'éveilla totalement, il fut forcé de constater que ce n'était guère le fruit de son imagination, mais quelque chose qui s'était réellement produit. Blyad, avait-il juré en sortant de son lit, sautant à toute vitesse dans un jean parce que les cours reprenaient ce matin et que les autres élèves n'avaient pas jugé bon de le réveiller : il était seul dans la chambre de son dortoir. Ses compagnons de chambrée ne le trahissaient pas pour ses absences nocturnes, mais ils n'en faisaient guère plus pour lui. Non sans d'abord passer ses mains dans ses cheveux pour les épousseter - histoire de les débarrasser sommairement de quelques traces de la forêt restée dans ses mèches - Sasha se mit à chercher frénétiquement de quoi se mettre quelque chose sur le dos. Ses pensées étaient tout aussi désorganisées que son sac plein de vêtements roulés en boule. Avec un pull et une chemise en moins. Avec la soeur d'Alison et sa promesse à tenir à la place. Avec ses yeux noyés de larmes et la paume de sa main sur le front.

 

Le geste avait été si doux qu'il en avait fermé les yeux, accroupi sur les marches. Il aurait voulu être léopard à ce moment-là : il savait qu'alors son état d'esprit aurait pu être suffisamment détaché de tous les tracas du monde pour être concentré sur l'instant. Mais il avait été parfaitement conscient, et peut-être suffisamment conscient pour avoir l'impression de ressentir encore la chaleur de la main de Charlie entre ses yeux, de longues heures de sommeil plus tard.

 

En-dehors de cette rencontre nocturne qui avait clos le week-end, Sasha avait passé la moitié de ces derniers jours à explorer le château et ses environs, curieux au fond de cet environnement nouveau ; et l'autre moitié à maugréer dans sa barbe qu'il avait sûrement pas peur des Russes, que les Russes il en faisait qu'une bouchée, même qu'il mettrait sur leur carcasse du coulis de framboise comme sur les côtes de porc qu'ils servaient à Poudlard pour leur croquer les os et les broyer entre ses dents comme de vulgaires rats des champs tombés entre les crocs d'un chat sauvage, et que s'il avait voulu il aurait déjà cassé les gueules de ceux qui se tapissaient bien au chaud autour d'elle.

Et autres joyeusetés de ce genre.

 

Il fallait donc au moins cette rencontre avec Charlie, son crapaud et la promesse qu'elle lui avait demandé pour qu'il cessât enfin d'en vouloir à Alison et de ruminer comme un bovin dépité de son sort.

 

Le matin, il put se présenter à temps avec les sixième années en cours de métamorphose, où il se débrouillait plutôt correctement - si tant était qu'on le laissait formuler ses sorts dans sa langue d'origine, ce à quoi rechignaient un peu certains professeurs. D’aucuns répétaient à Sasha que les formules latines étaient plus subtiles et plus puissantes. Sasha y mettait du sien en formulant ses versions slaves dans les variations les plus puissantes possibles, histoire de leur donner tort devant les autres élèves de la classe. Et ainsi, s'il y avait des Russes, qu'ils fussent tous bien informés qu'il les transformerait avec aisance en bûche de Noël si l'envie lui prenait. (Parce que, rappelons, il n'avait sûrement pas peur d'eux.)

 

Au déjeuner, Sasha n'avait pas cherché Alison, mais plus la journée passait, plus il sentait son estomac se rappeler à lui dans des contorsions étranges. Ce n'était pas vraiment lié à l'excitation de revoir sa fausse petite amie, non : il s'agissait d'encaisser ses récriminations. Car cette fois, il avait vraiment quelque chose à se reprocher. Si Charlie n'avait pas tenu sa promesse, elle se fâcherait parce qu'il avait emmené sa petite soeur promener plutôt que de la ramener au château, risquant littéralement sa vie. Aussi avait-il l'impression que la journée passait trop vite et que ce cours de botanique de l'après-midi courait vers lui sans qu'il pût y échapper. Par précaution, n'ayant aucune envie de risquer de nouveau une privation de repas pour les caprices, Sasha prit soin de dévorer tout ce qu'il pouvait avant de prendre la direction des serres. 

 

Dehors, le temps était exceptionnellement clément : un soleil radieux se montrait régulièrement entre deux colonnes de nuages qui soutenait un ciel frais mais engageant. Sur le chemin, il décida donc d'un plan ingénieux : il ferait comme si de rien n'était et avec un peu de chance, tout irait bien.

 

Lorsque Sasha se présenta à l'entrée des serres, la plupart des élèves étaient déjà là. Les cinquième année étaient rudement ponctuels, trouvait-il, tandis qu'il se présentait à l'entrée - les mains dans les poches de sa robe de sorcier et bien sûr, son noeud de cravate de travers.

La brochette bien évidemment était entièrement constituée, dans les premiers rangs de ceux qui attendaient de pouvoir entrer, lorsque la professeure leur ouvrirait la petite porte qui leur permettrait de se réfugier à l'intérieur. Sasha doubla la longue file, déclenchant sur son passage quelque silence, puis quelques murmures parmi les Serpentards. Evidemment, puisque leur dernière rencontre s'était soldée par l'envoi de l'un d'entre eux à l'infirmerie. Sasha ne se cacherait certainement pas pour cela. Il passa devant eux avec indifférence - sa seule intention étant de reprendre son poste aux côtés de la petite rousse qui lui servait de patte blanche à montrer aux professeurs. Sasha la rejoignit et, ignorant la brochette du mieux qu'il savait le faire, se pencha sur Alison. Lui colla un baiser un peu plus lent que celui de leur dernier cours, histoire de s'appliquer un peu même s'il avait le naturel d'un automate, puis il lui prit la main pour la mettre dans sa poche à lui, d'une manière un peu brusque, un peu autoritaire - le coeur battant à tout rompre, s'attendant à ce qu'à tout instant la jeune fille lui collât une gifle bien méritée. 

 

Mais rien de cela n'arrivât.

 

Une bouffée d'espoir l'inonda : Alison n'avait pas l'air au courant (ou alors elle cachait parfaitement son courroux), mister Brooks avait trouvé qu'ils avaient fait du bon travail. Encore une ou deux séances de Potions sur ce registre-là, puis la même chose en Botanique, et il pourrait bientôt demander à retourner être à plein temps avec les sixième année. (Pour la Divination, les cours n'avaient pas encore commencé, mais il suffirait de prouver à la première séance qu'il était un voyant de premier ordre, ce qu'il n'était pas, bien sûr, pour faire en sorte que le professeur de Divination approuvât qu'il fusse au plus vite auprès des 6ème année). Car quitte à perdre tant de mois à Poudlard, au moins qu'ils fussent les plus productifs possibles. Il avait davantage d'espoir d'apprendre des choses utiles à la guerre en sixième année qu'en cinquième. Par exemple, les sixième année travaillaient de vraies potions médicinales, comme la potion de régénération sanguine, et manipulaient des plantes dangereuses comme les Baies d'Epine Mortelle, avec lesquelles on pouvait fabriquer des pièges et de petites armes létales. Des sujets bien plus intéressants que...

 

- ... les magnifiques Orchidées Explosives ! claironnait la professeur, qui avait surgi avec une bonne humeur qui donna instantanément à Sasha l'envie d'aller dormir au soleil - alors il ferma les yeux. Ces magnifiques fleurs - je suis sûre que vous en avez déjà vu, on en décore la Grande Salle à Noël pour ceux qui voudront m'accompagner en décembre !

 

Quelques exclamations enthousiastes d'un petit duo de filles se firent entendre, vantant la beauté de ces fleurs multicolores et exotiques, qui hypnotisaient ceux qui en voyaient pour la première fois. Sasha se demanda juste si ces plantes mangeaient les mouches. (Auquel cas, ce serait pratique.)

 

- Pour l'instant, reprit la professeure, celles-ci sont à une étape de développement de leurs premiers boutons, que nous allons devoir faire grossir à l'aide d'un sort de chaleur dé-li-cat pour qu'elles puissent être prêtes exactement quand nous le souhaiterons. Il nous en faudra une première fournée pour Halloween, et nous garderons les fleurs les plus tardives pour les décorations de Noël. Evidemment, comme leur nom l'indique, tout le défi est de les faire grandir sans les brusquer. Sinon, elles explosent. Et que se passe-t-il si elles explosent ?

 

L'une des deux enthousiastes leva la main en se dandinant comme si elle avait très envie de faire pipi.
 

- Oui Jenny ?

- Les Orchidées Explosives rejettent des spores irritants dans un nuage coloré, et ces spores au contact de la peau créent des plaques irritantes !

- C'est exact. 2 points pour Serpentard pour ce bon travail de préparation. Les spores déclenchent une réaction d'allergomagie majeure, à laquelle la peau réagit en formant une couche d'écailles très urticantes et vertes qui mettent des jours à s'en aller. Bien sûr, nous pouvons concocter des baumes pour soulager l'inconfort, mais la tâche ne disparaît que par elle-même au bout de plusieurs semaines. Aussi, pour éviter qu'elle n'explose, vous allez devoir redoubler de douceur. Certains d'entre vous ont sûrement déjà vus leurs mères chanter des berceuses à leurs orchidées explosives quand elles font chauffer la cheminée, n'est-ce pas ? Hé bien c'est parce que les orchidées grandissent avec cette chaleur mais que trop d'un coup risque de déclencher l'explosion des boutons, alors il convient d'être apaisant avec eux. Aussi vous demanderai-je d'entrer dans le calme, histoire de ne pas commencer à les stresser inutilement. Vous êtes prêts ?
 

Au lieu d'une réponse uniforme, les élèves se lancèrent dans des discussions désordonnées, certains s'inquiétant de ce qu'ils pouvaient rater leur sort de chaleur tandis que d'autres inventaient déjà des versions égrillardes des chansons pour enfant qu'ils connaissaient.


 

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Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Sasha recula sur le banc, malgré lui.

 

Quel évènement ?

 

Il ne s'était pas attendu à cette question. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle pût négocier sa réponse. Sasha s'humecta les lèvres, comme pour se donner le temps de réfléchir. Que risquait-il à lui donner cette information ? Anya n'était qu'une jeune élève qui n'était certainement pas en contact avec les armées Russes. Et pourtant. Il lui suffisait d'écrire une lettre vers la Russie, et la Russie saurait la trouver, elle. Saurait envoyer ses émissaires pour venir le questionnaire.

Sasha déglutit, avant de secours la tête, en un non qui signifiait qu'il ne dirait rien.

 

Un moment, il imagina tout ce qu'il aurait pu obtenir, comme informations, s'il s'était fait passer pour un Russe depuis le début. S'il avait su ravaler son ego pour se mêler aux autres, il aurait pu collecter tout un tas de rumeurs, découper des journaux pour en envoyer des petits morceaux vers l'Ukraine. Il y avait tant de choses qu'il aurait pu faire à distance, pour aider les siens. Et à la place, il n'avait su que foncer dans le tas en rugissant qu'il n'était pas Russe.

Il serra les dents, espérant faire reflouer cette émotion qui voulait lui envahir le visage alors qu'il devait rester le plus impassible possible. Ses sourcils froncés, ses yeux attaquant car c'était la meilleure défense, il n'en était pas moins que le remord lui rongeait les tripes.

 

Et maintenant ?

 

Et maintenant, il était pris à son propre piège. Il avait voulu clamer haut et fort qu'il était Ukrainien, il était désormais identifié. Et qu'est-ce que cela lui apportait ?

Au fond de lui, pourtant, il savait que c'était mieux ainsi. Il avait secrètement désiré ces petits instants passés à lire le journal à ses côtés, cette ennemie au visage si supérieur. Avec le temps, qui savait s'il ne se serait pas laissé bêtement séduire ? Au moins, il ne risquait plus rien désormais : il voyait tout le dégoût qu'il provoquait en elle, et cela aussi ajoutait à tout ce qui se nouait en lui à cet instant.

 

Et pourtant, il lui fallait être pragmatique : si elle était la seule à pouvoir lui donner quelques informations, que ferait-il alors ? Il fallait qu'il tentât.

 

Alors il croassa, à voix basse :

 

- Un assaut.

 

Peut-être que ce n'était pas ses chances d'obtenir ce qu'il voulait, qui le faisait parler. C'était peut-être tout simplement la posture impénétrable, sévère d'Anya. Elle était entre lui et la porte, et cela en soi était une menace, mais il ne bougea pas. Si elle savait, si elle voulait lui faire du mal, alors il lui aurait suffit de demander à d'autres Serpentards russes de venir les rejoindre. Alors son compte était bon.

 

- Ca s'est déjà passé, alors tu peux rien faire pour l'empêcher, c'est même plus un secret. C'était prévu depuis longtemps. Ca a dû avoir lieu vendredi. Ca doit être dans le numéro d'aujourd'hui.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Quand bien même le visage de Sasha était déjà fermé, il parut à peine perceptiblement se décomposer. Les condoléances d'Anya étaient un coup de poing dans les entrailles dont il se serait bien passé. Il avait blêmi légèrement.

 

- Он... Ничего нет? Совсем ? (Il... Il n'y a rien ? Du tout ?)

 

Elle n'avait aucun intérêt à mentir, jugeait-il. Alors comment savoir si l'Unificateur avait pu tout simplement passer sous silence l'assaut en question ? Il y avait peut-être quelques lignes qui avait échappé à la Russe. Deux, tout au plus, qui ne lui aurait pas échappé à lui. Quelque chose du genre. Des bâtiments écroulés dans telle ville, malheureusement quelques morts. Et lui saurait, avec le nom de la ville, que c'était un assaut réussi de la part des Veilleurs.

Ou bien il n'y avait vraiment rien parce que les Veilleurs en question avaient été arrêtés. Et là...

Ses entrailles se tordaient désagréablement. Anya n'avait pas l'air d'accepter de négocier pour quoi que ce soit. Lorsqu'elle bougea, il avait instinctivement saisi sa baguette, lui aussi, prêt à riposter - prêt surtout à invoquer un quelconque sortilège pour pouvoir faire diversion et se tirer de ce mauvais pas. Il jeta un oeil sur la pochette, tenté un instant de la lui prendre par la force, mais il renonça. A la place, il s'était levé comme elle.

 

- Зачем ты это принес, если уже знал ? grogna-t-il en désignant la pochette d'un mouvement du menton. (Pourquoi avoir amené ça si tu savais déjà ?)

 

Il encaissa en silence les décisions qu'elle avait prise à leur sujet : ne plus jamais se parler, ne plus jamais se regarder, même. Sasha soutint pourtant son regard, plusieurs longues secondes. On aurait pu croire que c'était pour la défier, mais non : il voulait être sûr qu'elle ne changerait pas d'avis. S'il y avait le moindre espoir, la moindre faille, Sasha l'exploiterait.

Mais le second crachat et les cheveux qui s'enflammaient étrangement, bien que fascinants, lui faisaient comprendre qu'il ne pouvait y avoir de retour en arrière.

 

Il recula lui aussi, d'un pas, vers la porte. A mesure qu'ils s'éloignaient l'un de l'autre, la tension semblait s'amenuiser à peine perceptiblement, donnant à Sasha de quoi retrouver un peu de respiration.

 

Il était prêt à partir. Dans deux pas, il serait sorti du cachot, et ils ne se reparleraient plus jamais, ne se regarderaient plus jamais. Alors, peut-être qu'il en profitait un peu, malgré lui.

 

Du couloir émanait le simple chuintement d'un courant d'air, trahissant la solitude dans laquelle ils se trouvaient tous les deux : au pire, qui saurait ce qui s'était passé, s'ils se battaient ici ? Il aurait l'avantage, jugea-t-il. Il lui suffisait d'un ou deux sorts. Mais c'était idiot et il le savait très bien : Blondasse l'avait vu, et d'autres gens, les autres jours, les avaient vus s'isoler ici. Il serait désigné coupable très rapidement.

