Harry Potter RPG

Liste des messages de Sasha Shevchen

Sasha Shevchen

Homme

17 ans

Sang-mêlé

Ukrainien

L'insoutenable légèreté du silence

Message publié le 05/11/2024 à 17:41

Samara.

 

Sasha n’était pas allé jusque-là. Il aurait dû ; il s’était fait choper sur le versant nord-ouest d’une montagne, à quelques dizaines de kilomètres de là. L’amertume le fit déglutir, ses yeux braqués sur le lac en face. Les enfants qui jouaient, il ne les voyait même plus : il se souvenait d’avancer dans un village, persuadé d’arriver à rejoindre sa brigade, quelques heures avant le sortilège qui l’avait immobilisé et qui avait déclenché la série idiote d’évènements jusqu’à se retrouver dans un parc d’attractions pour enfants en Angleterre. Pourtant, indirectement, il avait participé à la bataille de Samara.

 

Quand Anya enchaîna, toutefois, Sasha sentit son corps se tendre. Il retint son souffle. Il resta parfaitement immobile, les yeux fixant toujours devant lui, s’humectant une nouvelle fois les lèvres comme un tic qu’il ne maîtrisait pas – encore moins maintenant.

 

Son frère s’était battu dans le camp adverse.

 

Ce qui signifiait qu’elle aussi était dans le camp adverse.

 

Sasha resta parfaitement silencieux un long moment. Il clignait seulement des yeux, exhortant son cerveau à fonctionner plus rapidement, le plus rapidement possible. Mais il n’arrivait pas à prendre de décision. Il aurait dû se lever immédiatement, cracher à la figure d’Anya et lui ordonner de ne plus jamais lui adresser la parole. Les copains auraient dit qu’il aurait dû l’emmener dans la forêt et la supprimer, ne serait-ce que pour la vengeance. Mais son corps refusait d’agir dans un sens ou dans l’autre. Il était retenu par il ne savait quoi ; le fait qu’elle parut si humaine, le fait qu’elle croyait qu’il était dans son propre camp, et il avait cette envie absurde d’entretenir le mensonge.

 

Sasha finit par déglutir en prenant une inspiration, puis il tourna la tête lentement vers elle.

 

Et il acquiesça, sagement.

 

L’accès à des informations changeait tout.

 

Как вы это получите ? (Comment tu fais pour l’avoir ?)

 

Il aurait payé cher. Mais de là à payer l’ennemi ? Il voulait savoir, lui aussi. Quand il avait quitté le territoire, ses amis défendaient Brovary. En pure perte. Il se demanda ce qui était arrivé à Andriy, Dmytro et Bohdan. Est-ce que des frères d’Anya les avaient abattus ? Ou pire… ?

 

-  Я... я бы не поверил, il dit, pour meubler le silence. (Je… j’aurais pas cru.)

 

Il ne pouvait pas se résoudre à paraître joyeux quand il lui semblait qu’un boulet de plomb lui était tombé dans l’estomac. Et puis, mille questions se bousculèrent à ses lèvres, et il s’anima soudain, basculant sur ses genoux.

 

-    Знаете ли вы, чем закончилась Сызранская битва ? Они переправились через реку ? А волшебники Казахстана ? Они наконец пришли ? Обещали... То есть, кажется, обещали приехать ! (Est-ce que tu sais comment s’est terminée la bataille de Syzran ? Est-ce qu’ils ont traversé le fleuve ? Et les sorciers du Kazakhstan ? Ils sont venus finalement ? Ils avaient promis… Je veux dire, il paraît qu’ils leur avaient promis de venir !)

 

Sasha s’exhorta à ralentir le rythme, ne serait-ce que pour éviter de commettre une erreur avec des mots qui trahiraient sa propre affiliation.

 

-   Я хочу прочитать это сам, il exigea subitement. (Je veux lire moi-même.)

 

C’avait l’air d’être pour lui une question de vie ou de mort – les nouvelles en Angleterre étaient toujours floues, anecdotiques, surtout concernant le volet magique de cette guerre. 


L'insoutenable légèreté du silence

Message publié le 05/11/2024 à 16:31

Il n'avait rien répondu au sujet du frère présumé mort. Présumé mort, pour Sasha, ça voulait dire mort. Mais pour elle ? Il aurait peut-être dû présenter ses condoléances. Mais ne devait-on pas avoir une forme d'empathie, quand on transmettait ses condoléances ? Il ne ressentait rien du tout. La réponse d'Anya n'était que pure logique. Il préféra respecter le silence que perturbaient quelques voix, à bonne distance d'eux. Des élèves qui riaient, comme dans un autre monde. Inconscients.

 

Le regard soudain d'Anya lui fit avoir un mouvement de recul.

 

- Evidemment qu'j'irai !

 

Il avait presque craché en s'exclamant, comme si la question était en soi une insulte. Finalement, il comprenait peut-être la frustration d'Anya de ne pas avoir été autorisée à aller se battre. En même temps, paradoxalement, il trouvait mieux qu'une fille comme elle n'y fut pas allée.

Il s'humecta les lèvres avant d'ajouter en parlant plus lentement, comme pour se donner le temps de retrouver une contenance plus apaisée.

 

- Et dans les rangs, des fois, y'a des filles. Elles sont venues même qu'elles avaient pas le droit.

 

Il n'y en avait pas beaucoup en réalité, et elles ne duraient pas longtemps, de son expérience. Non pas qu'elles fussent moins fortes ; la réalité était que pour elles, la guerre était dure parce qu'en plus du combat, il fallait supporter des armées de camarades qui bavaient devant la perspective de se rapprocher de l'unique fille disponible dans les parages. De l'expérience de Sasha, ces filles s'échappaient vite. Enfin, il espérait que celles qu'il n'avait pas revu avait bien disparu de leur propre volonté.

Cette pensée l'incommoda et il la repoussa - il n'y avait jamais pensé avant. Sûrement que ce n'était que l'effet de l'endroit où lui avait combattu, se rassura-t-il. On disait que les sorcières s'étaient très bien mêlées à d'autres batailles magiques, au point d'en être les principales artisanes, dans d'autres régions du continent. Et tant d'entre elles pouvaient aussi être de très bonnes espionnes. Cela, il en était tellement sûr qu'il décocha un regard suspect vers Anya. Mais il n'y avait sur le visage de la jeune fille que cette expression de femme indépendante et rebelle.

Sasha déglutit, bougea comme pour s'asseoir plus confortablement, essayant de ne pas paraître perturbé par la proximité de la russe.

 

- Il s'est battu où, ton frère ? il dit sur le ton de la conversation.

 

Sous-entendu : il était dans quoi ? Il se battait pour qui ? Sasha n'arrivait pas à poser la question franchement : se battait-il pour la Division Obscuro ? Il avait ce mauvais pressentiment, qu'Anya et lui ne faisaient pas partis du même monde, même s'ils étaient tous les deux des réfugiés pour les autres élèves de Poudlard. Comme les faces d'une même pièce, ils étaient forgés dans la même matière mais ne pourraient jamais se rencontrer.

Ou peut-être qu'il se faisait des idées.


Le Philtre de Paix

Message publié le 05/11/2024 à 15:48

Sasha aurait voulu transplaner instantanément sur un autre continent. Pourquoi Alison avait-elle besoin de se glisser sous son bras ?! Il était tellement tendu qu’il crût avoir bientôt une crampe – mais ça, c’était avant d’entendre Alison raconter qu’il devait se faire pardonner. Il l’écouta les dents serrées et les yeux ronds, si bien qu’on eût l’impression qu’il était en train de souffrir d’une indigestion. L’une des filles donna un coup d’œil dégoûté à la main qui reposait sur l’épaule d’Alison, et Sasha eut une grimace qui mimait un grognement silencieux, histoire de la dissuader de faire un commentaire sur ses cicatrices.

