Deux heures de vol par semaine suffisent amplement à maîtriser les bases d'un déplacement fluide, au moins pour des voyages courts. Sauf qu'Alison bloque, incapable de laisser son instinct prendre le dessus, persuadée qu'elle doit contrôler la trajectoire du balai au millimètre près. Incapable de suivre les conseils de Sam, elle réfléchit trop et s'épuise vite, éreintée après les vingt premières minutes d'exercice. Certes, elle a lancé la balle sans perdre l'équilibre, et certes, elle a serré ses cuisses autour du manche pour rectifier son équilibre, et certes encore, elle a tourné ses épaules au lieu de jeter son bras... mais voilà, elle refuse de lâcher prise, les muscles tendus et le regard en constant balayage des alentours, si bien qu'elle voit la blonde s'éloigner un peu de leur formation, et manque de rater la passe de Ferguson, déstabilisée. 

Le souaffle finalement coincé contre son buste, la rouquine inspire, se demande ce que prépare Sam, et surveille aussi le Poufsouffle du coin de l'œil. Elle est terriblement concentrée tandis qu'en-dessous, d'autres élèves curieux arrivent dans les gradins. Tous veulent juger ce que vaut la Championne de Poudlard, davantage connue pour ses mini-jupes que ses performances sportives.

Elle hésite à relancer la balle mais cède aux appels du brun. C'est lorsque son bras se lève qu'une bourrasque la bouscule complètement sur le côté. La sorcière perd le contact des étriers et remue bêtement ses jambes en s'agrippant à deux mains au manche. Elle lâche le souaffle, récupéré sans peine par le batteur de Poufsouffle. À peine stabilisée, son regard cherche les deux autres ; elle a merdé et le sait. 

Pourtant, loin d'abandonner, Alison se redresse et attend la prochaine consigne, le prochain conseil, n'importe quoi qui pourrait l'aider à s'améliorer avant le tournoi. 

Les sourcils d'Alison se lèvent, dubitatifs. Se détendre en étant contre vents et marées à cheval sur un balai, menacée de recevoir des cognards en pleine tronche ? L'Écossaise se demande ce que fait Sam lorsqu'elle veut se challenger. Elle hoche silencieusement du menton cependant, consciente de leurs nombreuses différences. Si tu l'dis. 

Quelques secondes plus tard, la blonde réussit le sortilège de gravité variable, sous l'œil fier d'Alison qui sent avoir joué son rôle dans l'amélioration du résultat. De rien, répond-elle en étirant son bras endolori par la succession d'exercices. Elle inspire, expire, jette un regard aux mannequins. On a fait une bonne séance, décide-t-elle alors, satisfaite d'avoir pu explorer une dizaine de nouvelles formules, toutes au programme des deux prochaines années. 

— J'vais finir par un peu de métamorphose, c'est hyper utile, ajoute la cadette en exécutant un aller-retour pour prendre l'une de ses fiches de révision sur la table où gisent ses affaires. Elle récupère aussi sa baguette, et analyse les formules. Mh, modelage. Son bras se tend, la feuille au bout de son autre main. Elle tente d'imaginer l'effet et dessine une vague. Plasticinum. 

La cible de bois semble fondre et s'étale au sol. La Serpentard penche sa tête de côté, dépitée. J'visais un vase à la base.

— Il a raison, commente Alison sans ciller à propos des dragons, les yeux posés sur Sam. Elle choisit toutefois d'ignorer partiellement le brun, focalisée sur les explications de sa partenaire d'entraînement du mois de septembre, et jette un regard au ciel grisâtre percé de lueurs matinales aux tonalités rosâtres. Qu'elle le veuille ou non, le quidditch fait partie de sa vie, tout comme les nuages d'Écosse appartiennent au ciel de Pré-Au-Lard. La réflexion de Ferguson attire son attention, mais elle se retient de le regarder, et hausse les épaules en fixant la blonde. J'm'inquiète pas, rétorque-t-elle, bien décidée à renvoyer l'image de forte tête qu'elle arbore normalement, et à faire oublier l'épisode du placard au Poufsouffle. Faites c'que vous avez à faire, on sait tous que ça va être pire au tournoi, déclare finalement Alison en attrapant les lunettes tendues par Gus, puis un balai de l'école. 

