



Professeur d'Astronomie 56 ans Sang-Mêlé·e Britannique Notoriété
Aldebert plisse légèrement les paupières. Une fraction de seconde, il laisse flotter le silence entre eux, comme s’il pesait la portée réelle du mot crampes maintenant qu’il n'est plus seulement dans sa bouche mais dans celle d’Adaline. Ce simple écho suffit à en faire une réalité plus tangible qu’il ne l’aurait voulu. Il expire doucement, avant d’acquiescer.
- Des crampes, oui, il concède finalement, le ton plus calme. Rien de bien inquiétant.
La nuance est subtile, mais présente : il aurait pu dire des crampes, rien du tout. Au lieu de ça, il choisit une phrase qui atténue sans totalement balayer la possibilité d’un problème. Une petite concession face à la ténacité d’Adaline, peut-être.
- Il n'y a pas mille et une manières de regarder les étoiles, comme tu peux l'imaginer, il affirme avec une pointe de sarcasme, mêlé d'amusement.
Lorsqu’elle lui explique vouloir tester quelques mouvements, Aldebert se redresse sans protester. Il ne se débat pas, ne joue pas l’irréductible. Adaline est bien trop douce et posée pour qu’il ait besoin de faire preuve d’une résistance exagérée. Mais il n’en affiche pas moins une légère réserve, qui transparaît dans son léger hochement de tête, dans ce temps qu’il met à se lever comme s’il hésitait encore à se prêter à l’exercice. Il se met finalement en position.
- Très bien, très bien, allons-y, lance-t-il, comme s’il acceptait une fatalité.
Il tend les bras à l’horizontale, paumes vers le sol, et garde la position, attentif à ses propres sensations. C’est un geste anodin. Si anodin qu’il ne devrait même pas y prêter attention. Pourtant, il sent son corps différemment, comme si le simple fait d’être examiné faisait apparaître des tensions qu’il ignorait d’ordinaire. Lorsque vient le moment d’ouvrir et fermer les mains, il s’exécute avec application. Un, deux, trois mouvements. Tout est normal… ou presque. Une résistance infime, une rigidité dans le bout des doigts qu’il n’avait pas pris le temps d’analyser auparavant. Il n’a pas mal, non, mais il sent que ce n’est pas aussi fluide qu’il l’aurait voulu. Il serre un peu plus la mâchoire, détourne les yeux une seconde, le temps de faire comme si de rien n’était.
Puis vient l’exercice des paumes contre celles d’Adaline. Un simple test de résistance. Rien de bien sorcier. Rien qui ne devrait lui poser le moindre problème. Et pourtant, lorsqu’il appuie, il sent une légère dissymétrie. À peine perceptible, mais bien là. Une force inégale entre ses deux mains. Un infime tremblement sur la gauche, presque invisible à l’œil nu. Mais il sait. Il sait qu’Adaline l’a senti. Il n’a pas besoin de la regarder pour le comprendre. Un silence s’installe. Il ne commente pas immédiatement. Peut-être parce qu’il ne sait pas encore comment formuler ça sans donner plus d’importance à la chose qu’elle n’en mérite. Puis, dans un soupir mesuré, il se racle la gorge et desserre enfin ses paumes.
- Bon, je suppose que tu vas vouloir m’assommer de questions à présent, n’est-ce pas ?
Le ton est léger, mais pas railleur. Une simple tentative de détourner l’attention. Il recule d’un pas, tente de faire bonne figure, mais son regard est déjà plus sérieux qu’il ne voudrait le laisser paraître. Parce que ce n’est pas qu’une formalité, au fond. Parce que cette histoire de crampes commence à l’agacer autant qu’à l’inquiéter. Et parce qu’une partie de lui, tout au fond, a déjà compris que ça ne va pas s’arrêter là.