 

Lorsqu’il crut que la torture était enfin terminée, que les vipères se dispersèrent vers la salle de cours, Alison n’en avait pas fini avec lui : quand elle resserra son nœud, avant de poser doucement ses lèvres sur les siennes, il se sentit minuscule d’ignorance, et paradoxalement beaucoup trop engoncé dans ses vêtements par la situation : il se figurait qu’il avait l’air d’un ours en chemise et cravate, avec des griffes qui disparaissaient dans les poches de son pantalon, et qu’une petite fille s’était perchée sur la pointe de ses pieds pour lui coller un bisou sans s’apercevoir qu’il avait la truffe humide et des poils blonds épais plein le museau.
Par acquis de conscience, quand elle le libéra, il passa vite une main sur sa bouche – non pour s’essuyer, même si Alison l’interpréterait peut-être ainsi, mais pour vérifier s’il n’était pas tout velu : mais non, il était rasé fraîchement du matin, fort heureusement.

 

Et puis, toutes les instructions tombèrent en même temps et il paniqua vaguement : comment est-ce qu’il allait se présenter au professeur ET tirer la chaise d’Alison en même temps ? Et retirer sa robe ? Pourquoi diable se déshabillerait-elle devant tout le monde ?!
Un peu trop pressé de ne rien oublier dans ce fatras d’indications, il entra certes un peu brusquement – sans anticiper qu’Alison s’arrêterait juste là, devant. Ils se coincèrent stupidement, et Sasha ne connaissait qu’une seule manière de se sortir de là : il s’arracha avec un pas en avant, manquant d’emporter avec lui Alison et probablement le mur du cachot. D’autres rires, plus ouverts, se déclenchèrent subitement, et ils avaient bien sûr attiré l’attention du professeur.

 

Ce dernier avait un visage plein de bonhommie, mais sur lequel passa à cet instant une expression d’ennui profond.

 

-    Bonjour, articula Sasha. 
-   … Et vous êtes ? questionna le professeur en haussant les sourcils. 
-    Mister Brooks ! se rappela le Gryffondor.

 

Le professeur battit des cils, circonspect.

 

-    Non, Mister Brooks, c’est moi.

 

Cette fois, ce fut l’hilarité générale dans la classe. Sasha avait écarquillé les yeux, plein d’incompréhension, tandis que le professeur gardait parfaitement son calme malgré le bruit ambiant. Puis Sasha comprit. Il pinça les lèvres avant de se redresser, rigide.

 

-    Sasha Shevchen, Gryffondor, 6ème année. Je suis affecté au cours de 5ème année pour un rattrapage en potions, sir.
-    Aaah, oui, c’est vrai. Bon, fit le professeur avec une moue dans laquelle Sasha crut lire : encore un.

 

Les rires se dissipaient enfin. Monsieur Brooks fit mine de se retourner vers la classe, fit un pas, puis revint vers Sasha en écartant les bras.

 

-    Bon restez pas planté là, allez vous asseoir !

 

Sasha fit un demi-tour sec pour s’éloigner du professeur et du tableau – zone devenue maudite. Alison avait ralenti près d’une paillasse dans les premiers rangs, mais il l’attrapa par le coude pour l’emmener vers le fond, suivi à son grand désarroi d’une bonne vingtaine de paires d’yeux. Alors, le regard noir, il jeta son sac à terre, avant de s’occuper d’Alison. Avec autorité, il lui retira son sac pour le poser sur la paillasse, tira un tabouret pour la faire asseoir en la maintenant par les épaules.

 

Il s’immobilisa soudain en la regardant : elle gardait sa robe ou pas ? Un signe. Il faudrait qu’ils convinssent d’un signal clair. Deux battements d’yeux, peut-être, ou quelque chose comme ça. Sasha se pencha vers elle, ayant déjà la solution en tête.

 

-    Dans les cachots il fait froid, tu restes habillée.

 

Voilà.

 

Lorsqu’il s’assit à son tour, il s’aperçut qu’il conserverait lui aussi sa robe sur sa chemise, pour une raison simple : il était en nage. Sa chemise lui collait à la peau, et lui semblait que de son col désormais trop serré s’échappait un mince filet de vapeur brûlante, qui lui réchauffait le cou et ses joues devenues toutes rouges.

 

Heureusement, le professeur avait commencé son long monologue d’entrée en matière. Il expliquait sûrement des choses importantes, mais Sasha était trop occupée à garder les mains sur la paillasse en tâchant de réguler sa respiration, et il ne comprenait soudain plus rien à l’anglais. Au bout d’un moment, il aperçut le regard exigeant d’Alison, et il se rendit compte qu’elle avait sorti plumes et parchemin : alors il en fit autant. Mais comme il n’arrivait pas très bien à reprendre le fil du cours, il ne savait pas quoi écrire : Sasha jeta un coup d’œil par-dessus la manche de sa voisine. 
Alison avait une écriture ronde et féminine, sans tâche aucune. Elle prenait un soin particulier à souligner des mots avec des couleurs différentes, manipulant entre ses doigts parfaitement lisses une plume aux reflets élégants, si bien qu’il semblait que son parchemin était une œuvre d’art. Il baissa les yeux sur son propre parchemin : c’était écrit « Potions 1 » et seulement ces caractères étaient déjà illisibles : on aurait dit qu’une souris avait marché dans un pot d’encre et était passée par là. Il se pencha en avant pour essayer de s’appliquer à son tour. Sa plume de pigeon crissa grossièrement sur le parchemin.

 

- Pourquoi t'as dit qu'il fallait que je me fasse pardonner, grommela-t-il à voix basse. J'avais rien à me faire pardonner. 

 

Le cours théorique ne fut pas trop long, Mister Brooks souhaitant ne pas perdre de temps sur le travail pratique qu’ils avaient à faire ce jour : préparer un philtre de paix, et la première étape était très simple puisqu’il suffisait d’allumer le chaudron qui se trouvait devant eux, sur la paillasse. Les autres élèves sortaient déjà leur baguette. Sasha avait retrouvé des couleurs plus claires, même si la perspective d'allumer un feu le faisait déjà trop transpirer d'avance. Il soupira, exténué déjà par ce cours qui ne faisait que débuter.

 

-    Tu veux l’allumer, ou je le fais ? demanda-t-il, morne.


L'insoutenable légèreté du silence

Message publié le 04/11/2024 à 21:00

Il avait enfoncé un peu plus la tête entre ses épaules, si c'était encore possible, en détournant le regard. Il sentait une drôle de brûlure au fond de l'estomac, un truc qui tordit sa bouche quelques instants, lui donnait un goût amer tandis qu'il s'obstinait à rester silencieux.

La vérité, c'était que Sasha n'en savait rien, de ce qui se disait en dehors des grottes que lui avait traversé. Il venait d'un petit village, et ce qui se disait là-bas et sur le front n'était sûrement pas ce qui se disait de là où venait Anya. Il voyait bien, qu'elle était plus cultivée que lui, et que ce ne devait sûrement pas être seulement parce qu'elle était restée plus longtemps que lui sur les bancs de l'école.

 

Alors il resta silencieux de nouveau. Décidément, leurs conversations étaient comme ça : remplies de silence.