Bien sûr, avec ça sur le visage, elle aura le visage rond d'une grenouille et les globes oculaires exorbités, sauf qu'elle enterre le sentiment d'avoir l'air ridicule derrière une couche de volonté et l’appréhension de foirer l'exercice devant les deux sixième années.

Pire encore, au moment où Alison enfourche son OCQ400 - affublée des lunettes de vol, un petit groupe d'élèves curieux fait son apparition aux abords du terrain. Elle souffle du nez, frappe son pied au sol, et prend de la hauteur avant de se diriger au-dessus d'eux. Vous faites quoi là ? demande-t-elle aux sorciers de deuxième ou troisième année venus soutenir La Championne de Poudlard pendant l'entraînement. Très vite, l'adolescente comprend qu'ils vont rester, et s'éloigne pour écraser la boule de stress que cet emballement réveille au creux de son ventre.  

— Ils font chier putain, maugrée-t-elle en prenant des allures d'Owen Carter, tandis qu'elle entame un tour en suivant l'ovale intérieur du gradin. 

À peine quelques secondes plus tard, elle reçoit le souaffle, comme lancé de nulle part, bien au centre de ses bras. Surprise, la cadette rattrape de justesse la balle en lâchant l'une de ses mains du manche. Elle cherche Sam et Gus, dispersés autour d'elle, et répond au signe de la blonde en lui relançant le souaffle d'un geste moins précis, ses phalanges crispées sur le balai, et sur la balle aussi. Loin d'avoir la posture sportive des deux joueurs, elle survole l'échange de balle, mais peine à gérer la trajectoire dans les trois dimensions en même temps que de suivre le jeu. Elle galère, et s'en veut d'avoir mis le vol au dernier plan pendant sa scolarité - juste à cause du quidditch, juste car elle ne voulait pas qu'on lui rappelle qu'elle était la fille d'Owen Carter, qu'on la compare à lui. Elle voulait sa propre personnalité, et la voici idiote aujourd'hui. 

La fossette droite d'Alison se creuse lorsque Sam complimente sa compagnie. Sans un mot, elle dépose cette remarque anodine dans un coin de son esprit, satisfaite à son tour de l'ambiance de travail qu'elles ont réussi à installer de manière totalement fortuite. Essaye, encourage-t-elle d'un signe du menton en désignant le mannequin de la blonde ancré au sol, à côté du sien, fraîchement atterri. Mais la Poufsouffle rate, et récupère sa baguette. 

— J'sais pas si y'aura vraiment besoin d'se dépenser entre les épreuves, commente l'Écossaise, loin d'ériger le sport au centre de sa vie, et persuadée que le tournoi sera déjà une source d'activité suffisante pour les trois champions. Elle semble réfléchir quelques secondes, puis s'adresse à nouveau à Sam. Tu devrais appuyer le a. Vacuus, pas "vacuus", explique-t-elle en changeant la place de la tonique d'un exemple à l'autre. Attends, j'essaye de recommencer. Gravitas Vacuus. 

Les doigts d'Alison se meuvent lentement à nouveau, et après quelques secondes son mannequin retourne dans les airs, aussi léger qu'une plume. Il flotte au-dessus du sol, ignorant la gravité, puis retombe doucement et retrouve l'estrade. T'as entendu comment j'ai prononcé ? demande la cadette Carter, pourtant peu habituée à prendre le temps de donner des conseils. 

Rajustant machinalement ses cheveux en observant la blonde, Alison acquiesce à ses propos, convaincue que l'entraînement doit être au minimum éreintant pour porter ses fruits lors du tournoi. Là-bas, qui sait ce que les champions devront affronter ? Elle continue de regarder la Poufsouffle qui soulève son mannequin, et sourit, satisfaite de la voir exceller. T'as rien vraiment raté depuis d't'à l'heure, c'est fou, consent-elle à déclarer, agréablement surprise de constater que la joueuse de quidditch donne un meilleur résultat global qu'elle ne le pensait, et aussi un brin jalouse de ne pas avoir fait une suite de succès comme celle de Sam. 