 

Mais Sasha était impulsif. C'était sur un impulsion qu'il avait fait son sac et avait couru attraper un Portoloin avec les autres. C'était sur une impulsion qu'il s'était lancé dans un immeuble à demi-écroulé pour essayer de fuir. C'était sur une impulsion qu'il avait décidé de passer sous silence qu'il était ukrainien avec Anya.

 

Alors, au moment où il allait déguerpir pour de bon, son poignet agita subtilement sa baguette.

 

- Tyanì obladanie, incanta-t-il en un seul souffle léger.

 

Le sortilège d'attraction, semblable à un Accio! anglais, arracha instantanément la pochette qu'Anya serrait contre elle. Le journal fondit sur Sasha qui l'attrapa sans réfléchir. 

 

L'instant suivant, il détalait dans le couloir, au pas de course.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

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Serre de préparation, Dimanche 15 Octobre 2124

Sasha se tenait là, les mains enfoncées dans les poches de sa robe de sorcier qui lui tenait trop chaud dans l'atmosphère étouffante que la professeure de botanique avait réussi à créer pour ses précieuses orchidées. Le garçon faisait mine d'être intéressé par les premières couleurs qui se devinait dans les gros bourgeons prêts à éclore, mais le moment était particulièrement désagréable. Il était à deux doigts de lui obéir : retourner faire ce qu'il s'apprêtait à faire... Mais comme il s'apprêtait à ne rien faire du tout, autant rester un peu. Et si ça faisait les pieds à Alison, tant mieux.

 

La dernière semaine ne s'était pas particulièrement bien écoulée. Après l'épisode désagréable et les informations déplorables qu'il avait arrachées du journal d'Anya, il avait été carrément privé des nouvelles du front, tout comme de compagnie : il n'avait pas revu Charlie ni Alison. Il avait délibérément évité la dernière comme elle l'avait fait avec lui depuis leur dernière entrevue, poussé par un ressentiment qui l'avait enfoncé dans un mutisme plus prononcé que d'ordinaire. Mais peu à peu, Alison lui semblait moins coupable, et sa colère s'était dissoute progressivement. Juste avant le cours de potions pour la semaine suivante, il s'était même armé de courage pour tenter une discussion - mais ses espoirs avaient été douchés quand il avait été mis devant le fait accompli : Alison avait choisi un autre binôme, prétextant que la Potion de Croissance qu'elle préparerait avec sa copine de brochette était critique parce qu'elle devait être utilisée pour les fameuses Orchidées d'Halloween, dont la floraison avait pris du retard. Comme ils étaient un nombre impair dans la classe, Sasha avait dû faire sa potion seul.

 

Et avait récolté un beau Troll, parce qu'il avait malencontreusement mis beaucoup trop de Lierre-en-flamme dans le chaudron, provoquant une éruption subite dont les éclats avaient brûlé, par projection, la blouse d'une élève de la paillasse voisine. Heureusement, Brooks était intervenu immédiatement avec un sortilège apaisant, mais Sasha avait dû subir ensuite une leçon sonore sur les préconisations concernant le Lierre-en-Flamme. Le professeur avait bien insisté sur le fait que pour la séance, il aurait dû lire tout le chapitre de l'ouvrage "Floramens et Filagraines : L’Art des Plantes en Potion" d'Esmeralda Cottenthorne qui décrivait parfaitement les problématiques de mésusage du Lierre-en-Flamme. Sasha s'était contenté d'acquiescer en silence et de renvoyer à qui l'observait trop intensément des regards furieux et menaçants.

 

La vérité, c'était qu'effectivement, il n'avait pas beaucoup travaillé ces derniers jours. Il mangeait tôt après les cours pour s'échapper aussi vite que possible dans le parc et y passer sa soirée et une grande partie de la nuit sous sa forme animale, délaissant ses devoirs et ses révisions. Pourtant, il avait plutôt réussi à étudier régulièrement depuis le début de l'année, mais les derniers évènements ne lui avaient que donné envie de ne plus réfléchir à rien, et les rares moments passés assis sur une chaise l'ennuyaient profondément. Et plus son humeur morne se renforçait, plus il fuyait sous sa forme animale, et plus il rentrait tard au dortoir, et moins il dormait.

Tant et si bien qu'il avait fini par récolter une retenue pour s'être endormi au cours d'histoire de la magie.

 

Aussi, maintenant qu'il se retrouvait là devant Alison, Sasha était comme apathique, avec des cernes sous les yeux et sa cravate mal nouée pour laquelle il avait visiblement décidé d'apporter encore moins de soin que d'ordinaire. Cette fatigue ne l'aidait en rien à trouver les mots justes : même des mots tout courts étaient sacrément difficiles à trouver pour exprimer ce qu'il voulait dire, parce qu'il ne le savait pas vraiment lui-même. Le discours qu'il avait préparé pour le cours de potions ne tenait plus vraiment la route, avec le recul.

 

Mais comme il devait commencer, il finit par hausser les épaules avant de se lancer.

 

- J'ai des mauvaises notes sans toi.

 

Voilà, il avait dit l'essentiel. Il braqua sur Alison un regard franc, sans dévier.

 

- Tu veux plus du deal ?

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

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Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Le cachot devant l'entrée de la salle commune des Serpentards, Mardi 10 Octobre 2124

Si une seule chose était sûre, c'était qu'à Poudlard, il n'avait encore jamais rencontré de traqueuse aussi déterminée qu'elle.

 

Sasha n'avait pas eu de mal à la semer au début, persuadé qu'une fois hors de sa vue, il pourrait tranquillement attendre qu'elle s'en allât, mais c'était sans compter sur le refus d'Anya d'abandonner sa proie. Posté dans l'entrelacement des branches d'un énorme chêne sessile, plusieurs fois centenaire, Sasha était longuement resté immobile, la respiration tranquille, comme si ses soupirs s'accordaient avec le vent maintenant qu'il avait pu trouver une position confortable : étendu sur le ventre, la branche soutenant l'ensemble de son corps, la pochette bien coincée entre l'écorce et son buste - quitte à la déformer. Il se fondait si bien dans l'arbre qu'il n'était plus visible, en tout cas pas aux yeux de quelqu'un qui ne s'attendait pas à le trouver là.

 

Le temps s'était écoulé, et il avait fermé les paupières, sans pour autant s'endormir. Il écoutait. Quand les pas d'Anya se rapprochaient, il rouvrait les yeux. De loin, il voyait la silhouette, élégante et déterminée, sertie d'une chevelure brûlante qui ne décolérait pas, déambuler entre les troncs. Il retenait parfois son souffle, quand elle s'approchait un peu. Mais elle perdait systématiquement sa trace - si trace elle avait, ce dont il doutait.

 

Au bout d'un long moment, elle avait disparu de son champ de vision. Elle avait dû s'aventurer plus loin, ou bien était simplement rentrée au château. Alors seulement, il s'était autorisé à se redresser. Ses membres étaient endoloris, et c'était avec un grognement qu'il avait changé de position. Il était revenu vers le tronc, là où la branche à sa base était plus large, pour pouvoir s'asseoir en tailleur et déposer sur ses jambes la pochette. Il l'avait pas mal abîmée : elle était tordue en son centre, comme perforée par endroits de petites entailles rondes, et l'humidité de l'écorce avait laissé quelques traces marrons. Avec précaution, Sasha l'ouvrit, pour mieux découvrir, le coeur battant, le dernier numéro de l'Unificateur.

 

Il l'ausculta longuement. Se résigna à admettre qu'Anya avait raison : il n'y avait rien là-dedans qui indiquât que les Veilleurs eussent réussi une opération spéciale quelconque. Pourtant, presque à la toute fin du numéro, après un reportage sur un groupe de sorcière qui tricotaient des écharpes incrustés de slogans de leur parti politique - les fonds étaient reversés aux blessés de guerre, indiquait le reporter - un petit encart indiquait, avec un titre tapageur : Le Front Magique Unifié a encore frappé ! Un complot déjoué à la frontière !

Sasha se pencha sur l'article, ses yeux dévorant les quelques lignes.

 

 

"Dans une opération spectaculaire menée à l'aube par la Division Obscura, un groupe de sorciers ennemis a été neutralisé alors qu’il préparait un attentat d’une ampleur effroyable près de notre frontière sud. Les suspects, au nombre de cinq, ont été interceptés dans une clairière ensorcelée, dissimulés par un sortilège de Repousse-Moldu, et portaient sur eux une cargaison inquiétante : des potions explosives, des artefacts interdits, et des cartes marquées d’emplacements stratégiques. "Il est clair qu’ils projetaient une attaque visant à semer la terreur chez nous", a déclaré le Ministre de la Magie, Dmitri Volkov, ajoutant que l'opération "a probablement sauvé des centaines de vies". Cet acte de trahison abjecte montre, une fois encore, que nos ennemis n'hésitent pas à franchir des limites innommables. "Nous devons rester unis et vigilants", a insisté le ministre, qui appelle à redoubler de patriotisme face à ces menaces. Les sorciers terroristes ont bien entendu été exécutés.

 

L'Unificateur félicite nos héros et rappelle que tout comportement suspect doit être signalé immédiatement. N’oubliez pas : la sécurité de notre monde dépend de votre vigilance."

 

 

 

Sasha avait senti un enclume tomber au fond de ses entrailles. Ses yeux ne pouvaient plus se détacher du petit encart, minuscule, à côté de la grande photo animée de ce groupe de vieilles femmes occupées à tricoter avec les sourires odieux de ceux qui sont persuadés de bien faire. IL se mit à relire l'article, une fois encore, puis une fois encore, comme s'il avait pu manquer une information supplémentaire de ces quelques mots sordides. Mais au bout d'un moment, il comprit qu'il n'aurait rien de plus que cette information sèche.

Au bout d'un moment, il porta ses mains sur son visage, pour empêcher ses yeux de vouloir relire encore ces lignes odieuses, qui ne lui apporteraient rien de plus.

 

Au loin, le craquement sinistre d'un sortilège écorchait le tronc d'un arbre, et d'entre les doigts de Sasha débordaient des larmes silencieuses.

 

 

 

 

 

 

 

A l'heure du dîner, la Grande Salle débordait de bonne humeur. Après un week end au temps plutôt agréable malgré un vent d'automne, un bon nombre d'étudiants se partageaient leurs anecdotes suite à leur visite à Pré-au-Lard. Du courrier pour la semaine arrivait aussi au-dessus des tables, apporté par des hiboux aux hululements joyeux.

Le brouhaha et les mouvements des élèves firent que Sasha passa presque inaperçu quand il entra à son tour, après tous les autres.

 

Presque, parce qu'il avait tourné immédiatement la tête vers la table des Serpentards et y avait croisé immédiatement le regard d'Anya Nikitovna. Elle avait le visage fermé, signe qu'elle n'avait pas digéré ce qui s'était produit ce jour, quand bien même ses cheveux avaient perdu de leur couleur carmine qu'il avait vu un peu plus tôt.

 

Il avait décidé qu'il ne fuirait pas. Au contraire, il avança droit vers la table des Serpentards, à l'endroit même où Anya était assise. Par chance, près du bord, et loin d'Alison dont il ne vit même pas si elle était assise ici. Les lèvres pincées, il se contenta de laisser tomber sur la table, à côté de l'assiette d'Anya et d'un geste sec qui fit claquer le papier sur le bois, la pochette.

 

Elle était pleine de ce qu'Anya y avait mis, malgré son aspect pitoyablement abîmé. Le dernier numéro du journal était humide et des doigts avaient gauchement effacé les tâches mouillées en emportant l'encre par endroit en traces inélégantes, mais en dessous, s'y trouvaient les photos et coupures.

Il les avait observé, longuement. Il n'était pas compliqué de comprendre que l'histoire d'Anya tenait là-dedans, et pendant qu'il était dans son arbre, il avait senti une brûlure atroce au fond de son ventre, à les observer. Evidemment, il savait bien que l'ennemi aussi, formait des familles et des patriotes. Ils étaient du même sang, d'une certaine manière, et cette même fureur de se défendre courait dans leurs veines.

Il avait songé à déchirer ces artefacts d'une vie sentimentale, à les jeter peut-être dans la Forêt Interdite pour qu'ils y fussent piétinés par la sauvagerie de l'endroit.

 

Mais au bout d'un long moment, il avait juste tout remis dans la pochette, pour venir ici, les cheveux en bataille et une part de ses vêtements encore mouillés par endroit de l'humidité conférée par l'arbre.

 

Sans un mot, Sasha s'apprêta à faire demi-tour. Des regards pesaient sur lui, sans qu'il ne sût exactement si elle avait partagé son aventure avec d'autres. Des Russes lui tomberaient peut-être dessus, ce soir, dans son propre dortoir. Il les affronterait s'il le fallait.

 

Il était prêt.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

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Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

- Chut ! Mais chut j'ai dit !

 

Un Sasha catastrophé, les yeux ronds d'indignation, s'évertuait à chuchoter avec énergie tout en tâchant de rester discret. Le pire là-dedans, c'était qu'il ne comprenait rien à ce que disait la petite fille qui gesticulait. Ribbit était sûrement encore un de ces mots écossais que le reste du monde ne partageait pas. Il n'était pas suffisant que le monde entier fisse l'effort de parler leur langue, ces fichus écossais inventaient des mots qui n'existaient pas en anglais !

 

- Mais arrête j'ai dit !

 

Sasha n'y tint plus. Mû par l'inquiétude d'attirer à eux non pas seulement l'Ombrelangue qui s'agaçait en bas, mais aussi d'autres animaux de la Forêt dont la réputation n'était pas volée, il se souleva, les pieds en équilibre précaire sur la branche, pour attraper brusquement la petite fille. Ce faisant, il lui colla fermement une main sur la bouche.

La gamine n'était pas calmée pour autant. Elle continua à gesticuler tout en criant des MMH-MMMH ! dont le son traversait fort malheureusement sa bouche fermée et les doigts - sales d'écorce humide et de boue - de Sasha. Evidemment, Mmh-mmmh était sûrement toujours ce mot absurde : Ribbit.

 

Elle pointa un index vers le ciel, et Sasha suivit son regard, pour apercevoir la créature qui battait des ailes sans vouloir quitter la cime d'un arbre voisin.

 

Une chouette. Bon, et alors ? C'était juste une chouette avec dans les serres...

 

- Un crapaud, grommela-t-il, son nez se froissant. Tout ça pour un crapaud ? Ah ben bravo !

 

C'était donc cela qu'elle avait fait s'envoler avec son malheureux Wingardium Leviosa. Sasha baissa la tête pour la fustiger du regard, ses propres cheveux en bataille lui donnant l'air d'une bête mal léchée. On s'en fichait d'un crapaud ! Au mieux, on le...

 

 

Tssss...

 

 

Le garçon pencha brusquement la tête de côté, avec la vivacité d'un félin ayant aperçu une proie. L'ombrelangue les avait entendus, bien sûr. Dans la brume qui s'épaississait, Sasha ne le distinguait plus et son coeur s'était mis à battre la chamade. Il avait resserré sa prise plus fermement sur la petite fille, comme pour lui faire comprendre que l'heure n'était plus aux jérémiades - sans penser qu'alors il lui faisait peut-être un peu mal.

 

Deux problèmes.