 

Ce fut elle qui parla de nouveau, et Sasha dut se concentrer pour ne rien laisser transparaître de sa surprise sur son visage. Il risqua néanmoins un regard, parce qu'elle s'était accroupie de lui, et de nouveau son coeur se mit à battre avec sa suspicion habituelle. Est-ce que ce frère qu'elle évoquait, c'était un prétexte pour percer ses défenses ? On lui en avait tant dit sur les femmes russes que l'on utilisait comme espionnes. Autant que sur les métamorphomages, mais soudain il se demandait si tout cela était vrai, ou si c'étaient des choses que les sorciers se racontaient entre eux pour s'occuper pendant les nuits trop longues et trop noires.

Pourtant, la confession de la jeune femme sonnait vrai. Il avait envie d'y croire. C'était peut-être à cause de son visage si harmonieux, de son mouvement souple lorsqu'elle s'était accroupie. Tu es faible, tu es faible, tu es faible, se répéta-t-il intérieurement, mais cela ne changeait rien. C'était trop tard.

Il s'humecta les lèvres. La millième fois depuis qu'elle était arrivée. C'était comme un tic qu'il ne pouvait empêcher.

 

- Ты ничего не пропустил, il finit par croasser à voix basse, tâchant de dire cela avec suffisamment d'assurance, mais il ne savait pas s'il donnait le change. (T'as rien manqué.)

 

Est-ce qu'il devait lui dire, pour les créatures ? Que risquait-il ? Il ne donnait aucune information capitale. Il baissa les yeux, pour regarder ses mains, mais elles n'apparurent pas. A peine le bout de ses phalanges se montraient-elles, mais pour mieux verrouiller l'entrée de ses manches à la manière de griffes refermées sur un tissu trop tendre.

 

- Инферис, ты знаешь, что они такое ? (Les inferis, tu sais ce que c'est ?)

 

Est-ce qu'on étudiait cela, à Poudlard ? Est-ce qu'on parlait de ce genre de créatures aux enfants qui étaient si inquiets pour leurs coiffures et leurs chaussures ?

Sasha s'obstina à contempler l'espace entre lui et ses manches, comme s'il s'y était trouvé quelque chose d'invisible. Il déglutit avant de prendre une inspiration, comme pour mieux tasser des choses au fond de lui, être sûr qu'elles ne sortiraient pas avec les mots qui s'échapperaient de ses lèvres.

 

- Это мертвецы на поле боя. Есть колдуны, которые их завораживают, а потом нападают, с... деформированными руками. Как когти. (C'est les morts du champ de bataille. Il y a des sorciers qui les ensorcèlent, et après ils attaquent, avec des... des mains déformées. Comme des griffes.)

 

C'était l'un des milles cadeaux de la Magie Noire apportée dans la guerre par les sorciers de cette partie du monde. Sasha serra les dents, osa un regard prudent vers le visage d'Anya.

 

- Твой брат еще здесь ? (Il y est encore ton frère ?)

 

Il se doutait bien que c'était la question à ne pas poser. Mais c'était mieux qu'il sût.

 

- Колдуют в основном маглы, il se hâta d'ajouter. (C'est surtout des moldus, qu'ils ensorcèlent.)

 

Il préférait préciser. Parce que si son frère n'était pas revenu de là-bas, ou si elle n'avait plus de nouvelles, elle savait ce qu'elle s'imaginerait.


L'insoutenable légèreté du silence

Message publié le 04/11/2024 à 18:31

- Pourquoi, t'es intéressée ?

 

Sasha avait répondu du tac au tac à la première question d'Anya, comme pour la défier. Et pourquoi pas, si elle disait oui, il dirait pas non. Mais ce n'étaient que des pensées en l'air, qui s'envolèrent avec les feuilles mortes repoussées par le petit vent frais qui se levait. Il frissonna, se contenta de scruter de nouveau les brins d'herbe qu'il déchiquetait en morceaux minuscules entre ses doigts abîmés.

 

Il n'empêchait, il écoutait attentivement Anya. Sa tirade lui déplut au début, parce qu'elle l'accusait plus ou moins directement de ne rien comprendre, mais bientôt, il sentit son coeur battre plus fort, plus vite. Elle avait raison. Les anglais parlaient sur eux tout le temps, et pas dans les termes les plus tendres. Du moins c'était ce que Sasha s'imaginait, parce qu'il n'entendait que rarement ces propos échangés à voix basse. Mais il croyait Anya sur parole. Et leur manie des apparences l'agaçait aussi - Alison en était l'exemple parfait. Ils pensaient tous, comme Alison, qu'ils étaient des rustres, bons qu'à arracher des têtes et massacrer des plantes.

Alors Sasha resta silencieux, les lèvres pincées. C'était sa manière d'acquiescer. Une mine pas bien différente de lorsqu'il n'était pas d'accord. Mais son absence de grognement devait peut-être se comprendre. Ce n'était peut-̂etre pas encourageant, mais pas décourageant non plus.

Il s'humecta les lèvres, releva le nez pour attraper le regard d'Anya, méfiant.

 

Elle l'enhardissait avec ses beaux discours, puis elle posait une question personnelle. A quel point devait-il considérer ça suspect ? Il baissa les yeux sur ses mains.

 

Ses cicatrices étaient des entailles noires, plus ou moins profondes, qui lui zébraient les doigts, les paumes et le dos de chaque main, de façon désordonnée. Elles boursouflaient sa peau, conféraient à ses mains des allures de pattes animales, griffues. Pourtant, il les avait mille fois lavées, avait taillé ses ongles le plus court possible, avait jeté des sortilèges de retrouver l'apparence de sa peau d'origine : rien n'avait fonctionné. Elles restaient ainsi, marbrées.

Il les fit rentrer dans son pull comme un chat aurait rétracté ses griffes. Il sembla réfléchir.

 

- Des griffures de... de créatures ennemies.

 

Assez précis pour la contenter, jugeait-il. Assez flou pour ne pas la laisser imaginer quoi que ce fut. Il déglutit, la mine fermée, adressant de nouveau à Anya un regard en coin. Elle n'était toujours pas partie. Pourquoi ?

 

- T'es méta, il dit comme une constatation.

 

Evidemment, il ne lui apprenait rien. Lui l'avait soupçonné, mais c'était plus clair maintenant qu'il avait vu ses cheveux changer de couleur au niveau des pointes. Sasha s'humecta les lèvres en continuant de la scruter, comme avec hésitation, ou prudence. Comme s'il n'avait pas voulu la faire fuir, quand bien même il avait lui-même rentré la tête dans les épaules, vigilant.

 

- C'est... très utile, sur le terrain, souffla-t-il lentement.

 

Sur le terrain, c'était évidemment à la guerre. Prendre l'apparence de l'ennemi était un avantage extrêmement recherché. Pour pouvoir collecter des informations, pour pouvoir en disséminer de fausses. Pour aller déposer une bombe.

Sasha s'ébroua, bien conscient que ce n'était probablement pas des choses qu'elle envisageait. Mais lui avait entendu parler des métamorphomages, quand il était engagé. Tout le monde les admirait. Les copains racontaient des histoires folles à leur sujet. Le camp qui en avait le plus pouvait complètement désorienter l'autre. Certains disaient que les gouvernements locaux pratiquaient de drôles de rituels pour augmenter la probabilité que la conception entre sorciers donnassent lieu à des enfants métamorphomages. Il frissonna à cette idée, et son regard s'en retourna fixer le lac loin devant eux.


L'insoutenable légèreté du silence

Message publié le 04/11/2024 à 15:44

L'instant moelleux s'était soudain déchiré, et brusquement la réalité froide s'était imposée : l'humidité lui glaçait le dos, le soleil lui brûlait la rétine. Il n'était pas une créature inaperçue comme un lézard, à contempler, distant, le monde. Le monde l'avait rattrapé de ses crochets sinistres.