— Si t'es choisie, tu vas continuer le quidditch en plus du tournoi et de l'école ? J'crois qu'on n'aura pas spécialement d'aménagement d'horaires en dehors des épreuves. Elle replace ses manches et fixe sa cible bien amochée par les précédents sortilèges. Elle veut continuer à travailler en manumagie, et choisit une autre formule, Lilly lovedoll toujours cachée. Gravitas Vacuus. 

Les doigts d'Alison se meuvent lentement, et les bras du mannequin de bois commencent à se soulever, puis son corps entier. Bientôt, il flotte au-dessus du sol, ignorant la gravité, et retombe doucement mais sûrement à sa place après quelques secondes. Elle étire une moue ravie. 

"D'accord. On fait ça quand ?", avait sobrement répondu la Serpentard mercredi, lorsque Sam est venue lui proposer un entraînement similaire à ceux du quidditch, en écho à leur conversation de septembre. C'est plus ou moins à ce moment-là que les paroles de Ferguson ont pris sens aux oreilles d'Alison : "tout Poudlard est derrière toi". Parce qu'au-delà des Poufsouffle de sixième année, la cadette a ouvert ses yeux sur l'admiration palpable des jeunes à son égard, de grands sourires émerveillés aux lèvres quand ils la croisent dans les coursives du château, et sur les attentions particulières des autres étudiants, qu'elle était bien incapable de remarquer deux jours auparavant. Ce simple constat lui a donné l'énergie nécessaire à organiser une véritable préparation autour de son planning de cours. 

Sous les conseils de son camarade de classe - et plus si affinités - le célèbre poursuiveur Spike Ryder, l'Écossaise s'est mise à travailler son cardio dès le jeudi, soit à J-16 de la première épreuve, en effectuant des tours de parc au petit matin et le soir aussi. Un exercice particulièrement difficile lorsqu'on ne fait pas de sport au quotidien, mais auquel l'adolescente se plie, ambitieuse quant à ses chances de réussir. 

Alors aujourd'hui, elle arrive les joues encore rouges et chaudes sur le terrain de quidditch, le souffle détendu par trente minutes de course à pieds et dix d'étirements sous un large chêne. Les bras levés, la cadette rattache sa frange sous une petite pince en regardant tour à tour Sam, puis Ferguson. Prévoyante, la rouquine avait emporté une tenue sèche de rechange - absolument identique à la précédente - qu'elle a pu enfiler rapidement grâce à l'enchantement d'habillement ; un sortilège bien connu des familles sorcières. Pratique, si on omet quelques plis ici et là sur le tissu. 

— Salut, se contente-t-elle d'énoncer avant de rajuster son pantalon technique OCQ en tirant dessus légèrement, et de redonner une forme convenable au t-shirt thermique qu'elle porte près du corps. Ça m'dérange pas, ment-elle à moitié, un œil incertain posé sur le batteur et le matériel à leur disposition. Est-ce qu'il est venu pour voir une Carter se ridiculiser à dos de balai ? Lui dire qu'elle est remplaçable et que lui n'a peur de rien ? Ou juste lui filer un réel coup de main ? Tant pis, Alison choisit d'ignorer les questions que la présence de Ferguson a fait naître dans son esprit, et de se concentrer sur l'essentiel : le tournoi. 

J-14 ! peut-on lire en lettres dorées au milieu des gradins.

Le décompte excite autant qu'il effraie. 

La deuxième fille du Géant écossais avise les OCQ400 de l'école rangés en ligne non loin de l'entrée des vestiaires, et acquiesce en direction de Sam. Ouais j'suis prête, j'ai déjà couru une demi-heure là, donc dis-moi c'qu'on fait, déclare-t-elle en camouflant son appréhension. 

"un autre chauve-furie" ? La cadette questionne Sam d'un regard intrigué, sans avoir besoin d'attendre plus longtemps pour constater que l'exécution du sortilège est un échec. La main devant sa bouche amusée, elle lève les sourcils en voyant la blonde esquiver une attaque de son mannequin. J'vais pas retenir ton idée, tu m'en veux pas hein ? ricane-t-elle, sourire au coin des lèvres, en se remettant en position face à sa cible désormais assaillie par le double de chauve-souris. 