 

Si Sasha avait appris une chose à la guerre, c'était que quand on avait deux ennemis, la façon la plus efficace de procéder était de se débrouiller pour gérer un problème grâce à l'autre. Alors brusquement, il remit la gamine sur ses pieds et la tourna pour qu'elle lui fît face, leur visage à quelques centimètres l'un de l'autre. Il avait libéré sa bouche.

 

- Tu ne bouges pas. Tu ne cries pas. Tu me laisses faire, ordonna-t-il d'une voix grave, insensible aux grands yeux mouillés de la gamine - au visage pourtant étrangement familier.

 

Sasha la lâcha en priant pour qu'elle ne fît rien d'idiot, et il tira sa baguette en levant le nez vers la chouette.

 

- Bestia Domitus ! souffla-t-il.

 

Le sortilège déploya un étrange jet de vapeur en direction du rapace au moment où celui-ci s'envolait. Il percuta la chouette qui émit un drôle de cri de douleur. Désorientée, elle perdit un peu de temps à voler en cercles frénétiques au-dessus d'eux, avant d'enfin obéir comme Sasha le souhaitait. 

 

Le rapace fondit vers l'Ombrelangue, leur jetant au passage le crapaud que Sasha prit en pleine figure. 

 

- Yeurk, gémit-il en décollant l'animal gluant de son visage avant de le mettre d'office dans les mains de la petite fille devant lui pour mieux se concentrer sur le combat, pointant sa baguette sur la chouette.

 

Au-dessous, la tête du serpent était apparue. Enorme, elle émergeait en dessous d'eux comme d'une mer de ténèbres, ses yeux brillants dans la nuit comme deux lasers mortels. La chouette l'attaqua avec un cri sauvage et un combat bref mais invraisemblable s'engagea : l'Ombrelangue referma ses crocs sur le vide, le rapace évitant de peu une mort certaine. La chouette virevolta autour de la tête du serpent, et fonça subitement, tête en avant : elle creva un oeil de l'Ombrelangue qui fit jaillir sa longue langue fendue avec un sifflement de douleur. Il se rétracta dans la brume et disparut, bientôt poursuivi pour une chouette féroce qui l'éloignerait d'ici. 

 

- Fiou, c'était moins une, souffla Sasha, soulagé.

 

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Sasha Shevchen

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A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Pendant quelques instants, Sasha eut peine à croire à la facilité avec laquelle il avait réussi à sauver le crapaud et leur propre peau avec un plan aussi erratique que celui-ci. Mais sa connivence avec le monde animal payait peut-être malgré tout, après des années à s’entraîner. La brume leur ayant caché la suite du combat, Sasha se laissa tomber accroupi, baguette toujours en main, le temps de faire retrouver à son cœur un rythme raisonnable.

 

-    Mieux vaut eux que nous, se contenta-t-il de commenter au sujet de la mort prochaine d’au moins l’une des deux créatures.

 

Il ne lui venait même pas à l’esprit qu’un tel destin eût pu heurter les sentiments d’une si jeune fille : lui qui avait grandi dans la campagne savait que les animaux étaient destinés à mourir, pour la plupart, afin de faire le festin d’une autre créature – y compris lui-même. Il ne percevait pas même qu’on pût en être triste à l’âge de cette petite gamine qui l’appelait par son nom. 
Sasha tressaillit subitement.

 

-    Hein ?!

 

Sasha décrocha sa mémoire en un « HUH » de surprise proprement ahuri pour scruter l’enfant avec des yeux ronds comme des soucoupes. Comment cette gamine qui lui arrivait à peine au-dessus du nombril pouvait-elle connaître son prénom ET son nom de famille ? Un moment, il la regarda comme si ce petit corps d’élève avait pu renfermer quelque vieille Baba Yaga sage prête à se transformer en un serpent pour le dévorer ou le récompenser de ses bonnes actions. Mais ce n’était tout simplement pas possible, alors il repoussa fermement les histoires de son enfance pour froncer les sourcils, suspicieux.

 

-    Comment tu sais d’abord que…

 

Ils avaient parlé en même temps, s’étaient interrompus en même temps.

 

-    Hé !

 

Avec un réflexe idiot, Sasha brassa le vide. C’était trop tard : l’enfant était tombée plus bas, et il la suivit des yeux avec embarras. Elle se prit une branche, puis une autre, avant de se retrouver la tête à l’envers avec sa robe sur elle. L’Ukrainien leva les yeux au ciel en voyant le crapaud et la baguette tombée plus bas.

 

 

 


L’univers visuel de cette enfant devait être bien sombre, à l’instant même. Sasha profita de ce que la vue lui avait été de nouveau dérobée pour descendre tranquillement d’une branche à l’autre, dans un silence feutré. En bas, les coassements du crapaud indiquaient qu’il avait survécu. Il faudrait aller le chercher, lui et la baguette de la petite fille, avant d’essayer de s’orienter pour retrouver le chemin du château. La brume était si épaisse que même pour Sasha, ce n’était pas si facile… En tout cas, pas sous cette forme-là.

 

Entre un index et un pouce, il saisit un pan de la robe de sorcière pour la soulever. Il découvrit un visage qui devenait tout rouge, mais il avait décidé de prendre son temps. Au moins, saisie ainsi, elle ne risquait plus de créer un autre problème. De son côté, elle le découvrit étrangement allongé sur le ventre, soutenu le long d’une branche voisine, comme si c’était là absolument naturel pour lui de trouver un peu de repos dans cette position, les chevilles croisées derrière lui pour assurer un minimum de stabilité.

 

-    On t’appellerait pas Miss Catastrophe, par hasard ? grommela-t-il de son air bougon habituel. Gigote pas, sinon on en a pour une heure.

 

Sasha fit un signe du menton vers la plante qui avait saisie l’enfant par le pied.

 

-    Dyavol'skiye silki, on appelle ça par chez moi. T’inquiète, elle va te lâcher bientôt.

 

Il accrocha le pan de la robe sur une petite branche voisine, pour qu’elle pût garder la vue dégagée, puis il croisa ses mains sous son menton pour faire reposer sa tête sur sa propre branche. A l’envers, la fille avait les mêmes cheveux roux qui dansaient sous sa tête qu’Alison Carter – mais c’était pour lui le seul lien lointain qu’il pouvait faire. 
Sasha resta longuement ainsi : il la regardait tranquillement, avec la même curiosité qu’une araignée attendait qu’un insecte fût enfin assez mûr dans sa toile.

 

-    T’inquiète, on ira les retrouver après, ton Seigneur Kvakva et ta baguette. Comment tu sais comment j’m’appelle ? il finit par demander. Si tu me dis ce que tu sais, je te libère. Et après, tu montes sur mon dos et tu t’accroches à mes oreilles, ok ?

 

Il était on ne peut plus sérieux. 

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Sasha Shevchen

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Serre de préparation, Dimanche 15 Octobre 2124

Sasha ne savait pas pourquoi, mais soudain, il avait chaud. Ce devait être cette atmosphère tropicale. Ou la vue du thé fumant. Ou Alison en débardeur dont le maquillage se troublait qui lui rappelait qu'il n'aurait pas dû être autant habillé.

Bref, il finit par retirer sa robe de sorcier épaisse pour la déposer sans précaution sur un établi, avant de passer la main dans son col pour que sa cravate se desserrât ne serait-ce qu'un peu. Il jetait ce faisant quelques regards en biais vers la jeune fille.

 

Ah. Donc j'arrête tout, c'était j'arrête le deal. Il aurait peut-être dû poser la question tout de suite, finalement, grommela sa petite voix intérieure, qui lui reprochait la peine qu'il s'était donnée pour répondre aux exigences de La Fouine. Ce dernier désormais avait développé une obsession pour Alison : le jeune Serpentard bavait depuis quelques jours à la vue de la cadette des Carter, et visiblement était définitivement convaincu que Sasha et elle faisaient des choses pas catholiques dans les placards. Il ne savait pas si Alison s'en était rendue compte. Le boutonneux était déjà bizarre habituellement, sans avoir besoin de l'aide de Sasha.

 

Ce dernier, mal à l'aise - cette atmosphère était si différente des conditions dans lesquelles il avait l'habitude de rencontrer Alison - s'appuya sur le bord d'un plan de travail. Par un mimétisme inconscient, lui aussi se mit à toucher une plante. Elle avait des feuilles rugueuses et épaisses et il n'avait aucune idée de ce dont il s'agissait, sinon que cela occupait ses doigts. Les égratignures de sa chute sur les escaliers avaient déjà complètement disparu.

 

- Mmnon, balbutia-t-il, une moue déçue sur le visage. C'était pas que j'voulais qu'on arrête, c'était juste que j'voulais pas qu'on se fasse remarquer des professeurs. Et tu sais pourquoi, maintenant. Je préfère autant qu'ils s'intéressent pas trop à moi.

 

Ce n'était pas parfaitement vrai. Mais ça l'était partiellement. Ca lui convenait à peu près que les élèves croient qu'Alison se mettait régulièrement sous la table pour s'occuper de son entrejambe. Enfin ça le mettait un peu mal à l'aise comme idée, mais il l'acceptait. C'était une image qu'il pouvait renvoyer, si elle le voulait vraiment. Mais si les professeurs le trouvaient trop entreprenant avec des plus jeunes, et qu'en plus ils découvraient qu'il était un animal, il doutait qu'on le laissât tranquille.

Mais cela voulait-il dire qu'il fallait renoncer au deal ?

 

- Moi je voudrais bien qu'on continue.

 

Il avait parlé à voix basse, un peu comme s'il n'assumait qu'à moitié ses propos. Il regarda la tasse qu'elle avait déposé près de lui maintenant qu'elle s'était rapprochée, et il s'en saisit pour s'occuper les mains. Les odeurs qui s'en échappaient se mêlaient à celles d'Alison, se mariaient d'une manière agréable. Sasha osa la regarder : elle lui paraissait différente. Peut-être que c'était parce qu'il n'y avait aucun autre élève pour les épier, mais Alison n'avait pas l'air obnubilée par sa frange, cette fois. Les ondulations qui s'invitaient dans ses cheveux rappelaient la tignasse plus naturelle de Charlie, dans une version moins épaisse, et le maquillage troublé par l'humidité lui donnait un visage plus naturel, moins apprêté. Il la préférait bien comme ça : un peu plus sauvage. Peut-être que c'était parce qu'elle lui ressemblait un peu plus ainsi, lui qui n'était jamais tout à fait net ? Peut-être que c'était exactement le problème : il ne renvoyait justement pas l'image qu'elle voulait.

Par réflexe, Sasha baissa les yeux sur son accoutrement : en-dessous de sa chemise, un jean et des baskets pas très soignée. Mais au moins, pour une fois, il n'était pas plein de boue. Il releva les yeux vers Alison, plongea ses lèvres dans le thé pour se donner une contenance. Mais il eut un mouvement brusque et secoua une main.

 

- Ah ! Mais c'est trop chaud ce truc !

 

Avec un geste agacé, il reposa la tasse sur l'établi. Il perdait patience. A quoi ça lui servait de jouer constamment les doux agneaux pour elle si elle ne reconnaissait même pas les efforts qu'il faisait ?

 

- Qu'est-ce que tu veux, à la fin ? s'énerva-t-il. Dis-moi ! Sois claire quoi, puis je le ferai !

 

L'écho de sa voix était à demi étouffée par l'atmosphère surchauffée et saturée d'humidité de la serre. Il la regarda, de pied en cap. Ses cheveux défaits, les bretelles de son débardeur qui laissait voir sa peau laiteuse, laissée en évidence. De drôles d'idées lui venaient. Il écarta les bras.

 

- J'peux faire plus évident, dit-il en tâchant d'avoir l'air convaincant. Si c'est c'que tu veux, à la soirée d'Halloween j't'embrasse de façon très... Er, très entreprenante devant tout le monde. J'te dévore, avec les mains sur les fesses et les baisers dans le cou et tout. J'pourrai prétendre que j'avais bu et que j'me contrôlais plus, tu pourras prétendre qu'on est comme ça tout le temps quand personne nous regarde.

 

Sasha tâcha de rester stoïque, mais il se sentait fébrile. Sûr que s'il devait faire un truc pareil devant tout le monde, il faudrait réellement qu'il trouvât de l'alcool.

Il était resté les mains écartées, incertain. La réponse d'Alison mettait beaucoup trop de temps à venir à son goût. Il se passa une main dans ses cheveux en soupirant - les décoiffant plus encore que d'habitude si c'était possible, mais son visage était devenu rouge.

 

- Il fait trop chaud ici. Enfin bref. Si c'est autre chose, on fait autre chose, juste tu me l'expliques, ok ? Tu me dis et je fais, c'est simple. Tu veux que je vienne me planter devant la salle commune des Serpentards tous les jours pour te demander ? Je fais. Que je menace de fracasser les mecs qui t'ont regardée en ma présence ? Je fais. Tu vois ? C'est pas compliqué. Tu dis, je fais.

 

Son coeur tambourinait dans sa poitrine. Ses propos dépassaient un peu sa pensée sous l'effet de la frustration de perdre ce deal qui lui avait sauvé la mise sur quelques-uns de ses cours. Or, maintenant qu'ils étaient déjà à presque deux mois de la rentrée, si Alison changeait de binôme, il serait fichu. Personne n'accepterait de la remplacer parmi les cinquième années et il ne se sentait plus la capacité d'obtenir des bonnes notes par lui-même. 

 

- St'euh plaît, il ajouta avec une mine déconfite, façon léopard-potté. 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

- Han-han. Nyet.

 

Sasha avait fait un lent signe négatif du visage. Décidément, la petite fille n'était pas le moins du monde effrayée par la situation. Sasha la trouvait bien plus courageuse que la plupart des élèves ici, qui, au lieu de s'aventurer dans la Forêt Interdite, y aurait abandonné leur animal de compagnie de peur de se salir les chaussures dans la boue. Alors qu'elle, elle était à peine affolée d'avoir failli être le dîner d'un Ombrelangue puis d'être suspendu par le pied par un filet du Diable.

 

- Je ferai de la lumière qu'au dernier moment, il expliqua. La lumière, ça attire tout un tas de bêtes, ici. A quoi crois-tu que sert une plante pareille, sinon à être le garde-manger de je sais pas quel animal ?

 

Effectivement, autour d'eux la brume était toujours là, mais elle s'était étrangement assombrie. Il semblait que les deux élèves étaient enveloppés dans une ouate sombre, comme un cocon humide et froid, et pourtant intimiste. La lumière avait tant décliné que les traits de leur visage allaient bientôt disparaître à leurs yeux, pour ne laisser que les contours de leurs silhouettes.

 

Face aux questions suivantes, Sasha resta tranquillement silencieux. Il avait l'avantage et le savait parfaitement. Il n'y avait pas de malice dans ses yeux. Il avait l'air juste d'attendre, à la manière d'un chat qui attend patiemment le retour de ses maîtres : un peu plus il s'endormirait là, dans le confort relatif de cette branche solide où reposait son menton sur ses mains striées de ses cicatrices noires et inélégantes.

Mais son regard se fit soudain plus alerte et il se redressa légèrement.

 

- Quoi ?! T'es la soeur d'Alison ?

 

Maintenant qu'elle le disait, c'était parfaitement évident. Pas seulement les cheveux roux, mais le petit air donneur de leçon quand elle lui expliquait comment s'appelait Lord Ribbit et qu'on disait les épaules, pas les oreilles. Avec un air bougon, Sasha reposa son menton sur ses mains.