 

Sasha avait émit un long grognement, encaissant malgré tout les remarques acides d'Anya. Il roula sur le côté pour échapper aux branches qui le dissimulaient, peut-être aussi pour décrocher son regard de celui, chargé d'un jugement implacable, de la Serpentard. Décidément, les filles de cette maison aimaient piétiner sa dignité. En même temps, il se rappela qu'il n'en avait pas vraiment.

Quand il se redressa, basculant à genoux puis sur ses fesses, cette fois libéré de tout artifice qui aurait pu le dissimuler, le soleil éclaira sa chemise détrempée collée à son dos, tâchée d'herbe et de boue. Il essuya ses mains, elles aussi mouillées, sur le devant de son jean, avant de les passer vigoureusement sur son visage comme dans l'espoir de se réveiller.

 

- J'étais si bien fondu dans le décor que tu t'es mise là sans m'avoir vu, rétorqua-t-il avec amertume. C'est toi qui est aveugle.

 

Sasha n'avait pas su quoi répondre à ce qu'elle avait dit plus tôt. Comment savait-elle déjà, pour Carter ? Ce n'était pas le premier commentaire qu'on lui glissait à ce sujet, alors même qu'il avait dû l'embrasser pour la première fois quelques jours plus tôt. La moitié de l'école semblait déjà au courant. N'avaient-ils rien d'autre à discuter ? S'il y avait bien une chose qui le surprenait, c'était qu'un tel fait eût pu intéresser autant de monde : même des plus jeunes de Gryffondor l'avaient regardé bizarrement, entre désapprobation et admiration. Il aurait juré que c'était parce qu'ils l'imaginaient passer son temps à chasser la Femelle Serpent.

Sasha avait plié ses genoux écartés pour y déposer ses coudes, faire disparaître sa tête au milieu de ses membres avec un gros soupir. Sa bouille féroce réapparut quand il se redressa subitement.

 

- J'suis pas un chien-chien pour Carter, c'était juste comme ça pour lui rendre un service, mais en vrai y'a rien entre nous. C'est pas sérieux, же ! (hein !)

 

Ca lui avait semblé important à préciser, si important qu'il n'avait pas pu empêcher ces paroles de s'échapper de ses lèvres. Il ne savait pas bien pourquoi, mais c'était pressant qu'Anya sût.

 

A la réflexion : si, il savait pourquoi, et c'était peut-être évident pour elle. Sasha scella ses lèvres, un peu piqué au vif d'avoir eu cette réaction subite, qui trahissait trop de lui-même. Pour s'occuper, il se mit à triturer entre ses doigts humides des brins d'herbe arrachés entre ses pieds, le regard tourné vers le lac. La surface parfaite de l'étendue d'eau reflétait le soleil matinal, l'obligeant à plisser les yeux, sa pupille rétractée au maximum. Encore une journée à endurer.

 

Il coula un regard à côté, comme pour vérifier qu'Anya était restée.

 

- Pourquoi ça t'importe autant qu'on s'fasse pas remarquer ? Si t'en as autant rien à foutre des autres, pourquoi tu veux tous qu'on soient invisibles pour eux ?

 

On aurait dit un petit frère accusant sa grande soeur. Ils étaient liés malgré eux, par une histoire invisible et pourtant qui semblait gravée sur leur front à tous.

 


Le Philtre de Paix

Message publié le 04/11/2024 à 13:25

Il l'avait bien aperçue, la petite Alison aux longs cheveux roux qui dansaient sur ses épaules. Au détour d'un couloir. Ou à la table des Serpentards. Ou de l'autre côté du parc. Mais en courageux soldat qu'il était... Sasha s'était systématiquement débiné, regardant vivement ailleurs, prenant un autre chemin, ou faisant carrément demi-tour. Ce n'était pourtant pas la tâche la plus compliquée qu'on lui eût donné depuis qu'il était arrivé à Poudlard, mais pour une étrange raison, il n'arrivait pas à trouver la résolution nécessaire à ce projet stupide. Le pire était qu'il n'était pas certain que cela portât ses fruits : quand elle avait dit "ne fais plus jamais ça", il n'était pas sûr de ce dont elle parlait. Quoi ? Cracher dans sa main, ça ne se faisait pas en Angleterre ? Il s'était essuyé sur son jean, la mine interdite.

 

Toujours était-il qu'il avait beau eu repousser l'échéance, l'épreuve finirait par arriver.

 

Et elle arrivait aujourd'hui.

Sasha se maudit de ne pas avoir profité, pour leur première fois, d'un moment où Alison était peu entourée. Avec la grande brochette dans laquelle elle était coincée comme un morceau de poulet au caramel agglutiné contre les autres (les brochettes de poulet au caramel, nouvelle grande découverte de mets de Poudlard pour Sasha), il sentait toutes ses bonnes résolutions fondre comme neige au soleil. Mais le cours de Potions était noté, et s'il voulait pouvoir prouver qu'au moins dans cette matière il avait le niveau pour rejoindre rapidement les sixième années, il était bel et bien forcé de jouer le jeu. Alors, il fit ce qu'il fallait faire. Selon lui.

 

Il prit une grande inspiration, puis il fonça dans le tas.

 

Littéralement. 

A grands pas il s'avança vers le groupe, écarta une grande blonde dégingandée, n'eut pas besoin d'en faire autant pour la petite brune aux cheveux bouclés qui fit un bond de côté pour éviter la charge, et il traversa le cercle sacré des filles qui complotaient pour fondre sur Alison. Agir avant de réfléchir, c'était sa règle pour toutes les situations où l'incertitude du résultat était trop grande, comme quand il fallait attaquer l'ennemi ou ne pas laisser échapper une proie. Sasha attrapa Alison par les épaules et écrasa ses lèvres contre celle de la jeune fille. Probablement avec la délicatesse d'un boxeur qui dit bonjour à son sac de frappe, mais probablement pas au point de lui faire mal.

 

Il sentit la peau fraîche de son minois délicat et l'odeur d'un parfum chic, sûrement trop cher - et ce fut tout ce qu'il emporta d'elle, car c'était fini la seconde suivante. Cette seconde suivante fut horriblement longue : le groupe de filles faisaient rouler leurs yeux dans leurs orbites dans une expression qu'il n'était pas capable de déchiffrer - sauf la grande blonde qui avait croisé les bras en mâchant son chewing gum, visiblement agacée de s'être faite dégager si brusquement. Alors Sasha leur décocha à toutes un regard clairement dissuasif - juste au cas où. Après tout, il avait un deal avec Alison, mais pas avec les autres. Il ne leur devait rien, et sûrement pas la moindre sympathie.

 

Sasha sentit un truc bouger entre ses mains, se rendit compte qu'il tenait toujours Alison. Alors il la libéra et renfonça ses mains dans ses poches pour aller se poster à côté d'elle, le regard terne. Il n'y avait plus qu'à attendre que le cours commençât. A cet instant précis, d'autres élèves entraient dans la classe, et notamment des Serpentards qui le regardaient étrangement, partagés entre la surprise et le doute, probablement. Sasha les ignora royalement, et reporta son regard sur les filles qui étaient devenues muettes comme des botrucs.

 

- Quoi ? Vous avez plus rien à vous dire ? il gronda.


Les choux mordeurs de Chine

Message publié le 04/11/2024 à 06:47

Ifjzoiejzfpei fziejf epscdslf ?

 

C'était probablement que ce qu'Alison avait pu lire dans les yeux de Sasha si elle avait décidé de le regarder à l'instant où elle faisait sa demande. Il resta longuement ahuri, les yeux ronds, à essayer de mettre bout à bout ses connaissances sur les expressions anglaises et sa compréhension du genre féminin.