— Un ventus, par contre... j'vais l'essayer en manumagie, consent la rouquine d'un hochement de menton déterminé. Elle range Lilly lovedoll à l'intérieur de la poche de sa robe salopette, et fixe le visage dévoré par les bestioles de son mannequin. C'est deg putain, commente-t-elle en fronçant son nez, juste avant de tendre le bras, les doigts écartés. Une bourrasque assez dense suffirait à les dégager de là. Elle imagine le vent tournoyer entre elle et l'extrémité de l'estrade, et se concentre sur la bonne prononciation. Ventus !

La bourrasque est beaucoup trop faible. Rien ne se passe. Toutes les chauve-souris finissent par disparaître lorsque le maléfice arrive à son terme, leurs cris stridents s'effaçant en même temps qu'elles. Ok, j'sers à rien, conclue Alison, vaguement dépitée.

La réaction de Sam attire l'œil d'Alison. Les Poufsouffle se protègent entre eux, contrairement à sa brochette de "potes" qui n'hésiteraient sans doute pas à ricaner dans le dos de la Serpentard. D'ailleurs, la rouquine n'a jamais eu de relation d'amitié fille-garçon ; est-ce que ça existe vraiment ? Elle fixe la blonde, se demandant si son coéquipier de quidditch lui a raconté leur St-Valentin. Personne n'a jamais parlé à Alison de cette soirée, en dehors des rumeurs provoquées par le suçon violet qu'elle portait contre sa gorge toute la semaine suivante. Elle en a simplement déduit qu'il avait gardé le secret, exactement comme elle - mais pour quelles raisons ? Dubitative, elle hausse les épaules en retour au geste de sa camarade de sixième année. Bah j'sais. J'étais aux mêmes cours de soutien qu'vous hein, rétorque-t-elle, le souvenir des derniers exercices de 5ème en tête, avec la bataille au milieu du terrain de quidditch, et leur binôme en soins aux créatures magiques. J'dis pas qu'il peut pas gagner, j'dis juste qu'il va faire son sketch quoi, ajoute Alison, avant d'assister à la défense de Sam contre une attaque inopinée de son mannequin. Elle-même lance un regard à sa cible, et sans prévenir, décide de s'y remettre en tendant le bras. 

Avec l'extrémité de Lilly lovedoll, elle dessine plusieurs rebonds, et dans sa tête, elle prononce la formule souhaitée, en visualisant du mieux que possible ses effets. 

Aussitôt, quelques chauves-souris minuscules et bruyantes apparaissent et s'accrochant à la face en bois de son adversaire, qui recule, déstabilisé. L'étudiante grimace, s'imaginant elle-même sous l'emprise du maléfice. Tu f'rais quoi pour te défendre de ça ? demande-t-elle à Sam. 

Permettez-lui de douter, quand Ferguson affirme qu'il voulait - soi-disant - pas se foutre de sa gueule, en s'approchant avec son sourire en coin pour venir se mettre entre elle et la sortie. L'Écossaise jette un regard désabusé au brun, incapable de le croire. Il passe littéralement sa vie à se moquer de tout, alors pourquoi pas d'elle aujourd'hui ? Elle soupire, le ventre plus léger mais l'esprit encore lourd.

Par mimétisme, la cadette fixe les chaussures sales et désordonnées du Poufsouffle, à côté de ses Derbies vernies, serrées l'une contre l'autre, alignées au bord de la marche. Il aurait pu juste s'en aller, sauf qu'il persiste, et révèle enfin le fond d'une pensée rassurante aux yeux de la cadette Carter. Elle reste muette, à l'écoute de ses propos, balancés l'air de rien, et pourtant précisément attendus par l'étudiante solitaire. D'abord immobile, elle hoche finalement la tête, tournant son visage vers Ferguson lorsqu'il annonce que "ça f'rait chier" qu'il lui arrive un truc. Leurs regards se croisent brièvement, gênés, chacun dans une zone d'inconfort palpable. L'Écossaise entrouvre les lèvres, voudrait dire merci, mais la voix d'Horace retentit et la fige sur place.

Y'avait une retenue. 

Il la suivait pas. 

Surprise, elle reste assise, le regarde se lever, s'activer, sans savoir quoi penser de leurs deux conversations. Il se cogne, elle retient un rire en plaquant sa main contre sa bouche, bêtement amusée par ses airs brouillons. La pression redescend d'un cran. 