Il n'était pas le moins du monde surpris par les raisons précises qu'évoquaient la gamine concernant sa soeur et leur présumée relation. Non, ce qui l'étonnait plus, c'était tout simplement qu'Alison eût une petite soeur et qu'il ne le sût même pas. Après tout, c'était vrai qu'ils n'échangeaient jamais sur leur vie personnelle, et il ne lui était pas venu à l'esprit que la Serpentard eut une quelconque vie qui la rendît plus humaine. Car jusqu'ici, il se l'était imaginée comme une fille unique choyée par deux parents trop bien habillés pour être innocents, qui l'auraient couverts de cadeaux et de compliments. Une espèce de poupée de porcelaine froide et méprisante, qui pleurait parfois.

Sasha haussa les sourcils après un silence, à regarder les mimiques expressives - tellement naturelles comparées à celles d'Alison - de la petite fille.

 

- T'es pas un peu trop jeune pour parler de ces choses-là, toi ? Et c'est quoi ton prénom ?

 

Il n'allait quand même pas l'appeler Miss Carter. Mais enfin, en attendant, Miss Carter posait un sérieux problème : apparemment, les deux filles semblaient partager beaucoup de leur vie personnelle et il pouvait bien sûr décemment craindre que...

 

De discrets bruits se firent entendre à leur droite et Sasha tourna vivement la tête.

Il replia ses jambes sous lui pour s'accroupir au bord de la branche, silencieusement. Elle se plia dangereusement, le rapprochant de la petite fille.

 

- Ecoute, petite soeur trop-gentille, ce que je sais, c'est que tu es beaucoup plus courageuse que ta soeur et que les autres élèves ici. Alors ce serait dommage que tu sois le dîner d'une araignée.

 

Il chuchotait, et ses yeux alertes ne quittaient pas ceux de la petite fille, à la manière d'un hypnotiseur. Etrangement, il avait l'impression d'avoir déjà fait ça : parler à une petite fille pour la convaincre. Et quand faire peur à la petite fille ne fonctionnait pas, il fallait jouer sur d'autres cordes. Une drôle de douleur lui tordit les entrailles, sourde et lointaine, mais il tâcha de se concentrer.

 

- Alors tu as droit à une réponse ou deux, mais seulement en échange de garder le secret. D'accord ?

 

Il attendit d'avoir au moins un mouvement de tête en guise de réponse. Quand il reprit la parole, c'était pour parler un peu plus bas encore, comme si les troncs étaient remplis de créatures trop curieuses qui auraient pu voler leur secret.

 

- Je viens ici parce que je suis pas tout à fait humain. Mon travail, c'est de faire en sorte que les monstres cachés n'aillent pas plus loin que la lisière de la Forêt. Tu vois ? Pour qu'ils n'attaquent pas le château et ses habitants.

 

D'un index, il désigna une direction, probablement celle du château, même s'il n'était pas certain que ce fut cette direction-là.

 

- Mais il n'y a qu'un monstre lui-même qui peut faire ce travail-là. Et pour que je puisse continuer à travailler, pour que les créatures de la Forêt n'envahissent pas les gens du château, les humains, hé bien il ne faut pas qu'il sache qui je suis vraiment. Tu comprends ?

 

Voilà longtemps qu'il n'avait pas inventé de conte. Il faisait ça souvent, quand il était plus jeune, mais il n'en avait plus eu l'occasion depuis longtemps. Ce qui était fort dommage, car il estimait s'être beaucoup amélioré depuis. Sasha vérifia qu'il avait bien toute l'attention de la petite fille.

 

- Alors, Oksana, il faut que tu dises à personne la vérité sur moi. Ni que je viens dans la forêt, ni que je suis une bête, ok ? A personne, et encore moins à ta soeur.

 

Il ne savait pas quel âge elle avait, au fond. Peut-être était-il trop tard pour qu'elle pût croire son histoire. Mais l'effrayer davantage ne marcherait pas et il le savait - sauf à la traumatiser, ce qu'au fond, Alison ne lui pardonnerait sûrement pas. Il capta la mimique dubitative de la petite fille, même à l'envers.

 

- Quoi, tu me crois pas ?

 

Il avait haussé les sourcils dans une expression qui paraissait sincèrement étonné, puis il haussa les épaules.

 

- Tant pis, tu verras toi-même. Il faut qu'on se dépêche, sinon le crapaud que t'as dans le ventre va réveiller toute la forêt. Je vais allumer la lumière et me mettre en dessous de toi. Et toi, tu te rappelles : tu t'accroches à mes oreilles, insista-t-il, sans un sourire. Mais pas trop fort, s't'euh plait. 

 

Sasha fit apparaître sa baguette magique dans sa main. Mais une fois qu'il l'agita, faisant apparaître une faible lumière au bout du morceau de bois, qui éclaira leur deux visage, il coinça la baguette en travers de sa bouche. Et alors qu'il la bloquait avec ses dents, il se laissa tomber subitement, vers la branche d'en-dessous la petite fille, tandis que déjà, le Filet du Diable relâchait doucement sa prise.

 

 

 

 

 

Ce qui atterrit sur la branche d'en dessous n'avait plus rien d'un garçon de sixième année. Des pattes souples et velues s'ancrèrent dans la branche qui ploya légèrement sous le poids de la bête, à l'aide de longues griffes plantées dans le bois. Dans la brume, on distinguait surtout sa silhouette trapue et la longue queue suspendue, qui s'agitait lentement, trahissant une impatience animale, et les tâches sombres d'un pelage marbré. De Sasha, il ne restait qu'une seule chose : deux yeux verts bougons qui fixaient de potentiels prédateurs dans la brume, et des traces noires discrètes entre son pelage marbré.

 

 

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Sasha Shevchen

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Serre de préparation, Dimanche 15 Octobre 2124

Quand Alison s'était finalement écartée, elle avait laissé un Sasha tremblant de fébrilité poisseuse, qui tâchait de contrôler sa respiration. C'était comme quand il essayait de gérer ses pulsions sous sa forme animale, sauf qu'il était sous sa forme humaine. Garder le contrôle.

Il la regarda partir avec sa cravate, sans avoir un seul instant l'idée de protester pour la récupérer. Ses yeux suivaient attentivement les gestes de la jeune fille - de ses doigts qui enroulaient le tissu autour de son cou à ses bottines qui se balançaient dans le vide, tandis qu'il était resté planté là où elle l'avait laissé. La proximité brève de leurs corps avait provoqué en lui quelque chose d'aussi inconfortable qu'enivrant, et il déglutit pour tâcher de garder une voix détachée.

 

- Ben c'est que j'ai juste... J'ai juste cherché des trucs qui pourraient t'convenir, balbutia-t-il un peu maladroitement pour se justifier - une explication qu'elle n'attendait sûrement pas de toute façon, mais elle avait souri et il jugea que c'était probablement bon signe.

 

Puis vint le jeu des quatre choses qu'ils savaient l'un sur l'autre. Sasha mit ses mains dans ses poches le temps de réfléchir, mais dès qu'Alison commençât il les retira rapidement avec une moue un peu blasée.

 

- C'qu'une habitude, grommela-t-il à voix basse.

 

Même si l'habitude avait effectivement été prise pour cacher ses mains, certes. Il détourna le regard, sentant la chaleur de ses joues qui refusait de le quitter.

 

- Pis j'ai jamais vu tes seins, c'est toi qui t'amuses à les mettre sous mon nez. Et je cours pas après des balles pleines de grelots, t'avises pas de m'en lancer !

 

Parce que le pire, c'était que sous sa forme animale, il pourrait être intéressé. La honte.

 

Mais malgré ses grognements bougons, Sasha s'orienta directement vers elle quand Alison lui tendit la cravate, à la manière d'un animal domestique intéressé par la promesse d'une ration supplémentaire. Il s'immobilisa devant son bras sans prendre le vêtement, indécis. Il avait penché la tête de côté, comme pour évaluer la jeune fille et ses intentions. L'atmosphère lui semblait plus dégoulinante encore, rendant les lèvres d'Alison plus rouges que d'ordinaire, et sa peau plus... vivante. Il était sûr que s'il avait été transformé, il aurait senti l'odeur de la peau de la Serpentard exsudant les vapeurs uniques qui constituaient sa trace olfactive. Ces sensations - à demi réelles, à demi imaginées - rendaient sa réflexion confuse.

Qu'est-ce qu'elle aimait ? Il n'en avait aucune idée, au fond. Il ne s'était jamais posé la question en dehors de ce qu'il devait faire pour elle pour satisfaire les caprices étranges qu'elle avait introduit par leur deal.

 

- Je sais davantage ce que t'aimes pas que ce que t'aimes, il dit à voix basse, haussant brièvement les épaules. Ca compte ? T'aimes pas ne pas avoir l'air parfaite. T'aimes pas que tes copines voient la moindre erreur, la moindre faiblesse.

 

Il leva un instant les yeux au ciel : la regarder l'empêchait de réfléchir.

 

- T'aimes pas que ta frange soit décoiffée.

 

Assise ainsi sur l'établi, Alison paraissait plus grande : son visage était à hauteur du sien ; ses genoux pliés à celle de ses hanches. Et elle tenait toujours à hauteur de leurs épaules cette cravate à la boucle béante qu'elle resserrerait autour de son cou. Il eut une idée, à la fois séduisante et exécrable. Il n'allait quand même pas, finalement, se comporter réellement comme le petit chien que les Serpentards avaient vu en lui. Mais voulait-il sauver ce deal ou non, à la fin ?

Alors Sasha se rapprocha pour poser les mains sur l'établi, de part et d'autre d'Alison, plutôt que de prendre la cravate, et il se baissa un peu. Son torse se glissa contre les genoux entrouverts d'Alison - des jambes toutes fines, blanches et nues - comme pour s'y faire une place. Mais c'était pour mieux baisser la tête sous la main tendue de la jeune fille, glisser son front dans la boucle de la cravate. Ce faisant, sa tempe puis sa joue glissa le long du bras nu d'Alison - cette fois, il en avait toutes les odeurs, même sous sa forme humaine, et il ferma les yeux. Quand il se redressa, la main de la jeune fille fut emportée vers son cou, et il s'était logé le bassin entre ses genoux.

 

- T'aimes bien apprivoiser les mecs sauvages, chuchota-t-il.

 

Le regard de Sasha caressa la silhouette d'Alison - son cou et ses épaules nues, sa poitrine dont il devinait plus précisément que jamais les contours. Sa taille qui se resserrait au-dessus de ses hanches, ses cuisses à demi-dévoilées qui lui enserrait le bassin. Blyad, il jura intérieurement. Il se sentait tout moite. Tout faible, à la merci d'une gamine. Et tout plein d'idées idiotes que le père d'Alison n'aurait sûrement pas approuvé.

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Bibliothèque, Mercredi 27 Septembre 2124

Au moment exact où le bibliothécaire parla, Sasha sut que ce serait compliqué. Il ne se l'expliquait pas : il voyait juste très bien, dans ce regard bon enfant, ces petites tapes dans ces mains, toutes guillerettes, et ce petit sourire léger, qu'ils n'allaient pas s'entendre. Le Gryffondor retint son souffle, interdit, jetant seulement quelques oeillades autour de lui : subitement la bibliothèque changeait complètement d'atmosphère. D'un endroit austère elle devenait soudain quelque chose de plus convivial, semblable à un grand salon de thé où les murmures des conversations réchauffaient les grandes rangées d'étagères. Le regard de Sasha fut attiré par le gramophone qui lévita vers eux, et il ne put s'empêcher de rentrer légèrement la tête entre les épaules comme si un tel objet lui donnait des frissons. Puis il dévisagea le bibliothécaire.

 

- De... De danseurs ? il répéta comme s'il n'était pas sûr d'avoir bien compris.

 

Sasha avait un tout petit espoir : des fois, les anglais utilisaient un mot pour un autre. Par exemple, il avait vite entendu que chick ne désignait pas les poussins, mais... les filles. Alors peut-être que par danseur, mister Beckett voulait dire nettoyeur ou quelque chose de ce genre.

Il l'espérait.

Il suppliait intérieurement les Dieux Ukrainiens, anglais, et tous les autres qui pussent exister.

(Pas les Russes. Il fallait quand même pas pousser. Plutôt danser que de supplier un Russe.)

 

Un rire derrière Sasha le tira de son mutisme. 

 

- Heu... Le bal ?

 

Il savait ce qu'était un bal, même s'il n'avait jamais été à un autre bal que celui qui se tenait dans son village, où on chantait des chansons paillardes et où les adultes finissaient complètement ivres. Mais Sasha se doutait bien que le Bal de Poudlard ne ressemblerait pas à ça. Il imaginait quelque chose de très solennel, avec des centaines d'étudiants silencieux qui regardaient un spectacle avant d'avoir le droit de boire un jus de citrouille. La perspective de devoir danser dans ces conditions lui donna envie de se transformer sur le champ et fuir le plus loin possible du château.

Mais à la place, Sasha secoua la tête en un signe négatif, le visage fermé.

 

- Non, je sais pas danser, mister.

 

Devant l'air surpris du bibliothécaire, Sasha fit un pas en arrière, instinctivement. On entendit quelques élèves pouffer non loin d'eux, témoins heureux sûrement de cette scène incongrue où l'Ukrainien casseur de nez avait peur d'un pas de danse. Ce dernier sentait une confusion nerveuse monter en lui, à mesure que ce destin irrémédiable approchait. Il secoua de nouveau la tête, plus frénétiquement.

 

- Moi, dépoussiérer les bouquins anciens, ça me va très bien, affirma-t-il - non sans faire la liste, intérieurement, de toutes les injures dans sa langue d'origine qu'il aurait pu réserver à l'intention de mister Brooks. Je peux laver par terre, aussi. Ré-étiqueter les vieux livres. Nettoyer les joints des murs entre chaque pierre à la brosse à dents. Ou les toilettes. Ca me dérange pas.

 

Bon, Sasha aurait bien évité de se porter volontaire pour ce genre de tâches, mais dans des circonstances si désespérées, récurer les chiottes pendant plusieurs après-midis toutes entières n'était pas une sentence si lourde. Et tout ça pour un pauvre nez cassé ! Poudlard était une école bien plus cruelle qu'il ne s'y était attendu.

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A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Le félin avait légèrement ployé sous le poids qui avait subitement chuté sur son dos. Il lui fallut quelques secondes pour s'adapter, retrouver son équilibre pour que la petite fille ne glissât pas sur son pelage. Comme un être organique nouvellement créé, après des instants d'inconfort, ils trouvèrent une sorte de synergie : elle avait resserré ses genoux autour de ses reins, et allongé son corps vers l'avant relativement naturellement.

 

A la question de savoir si c'était bien lui, Sasha n'avait pu répondre : une fois transformé, ses mâchoires, sa langue, même sa gorge n'étaient plus pareils et il ne lui était plus possible d'articuler. Même ses pensées étaient différentes ; il comprenait parfaitement, avec un discernement presque plus aigu, ce que disait Charlie.

 

Charlie.

 

C'était un joli prénom. C'était doux quand il l'avait répété dans sa tête, et finalement, c'était sur un détail comme celui-ci qu'il décidait de lui faire confiance.

 

Charlie donc, avait saisi ses oreilles. Par réflexe, il les avait faites frémir, mais finalement il s'habitua à cette drôle de prise. C'était la première fois qu'il portait un humain sur son dos : Charlie était lourde, mais ses muscles les soutenaient bien tous les deux. Certes, il ne pourrait pas sauter aussi loin, ni courir aussi vite, mais quand il avança, ses omoplates roulant entre les bras de la petite fille et ses griffes se plantant stratégiquement pour équilibrer sa prise, il prit une assurance pour aller un peu plus vite. Il sentit Charlie s'accrocher plus fermement, puis plus fermement encore quand il sauta sur la branche inférieure, puis sur la suivante, avec des hoquets parfois de surprise. Les atterrissages étaient certes un peu brutaux, mais Charlie rebondissait sur ses flancs et ils repartaient de plus belle.