Tout d'abord, il crut tout simplement que son niveau de langue n'était pas très bon et qu'il ne comprenait pas l'expression "sortir avec moi". Peut-être qu'elle voulait dire par exemple, qu'elle avait peur d'aller dehors la nuit toute seule et qu'elle avait besoin d'être accompagnée. A une telle demande, il aurait dit oui sans hésiter : c'était une mission facile et compréhensible.

Malheureusement, Alison donna des détails et il comprit qu'il s'agissait réellement de jouer la comédie.

 

Sasha eut un mouvement de recul. Par automatisme, il jeta un regard par-dessus son épaule, comme si quelqu'un avait pu être caché dans un buisson, à proximité, pour les épier pendant qu'ils avaient cette discussion saugrenue, mais ils étaient bien sûr parfaitement seuls et quand il se retourna vers elle, Sasha ne trouvait toujours pas ce qu'il devait dire.

 

Il pesait intérieurement le pour et le contre. Il y avait mille petits contres pour un seul pour : personne d'autre ne lui apprendrait les manières attendues ici. Mais avait-il pour autant besoin de se ridiculiser, d'autant plus si elle voulait même pas coucher pour de vrai ? (Parce que ça aussi, ç'aurait été une mission facile et compréhensible, mais elle, elle parlait de bisous sur la bouche dans les couloirs comme des enfants de maternelle.)

Il finit par secouer la tête, dans une expression entre la consternation et la stupéfaction.

 

- Deaaal... prononça-t-il lentement comme si quelqu'un avait forcé hors de sa bouche un mot qui ne voulait vraiment pas sortir.

 

Mais qu'avait-il à perdre, après tout ? Sa réputation ? Il était déjà regardé comme un animal de foire. Autant que ça leur fisse les pieds, à toutes ces marionettes anglaises et leurs manières, que les filles de Poudlard eussent l'air de se presser pour coucher avec lui. (En apparence, tout du moins.)

 

- Mais tu m'aides pour de vrai pendant les cours, il précisa en articulant lentement, comme si elle avait été capable de ne pas comprendre son anglais, subitement. Sinon j'arrête ton truc de Roméo et Juliette et je dis que t'étais pas un bon coup. Ok ?

 

Nouveau regard en arrière, pour vérifier que personne ne l'avait vu passer ce deal odieux. Mais comme ils étaient toujours seuls, le vent glacé d'automne faisant son office pour enfermer tous les élèves à l'intérieur, Sasha se retourna de nouveau vers la jeune fille. Il cracha dans sa main droite et la lui tendit.


Les choux mordeurs de Chine

Message publié le 03/11/2024 à 18:43

Sasha était resté coi, à la fixer bêtement. Bientôt il scella ses lèvres et serra les dents, faisant saillir les angles de sa mâchoire comme il détournait le regard, ses yeux se perdant vers la forêt interdite pour mieux éviter de continuer à la fusiller du regard.

 

Suka. (Chienne.)

 

Il ne l'aurait pas dit à haute voix, ne serait-ce que parce qu'il avait cet instinct : les pestes pouvaient vous en faire baver pendant de longs mois, c'était bien connu, alors autant ne pas commencer à se créer des problèmes inutilement. Et puis, des méchancetés, il en avait encaissé suffisamment et d'une autre trempe pour pouvoir simplement balayer l'insulte qu'elle lui faisait dans sa réponse.

Mais la proposition suivante d'Alison lui arracha immédiatement un rictus et finalement, il la fustigea bel et bien du regard.

 

- Tu m'as pris pour un chien à dresser ou quoi ? il grogna, certes, comme un molosse menacé.

 

Il la scruta un moment, le visage exprimant la défiance. Avec son petit sac plié au coude, ses petites chaussures vernies, ses cheveux parfaitement lisses et son langage ampoulé, il était clair qu'elle représentait le summum de la société distinguée quand il était... un garçon avec des cheveux en bataille, les mains sales - qu'il n'avait pas nettoyé de la terre par un sortilège, comme les autres - et abimées, des vêtements de récupération qu'on avait bien voulu lui offrir et qu'il portait froissés. En d'autres termes, un rustre.

 

Sasha gonfla la poitrine, comme pour se rappeler à lui-même lequel des deux ici était le plus fort, qui pouvait dans l'instant ne faire qu'une bouchée de l'autre. Il émit soudain un sifflement méprisant en guise d'au revoir. Il fit volte-face pour s'éloigner d'un pas vif.

 

 

 

 

Pas assez doux. N'importe quoi. Et puis de là à arracher une tête, cette pauvre fille n'avait sûrement jamais vu une tête arrachée. Il aurait juste regardé, lui aussi savait lancer un Episkey !

 

 

 

 

Un pas, deux pas, trois pas, quatre pas.

 

Demi-tour.

 

Un, deux, trois et quatre pas sur le chemin du retour.

 

Sasha s'était planté de nouveau devant Alison et vissa devant elle un index qui avait tout d'une accusation.

 

- Tu m'apprends que pendant les cours, pour que je peux retourner en sixième année le plus vite possible. Je dois aussi faire les Potions et la Divination avec les cinquième. Tu me dis quand je fais pas bien, tu le dis pas fort, tu le dis doucement, pas devant tout le monde, et tu me montres comment on fait.

 

Il avait les joues qui s'étaient embrasées au point d'être plus rouges que ses lèvres, et cette inflammation s'étendait jusqu'à son cou qui disparaissait dans son col maladroitement serré par la cravate des Gryffondors qui n'était pas nouée correctement. Son index resta suspendu un moment entre eux, puis il décida de le baisser subitement pour le cacher dans sa poche, comme s'il s'était souvenu de l'inélégance de sa main et de la façon dont Alison avait regardé ses cicatrices un peu plus tôt. Il déglutit, une moue de dépit sur le visage.

 

- Tu veux quoi en échange ? gronda-t-il, un peu à la manière d'un aboiement autoritaire.


L'insoutenable légèreté du silence

Message publié le 03/11/2024 à 12:01

Les nuits étaient fraîches en automne en Ecosse, mais certainement pas autant que les hivers russes et continentaux que Sasha avait connu. Là-bas, bien que tout fût plus sec qu'ici, le froid était si mordant que des moldus trouvaient régulièrement la mort, seulement surpris par la nuit, englué dans la toundra. On disait que c'était une mort douce : on s'endormait dans la neige ou dans la terre comme si ç'avait été un matelas de plume, et bientôt on ne sentait plus sa peau glacée, on sentait seulement l'univers devenir tout blanc, et c'était paisible.

Sasha ne savait pas très bien pourquoi on racontait cela : les nuits dans le froid, il y avait survécu grâce à ses talents magiques, et il n'y avait jamais trouvé une quelconque douceur.

 

Toujours était-il que les nuits écossaises, bien que fraîches, étaient loin d'être insurmontables.

Et au matin, il arrivait parfois ce qui se produisait à cet instant : le soleil avait décidé de se montrer. Il écartait les nuages pour cracher des rayons invisibles mais chauds, séchant les brins d'herbes gorgées de la pluie des jours précédents. Aussi, comme c'était dimanche, un certain nombre d'élèves étaient déjà dehors, en route pour rejoindre le village proche de Pré-au-Lard que Sasha n'avait encore jamais visité. Un bon nombre faisaient bien évidemment la grasse matinée, moins sensibles que d'autres à la rareté du phénomène de cet astre qui réchauffait le parc, et une poignée d'autres étudiants avaient décidé d'une promenade matinale dans le parc.