L'adolescente continue de suivre des yeux la silhouette agitée du Poufsouffle tandis qu'il passe devant elle, et rejoint le bas de l'escalier. Hey Ferguson, l'interrompt-elle en serrant ses genoux l'un contre l'autre. C'qu'Alison Carter veut, Alison Carter l'obtient, tu t'rappelles ?

C'est mal connaître Alison que de croire qu'elle va abandonner si rapidement après un échec. Si jamais son père avait des doutes, il apprendra aujourd'hui qu'elle est tenace, et qu'elle s'est forgée une personnalité adaptée à sa vie au milieu d'un nid de serpents, où les plus faibles se font vite dévorer par les autres. La cadette a toujours refusé d'être du côté de ceux qui se font bouffer. Dès ses premières heures à la table des vert et argent, elle a décidé qu'elle ne se laisserait jamais faire. 

Face au colosse hésitant, elle ne réfléchit pas longtemps et retente son sortilège de désarmement, le bras tendu fermement, les phalanges blanches, la bouche serrée. Elle veut qu'il comprenne, et visualise l'effet de la formule, avant de dessiner le geste parfaitement.

— Experlliarmus ! L'éclair fuse vite. Owen a cependant levé son bras valide pour riposter en miroir. S'il échoue, sa baguette voltigera, rebondira contre le carreau, et tombera au sol, entre eux deux. 

À force de traîner h24 ensemble, certains élèves de Poudlard ont formé des groupes solides, indissociables, comme celui des Poufsouffle de sixième année. Ils partagent leur emploi du temps, des passions communes, et même des réactions similaires en fonction des situations. Devant Alison, la batteuse prend des airs de Ferguson. Les sourcils d'abord levés de surprise, elle rit finalement, amusée par l'imitation - qui n'en est peut-être pas une, qui sait ? - et observe curieusement le manège de la blonde. C'était quoi ça ? Pouffe-t-elle, avant de voir Sam réussir son sortilège sans la moindre baguette entre les doigts. 

— Joli, décrète Alison, motivée par les succès à répétition de sa voisine. Elle-même décide de rester sur les informulés, décidant qu'elle a besoin d'encore quelques essais pour valider son premier test de cette journée. Imagine c'est Gus, le champion de Poudlard, lance-t-elle en fixant sa propre cible, le temps de trouver une formule dans sa liste mentale. Il va nous faire un bordel, ajoute finalement la rouquine, les joues rebondies d'un sourire vrai. J'veux pas savoir, finit-t-elle par dire, avant de se concentrer. 

Muette, du bout de Lilly lovedoll, elle dessine trois traits brefs, nets, et visualise l'effet. 

Immédiatement après, trois flèches s'élancent depuis la baguette pour venir se planter autour du mannequin, l'une d'entre elles en plein dans sa tête, et les autres au sol. La Serpentard penche sa tête de côté et pousse sa bouche en une moue de satisfaction évidente. 

Face à l'air dubitatif de Sam, la Serpentard doute aussi. Bien sûr, un riddikulus serait parfait, et bien sûr, un coup de vent n'éloignera pas la peur d'Alison à l'autre bout du terrain.  Mais ça pourrait lui faire gagner du temps ? Elle peine à imaginer la situation, n'ayant pas les talents de Charlie en matière d'improvisation. Elle ravale sa salive, fixe la gestuelle de la Poufsouffle et comprend que celle-ci tente un informulé en voyant sa baguette tourner. Le résultat est immédiat et la rouquine ressent une pointe de jalousie. Trop bien, déclare-t-elle à voix haute, impressionnée par la réussite du premier essai de sa partenaire d'entraînement. 

— J'vais le tenter aussi, décide-t-elle immédiatement, incapable de laisser la blonde être la seule à progresser sur cet exercice. J'vais rester sur ma bourrasque par contre. Ventus ! pense-t-elle distinctement en dessinant une spirale avec l'extrémité de Lilly lovedoll.

Une bourrasque s'échappe de la baguette en chêne rouge et fonce en direction du mannequin. Il vacille, recule, mais retrouve son équilibre. Toujours utile quand même, en déduit Alison dans un haussement d'épaules.