 

Tout en bas de l'arbre, les pattes du grand félin s'enfonçaient dans la mousse aux pieds des arbres dans un silence presque absolu. Il louvoyait entre les buissons, grimpait avec aisance sur un rocher sur lequel il s'arrêta quelques instants, le temps de baisser la tête en avant. Son museau humide et frémissant huma la pierre.

 

Le humus, Charlie, la fouine, Charlie, les relents âcres d'un groupe d'insectes, Charlie... et de l'amphibien. Les moustaches de Sasha frémirent.

 

- Raô, fit-il dans un grondement guttural, étrange de profondeur et de discordance avec l'environnement : on aurait dit un bruitage provenant de la jungle là où les bruits de l'Ecosse se cantonnaient aux grillons et au vent dans les feuilles mortes.

 

Evidemment, Charlie ne pouvait pas comprendre. Elle empestait, brouillant ses pistes olfactives avec ses odeurs de shampooing, de peau humaine, et toutes les touches qu'elle apportait avec elle, y compris celle de graisses provenant du dîner de Poudlard et même quelqu'odeur qui lui rappelait Alison. Mais il pouvait quand même discerner l'odeur de Ribbit qui était passé par là.

 

La baguette, elle, fut très simple à trouver. Elle avait roulé au bord de la rivière, là où les odeurs les avaient amenés, et Sasha se baissa pour que Charlie pût tendre la main et l'attraper sans glisser. Il en profita pour s'allonger quelques instants, pour reposer ses pattes un peu endoloris par l'effort inhabituelle. Puis il étira soudain sa mâchoire dans un grand bâillement, dévoilant une longue série de crocs pointus, sa longue langue passant rapidement ensuite sur ses babines avant de retrouver une expression plus calme.

 

- Raaaaô.

 

Il se redressa lorsqu'elle eût récupéré sa baguette, puis ils avancèrent encore, le long de l'eau. C'était par là que l'odeur s'en allait. Ribbit avait dû être attiré par l'eau. Il étaiit vraisemblablement dissimulé quelque part sous un buisson, terrorisé par les malheureuses aventures qu'il avait vécu. Aussi Sasha prenait-il son temps : il approchait son museau des plantes, reniflant ici et là, poussant parfois un gros soupir qui, vu sa cage thoracique énorme, provoquait un souffle chaud et grave qui soulevait les feuilles mortes. Ils déambulèrent ainsi longuement, et Sasha ne réfléchissait plus vraiment, porté par son esprit animal - dans lequel Poudlard s'effaçait peu à peu, ainsi que tous les soucis du château et des nouvelles du front qui venaient au compte-goutte.

Quelques insectes fuyaient à leur approche, et d'autres amphibiens plongeaient dans l'eau avec de discrets plouf! qui résonnaient à leurs oreilles. Le son du vent chuintait aux oreilles du félin, d'une manière si différente de lorsqu'il était sous sa forme humaine qu'il avait l'impression que les bourrasques étaient chargés de chuchotements.

D'autres chuintements provenaient d'ici et là, des ultrasons qu'il ne percevait que sous cette forme. D'ailleurs, qu'entendait-il ?

 

Il releva subitement la tête.

 

Oublié, Seigneur Kvakva, quelque chose de beaucoup plus intéressant était à portée.

Sasha avança en baissant le dos, presque à ras du sol. Contourna rapidement un tronc malgré la charge inconvenante de Charlie sur son dos, puis il s'immobilisa. Un rongeur passa si vite qu'il n'eut que le temps d'abattre un patte - sur la terre. Le lapin fila devant eux, indemne. En une impulsion, Sasha s'élança à sa suite, emportant avec lui tout son poids qui retomba avec lourdeur devant un arbre - juste en dessous, la queue du lapin venait de disparaître dans son terrier. Le félin plongea le museau dedans - l'odeur, AH, L'ODEUR ! Et les petits couinements tout au fond !

Il ressortit le museau, y inséra sa patte. Ses griffes mordirent la terre, sans succès.

 

- RRRRRrrrrrrrrrrrrrr... gronda-t-il, mâchoire fermée.

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A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

La réalité était confuse, et pourtant parfaitement claire : l'odeur du lapin était forte, il y avait peut-être même plusieurs petits au fond de ce terrier : il le devinait par la chaleur des effluves qui en émanaient, par cette odeur musquée qui se mélangeait à la fragrance des feuilles mortes humides qu'il écrasait sous ses grosses pattes. Mais au-delà de l'excitation que provoquaient en lui toutes ces senteurs alléchantes, il entendait les cris étranges qui venaient d'au-dessus de lui : Arrête Sasha. Sasha. Redeviens Sasha.

 

Mais il était parfaitement Sasha, protestait son esprit : ces grosses pattes velues striées de cicatrices noires, ces griffes qui se plantaient dans la terre et la balafraient, ce grondement guttural qui faisait vibrer tout son corps, c'était bien Sasha.

 

Il savait pourtant ce que Charlie voulait dire : elle voulait la version humaine, que ses griffes meurtrières se rétractent, que ses dents rétrécissent, que sa colonne se rigidifie et que sa queue disparaisse.

 

Alors, quand elle tomba devant lui, à contrecoeur, il s'exécuta. Le grondement du fond de ses entrailles devint moins intense, et son corps vêtu d'un jean et d'une chemise épaisse et humide, apparut subitement sous dans un pull à fermerture éclair restée ouverte qui tinta quand il bougea. Ses mains aux ongles incrustés de terre se dégagèrent tandis qu'il émettait un soupir. Son jean était trempé aux genoux et il accusa un instant les douleurs qu'avait laissé pendant plusieurs longues minutes le poids d'une gamine de 13 ans et demi sur son dos.

Pendant quelques instants, son esprit ne retrouva pas tout de suite le chemin des mots. Les odeurs alléchantes s'évanouissaient, et il cherchait à ne pas les perdre - pourtant elles disparurent, comme de l'eau qu'il aurait voulu tenir entre ses doigts. Sa vision s'assombrit - soudain il réalisa qu'ils étaient dans une nuit épaisse. La brume n'était plus un écran gris, mais un écran noir opaque, qui les enveloppait au pied d'un arbre mort, sinistre. Que fichait-il là avec une enfant ? Ils étaient partis beaucoup trop loin.

 

- Blyad, croassa-t-il, la voix enrouée, et il jeta à Charlie un regard hagard en basculant sur son séant.

 

Bizarrement, il pensa à sa mère, qui l'aurait grondé d'avoir émis un tel juron. Avec l'humidité qui avait imprégné une partie de ses vêtements, le froid lui mordait soudain les membres et il frissonna. Pauvre gamine, où l'avait-il emmenée ?

 

- Quoi ? 

Les mots de Charlie faisaient enfin à peu près sens. Elle avait posé une question, un peu plus tôt. C'était entré dans son esprit sans qu'il avait pu y répondre. Il se passa une main sur le visage, qu'il frotta un peu sèchement, comme pour se faire violence. 

 

- Les monstres des cauchemars, il se souvint soudain et il ramena ses jambes sous lui, prêt à se relever. Ca m'connaît, figure-toi.

 

C'était bien qu'il lui parlât d'autre chose que de cette foutue nuit qui ne lui inspirait soudain rien qui vaille. Si elle n'était pas en mesure de se rendre compte du danger dans lequel ils se trouvaient, autant continuer à parler comme si de rien n'était. Pour l'occuper, elle. Et peut-être lui, aussi.

 

- T'auras qu'à penser que t'as un léopard dans tes cauchemars pour te défendre, ok ?

 

Mais à la place de la réponse de Charlie, cli-clic, entendirent-ils discrètement.

 

Sasha se figea. Il leva lentement les yeux, et ils purent voir le bout d'une patte pointue et velue qui se posait sur le tronc au-dessus.

 

Oups. Une Acromentule.

 

Une autre patte s'allongea pour approcher, et bientôt ils virent le début d'une tête d'arachnée. Immense. Elle était pourvue de deux grosses mandibules noires et frémissantes, de quatre yeux dont deux plus gros que les autres, parfaitement lisses et sans pupille : pourtant Sasha eut la certitude que les quatre yeux les fixaient intensément. Le garçon déglutit, et il se leva doucement pour faire disparaître Charlie sous lui. Elle se retrouva bloquée sous ses vêtements humides - et légèrement transpirants, mais au moins, elle était protégée par son corps. Charlie gémissait. De fatigue, de protestation ou de terreur, il ne savait pas : lui-même ne pouvait détacher ses yeux de l'insecte immense. Beaucoup trop immense.

 

Allons, ce n'était qu'une bête, comme une autre. Mais même en léopard, la taille de cette araignée l'aurait effrayé. Il ne se serait jamais aventuré à attaquer une créature trois ou quatre fois plus grosse que lui comme celle-ci - surtout sans l'appel d'un sang juteux entre ses crocs comme récompense à la clé.

Une drôle de langueur s'était emparée de lui, mais il se cramponna contre l'arbre et Charlie pour qu'elle n'eût pas l'idée de s'enfuir - déclenchant alors certainement l'instinct de chasseuse de l'acromentule. De son autre main libre, il parvint à retrouver sa baguette. Il suffisait de la manipuler, comme la chouette. Mais elle était bien plus grosse qu'une chouette.

 

- B-bestia Domitus, s'entendit-il dire d'une voix blanche. 

 

De la pointe de sa baguette s'échappa un fin jet de vapeur, qui frappa la tête de l'acromentule de plein fouet. Elle eut un mouvement de recul, ses pattes tintèrent, désordonnées, quand elle bougea sous la confusion. Mais bientôt, elle sembla retrouver ses esprits. 

 

AIors, elle continua vers eux sa descente, indifférente au sort qu'il avait essayé de jeter. Sasha esquissa un geste pour s'extirper, mais trop tard : l'acromentule fit un mouvement de balancier avec son corps et envoyer vers eux un large filet visqueux, plein de filaments blancs qui les englua tous les deux contre l'arbre, incapables de bouger. 

 

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
A quelques mètres de la lisière, dans le brouillard, Mercredi 27 Septembre 2124

Sasha avait senti la masse de Charlie disparaître entre lui et le tronc, lui laissant légèrement plus d'espace. Un moment, il paniqua légèrement : elle allait s'enfuir ! Il aurait voulu la retenir, mais ses bras et son torse étaient coincés dans la toile.

 

- Charlie ! glapit-il à voix basse, persuadé que la fin de la petite fille était proche si elle s'enfuyait.

 

Mais la petite fille était rudement intelligente : non seulement elle s'était glissée hors de sa robe pour s'échapper de sa prison, mais en plus elle trouva un sortilège à sa portée pour tâcher de ralentir la bête. Sasha jura à voix basse. Il fallait qu'il prît le relais. Et si Charlie avait pu se libérer en se glissant dans ses vêtements...

 

Sasha s'accroupit en gigotant, faisant des efforts pour se désolidariser de ses propres vêtements. A demi-humide, ils lui collaient chaudement à la peau, mais il parvint à glisser sur ses genoux, laissant au-dessus de lui son pull et sa chemise. Il tomba à quatre pattes à côté de la petite fille épuisée, torse nu. Il lui sembla que le froid dévorait sa peau humide et un frisson parcourut son dos. Sasha était musclé, mais tout comme ses mains, sa poitrine, son dos et ses épaules étaient par endroits striées de longues lacérations noires et anciennes, mal cicatrisées. Mais à cet instant, ça n'avait aucune importance : si Charlie mourait dans la Forêt Interdite, les agents du château auraient tôt fait de retrouver... leurs vêtements ensemble. Qu'est-ce qu'ils allaient s'imaginer ? Il faudrait revenir nettoyer ça, songea-t-il étrangement, comme pour se détourner, avec ces considérations techniques, du vrai danger qui aurait paralysé sa pensée autrement.

 

- Charlie, accroche-toi. Accroche-toi à moi, ok ?

 

Au-dessus, la créature avançait au ralenti, savamment influencée par le sortilège lancé par la petite fille. Sasha jeta un coup d'oeil vers elle, et constata avec une boule au ventre qu'elle avait ses quatre yeux fixés sur sa toile qui bougeait encore légèrement quand lui-même se mouvait, son jean encore à demi-accroché. Quand ils sortiraient, l'Acromentule aurait deux choix : les poursuivre, ou bien capturer ce qu'elle penserait être dans la toile, à savoir un tas de vêtements. Or, Sasha était suffisamment dans la peau d'un chasseur pour savoir que ce qui l'attirerait, ce serait ce qui gigoterait le plus : il faudrait donc dissimuler leur propre mouvement... Et au contraire activer celui de la toile. Sasha resserra ses doigts sur sa baguette, prêt à agir, mais Charlie n'avait pas bougé.

 

- Charlie ?

 

Il fut obligé de la secouer avec un peu de fermeté, comme il la voyait étrangement fermer les yeux. Blyad, le sortilège avait dû l'épuiser au point qu'elle frôlat l'inconscient. Il secoua son épaule un peu plus fort encore.

 

- Charlie ! Accroche-toi vite ! la pressa-t-il.

 

Sasha la prit contre lui, contre son torse, priant pour qu'elle eût le réflexe de le prendre dans ses bras. Enfin, il sentit les doigts froids de Charlie se croiser dans son dos, et ses jambes s'arrimer à ses hanches. Alors, il agita sa baguette, pour jouer leur dernière chance d'échapper au prédateur.

 

Il attrapa son pull pour le secouer vivement un instant, tandis que de son autre main, il agita sa baguette.

 

- Atramento !

 

 

De la baguette de Sasha jaillit un nuage d'encre épais, sous lequel ils se glissèrent, en même temps que le pull de Sasha tremblotait encore dans la toile, captivant suffisamment l'attention de l'Acromentule. 

 

Alors, dissimulé dans les ombres, Charlie sentit la peau de Sasha se garnir de son pelage, son torse s'arrondir, son cou s'épaissir... La toile de l'araignée colla un peu à la jambe de Sasha tandis qu'il se transformait, et il y laissa une touffe de poils en s'en arrachant.

 

Alors, ils jaillirent hors de leur cachette pour détaler dans la nuit.

 

 

L'instinct de survie du léopard reprit immédiatement le dessus. L'adrénaline inonda ses veines, et son acuité visuelle et olfactive l'orientèrent immédiatement vers le chemin qu'ils avaient pris pour venir ici. Sasha galopa ventre à terre, en prenant garde à ne pas trop frôler le sol pour ne pas que Charlie fusse percutée par une racine, même si le voyage devait être rude pour elle.

 

Lancé à pleine allure, il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre la lisière. Soudain, la brume parsemée d'arbres et de buissons laissa place à la brume sans obstacle, et sous ses pattes griffues défilait l'herbe verte du parc. Bientôt, ils atteindraient l'allée de gravillons, mais...

 

- Raowhrrk !

 

Il trébucha avec un couinement, car Charlie venait de le lâcher, probablement d'épuisement. Il roula lui-même dans la terre, s'empressa de faire demi-tour pour revenir près d'elle. Il dérapa dans l'herbe - et instantanément reprit sa forme humaine.

 

Encore une fois, l'obscurité, les sens désorientés, le froid qui lui mordit la peau. Il avait le souffle court.

 

- Charlie !

 

Elle chouinait.

 

- Charlie, on y est presque. Viens. Viens là.

 

Il la reprit dans ses bras, s'efforça de la remettre debout. Elle chancelait, alors il la souleva de terre pour la tenir contre lui. Son propre coeur battait douloureusement à ses tempes, le pressant d'échapper encore au danger même s'il devait être loin, maintenant. Au moins, elle lui tenait chaud. Sa peau à nue le transirait de froid s'ils restaient ici. Les températures nocturnes frôlaient le négatif.