 

Ce devait être le cas de l'élève dont il avait entendu le pas léger à proximité : là une branche cassée sous une bottine, puis un peu plus proche, une feuille morte écrasée qui crissait sous la semelle. Sasha n'avait pas bougé. Il avait gardé les yeux fermés. A travers les branches et les feuilles attachées à l'arbuste qui le dissimulait, il sentait les tâches de lumière dispensée par le soleil lui réchauffer doucement le visage, les mains posées sur son torse, et sur son ventre à demi-nu à cause de sa chemise qui était sortie de son pantalon. De la boue maculait ce dernier - et en réalité l'intégralité des faces arrières de ses vêtements étaient détrempés vu le temps qu'il avait passé ici. Mais il n'était pas sensible à ce froid que d'autres auraient trouvé désagréable. C'était comme si sa peau était plus épaisse, comme si l'odeur d'humus de la forêt suffisait à rendre cet inconfort agréable, protecteur. De l'extérieur de l'arbuste, on aurait presque rien vu dépasser : peut-être à peine le bout d'une basket, pour quelqu'un de particulièrement observateur.

 

Il serait bien resté là plusieurs heures. Juste à rester les yeux fermés, somnolent, rêvant à toute la chair crue ou cuite que l'on servait sur les tables de Poudlard - cela était un luxe qui, il devait l'admettre, n'avait jamais connu en Ukraine : de la viande à tous les repas.

Mais il n'était plus tout à fait tranquille : la présence était toujours à proximité. Il n'avait pas ouvert les yeux qu'il la sentait tout de même : à cause d'un léger parfum, de légers mouvements de lumière, de ces sons minuscules qui chatouillaient ses oreilles ; des craquements et des froissements à peine audibles.

Bien que ce ne fut pas assez proche pour être menaçant, il consentit malgré tout à ouvrir les yeux, au bout d'un moment, malgré lui.

 

D'abord, juste des tâches noires et blanches, mouvantes, qui devinrent marrons et or, qui se précisèrent en les branches et feuilles qui se découpaient dans le soleil au-dessus de lui. Dans la périphérie de sa vision, une silhouette.

Avec lenteur, pour n'engendrer lui-même aucun bruit, il tourna la tête dans sa direction : une fille.

 

Une fille enveloppée dans une cape épaisse, à la chevelure sauvage, faites de boucles marrons. Il la regarda longuement, l'esprit vide, ou bien plein de cette seule contemplation : une silhouette élégante au soleil. La fille bougea : il aperçut son profil ; un petit nez discret, des lèvres dessinées, le pourtour du visage tout fin comme...

 

Anya Nikitovna.

 

Le nom lui était revenu rapidement. Il ne bougea pas néanmoins. Peu importait son nom, il n'était qu'une créature étendue et dissimulée qui en observait une autre. C'était juste agréable, d'être ainsi, de ne pas exister, de ne penser qu'à ce film qui se déroulait sous ses yeux - les boucles soulevées dans le vent, la main rapide de la jeune fille qui tournait une page du livre qu'elle avait sur les genoux, la courbe de son dos qui s'animait parfois, se creusait au niveau des reins comme une vague se cambrerait à l'approche de la rive.

 

Malgré lui, le bout de son index bougea.

 

Coïncidence, ou alertée par ce mouvement pourtant d'une discrétion suprême, Anya tourna la tête dans sa direction.

 

Il retint son souffle, s'imposa une immobilité parfaite.

 

Mais un moment il en fût sûr malgré le contre-jour : les yeux d'Anya s'étaient accrochés aux siens, au travers des branches.


Les choux mordeurs de Chine

Message publié le 03/11/2024 à 09:00

Un instant, pendant qu'Alison maintenait le poignet de Sasha, ce dernier fut parcouru d'une bouffée de chaleur et il se tendit, luttant contre lui-même pour ne pas s'arracher à la prise de la jeune femme. Il lui semblait soudain qu'elle aurait pu lancer sur sa paume déjà meurtrie n'importe quel sortilège, par pure méchanceté : lui couper les doigts, ou bien les transformer en pierre ou en branches de cactus, ou bien lui sceller la main sur la table. Qu'est-ce qui lui prenait de demander un tel service à une inconnue comme elle ?!

 

Mais non. Elle incanta un simple Episkey, qui eut l'effet attendu. Les picotements qui rongeaient sa paume disparurent aussitôt.

 

En guise de merci, Sasha arracha sa main dès qu'il le pût pour se hâter de la faire disparaître dans son pull, la tête honteusement enfoncée dans ses épaules.

 

- Chhhut, il siffla sèchement.

 

Mais les autres élèves ne leur prêtaient guère plus trop d'attention, occupés qu'ils étaient à devoir rempoter leurs propres choux, avec plus ou moins de succès. Ils étaient prudents, se tenant éloignés des légumes maintenant qu'ils avaient vu un échantillon de ce qui pouvait leur arriver au contact des choux mordeurs.

Sasha, lui, se hâta de se détourner. Il récupéra son balai pour nettoyer le sol autour d'Alison, et revenait de temps à autre mettre de la terre sur les choux qu'elle avait réussi à transvaser, et le reste de l'opération se poursuivit tant bien que mal.

 

 

Après la partie pratique, ils avaient eu droit à de longs rappels sur les propriétés des choux mordeurs et leurs conditions de culture - sol neutre et bien drainé, sortilèges de Bulles de Tiédeur à dispenser régulièrement pour leur éviter le gel, sans oublier quelques gouttes de Dégluetouffe pour dissuader toute créature de venir les croquer pendant la nuit - rappels que Sasha n'avait écouté que d'une oreille.

 

Fort malheureusement pour lui qui était pressé d'en finir, la professeure n'avait pas oublié qu'elle avait rendez-vous à la fin du cours avec le binôme original qui s'était fait remarquer pendant le rempotage. Elle les attendait les bras croisés à la sortie de la serre. La pluie avait fini par cesser, mais l'air à l'extérieur était saturé d'humidité - une atmosphère qui semblait moins la déranger que l'allure un peu traînante avec laquelle Sasha avait décidé de s'acheminer, à la suite d'Alison et après tous les élèves de la classe, pressés de rentrer au château.

 

- Miss Carter, Monsieur Shevchen, claironna-t-elle en guise d'introduction une fois qu'ils ne furent plus que tous les trois devant la porte vitrée. Il ne m'a pas échappé que vous aviez attiré l'attention de vos camarades au point d'un peu trop les déconcentrer de leur tâche. Que s'est-il passé ?

 

Sasha entrouvrit la bouche avec un air offensé.

 

- Ils ont qu'à mettre leurs yeux là où ça les regarde, gronda-t-il avec son accent qui rendait les expressions anglaises étrangement exotiques.

- Ce n'est pas ma question, monsieur Shevchen.

 

La professeur de botanique était certes catégorique, mais elle était patiente. Elle attendit que les deux se reprissent.

 

- On vous l'a dit, fit Sasha en tâchant de faire un effort pour parler calmement. Alison a glissé, et elle est tombée. Il y avait de la terre par terre à cause que j'avais déjà commencé à rempoter. Et les autres je sais pas pourquoi ça les intéressait autant.

 

La professeur plissa les yeux, comme pour les sonder tour à tour, l'air de demander silencieusement à Alison s'il n'y avait pas là une autre facette de la vérité que la jeune fille voulait apporter, mais elle ne trouva pas son bonheur et fut obligée de faire une moue d'assentiment, non sans un certain dépit.

 

- Bon, j'espère que cela ne se reproduira plus. Nous garderons les mêmes binômes le reste du semestre et...

- Quoi ?!

 

Sasha n'avait pu s'empêcher, les sourcils haussés, d'intervenir.

 

- Plaît-il ?

 

Le Gryffondor bégaya en silence quelques instants.

 

- J'ai... Je suis en sixième année, je vais faire tous les cours de botanique des cinquième ?