Le malaise palpable de Ferguson sonne comme une preuve de sa repentance aux yeux d'Alison. Elle l'entend hésiter, se justifier, inventer une histoires de retenue incohérente au possible, et enfin, lui proposer de l'accompagner à l'infirmerie. Il n'aime pas ce qu'il voit, et elle n'aime pas qu'il voit ça. Les voici cons tous les deux, pris au piège de leurs propres échecs. 

La rouquine crispe son visage, incapable d'accepter l'aide du Poufsouffle alors qu'il vient de la blesser, volontairement ou non. Au prix d'un effort considérable, elle reprend ses esprits, tousse une dernière fois et essuie encore sa bouche blême avant de se redresser pour faire face au brun. Ça va merci, répond-elle en le poussant légèrement tandis qu'elle s'extirpe du placard, les plis de sa jupe complètement désordonnés, les jambes cotonneuses. 

On peut lire l'amertume dans l'expression d'Alison, même lorsqu'elle appuie ses épaules contre le mur, et s'occupe de remettre correctement ses cheveux, les lèvres pincées. J'ai l'habitude de gérer seule pour de vrai, d'être déçue par les gens - te donne pas cette peine, ajoute-t-elle en ajustant le nœud de sa cravate verte striée de bandes argentées. Son regard trouve celui de Ferguson, plus calme que lorsqu'il tapait du point sur la pierre. Elle a déjà vu son père frapper des murs, sauf qu'elle n'avait jamais eu sa tête aussi près. Après tout, la réputation de brute du batteur n'est plus à faire depuis longtemps. Alors elle ne dit rien, se contente de baisser les yeux en direction d'une poche de sa robe de laquelle elle sort une boîte en carton, et de celui-ci un chewing-gum. 

À l'intérieur du placard, les ustensiles de nettoyage s'affairent en silence. La cadette Carter mâche son chewing-gum, incapable de retourner dans les couloirs comme ça, surtout maintenant qu'encore plus de regards sont braqués sur elle en permanence. 

Elle s'assoit au bord de la première marche de l'escalier en bois. C'était pas un reproche. De dire que t'avais peur de rien, confesse-t-elle enfin en fixant le contour de ses ongles soignés. 

Au-delà des consignes de chaque épreuve, même le règlement du tournoi est complètement obscur. Rien n'est répertorié nulle part concernant les interdits et les possibilités en cas de danger, et c'est naturellement que les élèves s'imaginent donc tout et n'importe quoi à propos de la sécurité pendant l'événement. L'exemple qui revient le plus souvent a plus d'une centaine d'années et appartient au tristement célèbre Harry Potter et son concurrent Cedric Diggory, tous les deux aspirés par le trophée de la dernière tâche qui était en fait un portoloin. Le deuxième n'est jamais revenu. 

Incertaine, la cadette Carter répond à son interlocutrice en haussant les épaules. J'suis plutôt douée dans tout c'qui s'apprend par cœur, et j'ai un plus de mal quand il faut du feeling, de l'impro ; d'où le balai. Elle fixe Sam, trouvant un intérêt évident à sa proposition. 

— J'suis pas hyper patiente pour enseigner des trucs aux autres, mais j'peux te filer mes fiches de révision d'histoire, y'a vraiment tout dessus, répond-t-elle, confiante lorsqu'il s'agit de la qualité de ses prises de notes, qu'elle n'hésite jamais à améliorer plusieurs fois s'il le faut. Ses prunelles marron s'écarquillent en voyant le sortilège manquer la Poufsouffle de peu. Celle-ci riposte immédiatement, et la rouquine approuve d'un signe de tête. C'est clair. Les épouvantard sont au programme de cinquième année, sauf que les cours demeurent insuffisants.

Après, peut-être qu'en l'absence de pratique du sortilège d'expulsion, il y a moyen d'utiliser une alternative. La Serpentard réfléchit, puis tend sa baguette en fronçant le nez, peu sûre d'elle. 

— Ventus ! prononce-t-elle en dessinant une spirale avec l'extrémité de Lilly lovedoll. Une légère brise s'en échappe insuffisante pour déstabiliser le mannequin. Si ça se trouve, ça peut retarder un épouvantard si on le travaille bien, ça, en déduit Alison.