Alors il se remit à trotter, avec cette lenteur terrible de ses jambes humaines, pour atteindre l'allée de gravillons, et bientôt, ses pieds gravirent les escaliers de pierre. Mais Charlie était lourde, et lui-même venait de se fatiguer terriblement à cause de ce sprint chargé. La tête lui tournait. Alors il reposa la petite fille sur les marches, le temps de reprendre son souffle. Des appliques de part et d'autre de la grosse porte en bois surmontaient des bougies magiques qui jetaient des lueurs orange, les éclairant enfin un peu, eux et la brume, d'une lumière diffuse.

 

- On y est, glapit-il entre deux respirations sifflantes. Tu vas pouvoir rentrer jusqu'à ta salle commune, Charlie ? Ou je te ramène ?

 

S'ils croisaient quelqu'un, il était dans la merde. Gravement. Mais il n'avait plus l'énergie que de les traîner jusqu'à leurs dortoirs respectifs, certainement pas de lancer de nouveaux sortilèges. Mais il était probablement aussi perdu qu'elle. Il s'agissait juste de ne pas le montrer, pour ne pas l'effrayer davantage.

 

- Charlie ?

 

Elle tremblait. Elle avait les larmes aux yeux. Il ne savait pas quoi faire, et la culpabilité lui nouait l'estomac. Il déglutit. Il tremblait aussi, de froid. Alors il appliqua ses mains sur les épaules de la gamine, pour les lui frotter un peu, dans l'espoir de la réchauffer.

 

- Ca va aller, Charlie. On retournera trouver ton crapaud quand il fera jour. Ok ?

 

Il s'accroupit pour être à sa hauteur, sur la marche inférieure à celle sur laquelle elle s'était retrouvée assise, inconscient de sa propre apparence - des feuilles dans les cheveux, son torse abimé de ces lacérations noires et disgracieuses - probablement repoussante. Ses yeux, étrangement, étaient exactement ceux de la panthère : des pupilles rondes et vertes comme les feuilles qui fonçaient à l'automne.

 

- Charlie, il faut que ça reste notre secret, d'accord ? Personne nous croira, et on sera punis tous les deux très sévèrement si quelqu'un sait qu'on a été dans la forêt. Tu diras rien, ok ? 

 

Il déglutit, cligna de ses yeux épuisés.

 

- Charlie... ? 

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Katherine Dennison

Auror 62 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serpentard
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Au fond du couloir du troisième étage, à droite après la salle d'Histoire de la Magie, Lundi 18 Septembre 2124

Katherine avait écouté avec un intérêt non dissimulé. Quand bien même ses bras étaient restés croisés sur sa poitrine, ses yeux froids étaient restés rivés sur le visage de l'enfant - dont la véhémence se manifesta, elle aussi glaciale, en quelques mots accusateurs. La femme se contenta de sourire.

 

- Bien sûr, bien sûr, approuva-t-elle d'un ton apaisant, comme si elle avait obtenu une réponse malgré lui sans qu'il eût eu besoin de la formuler.

 

Et en effet, elle recevait chacune des réactions de Nikolaï comme autant d'informations sur ses mécanismes psychologiques. La façon dont les gens se défendaient en disait toujours long sur la façon dont ils se jugeaient eux-mêmes.

Katherine décroisa les bras, pour mieux venir s'accouder au bureau. Le feu ronronnait toujours, perdait peu à peu de sa vigueur. La lumière qui se tamisait conférait à l'endroit une sensation plus intime... ou plus inquiétante, c'était selon l'appréciation. Katherine se sentait quant à elle déjà à l'aise dans ce petit bureau insignifiant d'une école : il y renfermait à présent plus de défis et de secrets que les salles de réunion du Ministère n'en détenait parfois. C'était une femme de terrain, qu'on l'admît ou non.

 

- Vous voulez la version officielle ou la version officieuse ?

 

Les termes étaient peut-être trop élaborés pour qu'il comprît la nuance. Katherine eut une brève moue pour signaler que ça n'avait pas d'importance. A son âge, mieux valait certainement s'en tenir aux déclarations officielles. Elle prit une inspiration pour réciter avec la lenteur nécessaire à la compréhension de Nikolaï.

 

- L'Angleterre et d'autres pays se sont réunis pour établir des lois sorcières internationales, dans lesquelles il est mentionné que nul pays ne doit engager des enfants - a fortiori sorciers - pour conduire des opérations militaires.

 

Elle s'interrompit en haussant les sourcils, comme dans l'attente d'un signe de compréhension du garçon. Puis elle eut une drôle de mimique, qui semblait vouloir dire : oui, moi aussi, je trouve que c'est idiot. Ou en tout cas, un signe de dépit, d'acceptation désabusée.

 

- Aussi, lorsque ces pays trouvent des enfants qui ont servi une armée, ils les extraient pour les mettre en lieu sûr, le temps qu'ils grandissent. Et ensuite, s'ils le veulent, une fois adultes, ils peuvent retourner se battre. Mais ils ont aussi la possibilité de refaire leur vie loin de la guerre.

 

Katherine n'avait aucune idée des statistiques. Combien d'entre eux retournaient rejoindre les rangs ensuite ? Elle s'en fichait comme d'une guigne : elle ne faisait pas dans l'humanitaire mais dans la protection des intérêts de la communauté sorcière de l'Angleterre. Elle avait pourtant conscience que le problème était de taille pour Nikolaï - deviendrait-il adulte au vu de ce qu'abritait son corps ? - mais elle n'en montrait rien : pas d'affect particulier, pas d'inquiétude ni d'empathie particulière.

Du plat des deux mains, elle s'appuya sur le bureau pour se lever, repoussant légèrement le fauteuil derrière elle.

 

- Bien. Montrez-moi ce sceau maintenant, exigea-t-elle.

 

Katherine agita sa baguette en silence : un orbe de lumière blanche se forma dans les airs à ses côtés, conférant subitement à l'endroit une atmosphère froide et chirurgicale.

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Le cours n'avait pas encore commencé que Sasha avait rouvert les yeux, troublé dans sa recherche vaine d'un peu de quiétude au soleil à cause des discussions dont certaines subtilités lui échappaient. Enfin, pas au point de ne pas saisir les allusions qui le concernaient lui, ainsi qu'Alison et leur supposée activité sexuelle. Etrangement, il ne s'en sentait pas plus que cela offusqué : il avait juste rempli ses poumons d'air, gonflant la poitrine, histoire d'être prêt si Ryan franchissait la ligne invisible qui déclencherait son courroux, qui avait moins à voir avec le respect que l'on accordait à Alison qu'avec les allusions avec les Russes et les Ukrainiens qui, ce jour, n'avaient pas encore émergé dans les discussions. Sasha s'en félicitait : peut-être que Ryan et ses copains avaient compris qu'il valait mieux éviter ce terrain-là avec lui. C'était d'ailleurs sur cette réflexion que le Gryffondor avait sagement suivi Alison au fond de la classe pour rejoindre leur plan de travail - en dessous duquel Alison jugea bon de cacher une petite provision pour plus tard.

 

- Mais je suis caaal...

 

La fin du mot s'était évanoui au fond de sa gorge. Son envie de protester contre les suppositions d'Alison concernant son état intérieur avait fondu comme neige au soleil quand elle avait eu cette subite idée absurde d'ouvrir sa robe devant lui pour lui présenter sa poitrine. Il n'avait pas d'autre choix que de regarder, non ? Trop tard, de toute façon. Sasha ouvrit la bouche en haussant les sourcils, l'air de réfléchir deux minutes - mais il constata vite qu'il ne trouverait rien de pertinent dans son cerveau à cet instant et referma les lèvres aussitôt.

 

- Mmh.

 

Silence. Sasha fut pris d'un frisson et il s'ébroua brièvement.

 

- Ouais, tâcha-t-il d'approuver avec un air convaincu.

 

Il mima une grande inspiration, puis une grande expiration. Aussi incroyable que cela pût lui paraître, la stratégie fonctionna : Alison sembla satisfaite, et elle se plongea dans les directives que la professeure donnait pour qu'ils débutassent le travail. Sasha attendit derrière elle, hébété quelques secondes, avant de retrouver ses esprits.

 

- ... cinq plantes par groupe, à classer en fonction de la taille des bourgeons. Commencez par leur préparer un petit nid que vous chaufferez avec des galets tiédis à l'aide d'un petit Calidum ! claironnait-elle.

 

Il régnait dans l'air une petite odeur de fraise dont il ne savait plus si elle provenait d'Alison ou des fleurs, mais Sasha se concentra sur l'ordre implicite simple qui était donné : ramasser des galets. Alors il partit en quête des grands bacs où étaient stockés les galets en question. Déjà, quelques élèves se pressaient pour en ramasser quelques uns. Sasha empila les siens en tendant son pull devant lui.

 

- Hé Sasha, t'as cru qu'il fallait construire un barrage ou quoi ?

 

Des élèves pouffèrent de rire, faisant redescendre Sasha du nuage où il s'était drôlement perdu dans ses pensées.

 

- Quoi ?

- Ben laisses-en pour les autres, hé !

 

Il baissa les yeux sur son pull et constata qu'effectivement il l'avait tant rempli que celui-ci formait un gros sac lourd et rempli. Il haussa les épaules en décidant de les emporter quand même, le bout de sa cravate enfouie dans les pierres disparaissant dans son chargement.

 

- Arrête il va les revendre au marché de Pré-au-Lard le pauvre ! entendit-il dans son dos, et les ricanements reprirent.

 

Sasha sentit revenir sa haine pour le groupe de Serpentard, mais il s'efforça de serrer les dents pour revenir à pas lourd vers leur plan de travail. Il versa les galets qui s'empilèrent brusquement dans un coin, non loin des trois premières orchidées qu'Alison avait choisie. De petites étiquettes plantées dans leur pot indiquait les couleurs prédites pour les fleurs et le garçon avait bien évidemment pris le soin de laisser Alison se charger de tels détails esthétiques. Son pull accusait désormais une légère déformation, mais il avait l'air de n'avoir rien remarqué.

 

- Ils m'énervent, il dit subitement. J'suis plus trop calme.

 

Bon, il se maîtrisait quand même. Mais un peu d'aide ne faisait jamais de mal, non ?

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Lyle Sørensen

18 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété

Serdaigle
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Ambassade magique de Paris, France, Jeudi 05 Octobre 2124

S'il y avait un point de départ dans la vie, Lyle avait l'impression d'aller à la rencontre du sien tandis qu'il se préparait pour retrouver le Portoloin avec Viviane Valcourt. Il avait l'impression que tout le reste de son existence n'avait été qu'une introduction, une mise en contexte qui l'avait préparé à ce voyage vers Paris.

 

Ce ne serait pas la première fois qu'il verrait la capitale française : son grand-père avait pris soin de l'y emmener à deux reprises et de lui faire visiter les grands monuments et musées qu'il se devait de connaître pour son éducation. Mais Oswald Sorensen ne l'avait jamais introduit réellement dans la haute société diplomatique, malgré le désir grandissant de Lyle. Le vieil homme avait répété que pour sa propre légitimité, c'était à Lyle de se construire son réseau, sans l'aide d'un coup de pouce qui ne serait perçu que comme un privilège parmi les autres Aurors. Autrement dit, il devait en baver autant que lui quand il était jeune, sinon le jeu n'en valait pas la chandelle. Lyle comprenait cette logique, même s'il avait parfois eu l'impression qu'Oswald avait cherché à le dissuader d'entamer une telle carrière. Mais pouvait-il lui en vouloir de seulement désirer protéger d'un métier dangereux la progéniture de sa propre descendance ? Probablement pas. Lyle avait déjà fait son choix de toutes les manières ; il prouverait à son grand-père qu'il pouvait traverser les mêmes difficultés, et se hisser dans cette société-là à la sueur de son front, à la finesse de son éducation et à toute la ruse que lui conférait la détermination qu'il prenait soin d'entretenir.

 

Aussi avait-il passé un temps fou à préparer une valise à main étendue, pour y emmener ses affaires les plus belles : une robe de sorcier pour soirée, avec des broderies d'argent ; sinon, des tenues formelles. Costume trois pièces, robe de sorcier fine, manteau long à capuche. Au cas où, il avait aussi soigneusement ajouté dans le sac des gants blancs au cas où il devrait participer à une cérémonie diplomatique. Et bien sûr, de quoi cirer ses chaussures et gominer ses cheveux clairs comme le plumage d'une colombe.

Il avait dû, enfin, se faire violence pour ne pas arriver trop à l'avance. Oswald ne l'avait pas regardé quitter le manoir. Il s'était obstiné à rester devant sa cheminée, un verre à la main, pestant sur les nouvelles qu'annonçait la Gazette.

 

- Ils n'en disent pas le quart ! ronchonnait-il quand Lyle lui avait fait savoir qu'il était sur le point de partir. Ont-ils bien conscience, ces idiots, qu'ils font venir sur le sol anglais des espions ennemis ?!

- Afi, fit Lyle, sa grosse besace en cuir dans la main, tandis que de l'autre il tenait la poignée de la porte du grand salon qu'il venait d'ouvrir. As-tu entendu ? J'ai dit que je partais.

- Eh !

 

Oswald ne prit pas la peine de se retourner. De là où il était, Lyle ne voyait que le crâne dégarni qui dépassait d'un gros fauteuil en velours vert. Le rayonnement de la cheminée illuminait la pièce et réchauffait l'endroit douillet. Sur une table basse, une tasse de café fumait, intacte, tandis qu'un elfe de maison d'une taille minuscule, aux traits aussi ridés et affaissés que ceux du grand-père, déposait avec une pince en métal une série de petites viennoiseries sur une assiette.

 

- Je n'suis pas encore sourd, Lyle, rétorqua Oswald avec un grognement. Et puis, ne faisons pas comme si tu partais en mission pour des mois : tu vas faire une visite à Paris avec ta copine, et demain soir tu seras revenu avec des déceptions plein ta besace, au mieux ! Alors garde ton sentimentalisme pour demain !

 

Lyle soupira. Il était habitué aux accès de mauvais humeur de son grand-père.

 

- Ouais, à demain Afi.

- Snöri va s'inquiéter, lui, croassa l'elfe, mais Lyle avait déjà refermé la porte.

 

 

 

 

 

Retrouver Viviane ne lui avait fait ni chaud ni froid : Lyle était pressé d'arriver sur les lieux, et Viviane n'était dans ce plan qu'un instrument aussi utile - et aussi insipide - que le portoloin qu'ils utiliseraient pour cela. Toutefois, soucieux de conserver ses apparences, il l'avait salué avec la même froideur, la même indifférence que lors de leur précédente rencontre, à la bibliothèque.

Le voyage se passa sans encombre, et le froid de Paris les accueillit, légèrement plus sec qu'en Ecosse, avec une morosité qui ne pouvait calmer l'excitation intérieure de Lyle. Aussitôt, son regard s'attacha au grand bâtiment de l'autre côté de la rue : l'Ambassade. En haut de quelques marches, le bâtiment était un immeuble haussmannien comme il y en avait tant dans cette capitale : trois étages, des fenêtres hautes au travers desquelles on devinait des lustres imposants, allumés même en ce début de journée. Un drapeau britannique flottait au balcon en métal travaillé d'une salle de réception où l'on devinait que des silhouettes se pressaient - peut-être pour mettre en place le fameux shooting dont Viviane lui rappelait l'existence.