- E-xac-te-ment, approuva la professeur, les poings sur les hanches. Ce premier cours était pour voir votre niveau, et clairement vous n'avez pas l'habileté nécessaire en botanique pour exécuter les tâches des 6ème année où nous manipulons des plantes plus rares et plus sophistiquées, comme le Sopophore et le Snargalouf. Je ne peux pas prendre le risque que vous les massacriez, monsieur Shevchen.

 

Sasha se renferma, reculant d'un pas. Il resta prostré dans son mutisme le reste de la conversation, pendant laquelle la professeure égrenait le contenu des prochaines séances - étude de la Tentacula vénéneuse, rempotage des mandragores adultes, extraction de pus de Bubobulb...

Il ne savait plus très bien ce qu'elle avait dit ensuite. Elle avait fini par conclure, fermer et verrouiller la porte de la serre et s'éloigner d'un pas vif, car elle devait accueillir une autre classe. Sasha avait l'impression d'être dans un drôle de brouillard - il avait comme oublié même d'être en colère - quand il tourna la tête vers Alison, qui n'avait pas encore décampé. Qu'est-ce qu'elle foutait là ?

 

- Tu veux que je regarde ton crâne ?

 

Il avait demandé abruptement.


Comité d'accueil

Message publié le 02/11/2024 à 19:42

- Мне плевать, как они меня видят ! persifla-t-il. (Je m'en fous de comment ils me voient !) 

 

Malgré le ton acide, c'était moins contre elle que Sasha était en colère que contre les anglais. Mais par défaut, il garda les sourcils froncés, son regard dardé sur la jeune femme, comme un prédateur en train de se demander si oui ou non cela valait la peine de se jeter sur cette proie.

 

En réalité, il ne savait pas si Anya tentait de le provoquer ou bien si sa froideur et sa voix ferme étaient ce qu'elle réservait à tout le monde ici. C'était possible, venant d'une Russe. Mais il avait cette étrange sensation d'être testé, qu'il fallût qu'il fût prêt à se défendre. Ou bien, c'était comme ça qu'il ressentait toute approche, et le fait qu'elle parlât sa langue n'était pas suffisant pour apaiser sa combattivité.

Il ne put empêcher un pas en avant, les poings serrés.

 

- Как ты думаешь, я сбежал? Я не трус ! Меня останавливают эти марионетки и их гребаные фанфары мира ! (Tu crois quoi, que j'me suis enfui ? J'suis pas un lâche ! C'est ces pantins et leur putain de fanfare pour la paix qui m'en empêchent !)

 

Le cri était sorti de sa poitrine avec douleur, et il pointa un index vers ce qu'il pensait être approximativement le sud-est - mais il était désorienté, dans ce fichu château et sous ces épais nuages d'Ecosse où le soleil semblait ne jamais vouloir se montrer clairement, aussi rien n'était moins sûr que cette direction imprécise.

 

- Я бы уже вернулся, если бы мог! Но на меня наложили Трейс, чертов Трейс, как в детстве ! (J'y s'rai déjà retourné si j'avais pu ! Mais ils m'ont mis une Trace, une putain de Trace comme un gosse !)

 

Parce qu'ici il était un enfant, ils en étaient tous. Pour Sasha, un enfant, c'était les premières et deuxièmes années de Poudlard, pas plus. Après, une fois qu'ils savaient lancer leurs sortilèges, à quoi servait-il que tous fussent capables de lire dans le marc de café ou de résoudre les énigmes de l'arithmancie ?

Il s'humecta les lèvres, le temps de trouver le reste de l'argumentaire, mais il abandonna aussitôt. Il s'énervait pour rien. Il le voyait dans les yeux de la fille, que ce n'était pas son point de vue à elle. Qu'elle ne comprendrait pas. Elle n'était pas allée là-bas, et quand bien même elle y aurait été, elle se serait sûrement battue pour le camp d'en face, avec son accent de Sakhaline. A quoi s'attendait-il donc ? A du soutien ? De la compréhension ? Tout le monde n'avait cessé de lui répéter la chance qu'il avait eu d'être tiré d'affaire pour être emmené dans une école sûre.

 

- Дурак (Idiot), bougonna-t-il à voix basse, pour lui-même, en se détournant de nouveau vers la fenêtre.

 

Le silence revint presque aussitôt. Il avait semblé un moment que la voix criée de Sasha s'était répercutée dans le couloir, avait dévalé les escaliers pour réveiller quelques lointains portraits qui avaient murmuré en retour. Quoiqu'il fît, Anya avait raison : les portraits rapporteraient, les fantômes le surveilleraient. Quant aux élèves, ils seraient comme Anya : pour survivre, ils penseraient d'abord à leur pomme. Ici, pas de milice qui s'organiserait. Il déglutit, les yeux vissés sur le parc, à travers la vitre. Sa respiration finit par se calmer, et quand il reprit la parole, ce fut comme si rien de cet excès d'humeur n'avait jamais eu lieu.

 

- У тебя здесь есть семья? Кто дает вам разрешение... на... (Tu as de la famille ici, toi ? C'est qui qui te donne l'autorisation pour... pour...)

 

Il désigna une direction au hasard, du bout du menton.

 

- Преораль, или я не знаю, деревня там. (Préoral, ou je sais pas, le village là.)


Les choux mordeurs de Chine

Message publié le 31/10/2024 à 21:17

Sasha ne s'était pas retourné. Il avait vissé son regard sur les pots devant lui, bien décidé à ne pas prendre part à la conversation qui se poursuivait entre la professeure et l'élève. Mais l'injonction de devoir rester après la classe lui tira une brève expression d'aigreur. La dernière chose qu'il souhaitait, c'était bien de traîner plus que nécessaire dans ce genre d'endroit. Mais il avait beau aller aussi vite qu'il le pouvait dans toutes ses tâches, les journées n'en étaient pas plus courtes.

 

Subitement, d'une manière qu'il ne pouvait expliquer, il sentit le regard d'Alison sur ses mains. Il les rétracta presque instantanément dans ses manches, non sans une oeillade sombre. Les paroles acides de la Serpentard lui confirmèrent qu'il n'y aurait pas de trêve entre eux : ce qui venait de se produire n'était qu'une simple alliance de circonstance face à un opposant commun.

 

- Evidemment que je sais.

 

Qu'est-ce qu'elles avaient toutes à croire qu'il ne connaissait pas les formules les plus élémentaires ?

Il se remit à fixer les choux devant lui, le visage toujours fermé. Elle ne voulait pas être jardinière. Bizarrement, il songea que lui, ça ne lui aurait peut-être pas déplu, dans d'autres circonstances. Oui mais voilà, on ne choisissait pas ses circonstances, et l'idée de labourer tranquillement la terre au soleil n'était pas donc vraiment dans ses projets non plus, pour d'autres raisons.

 

- Ok.

 

Voilà un plan simple.

 

Sasha resta pourtant figé à côté de la jeune fille. Il regardait les mains de celle-ci s'activer doucement, avec une certaine hésitation.

 

Il sentait une sensation extrêmement désagréable lui fourrager les entrailles, remonter le long de sa gorge comme un démon brûlant qui coloraient de rouge carmin ses mâchoires et ses oreilles, en passant par ses joues. Mais il resta longuement immobile, à fouiller ses pensées, à la recherche d'une solution.

Il n'y en avait qu'une.

 

Sasha déglutit, un peu plus bruyamment qu'il ne l'aurait voulu. Ses yeux restaient figés sur le chou devant lui - c'était celui qui avait mangé les cheveux d'Alison. Il s'agitait doucement sous la motte sombre, comme un cadavre pas tout à fait mort aurait remué la terre pour trouver la meilleure position pour son sommeil éternel.