Lyle ne put empêcher une brève grimace, comme s'il s'était souvenu qu'il devait en passer par là avant de pouvoir parvenir à ses fins. Il n'eût d'autre choix que d'emboîter le pas à la jeune femme qui s'exprimait avec la même froideur que la sienne : au moins, pas d'ambiguïté entre eux. Ils étaient réunis pour les affaires et uniquement les affaires.

 

- Ca va durer longtemps ? demanda-t-il. Et nous allons travailler dans une salle close, n'est-ce pas ? Il n'y aura pas de passage L'Ambassadeur doit être très occupé en journée, je suppose.

 

Il craignait soudain que ce dernier ne vît Lyle en train d'exécuter des poses dans lesquelles il ne serait certainement pas à l'aise. Il nourrissait subitement le désir ardent que toute cette mise en scène ne durât qu'une ou deux heures tout au plus. Avec un peu de chance, le personnel mettrait beaucoup de temps à s'installer et...

 

- Ah, les voici ! Par ici, nous n'avons pas de temps à perdre !

 

Les doubles portes en bois venait de s'ouvrir sur une femme vêtue de noir qui leur fit un signe pressé de la main. Ils passèrent entre deux gorilles qui les scrutèrent un instant, mais l'accueil qu'on leur faisait les dissuada de demander un examen plus poussé. La femme portait un chignon noir qui lui étirait les traits du visage comme un papillon épinglé dans une collection entomologique, effet renforcé par les couleurs vives dont elle avait affublé ses yeux.

 

- Miss Valcourt, quel plaisir de vous accueillir. Vous avez tant changé, quelle splendeur, quel raffinement depuis la dernière fois que je vous ai vue ! Et oh, vous devez être...

 

La femme leva un morceau de parchemin à hauteur d'yeux, qu'elle recula un instant pour mieux y voir.

 

- Lyle So-ren-sen, lut-elle avant de tendre une main vers le jeune homme qui la serra après une brève hésitation. Je suis Miss Penelope Kingsley, directrice artistique de la nouvelle campagne de communication Valcourt et bien sûr de plusieurs précédentes qui ont connu un grand succès.

 

Avant de les emmener plus loin, Penelope s'arrêta pour détailler Lyle : elle en fit le tour, estima brièvement la largeur de ses épaules à l'aide d'un pouce et d'un auriculaire écarté comme instrument de mesure.

 

- Plutôt pas mal, approuva-t-elle avec un signe de tête. J'aime les yeux, nous pourrons les mettre en valeur, mais c'est dommage qu'il soit si fin, ce ne sera pas facile à mettre en valeur pour la séquence Lingerie, nous allons devoir tricher avec les postures pour qu'il n'ait pas l'air gringalet. Allons, ne perdons pas de temps, suivez-moi !

 

Et la femme s'en alla devant eux à pas vifs, pour s'engager vers de larges escaliers en colimaçon, en marbre. Viviane allait suivre, mais Lyle la retint par le coude, les traits écarquillés d'ahurissement.

 

- Quoi ?! grinça-t-il en tâchant de conserver la voix basse pour ne pas rompre la quiétude raffinée du lieu. Quelle séquence lingerie ? De quoi elle parle Viviane ?

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

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Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Sasha n'avait encore jamais entendu le mot weirdo, mais il en saisit malgré tout approximativement le sens, ses épaules se tassant tandis qu'il renfonça ses mains dans ses poches - qu'elle se débrouille avec ses fleurs si Madame avait les talents de ses ambitions. Il laissa promener son regard morne sur le reste de la classe : pour une fois, on les oubliait peu à peu, principalement parce que les discussions sur les orchidées allaient bon train et que les élèves étaient inquiets de mal faire. Ils se concentraient maintenant sur leurs propres nids, tandis qu'Alison annonçait qu'elle ne voulait pas être transparente.

Sasha haussa les sourcils en lui jetant un coup d'oeil.

 

Comment ça, ne pas être transparente ? C'était une maladie magique, ça ? Par défaut, ne pas poser la question. Les propos sur le père d'Alison l'avaient dissuadé de toute façon de poursuivre dans cette direction, pour mieux se concentrer sur l'essentiel : couvrir ses petites sorties nocturnes, dont il craignait que récemment, elles eussent été remarquées.

 

En effet, sortir des salles communes n'était pas excessivement difficile. Ce qui l'était davantage, c'était bien sûr de déjouer la surveillance des portraits qui ne dormaient pas ainsi que les rondes du personnel. Mais sous sa forme animale, l'exercice était presque pour lui un entraînement un peu trop facile : sa vitesse et la trace olfactive des surveillants lui permettaient d'emprunter régulièrement des chemins différents sans jamais se faire prendre pour atteindre une sortie ; et même si un portrait l'apercevait, il ne verrait qu'une ombre furtive et féline, sans pouvoir reconnaître l'élève en question pour le dénoncer. La traversée du parc était encore plus simple : dans la nuit, Sasha se fondait totalement.

 

Mais les erreurs survenaient toujours quand l'on se sentait trop en confiance, et même si Sasha le savait, il avait fini par en commettre une. Une nuit au cours des jours précédents, il s'était aventuré dans les cachots sous sa forme animale - principalement attiré par les odeurs de cuisine, parce qu'à cause d'une nouvelle retenue à la bibliothèque, il était arrivé trop tard au dîner pour profiter des principaux plats et manger à sa faim. Il n'avait eu dans l'idée que de voler une petite carcasse de poulet - ou peut-être bien le rôti auquel la table des Serpentards n'avait pas touché - quand il s'était retrouvé, à l'entrée des cuisines, nez à nez avec...

 

- AAAAAH ! UN ANIMAAAL SAUVAAAAGE !

 

Sasha avait glissé sur ses coussinets pour freiner sa progression et exécuter un demi-tour instinctif. En quelques bonds, il avala les escaliers pour remonter vers le hall, mais Peeves, dénudé de toutes les frictions du monde réel, traversa les murs et les palliers pour le retrouver en train de gratter de ses griffes maladroites le loquet de la grosse porte extérieure. Un coup de patte un peu plus virulent le vit sauter et la porte s'entrouvrir suffisamment pour que Sasha y coinça son museau, puis son cou, et enfin son corps tout entier pour détaler dans la nuit.

 

Cette fois, Peeves ne l'avait pas suivi. Un fantôme pouvait-il s'éloigner tant que cela des lieux où il était mort ? Probablement pas. Son fantôme devait s'affaiblir, ou bien Peeves avait peur des autres fantômes qu'il pouvait rencontrer à l'extérieur. Toujours était-il que Sasha avait passé la presque intégralité de la nuit dehors, craignant de se retrouver de nouveau face au fantôme s'il revenait trop tôt. Mais pendant toute cette journée, il n'avait cessé de penser aux conséquences de cette rencontre : Peeves allait-il parler de l'animal qu'il avait vu à la Direction ? Et le croirait-on ? Y allait-il avoir une enquête pour découvrir qui était l'animagus en question ?

Et s'il était pris, que se passerait-il quand le personnel saurait qu'il se transformait en cette bête sauvage ? On lui interdirait certainement ses escapades. Pire, on lui interdirait ses transformations sans surveillance. Personne ne devait savoir.

Mais... Il était trop tard. Charlie savait.

 

Aussi, quand entre un sortilège et une apparition de la professeure, Alison lui demanda s'il voyait quelqu'un, Sasha pensa immédiatement à la petite soeur rousse. Ses oreilles se mirent à rougir, tandis qu'il s'intéressa brusquement à la préparation d'un second nid pour la deuxième orchidée, le temps que l'enseignante s'éloignât vers la paillasse suivante - décidément, elle avait décidé de les suivre de près, ce jour-là.

 

- Ben... c'est à dire que ça m'arrive de... De croiser quelqu'un, pourquoi ?

 

Charlie avait-elle cafté ? Etait-ce pour cela qu'Alison posait la question ? Sasha se mordit la lèvre en sélectionnant au hasard d'autres galets. Il essayait de réfléchir à toute allure : si Alison savait, pour Charlie, il valait mieux éviter de mentir. Mais s'il se faisait des idées, alors il ne devait pas vendre Charlie à son tour.

 

- Mais pas souvent, hein, il précisa précipitamment, à voix basse. Et puis, rarement des petites, elles ont trop peur de sortir, tu vois. Elles sont sages !

 

Parce que les petites filles, elles, devaient rester en sécurité dans leur dortoir, et d'ailleurs si on en trouvait une la nuit dans une forêt interdite, on ne jouerait pas à la suivre en filature comme un ennemi ; pas du tout, on la ramènerait immédiatement en sécurité au château, comme un homme responsable, et ce bien avant que la situation ne pusse devenir dangereuse.

Sasha sentit une bouffé de culpabilité l'envahir, et il eut l'impression qu'il était devenu cramoisi au niveau des oreilles et du cou. A la hâte, après avoir rassemblé ses galets, il sortit lui aussi sa baguette pour imiter Alison, histoire de s'occuper les mains, l'esprit, et celui d'Alison si possible.

 

- Calidum.

 

Le sortilège fonctionna correctement, et Sasha plaça la seconde orchidée au centre du nid improvisé, faisant mine d'être concentré sur sa tâche. 

 

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Sasha Shevchen

16 ans Sang-Mêlé·e Ukrainienne Notoriété

Gryffondor
Ce titre distingue un donateur d’exception dont la générosité rivalise avec les coffres les plus remplis de Gringotts, faisant de lui un véritable magicien de la fortune solidaire.
Serre n•2, Lundi 02 Octobre 2124

Sasha avait haussé un sourcil, interloqué par la question étrange d'Alison.

 

- Hum, ben... J'sais pas, douze ans ?

 

Il n'avait aucune idée de l'âge de Charlie. Lui avait-elle dit ? Peut-être. Ses souvenirs de la nuit où il avait trouvé la petite Carter étaient confus, mélangés avec mille sensations et la seule chose qui lui revenait facilement en mémoire, c'étaient ces odeurs multiples qu'il avait senti sur elle et dont certaines lui avaient rappelé Alison elle-même. Pourquoi son cerveau animal ne se souvenait-il jamais des choses importantes ?

Il sentait son coeur battre la chamade : c'était sûr, Alison savait. Sinon, elle ne lui aurait jamais demandé jusqu'où il allait, non ? Peut-être que Charlie lui avait dit qu'elle l'avait rencontré la nuit, sans lui en dire plus. Sasha secoua la tête.

 

- Ah non mais pas loin. Pas loin du tout. Genre dans le parc, quoi, rarement plus loin ! Comme tout le monde tu vois ?

 

Il haussa les épaules en pinçant les lèvres, histoire de rattraper les prochains mots qui lui étaient venus à l'esprit et qui mentionnaient la Forêt Interdite. Il ne pouvait pas mentir, au cas où elle savait déjà. Mais Alison semblait s'être désintéressée de lui. Avec un peu de chance elle ne relèverait pas qu'il n'y avait justement pas tout le monde qui sortait la nuit. Avec un soupir de dépit, il lâcha un dernier galet vers l'une des orchidées pour obéir et s'en aller chercher deux autres pots de fleur. Il préférait vachement ça : quand elle donnait des ordres, plutôt que quand elle lui posait des questions. Il s'en sortait beaucoup mieux sur les exercices pratiques qu'à l'oral - ça c'était clair, songea-t-il les mains enfoncées dans les poches tandis qu'il s'immobilisa devant la rangée d'orchidées pleines de boutons. Il n'avait strictement aucune idée de la couleur à choisir. Et il n'avait pas non plus la tête à ça. Un élève lui parla à sa droite et il mit un moment avant de réaliser ce que le garçon était en train de lui dire.

Il tourna la tête vers lui : c'était un petit roux qui avait sagement décidé de garder un mètre de distance avec l'ukrainien. Derrière l'élève, deux filles se tenaient, comme mal cachées derrière lui, jetant vers Sasha des oeillades intéressées. Le Gryffondor les regarda tour à tour.

 

- Tu m'suis ? aboya-t-il vers le Serpentard.

 

Ce dernier eut un mouvement de recul et un petit sourire mauvais. Ca lui rappelait encore les garçons avec Dmitri quand il était gosse. Cette fois c'était sûr : Alison et lui avaient réussi à se mettre la classe à dos et un nouveau nez cassé ne suffirait pas.

 

- Tu m'as suivi ? Quand ça ? répéta-t-il plus agressivement, comme il n'obtenait pas de réponse.

 

L'une des filles plaqua une de ses mains contre sa bouche.

 

- T'as vu comment il réagit ? lui glissa sa voisine en faisant une moue dégoûtée, comme si Sasha était incapable de les entendre. C'est vrai qu'c'est une brute. Comment elle peut lui faire confiance pour choisir les bonnes couleurs ?

 

Sasha lui jeta un coup d'oeil mais ne réagit pas. Il serrait les dents à s'en faire mal aux mâchoires, tâchant de se concentrer sur le Serpentard qui avait perdu un peu de son sourire et avait tant de mal à trouver une réponse.

 

- P'tet bien, finit-il par laisser entendre d'une voix geignarde. Et bientôt tout le monde va l'savoir.

 

Sasha haussa les sourcils, interrogateur. Comment avait-il pu être aussi aveugle ? Il était généralement sur ses gardes, mais quand il se promenait avec la main d'Alison dans la sienne, il était vrai qu'il devenait tête en l'air. Devant l'air dépité de Sasha, le Serpentard retrouva son sourire qui s'élargit en fendant un champ de tâches de rousseur moins élégant que celui qui décoraient les visages des Carter.

 

- Et pourquoi ?

- Dis donc la fouine, tu t'dépèches d'en ramener une ?! entendit-on un peu plus loin - le binôme du Serpentard qui tenait le crachoir à Sasha s'impatientait effectivement.

- Parce que tu dis pas qu'c'est faux, fit-il comme s'il n'avait pas entendu.

- Ben c'est faux.

- Trop tard !

 

Le Serpentard hoqueta en un rire si désagréable que Sasha n'avait qu'envie de le gifler. Mais il ne pouvait décemment pas se retrouver en retenue systématiquement, sinon il ne repasserait jamais rapidement en sixième année comme il l'espérait.

 

- Pourquoi ils t'appellent La Fouine. T'aimes fouiner ?

 

Le Serpentard se tortilla d'une drôle de manière, toujours avec ce sourire étrange. Il avait l'air de jubiler à avoir cette conversation saugrenue, tandis que les deux filles avaient fini par les contourner pour aller choisir des orchidées en prenant garde à ne pas s'approcher trop près de l'Ukrainien, mais il voyait bien qu'elles traînaient pour suivre leur conversation.

 

- Ouais, finit par admettre le petit roux. Et j'suis le meilleur pour faire passer les rumeurs.

 

Cette fois, Sasha comprit l'attitude bizarre du garçon, et ne put empêcher une grimace.

 

- Qu'est-ce tu veux ? il gronda en baissant la voix, espérant que les filles ne l'entendraient pas - et aussitôt les yeux du petit roux flamboyèrent.

- S'tu me ramènes un de ses sous-vêtements, j'dis que vous baisez comme des bêtes. Que j'vous ai vus et entendus.

- Tsss, siffla Sasha, mais c'était à son tour d'avoir un petit sourire en coin sans joie, et cette fois il se pencha vers le Serpentard pour lui faire une confidence. J'vais t'ramener beaucoup mieux. Et tu verras que t'auras pas besoin de mentir : on baise comme des bêtes et t'auras la preuve en échantillon.

 

La Fouine entrouvrit la bouche, dans un mélange d'espoir et d'étonnement, tandis que Sasha lui faisait un clin d'oeil en retournant vers les pots. Il les sélectionna au hasard.

 

 

 

 

 

- On a un problème chef, annonça Sasha très sérieusement en déposant Rose Chewing-Gum et Bleu Néon sur le plan de travail devant lui. Il y a des élèves qui mettent en doute notre... Hum. Relation.

 

Fini, les oreilles rouges : le Gryffondor semblait avoir complètement oublié leur précédente conversation. Il avait même l'air d'avoir trouvé une nouvelle assurance tandis qu'il poursuivit :

 

- T'inquiète pas, je nous ai fait gagner du temps, mais il va falloir être plus convaincants les jours prochains.

 

Sasha se concentra sur les pierres devant lui, préparant un troisième nid sans paraître se rendre compte de la posture froide d'Alison.

 

- Je te propose qu'on disparaisse ensemble dans un placard une fois de temps en temps. Et si tu veux, j'peux te prêter un pull pour dormir.

 

Il décocha un regard vers la Serpentard retranchée derrière sa frange. Il eut l'air déçu que sa proposition ne fisse pas mouche. C'était pourtant un truc de couple, de dormir avec les vêtements de l'autre, non ? Mais Alison paraissait froide comme la pierre. Qu'est-ce qui lui prenait tout à coup ? Sasha lui donna un petit coup de coude, comme pour la réveiller.

 

- Dis donc, Lu'eńka - et le mot roula dans la bouche de Sasha plus légèrement et naturellement que de l'anglais. T'as perdu ta langue ?

 

Mais la plaisanterie ne lui attira visiblement aucune indulgence de la jeune fille, aussi le Gryffondor se renfrogna-t-il à son tour en se préoccupant de ses pierres, de nouveau.

 

- Ben quoi, tu voulais un surnom ukrainien, non ?

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Sasha Shevchen

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Gryffondor
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Sur les marches qui mènent à la porte principale., Dimanche 08 Octobre 2124

J'arrête tout.

 

Ca voulait dire quoi, au juste ? Alison arrêtait ses efforts pour qu'ils ressemblassent à un couple ? Ou elle arrêtait totalement le deal ? Ou bien c'était une de ces expressions anglaises qu'il avait du mal à comprendre, comme quand ses voisins de chambrée disaient qu'ils prendraient a rain check concernant les devoirs ? Sasha avait mis à peu près un mois à comprendre qu'il n'y avait rien de littéral dans cette expression, et il avait régulièrement des expériences similaires avec cette langue dont il avait pourtant vite maîtrisé, au demeurant, les formes les plus argotiques.

Toujours était-il que sur le moment, il n'avait pas osé poser la question à la Serpentard. Après s'être renfrogné dans le silence à son tour, Sasha s'était résolument convaincu qu'Alison lui en voulait simplement pour des sottises : parce qu'il avait mal choisi les couleurs des orchidées, par exemple. Après tout, elle-même lui avait dit qu'il était coupable par défaut, même s'il ne savait pas pourquoi.

 

Malgré tout, les jours qui avaient suivi, Sasha s'était surpris à s'inquiéter de temps à autre. Le deal pouvait-il faire partie du tout ? Non, non, elle avait dit ça comme ça, c'était juste une formule pour dire qu'elle boudait. Systématiquement, il repoussait soigneusement la désagréable pensée en se concentrant sur autre chose. Son dîner, par exemple. Mais assis à la table des Gryffondors, il n'avait pu s'empêcher de jeter un oeil vers la table des Serpentards, où Alison ne se montrait guère. Encore sa lubie de sauter les repas.

 

Comme leur absence de nouveaux échanges ne pouvait lui permettre de trancher véritablement, Sasha avait fini par décider une bonne fois pour toutes ce soir-là, en dévorant des crevettes, qu'il fallait continuer à investir dans le projet qui devait consister à lui faire accéder aux cours de sixième année intégralement. Il n'y avait bien sûr pas que l'intérêt des cours qui le poussait à poursuivre ce but : il craignait que s'il ne validait pas les cours de sixième année à la fin de l'année, on ne le considérât pas comme majeur à 17 ans, comme les autres. Et tant qu'il était mineur ou considéré comme tel, les adultes décidaient de son destin - et surtout de sa présence au château, loin de là où il devait être. Aussi décida-t-il de ne pas remonter à la salle commune, histoire d'enfin donner à la Fouine ce qu'elle rêvait d'avoir sans le savoir.

Le Serpentard l'avait en effet déjà croisé deux fois depuis le cours de Botanique, et commençait à craindre que Sasha ne fisse juste traîner l'échéance - au risque de perdre la primeur de cette information visiblement capitale pour les cinquième années : Sasha et Alison ne formaient pas un vrai couple.

Demain au plus tard, il lui donnerait ce qu'il devait.

 

 

 

 

 

 

L'air était frais. Chaque soir, il devenait un peu plus froid, au point qu'au coeur de la forêt, des flaques s'étaient gelées, déjà, à cause des températures nocturnes qui chutaient en Ecosse bien plus tôt qu'en Ukraine. Sous sa forme animale, Sasha ne redoutait pas vraiment les surfaces glacées. Il les préférait même à cette pluie battante qu'il avait dû subir à l'aller, avant de recevoir le couvert des arbres. Il avait vagabondé assez longuement, dès la tombée de la nuit. Ce qui était bien, lorsqu'il était transformé, c'était que son esprit ne s'attachait plus à s'inquiéter outre mesure ni du passé, ni de l'avenir. Tout était instantanément important : ce mulot qui couinait sous un buisson, le vent qui chuintait dans les feuilles, une goutte qui tombait sur son pelage. L'effet apaisant de sa propre langue rugueuse sur ses pattes quand il se nettoyait par automatisme après s'être tâché de résine en grimpant un sapin malade. Et puis les odeurs, ah !, les humains ordinaires ne savaient ce à quoi ils n'avaient pas accès. Les sécrétions des insectes sous l'écorce poivrée qu'il grattait avec ses griffes ; les senteurs terreuses des champignons qui poussaient dans la mousse suave ; l'odeur fraîche de l'eau qui bruissait dans son lit sauvage, où un rongeur avait laissé la marque de ses phéromones, auxquelles se mélangeaient les effluves âcres d'un...

 

... crapaud.

 

 

 

 

 

 

Plif, plof, plif, plof.

 

La pluie avait cessé, mais Sasha avait retrouvé sa forme humaine et traversait dans la nuit la pelouse inondée et boueuse qui le ramenait vers les portes du château, son pull drôlement roulé en boule dans ses bras. Sa chemise était humide et ses cheveux trempés au point qu'ils gouttaient sur son visage et ses épaules - signe qu'il n'avait pas dû vraiment pouvoir s'abriter avant la fin de l'averse. A l'extérieur du château, de grosses torches appliquées sur les murs de pierre sombre éclairaient le parc, lui-même baigné de la lueur blanche qu'offrait une Lune presque pleine entre deux nuages épais. Certaines grandes fenêtres du rez-de-chaussée et des étages étaient encore colorés par les lustres montés de bougies, aux lueurs chaudes et vacillantes, qui indiquaient que Poudlard ne s'était pas encore tout à fait endormi. Il ne devait pas être très tard, encore. Il n'aurait qu'à monter directement dans les étages, et il prétexterait avoir dû sortir en catastrophe après avoir oublié quelque chose d'important dehors.

 

Plof-plif.

 

Sasha s'était immobilisé subitement à la vue d'une silhouette assise sur les marches. Son coeur s'était mis à battre durement mais se calma aussitôt : ce n'était qu'une élève à la longue chevelure rousse détachée. Il s'élança en avant.

 

- Alis...

 

Sa voix mourut tandis qu'il ralentit aussitôt l'allure. Idiot. Alison ne sortirait jamais par un temps pareil : elle ne se montrerait sûrement pas en pyjama. Mais finalement, il jugea que ce n'était pas une mauvaise nouvelle. Il soupira en s'approchant des marches, et bientôt la lumière des torches l'inonda lui aussi, réchauffant même vaguement la chemise mouillée qui lui collait à la peau.

 

- Charlie ? C'est marrant, parce que j'allais justement monter te...

 

Il s'interrompit de nouveau en s'immobilisant devant la petite fille recroquevillée sur les marches. Un instant, il la revit quand il l'avait ramenée ici après une nuit qui avait dû être la pire qu'elle avait dû vivre ici - du moins, c'était ce que Sasha s'imaginait. Après ça, elle n'aurait sûrement plus jamais voulu ressortir la nuit et se retrouver là, surtout par un temps pareil. Et les marches de l'escalier sur lesquelles elle était assise qui étaient trempées.

 

- Qu'est-ce qui se passe ? il demanda, quelques marches sous elle.

 

Mais Charlie restait derrière un rideau de cheveux roux, beaucoup plus sauvages et entortillés que ceux d'Alison. Décidément, les filles étaient jamais claires. A moins que ce ne fut spécifiquement les Carter.

Sasha exécuta un pas pour grimper, puis il s'accroupit pour poser un genou sur la marche suivante, tendant son pull roulé en boule devant lui.

 

- Hé, il souffla. Regarde qui j'ai ram'né.

 

Dans l'amoncellement de tissu épais et usé, un gros crapaud était tassé, à demi caché par une capuche dont il ne voulait pas sortir, terrifié par le voyage qui venait d'être le sien. Sasha haussa les épaules avant de se laisser tomber séant sur la marche en dessous de Charlie.

 

- Enfin, j'suis pas sûr que c'est lui en fait... Mais il ressemble nan ? A l'odeur, on aurait dit...

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Sasha Shevchen

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Sur les marches qui mènent à la porte principale., Dimanche 08 Octobre 2124

Sasha avait fini par déposer son pull en boule sur les marches - quand bien même il était un peu déçu de s'être trompé de crapaud. Il ferait l'affaire quand même, s'était-il dit, avant d'assister, l'air désemparé, aux grosses larmes qui noyaient le visage de Charlie.

 

Mais le chagrin de la petite fille secouée par les sanglots était pour lui beaucoup moins impressionnant qu'Alison et ses remontrances glacées. Sasha afficha une simple grimace désolée, et il lui avait tendu un bras avant même qu'elle se pendît à son cou. Le geste lui semblait tout naturel, comme celui de refermer ses bras sur son corps de fille miniature, de l'accueillir même s'ils étaient tous les deux à moitié trempés. Au contraire de ces moments où il avait approché Alison, Sasha ne se sentait pas comme un ours hirsute au contact de Charlie, ou comme une créature odieuse dont les autres élèves de Poudlard ne voulaient pas s'approcher. Mais quand la petite fille gémit sur son épaule, mouillant sa joue de ses larmes salées, un flot brutal de souvenirs l'envahit - et il ne put rien faire d'autre que la serrer contre lui un peu plus fort.

 

Un instant, sous les lumières vacillantes des torches et les quelques gouttes qui fuyaient les rebords des fenêtres pour s'écraser autour d'eux, Sasha resta le souffle coupé, les yeux grand ouverts. Son coeur battait la chamade, à tel point qu'il lui semblait que les propos de Charlie ne voulaient plus rien dire.

 

Il hoqueta.

 

Aussitôt, comme elle s'écartait, se reprit. Fit mine de s'essuyer la joue d'une revers de manche, s'essuya le nez en même temps. Quelques gestes pour gagner quelques secondes, le temps que tous les mots prissent leur sens dans sa tête. Puis ses yeux verts croisèrent ceux, encore tous remplis de larmes, de la petite fille à la marque rouge sur la joue, et malgré la découverte piteuse que représentait la trace de la dispute, il s'efforça d'avoir un sourire rassurant.

 

- C'est pas ta faute Charlie, c'est moi qui lui ai dit que j'sortais la nuit, dit-il en haussant les épaules, l'air résigné.

 

Il passa le revers de l'index sur la joue de la petite fille, là où la trace rouge s'étendait, et son sourire se transforma en une grimace brève, comme s'il était pris d'un frisson.

 

- C'est moi qui suis désolé. Ca aurait pas dû retomber sur toi.

 

Il fronça les sourcils et sa main retomba sur la pierre froide et humide. Le silence les enveloppa tous les deux quelques secondes pendant lesquelles il pinça les lèvres. Le vent aux rafales discrètes secouait de temps à autre les grands arbres près de l'allée, donnant l'impression que les végétaux s'ébrouaient après la pluie, pour se débarrasser du surplus de gouttes laissées par l'averse. L'air était saturé des odeurs du gazon humide, et le château demeurait froid et silencieux. A être assis là, sur les grosses marches centenaires, Sasha avait l'impression que Charlie et lui étaient soudain aussi minuscules que des fourmis insignifiantes.

 

En réalité, la possibilité qu'on pût le virer de Poudlard ne lui était pas vraiment venue à l'esprit. Il avait imaginé bien des sanctions - d'une nuit passée pendu par les pieds dans les cachots du château au redoublement de sa sixième année, en passant par les odieux cours de danse du bibliothécaire en guise de retenue - mais il n'avait jamais réalisé qu'on pouvait tout aussi bien le mettre à la porte.

Ca ne pouvait pas être une bonne nouvelle. Un instant fugace, il s'était dit qu'il serait alors libre de s'envoler vers l'Ukraine - mais c'était une chimère et il le savait bien. S'il était viré de Poudlard, il serait envoyé, au mieux, dans un collège de moldus ; et au pire, dans une institution réservée aux sorciers délinquants. Ni l'une ni l'autre de ses alternatives n'étaient alléchantes, et aucune des deux ne lui permettrait probablement facilement de se transformer la nuit venue pour soulager ses drôles de pulsions animales.

Comment n'avait-il pas pu réaliser qu'on pouvait le virer ?

 

- T'es pas bête, il murmura comme pour lui-même. T'es même vachement plus intelligente que moi.

 

Sasha finit par secouer le tête, comme pour retrouver pied dans la réalité. Charlie était toujours là, à le regarder avec des yeux mi-interrogateurs, mi-désespérés, et il ne put s'empêcher de sourire de nouveau devant la naïveté de la petite fille. C'était étrange, de sourire sincèrement. Il lui semblait que ça n'était pas arrivé depuis des années. Les traits de son visage s'étiraient d'une façon qui lui était presque douloureuse.

Il frictionna ses mains contre les épaules de Charlie.

 

- T'inquiète, je vais aller lui parler. Avant qu'elle aille voir la direction demain. J'suis sûr que j'vais pouvoir la convaincre. Ou presque sûr. Ok ? Comment tu fais pour la voir, toi, tu vas dans la salle commune des Serpentards ?

 

Il jeta un coup d'oeil, instinctivement, vers les fenêtres basses qui faisaient office de puits de lumière pour les cachots et donc, s'imaginait-il, la salle commune des Serpentards. Son regard revint à la petite fille.

 

- Alison t'a donné le mot de passe ? il souffla à voix basse. Tu crois que tu pourrais me faire rentrer chez les Serpentards sous ma forme animale ? Ou bien on la fait venir dans un endroit isolé ?

 

Sasha fronça les sourcils, haussa les épaules.

 

- Si t'as un plan meilleur que le mien vas-y, c'est toi le cerveau de l'équipe ! Bon. Un gros câlin pour effacer cette mauvaise dispute et après on y va, ok ?

 

Il aurait pu dire une dernière minute du film avant d'aller se coucher, ou bien une dernière cuillère d'épinards avant le dessert que son encouragement n'aurait pas sonné différemment. Et d'un geste il l'entoura de nouveau de ses bras, pour l'étreindre contre son torse trapu.

Il la serra fort.

Aussitôt, la sensation qu'il avait ressenti plus tôt rejaillit presque comme si quelqu'un avait appuyé sur un interrupteur à l'intérieur de ses entrailles : son coeur qui se remettait à battre follement, sa poitrine qui s'écrasait d'une douleur sourde à lui en couper le souffle, à tel point que Sasha devait fermer les yeux pour ne pas oublier de respirer.