 

- J'suis gaucher, glapit subitement Sasha à voix basse, comme si c'était une confidence que les autres ne devaient pas entendre.

 

Leurs regards se vissèrent l'un à l'autre, mais dans l'incompréhension. Alors il reprit.

 

- C'est la main avec laquelle je tiens ma baguette.

 

Sasha fit un effort pour sortir sa main gauche, blessée, et dévoiler sa paume tâchée de sang et ses doigts qui tremblaient malgré lui. Ce n'était pas une blessure grave - du moins pas de son propre jugement. Pourtant, il serra les dents, carra les mâchoires comme si les mots qu'il allait prononcer lui brûlait la trachée.

 

- Je peux pas me soigner tout seul.


Comité d'accueil

Message publié le 31/10/2024 à 20:39

Sasha avait pincé les lèvres en scrutant toujours la silhouette d'Anya. La jeune femme désarticulée regardait vers le ciel invisible avant de le regarder avec rigidité. Et ses mots tranchaient l'air avec autant d'apreté que les cordes qu'il avait imaginé un peu plus tôt. Il sentait presque cette rugosité étroite contre ses membres, contre sa gorge, et il déglutit en silence en détournant le regard.

 

Dit plus simplement, ici, le Conflit, tout le monde s'en branlait.

 

Sasha resta silencieux un moment, écoutant apparemment d'une oreille la suite de ce que pouvait lui fournir Anya comme information. Il était pourtant attentif, malgré son regard qui s'était perdu dans les recoins d'un vitrail aux dessins tortueux, qu'il n'essayait pas même de déchiffrer. Il sembla un moment serrer les dents, comme pour retenir quelque chose.

 

- Я буду знать, как управлять, grogna-t-il à voix basse. (Je saurai me débrouiller.)

 

Un instant, il songea à lui demander conseil. Anya ne pouvait pas être si parfaitement innocente. Une Russe ne l'était jamais. Mais il aurait alors pris le risque qu'elle lui donnât des indications trompeuses qui l'auraient au contraire amené à se faire prendre. Sasha se retint donc. Ses mains dissimulées dans ses poches semblèrent fourrager, à la recherche de quelque chose qu'il ne sortit pas. Il s'écarta pour aller vers une fenêtre. Les verres ici étaient particulièrement épais - probablement pour éviter que quiconque ne put passer au travers par erreur à une telle hauteur.

Au bout d'un moment, il sembla désigner le paysage du menton.

 

- Почему этот лес запретный? (Pourquoi est-ce qu'elle est interdite, cette forêt ?)

 

Elle l'attirait, lui.

 

- Это просто способ держать детей в вольере или есть веские причины? (C'est juste un moyen pour tenir les gamins dans l'enclos ou il y a de bonnes raisons ?)

 

De toute façon, il doutait que les bonnes raisons de la Direction de Poudlard fussent suffisamment bonnes pour lui. Il avait ses moyens d'échapper aux prédateurs. Et un peu d'adrénaline ne faisait certainement pas de mal.

Il entrouvrit subitement la bouche pour respirer, pris d'une bouffée d'envie. Son coeur s'était mis à tambouriner dans sa poitrine et ses joues s'embrasaient subitement, et il dut se faire violence pour rester immobile, garder ses mains dans ses poches, fixer la lisière de la forêt au loin, sans rien laisser transparaître -ou presque. Ces accélérations finissaient toujours par se calmer en quelques secondes.

Il prit une longue inspiration, espérant faire revenir le calme en lui plus vite.

 

- Кем мы должны стать дальше ? (Qu'est-ce qu'on est censés devenir après ?) Il demanda avant de lui adresser un regard distant. Вы, например. Имеешь ли ты после Хогвартса право оставаться на английской земле ? Чем ты планируешь заняться ? (Toi par exemple. Après Poudlard, tu as le droit de rester sur le sol anglais ? Tu vas faire quoi ?)


Comité d'accueil

Message publié le 29/10/2024 à 18:35

- Я знаю Эванеско. (Je connais Evanesco.)

 

C'était effectivement la seule chose qu'il avait prononcé, sur le ton de la protestation, depuis leur petite pause dans le parc. Il avait suivi néanmoins, aussi sagement qu'on pouvait l'être. Il avait laissé tomber l'idée de retenir tout ce qu'Anya lui montrait : soit c'était évident - il savait reconnaître un terrain de Quidditch quand il en voyait un - soit il aurait oublié au vu des recoins foisonnants du château. C'était au moins ce que l'on pouvait concéder à Poudlard : il existe mille et uns endroits où se cacher, et c'était plutôt cela que retenaient les yeux fureteurs de Sasha quand ils passaient dans les couloirs. Ici une salle vétuste visiblement abandonnée, là un passage vers des sous-sols. Il gardait bien entendu ces remarques pour lui, s'humectant de temps à autre les lèvres, tout à ses réflexions, les mains dans les poches. Il essayait en effet de se concentrer sur ces choses-là plutôt que sur la démarche souple d'Anya. Elle avait de longues jambes quand elle montait devant lui dans les escaliers - tous ses membres étaient étrangement fins, comme des ficelles magiquement articulés. Elle grimpait les étages et lui dans la foulée avait l'impression de suivre ce jeu de cordes comme s'il montait des marches infinies pour atteindre une potence perchée dans les nuages.

 

Mais quand ils émergèrent, au tout dernier étage, il n'y avait rien de si funeste ; sinon encore des couloirs de pierre, et des fenêtres aux vitraux élégants qui jetaient des couleurs tricotées sur la silhouette de la Russe.

 

- Меня не интересует твоя задница. (Ton cul m'intéresse pas.)

 

Elle savait très bien que ce n'était pas ce que Sasha avait dit. Il se tenait là, les mains toujours enfoncées dans les poches, à la toiser. Un moment, il détacha son regard pour jeter un coup d'oeil derrière lui : le couloir était complètement désertique. Ils paraissaient seuls au monde, dans un corridor suspendu au-dessus de la civilisation. Ici, pas même un portrait pour les entendre. Il reporta son attention sur la jeune fille.

 

- Я задал тебе реальный вопрос, а ты не ответил. (Je t'ai posé une vraie question et tu as pas répondu.)

 

Il y eut un silence. A cette hauteur du château, on entendait le vent chuinter contre les parois de pierre, s'y user indéfiniment, s'infiltrer parfois par les carreaux avec des sifflements étranges, comme si des serpents étaient dissimulés dans les murs. Sasha n'y prêtait aucune attention ; mais il serrait les dents, comme si cette atmosphère était pour lui électrique bien qu'il s'y sentît assez à son aise pour essayer de prendre un ton moins agressif.

 

- Что он говорит здесь о Конфликте ? (Qu'est-ce qu'ils disent du Conflit, ici ?) demanda-t-il comme pour lui rafraîchir la mémoire ; mais sa tentative de parler plus calmement sonnait mal ; comme s'il menaçait plus qu'il n'aboyait, désormais. Il se morigéna intérieurement.

 

Le Conflit, c'était comme ça qu'on nommait la guerre, là d'où il venait.

Sasha crispa soudain ses épaules, comme pris d'un frisson. De nouveau, un regard au-dessus de son épaule. Personne.

 

- А еще мне нужно выходить ночью. Я хочу знать, будет ли это проблемой. (Aussi, j'ai besoin de sortir la nuit. Je veux savoir si ce sera un problème.)

 

Cette fois, cela sonnait assez doux, jugea-t-il. Au moins n'avait-il pas l'air de donner un ordre. Ou bien si ? Qu'en savait-il, après tout, de ce qu'une fille comme elle attendait comme ton ?

 

 

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